Le Sang de Sigmar est un prélude à la campagne "la Fin des Temps". Le vampire Mannfred von Carstein déclare l'autonomie de la Sylvanie avec fracas. Le Grand Théogoniste Volkmar lance une croisade dans ces terres maudites pour en chasser les vampires. Le pdf complet, c'est par ici. Notons que cet ouvrage fait une petite allusion à la Tempête du Chaos
(l'incursion avortée d'Archaon jusqu'à Middenheim en 2521-2522) dans la
description du chef des Flagellants "Les âmes en lambeaux". "Gerhardt le Ver de Terre était à l’origine un des acolytes de Volkmar lors de la guerre contre Archaon dans le grand nord."
(p.18 du pdf ci-dessus ou p. 22 de l'ouvrage original). Volkmar est en
effet particulièrement "actif" dans cette guerre : il meurt (!) en
luttant contre Archaon dans le Nord avant d'être ressuscité par le
prince-démon Be’lakor. Il est libéré après la bataille de Middenheim et
reprend sa place de Grand Théogoniste occupée pendant son absence
par Johann Esmer. On peut penser que cette expérience l'a sensiblement traumatisé et que l'Empereur n'est pas mécontent de voir son Grand Théogoniste s'en aller chasser le vampire en Sylvanie. Cela expliquerait aussi la modestie numérique de sa croisade (alors que tout l'Empire est sur le pied de guerre). Comment Karl Franz aurait-il pu imaginer l'ampleur véritable du projet de Mannfred von Carstein et ses conséquences à court terme (ressusciter Nagash) ? |
ÉTUDE DU VALLON TÉNÉBREUX Par Alberich von Korden. Destinée à son éminence le grand théogoniste Volkmar et à lui seul.L’Échine Brisée : Les pics de l’Échine Brisée ne sont que des collines comparés aux montagnes du Bord du Monde, mais ils n’en forment pas moins une barrière contre le mal. Sans eux, les vents éthériques qui soufflent en Sylvanie pousseraient les armées des morts plus loin au Stirland, dans le Moot, voire au-delà du Bief de l’Aver. En l’occurrence, les vents venimeux sont contenus dans l’arrière pays, et maints puissants morts-vivants avec eux. Le Bois de la Famine [connu pour la bataille de Hel Fen]: Le bois de la Famine est le plus honni de toutes les forêts de Sylvanie. Même mes hommes les plus endurcis refusent d’y entrer. Des chasseurs de prime téméraires et des mercenaires ignares s’y rendent chaque année pour fouiller les ruines en quête de malepierre et d’autres trésors. Jusqu’ici, un seul d’entre eux en est revenu. Sa compagnie se perdit dans les bois et les soudards durent manger la chair de leurs compères pour subsister. Les rescapés succombèrent à l’appel des goules qui hantent la forêt. J’éprouve un dégoût particulier pour le cannibalisme et ne suis pas pressé de devenir ce que je chasse, ni de voir quiconque s’infliger un tel destin. Je recommande donc d’éviter le bois de la Famine à tout prix. Hellsein: Froides et graisseuses, les eaux du lac Hellsein sont aussi noires que le cœur d’un gibier de potence. La fourche formée par le fleuve Stir offre une voie directe vers la berge nord du lac Hellsein, et donc vers l’entrée du vallon Ténébreux lui-même, sans avoir à risquer une bataille ouverte avec les morts-vivants. En outre, le fleuve est sans conteste la route la plus rapide pour rallier Altdorf au vallon. Les eaux du lac sont empoisonnées, mieux vaut donc éviter tout contact avec elles. Parmi les ossements disséminés sur ses rives, on peut voir les restes de terreurs tentaculaires et les carcasses de cétacés à bec que je ne saurais décrire précisément. La Lande Lugubre : C’est dans les marécages puants de la Lande Lugubre que Konrad la Sanguinaire livra son dernier combat et trouva la mort véritable. Il affronta les armées des hommes et des nains à la tête de vastes légions de squelettes prélevés dans les anciens tertres et cairns qui encombraient le marais. La justice l’emporta : la bête fut abattue et mise au bûcher. Aujourd’hui encore, la tourbe de ce domaine est toujours truffée d’os. L’homme avisé fait un détour par l’ouest, par Ulfheim. Les Chutes du Désespoir : Si vous remontez les cours d’eau qui alimentent le lac Hellsein jusqu’à leur source, vous trouverez les chutes du Désespoir. En ce lieu, c’est comme si la terre elle-même était meurtrie car ce n’est pas de l’eau qui tombe en cascades, mais du sang souillé. Il y a quelques semaines, la brume qui monte du bas des chutes infecta l’esprit de Jensen, mon porte-bannière. Il sombra dans une rage meurtrière avant de retrouver ses esprits pour constater le carnage qu’il avait causé. J’ai dû l’exécuter sur-le-champ. Ulfheim : Bien que ses habitants soient des païens verruqueux et ses aubergistes de fieffés imbéciles, Ulfheim est un îlot de sécurité dans une mer de danger. Sa palissade fut érigée pour repousser les tribus bestiales de la Grande forêt, mais elle fonctionne aussi bien contre les morts-vivants. Une poignée de pfennigs et un discours bien senti vous ouvriront bien des portes. Fort Oberstyre: Les voyageurs empruntant la route de l’ouest devraient connaître l’histoire du fort Oberstyre. Mis à sac par Konrad et ses chevaliers vampires, le fort fut rebâti et occupé par celui qui avait triomphé de la bête, le comte Helmar du Stirland. Cette garnison périt à son tour par la magie de Mannfred. Par pure cruauté, von Carstein invoqua les esprits des victimes de Konrad pour les envoyer contre leurs remplaçants. La Tour Konigstein: Baptisée en l’honneur d’un roi des temps anciens, la tour Konigstein s’est effondrée sous le poids des ans et il n’en reste plus que quelques ruines. Je suis convaincu que c’est là que s’est établi Ghorst le nécromancien, fantoche de Mannfred. Prêtez-moi un canon pour aller frapper à sa porte et j’en apporterai la preuve incontestable. Les châteaux Sternieste et Drakenhof: Votre éminence aura noté que j’attire davantage son attention vers Château Sternieste que vers Drakenhof. Je crois non seulement que von Carstein est toujours actif en Sylvanie, mais aussi qu’il est l’instigateur de cette malédiction. Le simple fait que des agents encapuchonnés et des carrosses ornementés convergent vers Sternieste devrait suffire à éveiller les soupçons, mais j’ai moi-même aperçu un seigneur très pâle sur ses remparts. Avec votre appui, messire, le vampire brûlera avant la fin de l’année. |
Ayant
reçu la bénédiction de l’empereur, Volkmar ne perdit pas de temps pour
rassembler une escorte de guerriers à la volonté de fer. Seuls les plus
fervents avaient suffisamment de tripes pour faire face aux horreurs de
Sylvanie et leur survivre. [...] En effet, si l’empereur lui-même se
rendait en Sylvanie à la tête d’une grande armée, les maîtres putatifs
de la province y verraient un signal trop évident, qui inciterait
certainement Mannfred von Carstein à se cacher davantage au lieu de
l’attirer à découvert, car le scélérat était aussi réputé pour sa ruse
que pour sa malveillance. Par ailleurs, et même si la caste des
officiers impériaux ne l’admettrait jamais, seule une petite force
pouvait être détachée des casernes d’Altdorf.
[...]
Depuis
le retour des survivants de la croisade, la bataille des Tertres est
commémorée comme une glorieuse victoire. En réalité, ce fut une
bataille désespérée où des centaines d’hommes périrent dans la boue ou
transpercés par des lames rouillées.
Les croisés savaient qu’ils
tenaient là l’ultime chance d’éviter que la Sylvanie soit
définitivement engloutie par les ténèbres. Ils chargèrent les rangs des
morts-vivants avec l’énergie du désespoir, brisant les cages
thoraciques et les crânes dans une frénésie de violence. Mannfred avait
prévu une telle obstination de la part des impériaux, et échafaudé son
plan en conséquence. En disposant des rangs innombrables de cadavres
frais devant sa ligne de bataille, il laissa les humains s’épuiser
contre ses poupées de chair, tout en ressuscitant promptement les
morts-vivants qui tombaient sous leurs coups. Certes, les harangues de
Volkmar galvanisaient ses troupes, mais même le grand théogoniste
sentait la fatigue s’emparer de ses membres.
Ce n’est que lorsque
les coups des croisés commencèrent à faiblir que Mannfred engagea ses
réserves. Des revenants et leurs rois lourdement équipés surfirent des
tertres de part et d’autre de la ligne de bataille impériale, et se
mirent à faucher les rangs humains avec une facilité déconcertante.
Pire encore, les croisés morts se relevèrent pour attaquer leurs
anciens camarades. Les visages des macchabées étaient tordus dans un
rictus macabre tandis qu’ils se jetaient férocement sur les vivants. La
ligne de bataille de l’Empire faiblit, au point qu’elle se retrouva à
deux doigts de la déroute.
C’est alors qu’une lumière dorée
recouvrit le champ de bataille et que le sol s’ouvrit en de multiples
endroits. Cette fois, ce ne furent pas les morts qui émergèrent de
leurs tombeaux, mais les symboles sacrés que les agents de Mannfred
avaient enterrés des mois auparavant dans cette terre maudite. Des
marteaux de Sigmar dorés, des totems d’Ulric en argent et même des
symboles solaires en bronze de Myrmidia se retrouvèrent suspendus par
des fils invisibles au-dessus du champ de bataille. Le message codé
envoyé par l’héliobolis avait atteint le patriarche Balthasar Gelt en
personne : celui-ci avait célébré un rituel pour aider ses alliés.
Ses
effets se faisaient sentir à un moment critique et furent
spectaculaires. La lumière des symboles sacrés flétrissait les corps
des morts-vivants ; ceux-ci s’écroulaient dans la boue comme des
sacs de vieux os. Les croisés poussèrent des cris de joie, tombèrent
sur leurs ultimes adversaires et les taillèrent en pièces. En quelques
minutes, la bataille avait définitivement basculé en faveur de
l’Empire. Cependant, lorsque les brumes des combats se furent
dissipées, il n’y avait aucun signe du grand théogoniste Volkmar….
Volkmar
avait l’impression que sa tête allait exploser. Il sentait le contact
de la pierre froide contre sa joue. Le tumulte de la bataille était
étouffé par des murs épais : il se trouvait dans une pièce
circulaire éclairée par des chandelles. L’odeur du sang était tenace.
Des
cierges énormes formaient un cercle de lumière. Leur suif rosâtre
dégoulinait au sol comme des larmes ignobles. Volkmar tressaillit
lorsqu’un gros pied griffu apparut dans son champ de vision. Deux
vargheists lui tournaient autour ; ils semblaient prendre soin
d’éviter quelque chose gravé sur le sol. Une de ces bêtes était celle
qui avait porté le coup l’ayant fait sombrer dans l’inconscience.
Volkmar chercha instinctivement son marteau de guerre, sans le trouver,
bien évidemment. Patience… se dit-il. Attend le bon moment pour agir…
Il
s’aperçut que des sillons dorés creusés dans le sol décrivaient peu ou
prou les contours de la Sylvanie. Ils brillaient d’une lueur
surnaturelle qui lui fit mal aux yeux. Il parvint à se mettre à genoux
malgré sa vision brouillée. Du sang s’écoulait le long des lobes de ses
oreilles sur les épaules. Il n’osa pas porter la main à son crâne pour
évaluer la gravité de sa blessure, de peur de tâter quelque chose de
mou et spongieux.
Des silhouettes étaient enchaînées aux murs tout
autour de lui. Certaines avaient le regard vitreux, d’autres
paraissaient à peine conscientes. Il reconnut les robes blanches d’un
guérisseur de Shallya, un butor barbu portant la marque d’Ulric tatoué
sur le front, et un dévot de Morr qui avait été fouetté si durement
qu’il était à genoux dans une mare de son propre sang. Des prêtres…
pensa Volkmar. Le chevalier de Myrmidia Lupio Blas, que Volkmar avait
cru tué durant la bataille, était enchaîné en face d’une damoiselle
elfe au port si altier que même le sang et la crasse ne parvenait pas à
le dissimuler. Une tiare brisée arborant un phénix était encore
accrochée à ses tresses défaites. Entre chacun des huit captifs se
trouvait un pupitre ayant la forme d’une griffe démoniaque, et sur
lequel était posé un épais grimoire fermé par de lourdes chaînes
dorées. A quelques pas de Volkmar, le Couronne de Sorcellerie reposait
sur un coussin en peau humaine. Les joyaux qui la sertissaient
brillaient à la lueur des cierges. Le grand théogoniste essayait de
prendre conscience de cet environnement malgré son mal de crâne, et ce
qu’il découvrait ne le rassurait pas. Parvenir à capturer autant de
dignitaires et d’artefacts était le labeur de plusieurs mois, voire de
plusieurs années, mais dans quel but cette œuvre avait-elle été
accomplie ?
L’ombre d’une seconde, les flammes des cierges
vacillèrent, puis Volkmar sentit une botte ferrée appuyer sur sa nuque
pour le plaquer au sol.
« Voyez-vous cela ! »
s’exclama une voix cultivée à l’accent sylvanien. « Le grand
Volkmar, haut prêtre de Heldenhammer, se tortillant par terre comme un
ver ! On dit que le sang de Sigmar coule dans tes veines, mon ami.
Peut-être est-ce la vérité, qui sait ? »
Mannfred von
Carstein… pensa Volkmar. Sa joue se pressait contre le sol dallé. Il
vit un des vargheists aller d’un captif à l’autre pour leur ouvrir le
poignet avec ses dents effilées. Le sang se mit à s’écouler sur les
dalles vers les sillons creusés au milieu de la pièce.
Volkmar
chassa la douleur de son esprit et pensa à Sigmar, son dieu-guerrier,
celui qui avait banni le père des vampires alors que l’Empire était
encore jeune. Il sentit une vague d’énergie nouvelle envahir ses
membres engourdis et tenta de se relever en se débarrassant du pied qui
pesait entre ses omoplates. Une souffrance atroce s’ensuivit lorsqu’une
main griffue le saisit par le crâne et le souleva. La douleur
brouillait encore sa vision tandis qu’un visage pâle tordu par un
rictus haineux s’approchait du sien. Il serra le poing et frappa
Mannfred si fort à la mâchoire qu’il lui déchaussa une dent.
« Malheureusement... »
dit nonchalamment le vampire en crachant une canine avant d’afficher un
sourire ensanglanté, « … je crains qu’il soit trop tard pour
ce genre de ruade primitive. Non seulement pour toi, mais aussi pour
l’Empire tout entier. »
Un vent glacial traversa les
meurtrières de la salle et souffla les cierges. Volkmar sentit
immédiatement ses muscles et son esprit s’engourdir. Alors que les
éléments se déchaînaient, la nuit au-dessus de la salle à ciel ouvert
fut voilée par une nuée de fantômes transportant une cage de fer noir
aux formes sinistres. Les vargheists se mirent à hurler de joie et à
lever les bras, comme perdus dans une supplication sauvage.
« Le
sang de Sigmar ! » s’exclama von Carstein en levant un regard
maléfique vers le ciel. « L’ultime ingrédient afin de récupérer le
royaume qui me revient de droit. » Le vampire sourit en se
tournant vers ses prisonniers ; Volkmar suivit son regard.
« De grandes choses peuvent être accomplies grâce au sang des
vrais croyants, » poursuivit Mannfred. « La Sylvanie va
devenir une terre où la foi n’aura plus prise, et où tous vos symboles
sacrés ne seront plus que des breloques sans pouvoir. Tout cela parce
que votre propre sang se sera retourné contre vous. »
Volkmar
sentit qu’on le ceinturait, et éprouva une vive douleur au poignet
lorsque Mannfred le taillada avec ses griffes. Le vampire ouvrit les
lèvres de la plaie pour forcer le sang à s’écouler. Le liquide camin
dégoulina le long des doigts gourds de Volkmar. Le grand théogoniste
observa avec horreur son essence vitale se mêler à celle des autres
jusqu’à ce que les sillons dorés s’empourprent totalement.
Volkmar
tentait de rester conscient alors qu’on le soulevait. Il sentit qu’on
le portait jusqu’à une des rares fenêtres de la tour, afin qu’il
regarde les montagnes qui ceinturaient la vallée. Il aperçut une
lumière rouge qui faisait écho aux contours que les sillons dessinaient
sur le sol de la pièce, et dans cette lumière rouge, il distingua des
amoncellements d’ossements qui s’élevaient progressivement du sol,
jusqu’à former un rempart au niveau des frontières de la Sylvanie.
« Non ! »
hurla Volkmar tandis qu’il réalisait enfin de quelle façon le vampire
comptait transformer la province en une forteresse de la non-vie.
« Soit maudit ! Je ne vais pas te laisser faire ! »
La
vigueur surnaturelle de son dieu l’envahit de nouveau et il repoussa
von Carstein avant de tenter de canaliser son pouvoir en une décharge
d’énergie.
En vain.
« Je te l’ai déjà dit, c’est trop
tard... » le nargua Mannfred d’une voix glaciale. « Aucun
mortel ne peut plus me défier. »
La dernière chose que vit
Volkmar avant de sombrer dans les ténèbres fut les canines du vampire
qui se rapprochaient de sa gorge.