LES MALFAISANCES DE MORGHUR
LA HB V7 p.57 ; LA ES V8 p. 19 et  suivantes
Date CIEvènements
-1095Première apparition de Morghur, nommé Cyanathair par les elfes. [LA ES V6 p. 16]
-815Cyanathair lance un grand assaut contre Athel Loren, déchenchant ainsi la longue guerre secrète opposant les elfes sylvains aux hommes-bêtes.  [LA ES V6 p.16]
-813Bataille de l'Angoisse. Morghur le Corrupteur est tué à l'issue d'une grande bataille dans ce qui sera connu à jamais sous le nom de Clairière du Malheur.
-700Cyanathair ressucite dans la Drakwald et commence à la corrompre, en faisant un lieu d'épouvante. [LA ES V6 p.16]
487Bataille de Cime d’Argent [Silverspire] : Morghur revient. Orion le défait à la tête d'un grand ost, et rencontre l'esprit de la Cime d'Argent [la Dame du Lac].
970Retour à la Cime d'Argent : Morghur attaque de nouveau la Cime d'Argent. Face à lui, les elfes s'allient à Gilles le Breton.
1137Morghur réapparait dans la Forêt des Ombres dans l'Empire. Il est capturé par Ariel puis finalement tué par Durthu.
2007La harde de Morghur est dans la Forêt d’Arden en Bretonnie. Il détruit une armée de chevaliers venus de Gisoreux avant que les elfes sylvains ne le détruisent à nouveau (il est tué par Scarloc et ses éclaireurs).
2231Morghur revint dans la Forêt d'Arden. Il inflige aux elfes sylvains une défaite avant de disparaitre.
2246Bataille d’Arden. Les elfes sylvains prennent leur revanche et Morghur est tué.
2518 (~)Morghur est de retour dans la Grande Forêt (dans l'Empire) pour la campagne de la Couronne du Destin. Il bat l'armée du Middenland à la Bataille du Bouclier Fendu et l'Est de la Drakwald est abandonné aux Hommes-bêtes.


MORGHUR
Trouvé-dans-les-Ombres, le Maître des Crânes
L’horrible créature connue sous le nom de Morghur est l’essence même de la mutation, la corruption incarnée. Sa fourrure rêche est décorée de crânes grimaçants et balbutiants, et c'est tout son corps qui se dissout et se remodèle à chaque instant. Son antre se trouve au plus profond d'une caverne, près de la forêt d'Arden. En sa présence, ses parois palpitent sans cesse et représentent les sombres visions qui l'accablent. L'esprit de Morghur est en effet entièrement accaparé par des images de destruction. La haine ronge son coeur, et il est consumé par le désir de faire de ses visions une réalité : abattre la civilisation sous toutes ses formes, briser l'ordre établi et plonger le monde dans un état de changement perpétuel et imprévisible. Alors qu’il parcourt les terres, tout ce qu’il croise est irrémédiablement altéré ; l’herbe pousse en adoptant des formes uniques sous ses sabots, les rivières remontent leur cours et les animaux souffrent de mutations incontrôlables.
Les hommes-bêtes vénèrent Morghur et croient que son esprit arpentait le monde avant même la naissance de leur race, car il est l'incarnation du désordre et du Chaos. Ils peuvent parcourir des milliers de lieues pour le rencontrer, poussés par un instinct qu'ils ne sauraient s’expliquer, même si ce pèlerinage païen signe souvent leur perte. Seuls ceux dont la volonté est forte survivent à l’expérience, même si leur santé mentale n’en ressort pas indemne et que des cauchemars terrifiants les accablent pour le restant de leurs jours. Le corps de la plupart des autres est ravagé par des mutations fatales. Les rares qui reviennent à leur harde en ayant conservé leur esprit intact sont dès lors considérés avec respect, et finissent toujours par devenir de puissants chefs.
Les chamans prétendent que si le corps physique de Morghur venait à être détruit, son esprit ressusciterait ailleurs. D’ailleurs, des histoires courent sur des créatures correspondant à sa description dans tout le Vieux Monde, et les ténèbres marchent toujours dans leur sillage. Les elfes appellent cet être Cyanathair, le Corrupteur, et les nains le connaissent sous le nom de Gor-Dum. Les légendes de l'Empire affirment que sa présence qui fit de la Drakwald le lieu maudit qu'est aujourd’hui. Mais il n’est qu’un seul être capable comprendre la véritable horreur qu'est Morghur, et c’est la Reine Ariel des elfes sylvains. Elle seule perçoit pleinement l'essence noire de cette bête et la façon dont elle ne peut être contenue par son enveloppe charnelle. La guerre fait rage entre les deux peuples : Ariel cherche à détruire ce monstre une fois pour toutes, mais chaque année, de plus en plus d'hommes-bêtes le rejoignent.

LA SAISON DU FLÉTRISSEMENT

Pour les elfes sylvains d'Athel Loren, l'apparition de Morghur marque le début de la Saison du Flétrissement en -1094 CI.

[...] Une nuit de mauvais augure, les Esprits de la Forêt crièrent de souffrance, et Ariel versa une larme unique et parfaite quand elle ressentit une violente disruption dans la Trame. Une chose terrible venait de voir le jour en ce monde…
Au début, Ariel ne comprenait pas la nature du fléau qui se manifestait, hormis la menace qu’il représentait pour Athel Loren. Résolue à découvrir la vérité, la Reine Magicienne tint conseil avec les Aïeux de la forêt, et envoya ses éclaireurs les plus capables. Petit à petit, Ariel put se faire une idée de la créature qui se trouvait derrière le phénomène. À ce jour, aucun Elfe Sylvain n’était revenu pour témoigner de ce qu’il avait vu, mais l’être en question laissait derrière lui des traces explicites de son passage. Partout où il se rendait, le tissu de la réalité se retrouvait hideusement altéré : les arbres étaient tordus en des formes horribles, les cultures noircies saignaient sous la faux, et la chair se remodelait comme la glaise entre les mains d’un sculpteur dément. Dans son sillage, le bon sens faisait place à la démence, et le noble sens du devoir devenait la débauche la plus éperdue. C’est d’après ces méfaits qu’Ariel finit par baptiser l’ennemi : Cyanathair, le Corrupteur, incarnation du désordre et du chaos. Parmi son propre peuple, il portait le nom de Morghur, Maître des Crânes.
La simple existence de cet être était une offense pour Ariel, car la dégradation de la Trame symbolisait tout ce à quoi elle s’opposait. Souhaitant désespérément apprendre comment lutter contre ce nouvel ennemi, Ariel prit un grand risque. Revêtant une forme spirituelle, elle se rendit là où Morghur avait sévi sans entrave. Après des mois de recherche en des lieux où nul elfe vivant n’aurait pu se rendre sans péril, elle découvrit la bête qui gambadait follement en compagnie d’autres abominations. Cette créature était si difforme et grotesque qu’Ariel en rit presque. Elle s’était attendu à quelque mage avide de pouvoir, ou à un sorcier rancunier surgit du passé : à la place, elle ne voyait qu’une bête ignare trop stupide pour comprendre sa propre nature. Sans hésitation, Ariel invoqua une flamme purificatrice sur le Corrupteur et sa harde bêlante. Sa tâche accomplie, la Reine Magicienne repartit, croyant dans son arrogance que Morghur ne représentait plus une menace. Elle était certaine que le monde et la Trame finiraient par se remettre du toucher du Corrupteur.
Or, Ariel ignorait que Morghur n’était pas si facile à détruire. Les blessures de la bête commencèrent à guérir dès que la Reine Magicienne tourna les talons. Plus grave encore, Morghur l’avait lui aussi observée. Il n’avait pas compris tout ce qu’il avait vu, car son esprit tordu n’était qu’une spirale de démence, étrangère au concept de pensée articulée, mais Morghur avait su reconnaître ce qu’était Ariel en goûtant une fraction de sa puissance, et il en voulait davantage. Lentement mais sûrement, le parcours sinueux de Morghur finit par l’emmener vers le sud, vers Athel Loren.

-813 CI - La Bataille de l’Angoisse

[...] De mémoire d’elfe, il y avait toujours eu des Hommes-Bêtes dans la forêt, de grandes hardes guerrières rôdant sous les frondaisons, tuant et pillant sur leur chemin. Chaque année, les Asrai traquaient ces intrus sans pitié, mais il en revenait davantage tous les ans. Certaines dames et seigneurs des bois pensaient que ces bêtes jouissaient de quelque compréhension instinctive des sentiers d’Athel Loren, ce qui leur permettait d’échapper aux campagnes d’extermination. Ils suggéraient même qu’à cause de l’étrange écoulement du temps dans les bois, il était possible qu’ils aient toujours affronté la même harde, piégée dans un cycle de défaite éternelle. Ce genre de théorie flattait l’arrogance des elfes, et ils furent rares à remarquer que les Hommes-Bêtes se faisaient plus nombreux. Cette croissance se fit d’abord si lentement que personne n’y prit garde, de sorte que les Elfes Sylvains ne prirent conscience du danger que trop tard, quand Morghur était sur eux.
Cela faisait plus de deux siècles que Morghur avait appris l’existence d’Ariel, et il avait consacré ce temps à réunir une harde de proportions incroyables. Des milliers d’Hommes-Bêtes et d’autres mutants ignobles avaient répondu à son appel muet, et à présent ils se ruaient à l’assaut d’Athel Loren. Pendant plusieurs saisons, la forêt fut déchirée par un conflit extrêmement dur. La guerre aurait été très cruelle même si les Elfes et les esprits sylvestres avaient fait front commun, mais la nature primitive de Morghur trouvait un écho au cœur de la forêt, et Athel Loren se rebella en plusieurs endroits.
Ce fut une année longue et terrible. L’ordre naturel d’Athel Loren était perturbé, et il semblait que Morghur ne pouvait mourir sous les coups des Elfes, car il se remettait des pires blessures. Le pire de tout était que les arbres et les esprits d’Athel Loren ne succombaient pas tous immédiatement à la corruption de Morghur. Les Elfes connurent d’innombrables revers, quand la victoire leur fut arrachée par la démence qui frappa à l’improviste les esprits alliés. Cette folie n’était pas toujours permanente, mais elle semblait particulièrement affecter les Dryades, qui avaient toujours été les plus versatiles et les plus malveillants de tous les esprits sylvestres.
Ce terrible conflit ne prit fin que lorsque Morghur fut tué à la Bataille de l’Angoisse. Cœddil, l’un des Aïeux les plus vénérables, dispersa les forces du Corrupteur et se saisit lui-même de la bête. Alors que Morghur tentait de se libérer, Ariel l’abattit sans coup férir. Cette fois, la Reine Magicienne était on ne peut plus résolue à détruire le monstre, aussi puisa-t-elle dans le pouvoir de la forêt en plus du sien. Morghur lui-même ne put endurer un tel déferlement de puissance : Ariel mit à bas ses défenses et anéantit son corps difforme. Malgré cette victoire, la forêt resterait à jamais souillée par Morghur. Aucun être vivant touché par le sang du Corrupteur ne s’en remettrait tout à fait. Un chêne noueux, aux branches courbées comme des serres, marque l’endroit où Morghur périt. Le site environnant fut par la suite baptisé Clairière du Malheur, car on n’y trouve plus qu’une flore rabougrie et malformée.
Malheureusement, Ariel dut bientôt se rendre à l’évidence : Morghur était immortel tout comme elle. Chaque fois que la bête était tuée, elle renaissait ailleurs. La Bataille de l’Angoisse marqua donc le début d’une guerre secrète entre les Elfes Sylvains et les Hommes-Bêtes, une guerre qui n’en fait pas moins rage depuis cette époque reculée.

487 et 970 CI - LES BATAILLES DE LA CIME D'ARGENT
[Vers 480 CI, ] Morghur s’était une fois de plus relevé, attirant à lui une nouvelle harde de nombreux Hommes-Bêtes. Cette fois, la horde sauvage ne se dirigea pas vers Athel Loren, mais se répandit à travers les territoires des tribus humaines à l’ouest de la forêt. Selon les éclaireurs qui suivaient la piste de Morghur, sa destination ne faisait aucun doute. Si le sillage de destruction maintenait son cap, la harde atteindrait la montagne que les elfes appelaient "Cime d’Argent", un pic scintillant qui irriguait les terres occidentales. Ariel savait qu’il était hors de question de laisser Morghur souiller les eaux de ce site ancestral. Bien qu’elles eussent perdu de leur ampleur, les racines d’Athel Loren étaient profondes, et puisaient dans de nombreuses terres dépendant des eaux de la Cime d’Argent, Ariel n’osait pas faire face elle-même à Morghur, car le toucher de la bête l’avait terriblement affaiblie lors de leur précédente confrontation. Orion n’avait pas ce genre d’inquiétude. En fait, il était impatient de saisir l’occasion de tuer la bête qui avait osé nuire à sa Reine bien-aimée.

La chasse est donnée
Les Asrai qui voyageaient au côté d’Orion furent entraînés dans sa fureur, et causèrent de grands torts aux territoires humains qu’ils traversèrent. Les elfes n’en avaient cure, car les vies humaines n’avaient guère d’importance. La Chasse Sauvage trouva de quoi étancher sa soif de sang sur les pentes de la Cime d’Argent. À grand renfort de lances et de flèches, les Elfes Sylvains rabattirent les Hommes-Bêtes hors du confluent sacré et jusque dans les serres des Dryades. Orion démembra personnellement Morghur, et jeta les restes corrompus sur un bûcher de bois stellaire purificateur. Les Elfes ne rencontrèrent aucune autre créature sur la Cime d’Argent, mais Orion percevait une autre présence, qui n’était pas sans évoquer sa Reine, et dont les murmures inaudibles résonnaient dans son esprit.
Quand Orion rapporta cela en Athel Loren, nul ne fut plus intrigué qu’Ariel. La Reine Magicienne pensait que Morghur avait à peine conscience de ses actions, et qu’il était dirigé par les dieux du Chaos. C’étaient eux qui avaient envoyé le Corrupteur pour qu’il la dévore ainsi qu’Orion, afin de consommer l’essence divine d’Isha et de Kurnous tout comme ses sombres maîtres avaient pratiquement dévoré les dieux elfiques, sorte de reflet terrestre des guerres célestes. Ariel n’avait que rarement envisagé qu’il puisse exister des homologues d’Orion et d’elle-même, et en tout cas elle n’en avait jamais rencontré, mais s’ils existaient, on pouvait supposer que Morghur serait poussé à les dévorer eux aussi.
De nombreuses lunes plus tard, cette théorie fut accréditée. Morghur réapparut à l’ouest d’Athel Loren, et fut de nouveau attiré par la Cime d’Argent. Et une fois de plus, les Elfes Sylvains se mirent en route pour entraver la progression de Morghur, mais cette fois, ils avaient des alliés pour faire face au Corrupteur. Depuis le dernier affrontement entre les Elfes et Morghur, les rudes humains des terres occidentales s’étaient unis sous l’étendard d’un puissant champion [nommé Gilles le Breton]. Ces primitifs se dirigeaient eux aussi vers la Cime d’Argent, et ils se mobilisèrent pour la défendre. Ces humains auraient connu un sort funeste si le second ost d’Elfes Sylvains avait été dirigé par Orion, car le Roi des Forêts n’avait guère d’affection pour eux, mais en l’occurrence, les neiges hivernales recouvraient Athel Loren : Orion n’était qu’un souvenir et un espoir, et c’est pourquoi la raison prévalut. Une alliance fut conclue entre les hommes et les Elfes, qui purgèrent ensemble la corruption de Morghur.

Un bouclier est forgé
Une fois les Hommes-Bêtes vaincus, les Elfes Sylvains se nimbèrent de brume et s’éclipsèrent, en dépit des tentatives des humains de traiter avec eux. Les Elfes ne s’appesantirent pas sur leur brève alliance, car de telles choses étaient déjà arrivées et arriveraient sans doute encore à l’avenir, mais les humains n’étaient pas si prompts à oublier, et ils commencèrent à narrer des contes sur les "Fées" qui vinrent en aide à son champion. [...]


1137 CI - DANS L'EMPIRE [LA ES V6 p.17, LA ES V8 p.25]
Morghur ne tarda pas à réapparaître, cette fois dans la Forêt des Ombres [dans l'Empire]. Pour l’occasion, Ariel décida que la corruption de cet être prendrait fin une bonne fois pour toutes : elle allait consommer son pouvoir comme lui-même voulait le faire avec elle. La Reine Magicienne envoya un ost au nord via les racines du monde, et il affronta sans délai la harde de Morghur. Comme précédemment, les Elfes Sylvains constatèrent que leurs armes étaient impuissantes contre le Corrupteur, mais Ariel l’avait prévu. Pour tout dire, elle y comptait bien. Au plus fort de la bataille, Ariel et tout un aréopage de Tisseur de Charmes conjuguèrent leurs efforts pour piéger Morghur et le transporter jusqu’au Chêne des Âges. Elle entrava l’ignoble créature avec toute la magie impie dont elle disposait, puis elle entama le rituel pour s’approprier son pouvoir.
Elle aurait mené à bien ce plan désastreux, sans l’intervention de Durthu. L’Aïeul avait ressenti la perturbation entraînée par le passage du Corrupteur dans les racines du monde, et fut outré qu’on puisse les profaner de la sorte. Il se hâta vers le Chêne des Âges, et tua Morghur avant le terme du rituel. Ariel hurla et vitupéra, mais n’osa rien tenter contre Durthu. Même au plus fort de ses illusions, la Reine Magicienne savait qu’il valait mieux ne pas nuire à un des Aïeux, aussi le laissa-t-elle partir, et prétendit depuis lors qu’elle l’avait fait par pitié et non par faiblesse.

2007 CI - DANS LA FORÊT D'ARDEN [LA ES V6 p.17, LA ES V8 p.27]
Ariel se cacha plus de trois siècles aux yeux du monde. Elle le serait probablement restée plus longtemps, si elle n’avait pas décelé la réapparition de Morghur. Ariel perçut que cette incarnation était la plus puissante de toutes, et que la totalité d’Athel Loren devrait s’unir pour le vaincre. En vérité, l’âme de la Reine Magicienne n’était pas entièrement purgée, et elle répugnait à l’idée de sortir sans être pleinement guérie, mais elle savait aussi que les circonstances exigeaient des sacrifices, et elle émergea enfin du Chêne des Âges.
Les réjouissances furent grandioses ce jour-la. Les Elfes Sylvains avaient fini par considérer leur reine comme perdue, et ils ne dissimulaient pas leur joie de la voir revenir. Même les Esprits de la Forêt, dont les souvenirs remontaient plus loin que ceux des Elfes et qui avaient subi de plein fouet l’aliénation d’Ariel, étaient heureux de son retour, bien que seule une minorité l’ait reconnu. Comme point d’orgue des festivités, il y eut les retrouvailles d’Ariel et d’Orion, qui avaient été séparés des siècles durant, dans la colère et la tristesse. L’ambiance festive ne fut nullement amoindrie par le fait que le retour d’Ariel survenait à la veille d’une grande bataille. Les Asrai disaient que si leur reine était revenue à cause du Corrupteur, alors cette abomination avait au moins accompli quelque chose de bénéfique au cours de son existence pervertie. Personne dans l’assistance ne remarqua l’étincelle maligne qui se tapissait encore en Ariel. Une fois qu’elles ont pris racine, on ne peut jamais extirper complètement les ténèbres, et la Reine Magicienne allait devoir porter ce fardeau à jamais. En pleine nuit, quand tout espoir semblerait perdu, elle entendrait l’appel de sa propre noirceur. Ariel ne saurait plus quelles décisions elle aurait prises par méchanceté et non par raison.
Un mois plus tard, selon la mesure du temps dans le monde extérieur, la harde de Morghur était dans la Forêt d’Arden. Elle avait déjà anéanti une armée de chevaliers venus de Gisoreux, et elle ne doutait pas qu’elle vaincrait sans plus de peine les Elfes qui lui faisaient face à présent. Elle avait tort. Après avoir fait face à la noirceur enfouie dans sa propre âme, Ariel n’avait plus peur de Morghur, et elle avait accompagné son peuple au combat. Elle se contentait certes de laisser le commandement à Orion, et se chargeait de surpasser la sorcellerie des chamans par sa propre magie. Fait plus grave encore pour les Hommes-Bêtes, les Asrai avaient avec eux Næstra et Arahan. On aurait pu s’attendre à ce qu’elles combattent au côté de leur maîtresse, mais elles allaient et venaient librement sur le dos d’un puissant Dragon des Forêts. La pureté de Næstra était insoutenable pour les Hommes-Bêtes, et sa simple présence les brûlait comme une flamme. Pourtant, l’engeance du Chaos ne cherchait pas à la fuir, car Arahan se trouvait inévitablement avec sa sœur. L’essence obscure de la seconde jumelle suscitait le désir des Hommes-Bêtes, et ils la poursuivaient avec un appétit démentiel. Les rares qui parvinrent à l’atteindre furent victimes de ses cruelles lames.
Puis vint le moment ou les Hommes-Bêtes ne purent plus tenir, leurs rangs clairsemés par les flèches, ou broyés par les sabots de la Chasse Sauvage. Comme une seule bête, la harde s’enfuit dans les bois. Seul Morghur resta sur place, caquetant démentiellement à l’intention de ceux qui voulaient lui ôter la vie. Le Corrupteur était criblé de flèches, mais la volonté des dieux sombres le poussait encore à bêler ses défis. Puis on entendit vibrer une dernière corde d’arc, et Morghur tomba raide mort, une flèche noire dépassant de son orbite.
Grandes furent les réjouissances en Athel Loren au retour de l’ost. De nombreux héros se firent un nom ce jour-là. Le plus acclamé de tous était Scarloc, l’archer dont la flèche acheva le Maître des Crânes, mais tous les elfes avaient leur part de cette gloire immense. [...]

2231 CI - LE CORRUPTEUR S'ÉCHAPPE [LA ES V6 p.17, LA ES V8 p.29]
La livre d'armée des hommes-bêtes V6 (p.72) évoque cette renaissance de Morghur et sa réputation en Bretonnie :
Né voila près de trois siècles [vers 2220 CI donc, ça colle - NdS], la créature appelée Morghur aurait dû être un enfant humain ordinaire. Gràce à ses dents et à ses griffes, elle se fraya un chemin sanglant hors du ventre de sa mère, alors que les traits de cette dernière se déformaient à une vitesse prodigieuse. Son mari essaya d’étrangler son abominable rejeton, mais sitôt que ses mains se posèrent sur le dos de la chose, son corps fut à son tour criblé de mutations.
Des jours plus tard, un petit groupe de baladins arriva dans le village à la lisière de la Forêt d’Arden et y découvrit un spectacle abominable. L’ode tragique bretonnienne "Requiem" évoque des hommes rampant dans la boue tels des animaux, leurs mains transformées en sabots et leurs membres difformes et remodelés, tandis que des animaux marchant débout parlaient en une langue inconnue en s’entre-dévorant.
Lors des décennies qui suivirent, une ombre descendit sur la Forêt d’Arden et, au fin fond des bois, les arbres se tordirent et mutèrent. On raconte que leurs cris de douleur peuvent être entendus quand le vent souffle en bourrasques, et que leurs branches squelettiques attaquent quiconque tente de pénétrer dans ces lieux sinistres. Les parents effraient leurs enfants en leur parlant d’une bête démente qui arpente inlassablement les bois, la nuit, transformant de paisibles animaux domestiques en bêtes enragées et torturant les arbres, les obligeant à envahir les domaines des hommes et à arracher les enfants turbulents à leurs lits. Ils sont loin de se douter que c’est là la stricte vérité.

Les pleurs des arbres de la clairière du Malheur sont pour Ariel le signe que Morghur est de nouveau revenu à la vie. Des éclaireurs localisent l’immonde créature dans la forêt d’Arden. Refusant de prendre le risque de laisser d’autres races affronter le Corrupteur, la Reine Magicienne envoie une armée pour le tuer tant qu’il est encore jeune.
C’est ainsi qu’Araloth, sire de Talsyn, et Naieth le Prophétesse, menèrent de nombreuses bandes de guerriers à la chasse. Ils traquèrent Morghur et ses hardes dans la pénombre de la forêt, tuant les hommes-bêtes isolés à coups de flèches et de lance. Finalement, ils mirent en déroute la horde et acculèrent Morghur. Mais au moment où Araloth allait lui porter un coup mortel, l’air s’emplit du son de cors primitifs et des beuglements de bêtes. Les elfes étaient si concentrés sur la traque de Morghur qu’ils n’avaient pas remarqué les éclaireuses Ungors qui les suivaient. Ces derniers avaient rameuté de nombreuses hardes pour secourir Morghur, si bien que les elfes furent forcés de battre en retraite.
Jusqu’à ce moment, les pertes des elfes avaient été légères, car ils avaient choisi avec soin leurs champs de bataille, mais cette fois-là, les hommes-bêtes se vengèrent. Les gardes sylvains tirèrent jusqu’à vidé leurs carquois, mais l’ennemi remplaçait ses pertes sans peine. Le coeur rempli d’amertume et de colère, Araloth abandonna une arrière-garde afin de retenir les gors pendant que le reste de sa force battait en retraite à travers la forêt d’Arden.
Finalement, seuls Araloth, Naieth et une poignée de survivants s’échappèrent, et uniquement parce que Naieth réveilla les arbres, qui formèrent un mur de troncs et de branches pour bloquer les hommes-bêtes. Honteux d’avoir échoué, Araloth revint à la forêt d’Arden à la tête d’une grande armée, toutefois Morghur était parti : la magie primitive des hommes-bêtes l’ayant envoyé ailleurs. Araloth devrait attendre de longues années avant de l’affronter de nouveau.


2246 CI -  LA BATAILLE D'ARDEN [LA ES V8 p. 29]
Morghur apparaît une fois de plus dans la forêt d’Arden. Araloth supplie ses souverains de la laisser mener la chasse. Au départ, Ariel refuse sa requête, car elle sait que la vengeance est souvent destructrice pour celui qui la poursuit. Cependant, Orion soutient Araloth, et parvient à convaincre sa reine de le laisser partir.
Pour ce second affrontement contre Morghur ; Araloth emmène un ost impressionnant. L’armée traverse la Bretonnie en se dissimulant aux yeux des paysans et des chevaliers grâce à des brumes mystiques. Elle arrive à la forêt d’Arden et découvre sa corruption. La puanteur de la magie impie plane dans l’air : l’endroit est bel et bien devenu l’antre du Corrupteur.
Les elfes sylvains avancèrent à travers des clairières d’herbe rouge sang, entourée d’arbres qui pleuraient des larmes de sève noire. Les éclaireurs précédaient et fermaient la marche de l’ost principal, car Araloth n’avait pas oublié les leçons tirées de sa première rencontre. Pendant des jours, il n’y eut aucun signe des hommes-bêtes, cependant les épreuves ne manquèrent pas. Beaucoup de Dryades et de Lémures accompagnaient l’ost d’Araloth, et ils furent enragés par ce qu’ils virent. La forêt était devenue assoiffée de sang, et bien des elfes furent dévorés en tombant dans des fosses hérissées de dents, ou finirent démembrés par des vignes sanguinaires. Ici et là, les elfes découvrirent le squelette d’un chevalier de la quête qui avait fini en compost pour la corruption rampante. Des animaux mutés parcouraient les sous-bois, le regard fou et les crocs dégoulinant de poison.
Finalement, l’ost déboucha dans une clairière dévastée où Morghur et ses hardes s’étaient rassemblés. Un menhir colossal avait été érigé au centre de ce lieu, sur les décombres d’une chapelle du Graal. Le Corrupteur se trouvait sur le sommet aplati de la pierre levée, en pleine incantation. Dès qu’il aperçut sa proie, Araloth lui décocha une flèche. Le trait fit mouche et fit chuter Morghur de la pierre des hardes. Il se releva en beuglant de haine. Le signal du début de la bataille avait été donné : les elfes poussèrent leurs cris de guerre et chargèrent leurs ennemis.
Le combat fut désespéré, car les elfes et les esprits des forêts n’affrontèrent pas seulement les hommes-bêtes, mais aussi les horribles créatures d’Arden qui répondirent à l’appel de Morghur. Malgré tout, les guerriers d’Athel Loren ne faiblirent pas. Ils s’enfoncèrent dans les rangs serrés des monstres.
Des Dryades formaient l’avant-garde de l’attaque, car elles étaient rendues folles de colère par la douleur de la forêt. Dans un rugissement, un colossal Ghorgon se jeta dans la mêlée et éparpilla les Dryades, mais fut ensuite mis en pièce par les Lémures qui suivaient les filles de la forêt. Les éclaireurs restaient en retrait à l’abri des arbres, et visaient avec leurs arcs les hommes-bêtes dominants qui menaient les hardes. Les chefs minotaures et les seigneurs des bêtes tombiaent raides morts, le corps bardé de flèches.
Au centre de la clairière, des bestigors affrontaient la Garde éternelle d’Araloth, mais ils n’étaient pas de taille. Les lances scintillaient au soleil, et abattirent de nombreuses créatures avant même qu’elles ne puissent lever leurs haches. Les bestigors combattirent pourtant jusqu’au dernier, si bien que plus d’un elfe périt sous les coups de leurs armes brutales. Araloth n’en avait cure : il ne se souciait que de Morghur. Les bestigors devaient être exterminés afin que le sire de Talsyn puisse s’attaquer à son ennemi juré.
Avant qu’Araloth quitte Athel Loren, Ariel lui avait donné une fiole remplie avec la sève du Chêne des Ages. Il l’ouvrit et en jeta le contenu au visage de Morghur. C’est le liquide le plus pur du monde, et il s’enflamma au contact de la peau de Morghur. Le Corrupteur fut transformé en torche vivante, ses bêlements étranges provoquant à la fois la pitié et l’euphorie. Le monstre ne fut bientôt plus qu’un tas de cendres. Les forêts ne subiraient plus sa corruption, du moins jusqu’à sa prochaine résurrection.
Suite à la mort de Morghur, les hommes-bêtes paniquèrent et furent chassés. Araloth ordonna qu’on abatte la pierre des hardes et qu’on allume un bucher au centre de la clairière afin de brûler les cadavres des bêtes. Les elfes quittèrent ensuite la forêt. Au cours du retour, Araloth utilisa la sève restante du Chêne des Ages. Il en déposa une goutte au pied de chaque arbre corrompu. À chaque fois, le liquide enchanté agit et des flammes purificatrices s’élevèrent. Cependant, elles ne consumèrent pas l’arbre comme elle l’avait fait pour Morghur, mais détruisirent la corruption qui l’habitait.
C’est ainsi que le sire de Talsyn chassa le mal qui avait pris possession de la forêt d’Arden. Longtemps après ces évènements terribles, on continuait de raconter dans les tavernes et les salles du trône de Bretonnie que des fées avaient sauvé la forêt. Néanmoins, aucune damoiselle ni aucun chevalier de ce royaume d’ignares ne connurent jamais la vérité à propos de l’existence de Morghur et du passage des elfes sylvains.

A priori, Morghur n'intervient pas durant la Grande Guerre contre le Chaos de 2301 CI ou alors, tellement loin de la Trâme que les elfes sylvains n'interviennent pas.

Morghur et la Fin des Temps
Même si en 2522, Ariel -sans doute bien malade- pense que Cyanathair se prépare pour un autre assaut sur Athel Loren [LA ES V6 p.17], Morghur n'apparait pas dans la Fin des Temps. Par contre, des sources apocryphes indiquent qu'il mourrut une première fois durant la bataille d'Altdorf (2525 CI) avant de revenir une nouvelle fois harceler Athel Loren et de tuer le danseur de guerre Wychwethyl lors de la chute de Tyr Edrell (dans les Bois Sauvage à l'extrème sud-est d'Athel Loren) sans doute en 2528 CI..