LA POLITIQUE INTERIÉURE BRETONNIENNE

Le système féodal et la justice

Les Chevaliers du Graal, chapitre 3 et 4

"Ce genre de système politique existe aussi dans l’Empire. Nous appelons cela l’extorsion de protection". - Matthias von Pfeildorf, ancien envoyé impérial à Couronne

Si vous parlez de politique bretonnienne à un habitant moyen du Vieux Monde, il pensera aussitôt aux chevaliers prononçant des serments d’allégeance, aux querelles de sang entre familles d’aristocrates s’étendant sur des générations et au grand apparat de la cour royale. Il s’agit assurément là d’éléments importants du royaume et il est vrai que les paysans sont exclus du pouvoir officiel. Mais cette ségrégation ne signifie pas que les paysans ne prennent aucune part à la gestion du pays, loin de là. La politique invisible de la Bretonnie, le tissu de relations et de responsabilités qui lie seigneurs et paysans, sont aussi importants, tumultueux et brutaux que les rapports ostensibles entre membres de la noblesse.

La politique nobiliaire s’illustre dans le système féodal, approche archaïque que l’on trouvait dans le Vieux Monde il y a plusieurs siècles. La Bretonnie est désormais le seul pays où persiste cette méthode. Ainsi, le système dit féodal est basé sur des serments de loyauté liant les individus et ne présente aucune conception abstraite de l’État. Si les Bretonniens se considèrent comme une nation comparable à l’Empire, la Bretonnie n’est pas définie plus précisément d’un point de vue légal que par "tous ceux dont la loyauté va en fin de compte au Roy de Bretonnie et les terres qu’ils possèdent."

Les paysans forment la clef de voûte du système féodal et sont tenus de servir la noblesse et de lui obéir. Ils ne prononcent aucun serment, car les manants ne sont pas considérés comme des individus suffisamment honorables pour respecter leurs promesses. On se contente donc de leur confier des tâches et de s’assurer qu’ils les remplissent, en recourant à la force si nécessaire.

LA NOBLESSE

Les aristocrates sont liés les uns aux autres par des vœux : les serments d’allégeance. Un noble s’engage ainsi envers un noble qui lui est supérieur, lui promettant son aide militaire en retour de moyens de subsistance.

Les nobles sont répartis en quatre classes, qui équivalent plus ou moins à des grades. De nombreux aristocrates appartiennent à plus d’une classe : c’est ainsi que Louen Cœur de Lion est à la fois Roy de Bretonnie et duc de Couronne, son rang étant défini par son titre le plus prestigieux.

Le Roy

Au sommet de la hiérarchie trône le Roy. Il est le souverain, ce qui signifie qu’il n’est soumis à aucune législation. Il peut édicter des lois à son gré, et tout ce qu’il fait est légal, par définition. Si le Roy était corrompu, la Bretonnie devrait faire face à de sérieux soucis. Mais Louen est un brillant modèle de chevalerie, comme le furent la plupart de ses prédécesseurs. Le pouvoir du Roy permet ainsi de contrôler les abus des nobles de moindre rang, y compris ceux qui tentent d’exploiter bassement la lettre de la loi au détriment de son esprit.

WFRP1 est moins catégorique sur la "vertu" des rois bretonniens. Louen n'est-il pas lui-même qu'un vieillard nostalgique influencé par les elfes sylvains ?

Qui est le roi de Bretonnie ?

Tout bretonnien sait que le roi actuel depuis WFB5 est Louen Coeur de Lion, duc de Couronne. Or en WFRP1, on ne parle que du désastreux Charles III :

"Depuis l'ascension du grand-père du roi actuel, Charles I (ou Charles l'Enorme), le royaume bretonnien a considérablement dégénéré. Les autrefois fières cités et ports prospères tombèrent en ruines, une apathie nationale s'installa, conduisant à une corruption et décadence omniprésente. L'aristocratie ne cherche que son propre plaisir tandis que les masses en colère meurent de faim dans la misère la plus noire du Vieux Monde.
Le roi actuel, Charles III (Charles à la Tête d'Or) est le moins compatissant de tous. Son grand palais d'Oisillon est un monument scintillant de décadence, où des nobles emperruqués paradent et bavardent, où les banquets et les fêtes durent toute la nuit et où le Roi n'écoute qu'un conseil de flagoreurs et de favorites. Les aristocrates et le roi semblent aveugles à l'état de leur royaume, alors que les quelques nobles qui s'en préoccupent ne s'occupent que de la défense de leur propre territoire, fuyant la folie qui s'est emparée de la cour."

Pour donner une vague cohérence à tout ça, on peut toujours imaginer une des fameuses crises dynastiques occasionnelles donne, en 2500CI, la couronne au duc Louen. Charles III pourrait très bien avoir été étouffé par un bretzel, par exemple. Nostalgique de son aieul Gilles le Breton, Louen aurait alors impulsé un énergique retour aux sources : chevalerie, Dame du Lac et le toutim,... Enfin, à part pour les aristocrates emperruqués de l'Oisillon, rien n'a changé en Bretonnie.

Les ducs

En dessous du Roy, on trouve les ducs. Le duc bretonnien est investi d’un pouvoir royal au sein de son duché, mais il n’en reste pas moins un sujet du Roy. Cela signifie qu’un duc n’enfreint jamais la loi dans son propre duché, à moins de désobéir à un ordre du Roy en personne. Contrairement à l’autorité royale, celle des ducs a donné lieu à des abus,notamment dans le Moussillon. Cette contrée est d’ailleurs dépourvue de duc actuellement, pour éviter qu’un individu ait le moindre pouvoir dans une région aussi corrompue. Tous les ducs se voient directement attribuer leurs terres par le Roy. Louen est également duc de Couronne, par décision du Roy. Il s’est donc attribué ce duché. Légalement, il est deux individus bien distincts.

En théorie, le Roy peut nommer autant de ducs qu’il le souhaite, mais ce titre a peu de sens quand il n’est pas associé à des terres. Dans la pratique, seuls les quatorze grands fiefs hérités de Gilles et de ses Compagnons sont considérés comme dignes du statut de duché.

Les barons

Les barons sont des nobles à qui le Roy a personnellement attribué des terres, mais qui ne sont pas considérés comme ducs. Ils sont sujets de la loi et de l’autorité royales mais pas de celles des autres nobles, y compris des ducs. C’est ainsi que, légalement, une baronnie est indépendante du duché dans lequel on la trouve. La Bretonnie compte peu de barons. Il est à noter que les nobles qui se sont vus attribuer une terre par Louen, duc de Couronne, ne sont pas barons, contrairement à ceux à qui il a cédé un fief au titre de Roy de Bretonnie.

Les seigneurs

En dessous des barons, on trouve les seigneurs, qui sont des nobles ayant reçu des terres d’un suzerain autre que le Roy. Ils sont soumis à la loi royale, à la loi ducale du duché sur lequel s’étend leur terre et aux lois de leur supérieur direct. Même les vassaux d’un baron sont soumis à la loi ducale, l’immunité baronniale n’étant pas transmise. Les seigneurs constituent l’écrasante majorité de la noblesse foncière de Bretonnie.

Les chevaliers

La base de la hiérarchie aristocratique est constituée des chevaliers. Ceux-ci ne détiennent aucune terre et servent souvent leur suzerain en échange du gîte et du couvert. Il faut préciser que tous les hommes nobles sont également chevaliers. Seuls les chevaliers qui ne portent aucun autre titre sont considérés comme au bas de l’échelle.

Titres honorifiques

Les titres honorifiques s’accompagnent de droits légaux de moindre importance que ceux des titres d’autorité.

Comte

Les comtes sont des nobles riches et influents. Ce titre ne leur accorde aucune autorité supplémentaire, mais montre la reconnaissance du Roy à leur égard. De nombreux comtes sont également barons, mais ce n’est pas systématique.

Marquis

Un marquis est un noble responsable d’un fief susceptible d’être assailli, souvent à la frontière du royaume. Il est autorisé à rassembler des forces et à ériger des fortifications sans attendre la permission de ses supérieurs.

Gouverneur

Un gouverneur est un noble responsable d’un château important, appartenant généralement à son supérieur féodal. En l’absence de son seigneur, il détient toute l’autorité sur l’édifice et les terres attenantes.

Grand justicier

Les grands justiciers sont des experts en matière de loi. Ils ont le pouvoir de faire appliquer les règles du noble qui les a nommés. Les grands justiciers du Roy sillonnent le royaume pour faire appliquer la loi royale.

Paladin

Les paladins sont des guerriers et des chefs de guerre de renom. Ce titre n’est qu’affaire d’honneur, mais certains paladins se voient conférer des terres menacées et le titre de marquis pour mettre leurs talents à profit.

[WDF32 p29&31] Le Code de la Chevalerie ordonne à un chevalier de toujours obéir aux sept commandements de la chevalerie.

- Servir la Dame du Lac.
- Défendre le domaine contre toute intrusion
- Protéger les faibles et combattre pour la justice
- Toujours combattre les ennemis de la vertu et de l'ordre
- Ne jamais abandonner un combat avant que l'ennemi ne soit vaincu.
- Ne jamais trahir la confiance d'un ami ou d'un allié.
- Toujours faire preuve d'honneur et de courtoisie

Les Règles de l'Honneur les plus importantes sont :

- Un chevalier ne peut combattre qu'en corps à corps, il ne peut utiliser aucune arme de jet.
- Un chevalier relèvera toujours un défi en combat singulier.
- Un chevalier ne tire jamais l'épée contre une autre chevalier sauf à l'entrainement ou lors d'un tournoi.
- Un chevalier ne se laissera jamais capturer.
- Un chevalier ne recule jamais devant l'ennemi.
LES FAMILLES ET LA SUCCESSION

La famille est cruciale aux yeux de la noblesse. Tout d’abord, vous ne pouvez être considéré comme noble si certains de vos ancêtres ne le sont pas. C’est pourquoi les aristocrates font bien attention à ne pas épouser n’importe qui. Ensuite, les fiefs sont transmis par héritage. La plupart des seigneurs ne peuvent choisir de priver un vassal de son fief ou de le refuser au fils d’un vassal décédé. Les ducs et les rois en ont le pouvoir, mais ils le font rarement. Il s’agit là d’une des rares choses qui peuvent provoquer l’union de tous les vassaux d’un duc contre lui.

Tous les biens d’un aristocrate décédé vont à son fils aîné. Le noble ne peut les céder à quelqu’un d’autre, pas plus qu’il ne peut attribuer de fief avant sa mort. C’est pourquoi les autres enfants de la noblesse doivent lutter âprement pour se faire une place dans ce monde. Les filles tentent d’épouser des héritiers, tandis que les fils cadets doivent établir leur propre fief par la force des armes, à moins d’épouser une riche paysanne, auquel cas ils troquent la noblesse de leurs enfants contre le confort de la fortune.Voilà pourquoi les puînés de l’aristocratie font d’excellents personnages joueurs.

Les femmes bien nées ne peuvent devenir chevaliers (à moins de se faire passer pour des hommes, cf. Chapitre I). En revanche, la fille aînée d’un noble qui n’a pas de fils hérite de ses fiefs. Elle devient alors le seigneur du domaine, mais ne bénéficie pas directement des droits de son père. C’est en réalité son époux qui en hérite et se doit de les faire respecter. Quand la dame meurt, ses titres sont transmis à son fils aîné, comme le sont ceux de son époux lorsque celui-ci décède. Si c’est justement l’époux qui disparaît en premier, ce qui n’est pas rare, le fils aîné doit alors tenir le rôle de défenseur des droits de sa famille, mais il n’est pas considéré comme le seigneur du fief avant la mort de sa mère.

Les héritières sont de loin les épouses les plus appréciées de la noblesse, car elles renforcent considérablement la famille. Mais elles sont également rares et parfois très difficiles dans le choix de leur mari. Les unions avec des filles de haute extraction sans héritage sont également des affaires politiques, car elles permettent de confirmer une alliance entre deux familles. Dans ce cas, la fille aînée est bien entendu d’un intérêt supérieur, car si ses frères meurent avant son père, et que ce dernier disparaît avant elle, elle se retrouve héritière. Un aristocrate qui espère un tel concours de circonstances peut être tenté de donner un coup de pouce au destin.

Les mariages se font généralement entre égaux. En revanche, un aristocrate peut attribuer une partie de son fief à un autre chevalier, en retour de services. On parle alors d’inféodation, un concept central au système féodal. En théorie, le Roy inféode l’ensemble du pays.Un noble peut aussi tenter d’accroître son influence en insistant auprès d’un seigneur pour qu’il lui accorde des terres. Mais comme un seigneur ne peut reprendre un fief qu’il a attribué, ces largesses ne sont pas monnaie courante.

Aucune loi ne stipule qu’un noble donné ne peut avoir qu’un seul suzerain. Certains en ont d’ailleurs plusieurs. L’illustration la plus spectaculaire est donnée par le baron Marsac, qui s’est vu attribuer des terres par le Roy, les ducs d’Aquitanie, de Bastogne, de Bordeleaux et de Quenelles, ainsi que par trois autres seigneurs plus modestes. Il est d’ailleurs d’un statut supérieur à ces trois derniers, bien qu’il soit leur vassal sur certaines de ses terres. Une telle situation peut s’avérer ardue quand un conflit émerge entre les seigneurs du chevalier, et, au fil des générations, les barons Marsac se sont forgés une réputation de fins diplomates.

LES COURS

Chaque cour est centrée autour d’un seigneur. L’ambition des courtisans est de parvenir à convaincre le seigneur de leur accorder des ressources, de l’influence ou des terres. Certains ont des intentions foncièrement altruistes, mais ils sont une minorité. La plupart des chevaliers de Bretonnie dont la noblesse est véritable préfèrent rester à l’écart des cours, autant que faire se peut, comptant davantage sur leur fief pour subvenir à leurs actes chevaleresques.

Tous les membres d’une cour sont d’un statut inférieur à celui du seigneur central, si bien que plus ce dernier est influent, plus la cour sera importante et fréquentée. Quiconque cherche à obtenir les faveurs du seigneur fait automatiquement partie de la cour. Ainsi, dans ses strates inférieures, la cour compte des paysans. Mais un manant ne peut en aucun cas devenir courtisan, ces individus qui passent leur vie à la cour à se battre pour grappiller quelque grâce seigneuriale.

On distingue trois classes de courtisans. Tout d’abord, il y a les vassaux fonciers du seigneur en question. Ces aristocrates peuvent tout à fait éviter la cour, car leur fief constitue une sécurité suffisante mais nombre d’entre eux éprouvent le besoin de mieux connaître les projets et la personnalité de leur seigneur. Ensuite, on trouve les chevaliers rattachés au domaine du seigneur. Ces nobles ont une fonction déterminée et, s’ils y montrent quelque qualité, ont peu de chances d’être congédiés sur une simple rumeur. Mais d’un autre côté, leur statut n’est pas définitif et nombreux sont ceux qui déploient une grande énergie à tout faire pour obtenir un fief.

Enfin, il y a les jeunes enfants des aristocrates associés à la cour, généralement le seigneur et ses vassaux. Ces courtisans n’ont aucune autorité qui dépasse la seule faveur du seigneur et c’est dans ce cadre que les intrigues s’avèrent les plus violentes, pouvant aller jusqu’à l’assassinat. La cour d’un suzerain corrompu est un lieu aussi dangereux qu’un fort orque, et même le plus vertueux des seigneurs pourra se retrouver à présider une cour pervertie par de malfaisants, mais subtils, conseillers. Les aventuriers peuvent facilement se retrouver embarqués dans les machinations de tels individus.

LA COUR ROYALE

La cour de Louen Cœur de Lion siège à Couronne durant les mois d’hiver. L’été, les nobles retournent à leurs fiefs respectifs ou vont faire la guerre. Selon une coutume ancestrale, le Roy ne s’adresse qu’aux aristocrates, et encore, à ceux qui sont au moins barons. Tous les serviteurs personnels du Roy sont des barons, dont l’influence découle de leur proximité avec le souverain. Les rares fois où le Roy promeut un paysan au rang de noble constituent les seules occasions où le souverain s’adresse aux membres de cette classe inférieure.

Le Roy Louen est dévoué envers son pays et il a déclaré qu’il se tenait prêt à entendre les rapports d’abus et d’injustice commis par n’importe lequel de ses sujets, aussi influent fût-il. Les paysans qui parviennent à trouver un chevalier, quel que soit son rang, prêt à plaider leur cas, peuvent ainsi en référer directement au Roy. Mais le temps du Roy n’est pas extensible et les abus enregistrés dépassent largement ce qu’il est capable d’écouter, sans parler de ce qu’il peut réparer. Convaincre les courtisans qu’une requête particulière doit être entendue peut s’avérer digne d’une aventure. Heureusement, quand une question arrive jusqu’aux oreilles du Roy, celui-ci a toujours un jugement juste. D’aucuns racontent que la Dame du Lac lui souffle directement sa sagesse à l’oreille.

D'autres rois bretonniens (la série des Charles notamment) ont eu d'autres idées concernant leurs cours : c'est aussi un moyen de calmer une noblesse turbulente.

Charles III avait un palais à L'Oisillon (Duché de Guisoreux).

L’ARMÉE

La Bretonnie n’a pas d’armée régulière. Cela signifie qu’il n’existe pas de soldats menant une carrière militaire au service de la nation. Au lieu de cela, le royaume compte sur le service féodal de ses chevaliers. Quand un seigneur doit partir en guerre contre l’ennemi, il fait appel à l’assistance militaire de ses vassaux. Ces derniers convoquent à leur tour leurs propres vassaux, et la plupart des seigneurs prennent avec eux des paysans formés au combat ou au tir à l’arc. Ces armées ne suivent pas de formation commune et n’ont généralement même pas de hiérarchie interne, mais leurs tactiques militaires sont suffisamment simples et homogènes pour fonctionner harmonieusement en toute circonstance.

La principale faiblesse de ce système apparaît surtout dans les longues campagnes. Seigneurs et chevaliers doivent rejoindre leur fief pour le gouverner ou protéger directement les leurs,la plupart ne pouvant répondre à l’appel de la guerre pour une durée excédant quarante jours. Les choses sont bien entendu différentes si ce sont au départ les terres du seigneur en question qui subissent un assaut.

Quand un site important, tel qu’un col de montagne ou l’accès à une forteresse gobeline, a besoin d’être défendu, le Roy ou un duc accorde alors un fief local à un puissant guerrier qu’il nomme marquis. Ce nouveau seigneur est ensuite responsable de la construction de fortifications, de la formation des troupes et de l’élimination de la menace. Cela fonctionne généralement bien à la première génération, mais ensuite, le premier héritier du marquis n’est pas toujours à la hauteur de la tâche. Certains vont même chercher l’aide d’aventuriers de basse extraction.

Enfin, le Roy, et le Roy seul, peut déclarer une guerre sainte. La plupart des chevaliers accourent alors au combat pour prouver leur vertu.

Cf. Armées bretonniennes
LA GUERRE CIVILE

La Bretonnie n’est pas un pays où règne la paix, même quand cessent les assauts des orques des montagnes et des bêtes des forêts. Les batailles entre seigneurs perturbent aussi la nation.

Les nobles qui le désirent peuvent régler certains différends par les armes plutôt que de faire passer l’affaire devant un tribunal. Il n’est pas possible de déclarer la guerre à son supérieur féodal ou à quiconque ayant une autorité légale sur soi ; personnalités qui, de toute façon, constituent le plus souvent des adversaires trop forts.

Il existe trois motifs reconnus pour déclarer la guerre. Le premier consiste à tenter de reprendre des terres que l’adversaire s’est arrogées. Le second, à anéantir un traître notoire (si le suzerain de celui-ci est tenu de prendre les mesures qui s’imposent, tout chevalier est autorisé à le faire). Enfin, répondre à une offense faite à l’honneur de sa noble famille est une justification suffisante.

Servir le Chaos ou s’allier avec les peaux-vertes relève de la trahison et ce type d’accusation a servi de prétexte à plus d’une guerre. La spoliation de terres n’est pas un crime pour lequel il peut y avoir prescription et lorsqu’une guerre visant à la réparer est remportée, la victime peut tout à fait invoquer la spoliation à son tour et contre-attaquer après avoir réuni suffisamment d’alliés. Le dernier motif, l’offense à l’honneur de la famille, permet, par exemple, à un noble de déclarer la guerre pour avoir été placé inadéquatement lors d’un festin, ce qui est déjà arrivé. Parfois, de telles guerres dégénèrent en conflits de sang qui s’étendent sur des générations, les actes de chaque camp offrant à l’autre tous les prétextes pour continuer à se trucider.

Les plus nobles des seigneurs bretonniens ne recourent à ce droit que pour affronter des aristocrates qui sont des traîtres sans équivoque.Réunir les preuves qui peuvent les convaincre de la chose est souvent une mission d’aventurier. Les seigneurs les moins scrupuleux peuvent également donner du travail à des aventuriers quand un noble innocent a besoin d’aide pour assurer sa protection contre un voisin despotique.

LE COMMERCE ET SES ACTEURS

Les commerçants occupent une place peu banale dans la société bretonnienne. Ils sont presque tous paysans, car peu d’aristocrates daignent s’abaisser à pratiquer une si vile activité. Les négociants prospères sont pourtant souvent bien plus fortunés que les nobles qu’ils servent. Le commerce est vital à la Bretonnie, aussi bien pour faire transiter la marchandise d’un bout à l’autre du pays, que pour y attirer des produits étrangers (le plus souvent en retour de l’exportation de vin). Ainsi, on peut imaginer que la noblesse de Bretonnie serait dans une situation délicate si la classe marchande venait à agir de concert.

En tant que paysans, les négociants sont soumis aux lois de cette classe. En théorie, ils sont censés céder l’essentiel de leurs revenus à leur seigneur. Dans la pratique, la loi bretonnienne a défini la notion de revenus dans un cadre de production agricole, et bien qu’elle capte l’essentiel de ce que créent les artisans, presque tous les profits réalisés par les négociants lui sont invisibles, car ces derniers ne produisent finalement rien. Le conservatisme bretonnien et les intercessions subtiles mais non moins intenses des négociants ont empêché les choses d’évoluer. Certains aristocrates, parmi les plus rusés, se sont débrouillés pour recevoir plus en pots-de-vin qu’ils n’auraient obtenu grâce aux impôts, sachant que les taxes imposées aux paysans auraient assurément annihilé toutes les entreprises commerciales si elles s’étaient appliquées à ce corps de métier.

Tous les commerçants savent qu’il est nécessaire de ne pas froisser la noblesse, ce qui engendre un flot continu de présents en tous genres.

Ces dons sont présentés comme la modeste reconnaissance de la grande supériorité de l’aristocrate. Il s’agit invariablement de superbes objets, comme des assiettes en or ou des vêtements brodés et doublés de fourrure. Si le noble est pauvre et a davantage besoin de pain, de viande et de bois de chauffage, le négociant se débrouillera pour lui racheter le présent. Ce rachat se fera bien entendu dans la discrétion. On raconte qu’un commerçant du duché de Quenelles offre chaque année le même calice en or au seigneur de son village, lors de la fête annuelle, et ce, depuis dix ans. Il lui rachèterait à chaque fois le lendemain, pour assurer le train de vie du seigneur, malgré la pauvreté du village. En retour, le noble laisse le négociant opérer comme il le souhaite.

La plupart des commerçants recourent à ces présents, mais tous, à l’exception des plus indigents, doivent se doter de gardes pour protéger leurs cargaisons et leurs entrepôts. Les hommes employés par les plus prospères marchands forment des armées privées, qui peuvent se retourner contre des nobles qui les menacent par la force. Il est évident que les négociants doivent s’assurer que les autres nobles ne sont pas concernés par le conflit, car ils ne pourraient espérer remporter une bataille contre toute la Bretonnie. Ces affrontements sont rares mais, par la combinaison des présents et des arquebuses, les négociants les plus fortunés sont véritablement au-dessus de la loi, du moins tant qu’ils ne menacent pas l’ordre social.

La plupart des marchands respectent ces limites, car ils savent que l’anarchie n’aurait rien de bon pour leurs affaires. Certains cherchent à améliorer leur position au sein de la société par le biais d’alliances plus étroites avec la noblesse. Les enfants cadets des plus modestes nobles sont parfois prêts à se marier avec un membre d’une famille de riches négociants,renonçant à leur statut social au profit d’une vie plus dorée. Dans une telle situation, la famille marchande est censée soutenir financièrement les parents du noble, tandis que ceux-ci lui apportent leur appui légal et politique.

Associations de commerçants

Il n’existe aucune guilde marchande officielle en Bretonnie. La loi n’accorde aucune valeur légale à ce genre de rassemblements de paysans. En revanche, elle ne s’oppose pas à ce que des négociants s’allient pour tenter d’organiser le commerce afin qu’il aille dans leur sens. C’est pourquoi on compte de nombreuses associations de marchands, la plupart ne se distinguant des guildes que par le nom.

Une telle association demande à ses membres de commercer à bon compte quand cela se passe entre eux, et d’une manière qui rend impossible le profit du partenaire, quand cela se fait avec des personnes extérieures au cercle. La plupart de ces regroupements tentent d’obtenir le monopole sur le commerce d’un bourg, d’une ville ou d’un duché, tandis que d’autres cherchent à accaparer le marché d’un type bien particulier de marchandise, ce qui donne lieu à une concurrence acharnée des plus classiques.

Ces sortes de guildes n’ayant aucun statut légal, elles ne peuvent recourir à la loi pour forcer les autres commerçants à se soumettre à leurs règles.Au lieu de cela, elles font appel à la violence et à l’intimidation. D’une manière générale, la noblesse se fiche bien des violences exercées entre paysans tant que cela ne prend pas des proportions démesurées.

La distinction entre ces associations et le crime organisé est souvent ténue, mais elle existe bien. Les commerçants sont avant tout concernés par le commerce légal et recourent à la brutalité pour dissuader leurs concurrents,tandis que les criminels usent de violence pour dépouiller à peu près n’importe qui. Néanmoins, il peut arriver que ces acteurs se rejoignent, dans un sens ou dans l’autre.

En outre, il n’existe aucune loi indiquant quelle association fait autorité dans une zone donnée. Cela engendre des luttes pour le contrôle, à grand renfort d’intimidation, de pots-de-vin aux magistrats, de sabotage, d’incendies et de meurtres. Le bourg de Dalrond dans la Lyonesse était un port prospère jusqu’à ce que la concurrence enflammée entre les Plumes d’Or et les Trois Tonneaux réduisent toutes les affaires importantes en cendres. La population s’est désormais tournée vers le crime pour assurer sa subsistance, sous l’autorité de la confrérie des Trois Plumes.

Voici quelques-unes des principales associations de commerçants :

Les Frères du Phare

Il s’agit de l’une des associations les plus anciennes du pays, comptant plus de trois siècles d’histoire vérifiable. Cette confrérie détient le monopole du commerce au sein de la cité de L’Anguille. Les Fitzgodric, famille marchande la plus riche de Bretonnie, sont membres de l’association, ainsi que trois des cinq familles suivantes sur la liste des plus prospères. Les Frères ont observé les événements de Marienburg avec grand intérêt et cherchent une occasion de tenter un coup similaire.

Le Coq et la Bouilloire

Cette association qui n’était au départ composée que de petits colporteurs assure aujourd’hui à ses membres le droit de commercer dans la plupart des villes du royaume, moyennant une modeste compensation. La confrérie s’est récemment mise à importer des armes à feu, presque exclusivement en provenance de l’Empire (à l’exception de quelques produits de confection naine). Sa fortune et son influence sont en pleine croissance, même si la noblesse se refuse à employer de telles armes, qu’elle qualifie de " déshonorantes ". Les membres de cette association ont donc le quasi-monopole de la vente d’armes à feu, dont ils promeuvent les qualités. Certains nobles sont conscients de cette tendance et se montrent inquiets.

L’Injuste Existence

Active dans les duchés occidentaux, notamment près des côtes, cette association est spécialisée dans le trafic d’esclaves et de substances illicites. De sinistres rumeurs courent au sujet de la nature de ses chefs,mais ceux qui les colportent ont tendance à mourir facilement. Les négociants qui œuvrent pour elle adoptent des métiers de façade, tels qu’apothicaire ou responsable d’une agence de travail temporaire, et ils excellent dans leurs deux fonctions. C’est une chance, quand on sait que leur monopole est assuré par la force.

Le Sang Bleu

Pour rejoindre ce groupe, il est nécessaire d’avoir au moins un ancêtre noble sur l’une des deux générations passées. La position que chaque individu occupe au sein de l’association est déterminée à la fois par sa richesse personnelle et la concentration de sang bleu qui coule dans ses veines. Le Sang Bleu autorise ses membres à faire partie d’une autre association, car son objectif est juste de rapprocher l’univers du commerce de la noblesse. De nombreux commerçants trouvent cette cause futile et restent à l’écart de l’organisation, même s’ils ont l’ascendance requise.

LES PAYSANS ET LA POLITIQUE

Si les commerçants sont officiellement exclus de la politique, les paysans lambda le sont encore davantage. Ils n’ont pas les moyens d’offrir de fastueux présents aux nobles, pas plus qu’ils ne disposent d’armées privées. Dans la plupart des cas, le souci principal du paysan consiste à bien cultiver la terre et à élever les bêtes pour pouvoir nourrir sa famille.

Cela ne signifie pas que les paysans ne jouent aucun rôle politique. Ceux qui sont oppressés par leur seigneur ou son régisseur ne sont pas rares en Bretonnie et ils cherchent parfois de l’aide pour améliorer leur condition. En aucun cas un noble n’ira écouter les plaintes d’un seul paysan ; c’est pourquoi ces requêtes sont prononcées par un groupe, qui a plus de poids quand il représente un village entier. Certains seigneurs ne voient là qu’une tentative de rébellion et se contentent de faire pendre les meneurs. Ces pourquoi les paysans se débrouillent généralement pour trouver un mode de fonctionnement qui rend impossible la détermination du chef de groupe. Cela peut passer par une plainte récitée en chœur (ce qui demande des heures de répétition), marcher en cercle devant le seigneur, de manière à ce que personne ne reste au premier plan, ou trouver un étranger candide, tel qu’un aventurier au grand cœur, qui fera office de paratonnerre. Ces techniques ne sont pas d’une efficacité absolue, car un noble déterminé à faire pendre quelqu’un pour ramener l’ordre peut tout à fait le choisir au hasard.

Pour ces raisons, les paysans évitent d’impliquer la noblesse dans leurs contestations. Cela peut paraître difficile, mais les soucis des paysans ne sont que rarement causés par un seigneur qui se rendrait personnellement au village pour faire administrer une bastonnade générale. Le plus souvent, les problèmes sont liés à des conflits avec d’autres villages, à un mauvais traitement d’un régisseur ou à des impôts excessifs alors que la récolte s’est avérée très médiocre.

Quand aucun accord n’est trouvé, la coutume veut qu’on résolve la question par un combat officiel. Les deux villages conviennent des conséquences de la victoire pour chacun des deux camps, puis décident d’un lieu et d’une date pour l’affrontement. Sont également déterminés le nombre de combattants, les armes autorisées et les conditions définissant la victoire. Les combats à la mort sont rares car il faut alors expliquer les décès au seigneur. La plupart des villages respectent l’issue de ces affrontements, car ils n’auraient comme autre choix que celui de mêler la noblesse à l’affaire.

Les régisseurs corrompus sont plus problématiques, car seul le seigneur peut les révoquer. Les villageois peuvent négocier directement avec eux s’ils pensent pouvoir obtenir gain de cause, mais cela reste rare. En général, ils préfèrent le faire tomber pour corruption. Cela passe souvent par la dissimulation de denrées au moment de l’estimation des impôts, avant de placer cet " excédent " dans sa demeure. C’est alors que des paysans particulièrement audacieux se rendent devant leur seigneur pour le remercier de sa protection, qui a contribué à d’excellentes récoltes, pour que celui-ci se demande pourquoi les impôts relevés sont si faibles.

La plupart des régisseurs connaissent parfaitement cette stratégie, c’est pourquoi les intrigues qui les opposent aux villageois peuvent s’avérer très poussées. Nombreux sont les régisseurs qui préfèrent parvenir à un accord avec les paysans. Ils partagent les profits avec eux et présentent ensemble un visage homogène devant le seigneur, qui est finalement le seul lésé. Cela peut en revanche très mal se passer si le baron découvre la duperie.

Des impôts excessifs constituent le gros des soucis des villageois. Même si le régisseur est du côté des paysans, il leur arrive souvent de ne pas pouvoir céder des denrées sans se retrouver affamés. Quand il est hors de question d’en appeler au bon cœur du seigneur, les villageois ont toujours la possibilité de se faire "voler les prélèvements par des hors-la-loi", sur le chemin des caisses du seigneur. La plupart des nobles se lancent alors à la poursuite des malfaiteurs plutôt que d’exiger que le village rembourse la différence.

L’une des conséquences de ces pratiques, ainsi que de l’existence des cours de village, est que de nombreux barons sont persuadés que leurs paysans ne connaissent aucun souci et qu’ils mènent une existence proprement idyllique, affranchie des écueils qui accablent la noblesse. C’est ainsi que même les nobles susceptibles d’aider les paysans éprouvent rarement le besoin de le faire.

Les révoltes paysannes

Il arrive que les paysans se soulèvent. Ces insurrections prennent toujours les nobles au dépourvu car les paysans dissimulent les problèmes jusqu’à ce qu’ils ne soient plus tolérables. C’est pourquoi la plupart des chevaliers estiment que ces révoltes sont motivées par la convoitise ou l’ingratitude, à tel point que même les plus vertueux n’hésitent pas à recourir à la force pour les réprimer. Jusqu’ici, aucune de ces insurrections n’a obtenu gain de cause, car tous les nobles s’unissent pour les faire taire. Ceux-ci ne peuvent tout simplement pas tolérer une telle menace à leur autorité.

Les impôts insoutenables constituent de loin la cause la plus courante de ces révoltes. Si les taxes imposées par le seigneur condamnent les paysans à la famine, ils n’ont rien à perdre à s’insurger. Quand on connaît l’état d’esprit bretonnien, on comprend même que mourir au combat vaut mieux que mourir de faim. Ainsi, même s’ils perdent vie, leur condition s’en trouve améliorée. Ces soulèvements sont contenus par la violence, nombre des paysans survivants étant ensuite exécutés. Les réserves de nourriture sont ainsi suffisantes pour ceux qui restent.

L’autre cause importante de soulèvement se trouve dans les manipulations exercées par les autres chevaliers.Les insurrections paysannes n’aboutissent jamais, mais elles peuvent accaparer les forces armées d’un seigneur, si bien qu’un rival qui cherche à l’attaquer voit ses chances grandir. Certains nobles se contentent de promettre de meilleures conditions de vie aux paysans, dès lors qu’ils auront délogé leur prédécesseur, promesse qu’il leur arrive même de tenir. D’autres préfèrent influencer l’ennemi en le poussant à exiger des prélèvements excessifs, ou encore saboter les récoltes pour que l’impôt habituel ne puisse être tenu et que les paysans s’insurgent d’eux-mêmes.

On met souvent ces révoltes sur le compte d’agitateurs étrangers et du sentiment révolutionnaire, mais c’est en réalité rarement le cas. Les puissances étrangères qui cherchent à affaiblir la Bretonnie ont à leur disposition des moyens plus efficaces que l’embrasement de la classe paysanne et les agitateurs politiques sont en outre rares.

Les insurrections les plus dangereuses sont bien entendu celles qu’inspirent les Puissances de la Déchéance. Des paysans présentant des mutations ou pire, soutenus par les hommes-bêtes, peuvent apparaître comme une grave menace, même pour les chevaliers de Bretonnie. Il y eut un bref épisode de révoltes de ce type durant la Tempête du Chaos, alors que la fleur de la chevalerie bretonnienne luttait dans l’Empire contre les hordes d’Archaon. De retour au pays, les chevaliers se joignirent avec enthousiasme à l’éradication de cette menace. Les quelques poches de corruption qui subsistent encore sont aussi réduites qu’isolées.

En temps normal, les sujets de seigneurs despotiques apparaissent comme les plus réceptifs aux charmes du Chaos pour les Puissances de la Corruption. Cela peut s’avérer problématique pour des aventuriers qui prennent fait et cause pour des paysans opprimés, pour s’apercevoir plus tard qu’ils sont alliés aux forces des ténèbres.

LOI ET JUSTICE

"Il y a une loi pour les gens bien nés, une loi pour les riches et une autre pour les pauvres. Nous ne prenons pas la peine d’apprendre la dernière, vu que ceux qu’elle concerne ne peuvent de toute façon pas nous payer."- Louis Chamignon (née Louise), homme de loi de L’Anguille

La Bretonnie est une terre de maintes législations. La noblesse est soumise aux lois de la chevalerie, tandis que les lois de la terre assujettissent les paysans. La notion selon laquelle tous les hommes doivent être égaux devant la loi est aussi étrangère à l’esprit bretonnien que celle qui voudrait qu’il existe quelque égalité que ce soit. Les lois, les tribunaux et les sentences sont là pour le rappeler.

Les lois de la chevalerie

Pour la plupart, les nobles de Bretonnie sont soumis aux lois de la chevalerie, également connues sous le nom de "lois royales", car elles sont édictées par l’autorité du Roy. Elles ne concernent pas les paysans, certaines activités proscrites aux aristocrates étant autorisées aux gens de basse extraction.

Dans la plupart des cas, un acte n’est considéré comme une offense selon les lois de la chevalerie que si le plaignant est noble ou étranger au royaume. Les paysans sont un autre problème. Chaque noble a le devoir légal de protéger, guider et juger les paysans qui sont sous son autorité, mais bien des choses sont permises sous couvert "d’inculquer le respect qui est dû à la noblesse" et rares sont les chevaliers qui prennent la peine de se pencher sur les abus. Quand un noble s’en prend aux serfs d’un autre seigneur, il commet un crime contre ce dernier, mais aucunement contre les paysans, qui en sont pourtant les victimes directes.

Les lois royales proscrivent tous les crimes classiques, tels que le vol, les violences à main armée et le meurtre. Quand la violence est de mise pour réparer un tort légitime,elle est tolérée. Les lois interdisent également les activités malséantes pour un chevalier, comme s’adonner au commerce.

Les procès chevaleresques sont des événements complexes qui obéissent à des lois précises. L’assemblée doit être convoquée par le seigneur de l’accusé ou par un supérieur dans la hiérarchie féodale.

C’est ainsi que le Roy peut décider un procès impliquant n’importe quel noble. Le procès doit être annoncé officiellement trois fois, sur plusieurs jours, pas plus tôt que deux semaines avant l’événement, ni plus tard que deux jours avant. Le seigneur qui convoque l’assemblée siège en tant que juge et sept autres chevaliers, d’un rang au moins égal à celui de l’accusé, constituent les jurés.

L’accusé doit se présenter devant la cour en personne, à moins de pouvoir justifier son absence. C’est au juge de décider si une telle excuse est valable. Le cas échéant, il dissout l’assemblée et ajourne la séance. Si l’excuse lui paraît insuffisante, le procès a lieu par contumace. S’il est présent, il assure sa défense, tandis que les accusateurs exposent leurs griefs. Le juge se penche alors sur l’affaire et la cour se réunit le lendemain matin pour entendre le verdict. Le seigneur responsable décide de la culpabilité ou de l’innocence, puis transmet sa sentence aux jurés. Si ceux-ci sont en désaccord avec un verdict rendant l’accusé coupable, ils peuvent alléger la sentence, mais ils n’ont pas le droit de l’acquitter.

La plupart des sentences sont symboliques, les nobles n’étant jamais soumis à l’emprisonnement ou au châtiment corporel. Les amendes sont possibles, mais très rares, la plupart prenant la forme d’un dédommagement. Ainsi, un chevalier qui a tué cinq serviteurs d’un autre noble en état d’ivresse pourra être tenu de financer la formation des remplaçants. Les sentences les plus courantes se traduisent par des excuses publiques, des services spécifiques en faveur de la victime, des restrictions imposées sur la conduite du coupable ou une quête visant à prouver son courage. Dans les cas extrêmes, la cour peut demander au Roy de priver le chevalier de ses fiefs, voire de ses titres de noblesse. Louen Cœur de Lion exige d’être présent lors du jugement de telles affaires, mais ses prédécesseurs se contentaient d’appliquer la sentence sur la bonne foi du tribunal.

Il est clair que ce système est entièrement tributaire de l’intégrité du juge. Un accusé dont le seigneur est corrompu ou corruptible pourra commettre à peu près n’importe quelle atrocité sans craindre quoi que ce soit. De même, un seigneur peu scrupuleux pourra se servir de tels procès pour mettre au ban un vassal qui ne lui montre pas le respect qu’il attend de lui. Les jurés posent néanmoins certaines limites à ces pratiques. S’il se sent abusé de la sorte par un seigneur, le jury peut imposer des peines telles que "présentez vos excuses sur-le-champ".

D’un autre côté, le jury peut imposer des quêtes tellement dangereuses qu’elles sonnent de manière quasi certaine le glas de l’accusé. À un degré moindre, les quêtes qui envoient le criminel dans des contrées lointaines pendant des années reviennent à des peines d’exil.

Tout noble qui refuse de se soumettre à la décision de la cour devient un hors-la-loi. Il reste un membre de la noblesse, mais il n’est plus protégé par la loi, y compris contre ses propres paysans. Le tuer n’est plus considéré comme un crime. Comme c’est un aristocrate, ses enfants et ses descendants le sont aussi. Rares sont les familles de la noblesse qui n’ont pas au moins un hors-la-loi dans leur arbre généalogique.

Les femmes bien nées sont également sujettes aux cours chevaleresques et peuvent recevoir les mêmes peines que les hommes. Une quête assignée à une femme est presque toujours synonyme de peine de mort, c’est pourquoi quelques dames sont devenues des hors-la-loi. Celles qui se font prendre alors qu’elles se faisaient passer pour des hommes sont généralement soumises à une quête. Ces femmes détenant des armes dont elles savent se servir,il leur arrive d’accomplir leur quête, mais elles subissent alors des procès à répétition, jusqu’à ce qu’elles daignent se conduire comme de dignes dames.

Exemples de sentences prononcées contre des nobles :

"Vous devrez vous présenter devant le baron de Fellone vêtu de chanvre, et lui demander trois fois pardon, face contre terre."

"Vous voyagerez en chariot pendant trois mois." (Se déplacer de la sorte est une peine courante, si bien que les Bretonniens ne le font jamais de leur plein gré).

"Vous irez jusqu’aux Voûtes, pour tuer le seigneur de guerre orque Baldagran, sans armure et muni d’un couteau à fruits pour seule arme." (Équivalent d’une peine de mort).

La loi paysanne

Les lois qui s’adressent aux paysans relèvent de deux catégories. Tout d’abord, il y a les lois officielles édictées par la noblesse. Elles exigent des paysans qu’ils obéissent aux nobles, qu’ils acquittent des impôts substantiels et qu’ils se gardent de tout comportement qui pourrait porter préjudice aux intérêts de la noblesse. Le vol entre paysans n’est pas forcément illégal, pas plus que les rixes, tant qu’elles ne dégénèrent pas trop.

Les procès concernant la paysannerie sont très simples. Le paysan est mené devant son seigneur, qui écoute les circonstances de l’affaire. Il peut autoriser l’accusé à assurer sa propre défense, mais il n’est pas obligé. Puis, il prononce son verdict et la sentence. Les peines se traduisent généralement par un châtiment corporel : mise au pilori, flagellation, torture, mutilation (ablation d’une oreille, d’un œil, d’une main, d’une jambe, etc.), voire par l’exécution du coupable. L’emprisonnement coûte de l’argent au seigneur et n’est donc pas souhaitable, et la plupart des paysans n’ont pas les moyens de régler d’éventuelles amendes. Le seigneur a toute latitude dans le choix de la peine imposée. Il peut décider que quelques coups de fouet suffisent à punir un paysan qui en a tué un autre, et choisir le lendemain la torture et la mort par la faim au gibet pour un malheureux qui aura manqué de correction à l’égard d’un chevalier.

De toute évidence, la justice officielle, telle que la connaissent les paysans, est entièrement soumise à la bonne foi du seigneur. Dans un fief dont le noble est à la fois sage et bien intentionné, le système fonctionne correctement. Dans d’autres, il ne s’agit que d’un instrument de plus pour opprimer les petites gens.

Pour éviter ces incohérences, la plupart des paysans évitent de faire appel à leur seigneur pour traiter les crimes. C’est en particulier le cas des riches commerçants, qui préfèrent que la noblesse ne s’intéresse pas de trop près à leurs affaires. Les négociants sont ainsi parvenus à convaincre de nombreux chevaliers que celui qui met son nez dans les détails mercantiles a de toute évidence l’intention de devenir lui-même marchand et donc d’enfreindre le code chevaleresque. Cette propagande, alliée aux nombreux présents qui apaisent la noblesse dans le statu quo, assure que la plupart des aristocrates restent à l’écart des lois du commerce.

Les associations de commerçants ont leurs propres règles. Elles définissent les exigences qualitatives de la marchandise, la manière dont sont traités les apprentis et les pratiques de base du commerce. Elles ont également des règles très strictes à l’encontre des voleurs. Un commerçant qui enfreint ces lois devra payer une amende salée et peut même se voir expulser de l’association. Les autres villageois sont traqués et bastonnés, voire tués dans le cadre d’une " bagarre générale " du genre que la noblesse a l’habitude d’ignorer. Les chevaliers n’ont pas l’habitude de s’inquiéter quand quelques morts sont à déplorer dans un bourg, les considérant comme inévitables.

Les procès de commerçants ont un déroulement variable. La plupart offrent un semblant de justice pour décourager les gens de porter les affaires devant la noblesse. Quelques-uns comptent sur la sagesse et le sens de la justice d’un négociant en particulier, ce qui donne de meilleurs résultats que le même processus pratiqué avec un seigneur, car le commerçant peut être remplacé. La plupart des tribunaux sont constitués de juges accomplis, qui œuvrent généralement par groupe de trois ou cinq pour les affaires importantes. Les jurés sont rares, car cela ne ferait que renforcer la ressemblance avec les tribunaux dits chevaleresques.

Quand une personne doit se présenter devant une telle cour, elle fait généralement appel aux services d’un homme de loi. Les tribunaux de commerçants sont particulièrement attentifs à la lettre de la loi, si bien qu’un avocat talentueux peut s’avérer d’un extrême secours. Dans certains bourgs, il est possible d’engager un juge pour qu’il assure votre défense. Cela est très onéreux, mais se révèle souvent gagnant. On ne considère pas cela comme de la corruption, car le juge devra tout de même trouver un moyen de justifier votre comportement au regard de la loi. Mais de nombreux hommes de loi savent se montrer inventifs dans ces circonstances, surtout quand la rémunération est à la hauteur de leur talent.

Exemples de sentences prononcées contre des commerçants :

"Vous acquitterez une amende de 100 CO, pour dédommager la confrérie du manque à gagner engendré par vos pratiques commerciales."

"Vous céderez votre affaire à l’accusateur pour le dédommager de la faillite causée par vos pratiques déloyales."

"Vous fermerez chaque jour votre échoppe, une heure avant le coucher du soleil." (La concurrence acquiert alors un avantage, qui n’est cependant pas rédhibitoire pour l’accusé).

"Vous porterez un gros nez vert et factice à longueur de journée." (Cela prête un aspect ridicule au marchand, ce qui a toutes les chances de nuire à ses affaires).

"Vous cesserez toute activité commerciale dans cette ville, sous peine de subir un malencontreux accident."

Dans les villages, les choses sont plus mesurées. Le seigneur a plus de chances de remarquer les tentatives visant à faire appliquer la loi à son insu, si bien que tout se passe dans la plus grande discrétion. En général, quelques-uns des doyens du village, rarement plus de trois, traitent toutes les affaires. Ils entendent les deux partis et décident d’une peine. Cela se traduit le plus souvent par un dédommagement de la victime, ce qui est plus facile à cacher au seigneur qu’un châtiment corporel. Quand l’affaire est grave, un " accident " peut être orchestré pour satisfaire une mutilation ou une peine de mort. Les paysans qui glissent, alors qu’ils portaient une faux, et se plantent accidentellement la pointe de l’outil douze fois dans l’abdomen pendant la chute ont largement contribué à la croyance des nobles qui veut que les manants soient d’une gaucherie et d’une incompétence surnaturelles.

Exemples de sentences prononcées contre des paysans ordinaires :

"Vous céderez les trois prochaines portées de votre cochon à la personne dont vous avez volé la bête."

"Vous ne pénétrerez plus jamais dans le foyer de Galbad, sous peine de subir une ablation du pied." (Les sentences de ce type punissent souvent un adultère).

"Vous confierez l’éducation de votre prochain enfant à la famille de Martan, pour remplacer l’enfant qui a perdu la vie." (Dans le cas d’une mort accidentelle).

"Vous expliquerez au seigneur pourquoi il doit réduire les impôts qui pèsent sur le village." (Sentence souvent assimilée à une peine de mort, mais si le paysan parvient à convaincre le noble, presque tous ses crimes sont ensuite pardonnés).

Les paysans peuvent fuir la justice, auquel cas ils se mettent hors la loi. C’est souvent d’ailleurs le meilleur choix quand le seigneur est aux trousses du coupable. Rares, cependant, sont ceux qui survivent plus d’une semaine dans la nature. Certains finissent même par revenir pour se faire couper les mains par le tribunal du village, plutôt que de trépasser dans les bois.

Les lois somptuaires

Les lois somptuaires de Bretonnie interdisent aux paysans de porter certains vêtements et d’utiliser certains objets. Ces règles assurent la pérennité de la distinction visible entre la noblesse et les autres, sachant que peu de chevaliers s’abaissent à porter un habit dont le port est permis aux paysans. Par ailleurs, les femmes n’ont pas le droit de se vêtir comme les hommes. Ces derniers pourraient porter des robes, mais ils ne le font pas.

Les paysans ne peuvent porter d’armure, à moins de servir les chevaliers dans un ost féodal. Les armures lourdes leur sont proscrites en toutes circonstances, de même que les armes de chevalier : la lance d’arçon et l’épée. Les armes utilisant la poudre à canon ne sont pas abordées par les lois somptuaires, car il s’agit d’une invention encore récente [L'Empire les utilise depuis plus de 5 siècles...]

[De plus,]la pierre de construction est le privilège de la noblesse. Seuls les aristocrates peuvent se servir de couverts en argent. Les marchands prospères emploient donc de l’or et du verre pour leur vaisselle, encore plus chers, mais autorisés. L’or garnit très peu de tables nobles, car il est associé dans les esprits aux activités mercantiles.

Traditionnellement, le sol des demeures bretonniennes est composé de terre tassée, recouverte de joncs et de roseaux de divers types. Mais il y a quelques siècles, la législation somptuaire décréta que les meilleures herbes destinées à recouvrir les sols étaient réservées à la noblesse. Depuis cette époque, les paysans les plus opulents ont découvert les tapis et les planchers, qui ne sont pas abordés par la loi, tandis que la plupart des aristocrates continuent à semer les roseaux et les plantes qui leur sont attitrés. Dans la plupart des cas, il s’agit d’une pratique symbolique, quelques feuilles seulement étant éparpillées sur le tapis.

La cible principale de ces lois somptuaires reste la tenue vestimentaire. Le tissu et la laine blancs, bleus et rouges sont strictement réservés à la noblesse, tout comme la fourrure de renard, d’hermine et d’écureuil. La semelle des chaussures de paysan ne peut excéder trente centimètres de long (ceux qui ont de grands pieds étant réduits à porter des sandales) et leurs braies doivent aller de la taille aux chevilles, ne pas être teintes et ne présenter aucune broderie. La tunique doit descendre jusqu’aux genoux, être bien ajustée au niveau du col, tandis que les manches ne peuvent dépasser quinze centimètres de large. Les robes des paysannes doivent aller du cou aux chevilles, sans rétrécissement au niveau de la taille. Seuls les nobles peuvent porter des capes et manteaux tailladés, qui sont associés à la chevalerie (les paysans doivent donc bien prendre soin de réparer les accrocs).

De nombreux nobles mettent leur statut en avant en portant des vêtements qu’un paysan ne pourrait arborer sans tomber dans l’illégalité flagrante. La plus absurde manifestation de cette tendance se retrouve dans les chaussures qui font actuellement rage, dont la pointe est à plusieurs pieds du talon. Cet appendice est souvent recourbé en arrière et lié à la jambe de l’individu au niveau du genou, afin d’éviter les maladresses. Mis à part cela, les braies brodées sont très courantes, tout comme les courtes tuniques aux manches gigantesques. Tous les vêtements des nobles présentent du rouge, du blanc ou du bleu, et la plupart sont garnis de renard, d’hermine ou d’écureuil.

Les dames arborent souvent des robes courtes, très serrées au niveau de la taille. Les jupes courtes sont inconnues, tandis que tout ce qui pourrait se porter sous une jupe serait considéré comme des braies, et donc comme un vêtement masculin. En revanche, les très longues jupes qui caressent le sol telle une traîne sont très appréciées.

Un seigneur est en droit d’autoriser les paysans placés sous son autorité à certaines exemptions aux lois somptuaires. Il peut s’agir d’exceptions mineures, telles qu’autoriser une femme à porter un ruban rouge au col de la robe,ou plus importantes,comme permettre à un marchand de s’affranchir de toutes les restrictions liées à la tunique. Mais selon une longue tradition, la loi est toujours respectée pour ce qui est des braies,et les dérogations ne sont jamais accordées pour ce vêtement.

Les paysans les plus prospères qui ne bénéficient d’aucune exemption s’habillent souvent à la limite de ces lois. Ils peuvent, par exemple, porter des bottes qui montent jusqu’aux genoux, une tunique ornée de jaune, de vert et de noir, qui s’arrête en haut des bottes, et de nombreux bijoux voyants. Si leur seigneur leur accorde un privilège vestimentaire, ils en tireront pleinement avantage, à tel point que certains négociants sans grand discernement esthétique n’hésiteront à se vêtir tout de pourpre. En fait, il arrive qu’un baron accorde une telle faveur quand il sait que la personne en profitera pour se rendre ridicule.

Les législations locales

Tous les seigneurs ont le pouvoir d’inventer des lois soumises à leurs paysans, tant que celles-ci n’entrent pas en conflit avec la législation royale. De la même manière, les ducs créent des lois qui s’appliquent à tous les chevaliers de leur duché, à l’exception des barons, dès lors qu’elles restent compatibles avec la loi royale.

Certaines de ces lois ne sont que des réponses pratiques à des conditions locales. C’est le cas du duché de Bordeleaux, où la règle est d’incinérer les morts et de répandre les cendres dans l’eau avant la première nuit qui suit le décès. Dans une région infestée de morts-vivants, il ne s’agit là que d’une précaution raisonnable.

D’autres étaient autrefois d’ordre pratique, mais elles n’ont aujourd’hui plus grand-chose à voir avec ce qui les a engendrées. Dans la ville de Gisoreux, chaque maison doit présenter une torche sur son seuil, censée être allumée quand se présentent les noctecorbes. Les noctecorbes étaient des monstres qui attaquaient les gens par volées, pour les dévorer jusqu’à l’os, mais qui avaient peur de la lumière. La dernière vague fut cependant anéantie par le seigneur Thopas, il y a plus de cinq cents ans, et Gisoreux est depuis ornée de torches que l’on n’allume jamais.

Enfin, de nombreuses lois locales reflètent les excentricités des seigneurs qui les ont inventées. Le seigneur Deslisle, propriétaire terrien de Bastogne, exige de ses paysans qu’ils se mettent face contre terre quand il passe devant eux.Le seigneur Laurent,du duché d’Artenois, impose à tous les couples nouvellement unis de passer leur première nuit dans sa chambre à coucher. À la grande surprise de ses paysans, le seigneur passe toujours cette même nuit de l’autre côté de la porte de la chambre, pour s’assurer que rien ne vient déranger le couple. Le duc de Lyonesse demande depuis longtemps à tous les nobles de son duché d’organiser chaque année un festin réunissant douze paysans. La plupart convient de riches marchands, mais quelques chevaliers, parmi les plus nobles d’âme, en profitent pour restaurer les plus indigents.

Ces règles locales sont supervisées par le noble qui les édicte. Néanmoins, si la loi est particulièrement extravagante, le Roy peu t faire passer un amendement royal qui entre en conflit avec elle, la rendant de fait illégale. On pense qu’ainsi fut promulguée la loi royale stipulant que tous les paysans de sexe masculin dont l’âge est compris entre treize et quinze ans doivent se tenir sous la voûte céleste et crier une fois "Par les serres du griffon !", lorsque la nuit accueille Mannslieb pleine. Du moins, personne n’a pu trouver d’autre explication, même si les érudits se demandent encore quelle pouvait être la nature de la loi que celle-ci, bien que rarement appliquée, permit de contourner.

Les hors-la-loi

La Bretonnie perpétue une longue tradition de hors-la-loi. Ces individus ne sont pas protégés par la loi ; quoi que vous leur fassiez, cela n’a rien d’illégal. Il existe plus d’une manière de devenir hors-la-loi, chaque voie engendrant des personnages bien distincts.

En cavale

Tout d’abord, les paysans qui fuient leur seigneur légitime sont automatiquement hors la loi. Ces individus s’efforcent de survivre et n’estiment rien devoir à la société bretonnienne. Ils braconnent et volent la nourriture des villages,mais il est plus rare qu’ils chapardent de l’argent, car ils ont peu d’occasions de le dépenser. Ils font généralement leur possible pour ne pas avoir à tuer leurs victimes. Les étrangers éprouvent habituellement une certaine sympathie pour ces hors-la-loi, attitude partagée par les citadins bretonniens. Les aristocrates les considèrent comme des criminels méprisables, qui fuient la place qui leur revient. En outre, puisque les villageois subissent les conséquences des vols et peuvent être punis pour le braconnage des hors-la-loi, ils les perçoivent aussi comme des malfaiteurs.

D’un autre côté, personne ne voue une véritable haine à l’égard de ces transgresseurs, et la plupart de gens sont prêts à oublier leur passé douteux s’ils rendent un service particulièrement appréciable, tel que secourir un village contre une bande d’hommes-bêtes.

Criminels avérés

Le second groupe est composé de criminels violents qui fuient la justice. Ces hors-la-loi n’hésitent pas à tuer leurs victimes et ont généralement les contacts qui leur permettent de recéler les marchandises et denrées qu’ils volent. La plupart ont les nobles et les négociants pour cibles, car les paysans n’ont rien à voler. Ils n’ontcependant aucune intention d’aider les petites gens. Les victimes potentielles de ces hors-la-loi emploient des chasseurs de primes ou envoient des troupes pour les neutraliser. Les paysans ordinaires n’ont aucune compassion pour ces individus, mais il est rare qu’un village se mobilise de lui-même pour prendre des mesures.

Le troisième groupe est le plus détestable. Les nobles corrompus et influents, les sectes du Chaos importantes et tous leurs partenaires sont d’office déclarés hors la loi lorsque leurs activités sont découvertes. C’est ainsi que tout un chacun a le droit de les empêcher de nuire, et les chevaliers, comme les paysans, n’hésitent pas à se lancer dans cette traque. Un seigneur hors la loi pourra peut-être s’accrocher à son château pendant quelque temps, mais la noblesse bretonnienne finira toujours par se retourner contre lui. La plupart de ces criminels fuient dans la nature où ils peuvent tenter d’établir un repaire secret et assurer leur subsistance en tourmentant les environs.

Ces bandes sont en concurrence acharnée avec les autres hors-la-loi de la région, car celui qui défait une pareille menace obtiendra le pardon pour l’essentiel de ses crimes. Ces malfaiteurs sont également les plus dépravés. Ils tuent les gens pour le plaisir, sans faire de distinction entre les nobles et les paysans.

Herrimaults

La dernière catégorie de hors-la-loi est constituée par les herrimaults. Ces individus évoluent en marge de la loi, mais ils se battent pour la justice, volant aux riches pour nourrir les pauvres, renversant les despotes tolérés par leurs pairs. Ils reviennent souvent dans les légendes paysannes. Au fil des ans, ces histoires ont fini par être attribuées au même groupe, qui sévit à travers toute la Bretonnie, avec à sa tête, celui qu’on appelle le Sans-visage. L’herrimault est une sorte de cape à cagoule qui était très en vogue il y a quelques siècles. Il est porté par les personnages de ces histoires, qui ont fini par adopter le nom du vêtement. Ces hors-la-loi sont également appelés cagoules, capuches, robes des bois, boisiers ou encore harengs. Les sans-visage préfèrent ces termes, mais on parle également d’eux sous la désignation de seigneurs sans couronne, les hommes sans nom, ceux du fin fond ou les cabillauds. Les noms de poisson ne sont pas très respectueux, mais les employer revient à distinguer les herrimaults des autres hors-la-loi, ce que les nobles rechignent à faire.

Tous les herrimaults n’ont pas la même histoire. Nombre d’entre eux sont d’anciens paysans qui ont servi dans l’armée de leur seigneur et ont suffisamment bourlingué pour éprouver le besoin d’aider les malheureux. D’autres manants ont voulu réparer une injustice locale, ce qui ne leur a valu que d’être proscrits, et ont ensuite rejoint les herrimaults pour poursuivre leurs bonnes actions. Certains groupes se forment pour contrer un seigneur particulièrement malfaisant, auquel cas les membres sont essentiellement issus de ses terres. De nombreuses femmes qui se faisaient passer pour des hommes avant de se faire attraper finissent hors-la-loi, et la plupart atterrissent dans les rangs des herrimaults. L’ironie veut qu’elles soient toujours obligées de cacher leur féminité, même parmi les hors-la-loi, car le sexisme bretonnien est coriace. Enfin, certains herrimaults sont de haute extraction. Ils sont devenus hors-la-loi pour avoir tenté de réparer une injustice commise par un seigneur plus puissant, qui a réussi à retourner la cour contre eux. Ces individus aspirent au rôle de meneur et leur formation militaire les y destine tout particulièrement.

Les herrimaults obéissent à un code d’honneur clairement exposé dans les récits des sans-visage. L’ordre dans lequel les commandements sont présentés correspond globalement à leur importance relative. Un groupe de hors-la-loi qui cause du tort aux innocents (généralement les femmes, les enfants et les vieillards) ne peut prétendre au statut d’herrimaults, même si le préjudice intervient pour servir la justice :

- Tu ne tueras point les innocents. Nul ne peut servir la justice par des moyens iniques.
- Tu feras respecter la justice quand la loi faillira.
- Tu t’empareras de l’excédent des nantis pour nourrir les affamés. Nul tort n’est causé à celui qui perd l’argent dont il n’a pas besoin.
- Tu seras fidèle à tes compagnons. La trahison est un acte des plus vils, digne des peaux-vertes et des hommes-bêtes.
- Tu ne chercheras pas à connaître le passé de tes compagnons. Chaque herrimault a ses propres raisons de lutter et ne doit être jugé que pour ses actions présentes.
- Tu rejetteras les Puissances de la Déchéance et les combattras, même s’il te faut pour cela t’allier aux tyrans.

La loyauté entre compagnons est bien entendu primordiale chez les hors-la-loi, tout comme l’interdiction de questionner chacun sur son passé. Des paysans et quelques nobles qui souhaitent laisser derrière eux certains événements traumatisants rejoignent parfois les robes des bois, et se consacrent à leur nouvelle quête.

Devenir joyeux compagnon (membre des herrimaults) est simple : il suffit d’être un hors-la-loi et de se déclarer herrimault. Si la personne respecte le code de l’honneur, d’autres la reconnaîtront comme un joyeux compagnon et elle profitera de la bonne réputation de cette communauté.

Mais les hors-la-loi solitaires ne survivent pas longtemps, si bien que tous les herrimaults en puissance cherchent à rejoindre un groupe établi. Traditionnellement, comme le détaillent de nombreuses histoires, les candidats traversent la forêt pour se rendre là où se cache la bande, avant de déclarer à haute voix leur intention de se joindre à elle. Celui qui survit à ce périple a de toute évidence les qualités requises, sachant que les chances d’échapper aux attaques des animaux des bois, des hommes-bêtes et des orques sont plutôt maigres.

La personne se retrouve ensuite en présence des herrimaults, qui lui demandent de se plier solennellement au code de l’honneur. La période probatoire dure quelque temps, jusqu’à ce que le sans-visage estime que le hors-la-loi a prouvé sa loyauté. L’infiltration d’espions est un souci récurrent pour les bandes d’herrimaults, c’est pourquoi les joyeux compagnons avisés s’organisent pour que leur bande ne périclite pas dès qu’un de leurs membres s’avère servir une autreautorité. La méthode classique consiste à diviser la troupe en groupuscules aux cachettes différentes, sans jamais confier à personne quand la bande se réunira dans son ensemble.

Les groupes de hors-la-loi qui honorent le code des herrimaults sont très appréciés des paysans, qui font appel à eux pour réparer ce qu’ils perçoivent comme des injustices. Il n’est pas rare que des herrimaults s’emparent d’un chargement d’impôts excessifs, pour rendre les denrées et marchandises aux paysans qui ont dû les acquitter. Les bandes qui ont une certaine expérience de cette activité savent comment la pratiquer sans éveiller les soupçons du seigneur. Les herrimaults viennent également au secours de paysans condamnés à la pendaison,mais aussi de villages menacés par des hommes-bêtes et des peaux-vertes, ou sous le joug d’un noble particulièrement tyrannique.

Ils font également très attention à leur réputation. Quiconque n’est pas membre d’une bande de joyeux compagnons et prétend l’être risque d’être exécuté pour l’exemple (de tels menteurs ne peuvent être considérés comme des innocents). De la même manière, les bandes de hors-la-loi qui se présentent comme herrimaults sans respecter le code de l’honneur sont les cibles privilégiées des véritables cagoules de la région.

La plupart des nobles voient les herrimaults comme des criminels et des révolutionnaires, qu’il faut supprimer aussi vite et violemment que possible. Nombreux sont les commerçants qui partagent cette perception. Mais les chevaliers les plus probes savent que les herrimaults leur causent peu de soucis et ils ont tendance à admirer leur action. Certains vont jusqu’à les aider secrètement sans renoncer à leur statut privilégié ; quelques sans-visage passent la plupart de leurs nuits entre les murs d’un château.