LE CERCLE DE SANG

1932 CI

Images WDF40

Le Cercle de Sang est la deuxième des cinq boites de campagne publiées à l'époque de la cinquième édition de Warhammer. On y suit les ravages du Duc Rouge en Bretonnie.

 [Les Chevaliers du Graal, p20: ] "En [1454 CI], cette créature terrorisa l’Aquitanie avant d’être terrassée par le Roy, durant la bataille de Ceren. En [1932 CI], il se releva de sa tombe et tua le duc d’Aquitanie sur le champ de bataille. Les chevaliers avaient remporté l’affrontement, mais le Duc Rouge était toujours debout. Il dut se retrancher dans la forêt de Châlons, où il est probable qu’il se terre encore aujourd’hui."

 

Le .pdf, c'est par ici.

Le rapport de bataille par le Verrah Rubicon

LE DUCHÉ D'AQUITANIE

Le duché d'Aquitanie est situé dans la douce terre de Bretonnie, au nord du duché de Brionne, sur les rives du fleuve Morteseaux. C'est un endroit merveilleux où les champs succèdent aux vignobles et les pâturages aux vallées verdoyantes. Ce duché ne possède ni cité fortifiée ni port important et son peuple se contente de cultiver sa terre, moissonnant et vendangeant en se sachant protégé par les châteaux de ses nobles seigneurs. Ces paysans n'ont que faire du confort que leur apporterait la vie citadine.

Avant les croisades l'Aquitanie était bien plus vaste, mais juste après ces guerres saintes, elle fut ravagée par un terrible conflit. Comme le duché avait perdu grand nombre de ses habitants et que la population était dès lors trop peu nombreuse pour cultiver toutes les terres disponibles, certaines de ses possessions furent réparties entre les duchés voisins. Vous trouverez dans ce tome quelques récits légendaires contant des événements remontant à cette époque.

Les champs de l'Aquitanie donnent de magnifiques récoltes mais c'est pour son vin d'une finesse extrême, renommé dans toute la Bretonnie, que ce duché est surtout réputé. Les nobles dames de Couronne et de Bordeleaux lui prêtent de puissantes

vertus aphrodisiaques et l'offre ne peut pas toujours satisfaire la demande. Les marchands venant des ports de L'Anguille et de Brionne se tiennent donc toujours prêts à acquérir tout le vin que peut produire l'Aquitanie. Grâce aux revenus de ces ventes, le duché est extrêmement prospère et ses habitants fêtent les vendanges chaque année.

Même si elle manque de cités et de ports, l'Aquitanie compte de nombreux lieux sacrés et chapelles du Graal, et ses chevaliers sont réputés pour leurs prouesses guerrières. Ses châteaux sont souvent munis de hautes tours au sommet desquelles peut être allumé un brasier en temps de troubles, appelant aux armes les chevaliers. Ces derniers sont toujours prêts à se battre et la preuve de leur exceptionnelle valeur est que le roi choisit le plus souvent de confier la bannière de Bretonnie à l'un d'entre eux plutôt qu'à un chevalier d'un autre duché.

Les chevaliers d'Aquitanie dédaignent le luxe et le confort excessif, trouvant cela décadent et futile. Lorsqu'ils ne guerroient pas, ils se livrent à de longues chassent et dorment à la belle étoile, sans jamais quitter leu lourde armure et se servant de leur bouclier comme d'un oreiller.

Les tournois qui se tiennent en Aquitanie sont toujours très disputés, sans que quiconque n'accorde ou ne demande merci, la plupart des vainqueurs sont d'ailleurs des chevaliers de ce duché. Aucune guerre n'a jamais été livrée en Bretonnie sans qu'au moins un chevalier du duché n'y ait pris part, et ceci est, pour le peuple d'Aquitanie, source d'une grande fierté.

Nombreux sont les chevaliers du Graal qui demeurent en Aquitanie car tout aussi nombreux y sont les endroits où Gilles le Breton livra bataille. La Tour de Sorcellerie, un lieu sacré dédié à la Dame du Lac, s'élève près d'un lac béni situé à la limite de l'Aquitanie et les paladins en quête du Saint Graal viennent souvent y solliciter l'aide de sa gardienne. Celle-ci a de tout temps été une Damoiselle du Graal versée dans les arts de la magie. Son avis est recherché par tous et elle est une des conseillères du duc d'Aquitanie.

Les légendes prétendent qu'il y a fort longtemps, un régiment entier de chevaliers d'Aquitanie partit en guerre chevauchant des pégases. Bien qu'il s'agisse probablement d'une fable, le fait est que, par tradition, le duc régnant combat sur l'une de ces merveilleuses créatures. Un pégase n'accepte qu'un cavalier à l'âme la plus pure et au cœur le plus noble, et l'on peut en conclure que les ducs d'Aquitanie sont des personnages exceptionnels. Le cheval ailé fait également partie des blasons d'Aquitanie car ses ducs ont toujours affirmé appartenir à la lignée royale.

La maison d'Aquitanie a une longue et honorable histoire. Ses ancêtres étaient aux côtés de Gilles le Breton lors de la fondation du royaume et la Chanson d'Aquitanie dit que le premier duc épousa une certaine damoiselle Annabel le Bon, parente de Gilles le Breton. Les ducs d'Aquitanie se sont toujours distingués au service du roi et leurs bannières ont flotté sur d'innombrables champs de bataille.

Durant les événements comptés dans le Cercle de Sang, le duc d'Aquitanie avait pour nom Gilon. C'était un grand homme d'État et un terrible guerrier qui avait accompli fort jeune sa quête du Graal. Son fils, sir Richemont, était renommé pour ses prouesses martiales et son impétuosité. Le duc Gilon aurait voulu léguer depuis longtemps le trône à son fils et se retirer dans une Chapelle du Graal, mais il savait qu'il ne pouvait abandonner sa charge tant que son héritier n'aurait acquis patience et sagesse.

LA BALLADE DU DUC ROUGE

L'histoire du Duc Rouge est l'un des contes anciens les plus populaires en Bretonnie. Certaines des nombreuses versions qu'en chantent les ménestrels ne dépeignent pas le Duc Rouge comme un être vil et sans cœur, mais toutes sont teintées de tristesse et de tragédie.

Bien que ce récit ait été baigné de mystère par les brumes du temps et des légendes, son étude attentive permettra à l'érudit de reconstituer la vérité historique en dissociant les faits réels de l'imagerie romanesque et poétique des ballades et des chansons bretonniennes traditionnelles. Ce qui suit est donc la vérité...

Il était une fois...

A l'époque des croisades, sous le règne de Louis le Bon, quinzième roi de Bretonnie, les païens arabéens conduits par le sultan Jaffar, qu'il soit trois fois maudit, envahirent l'Estalie et menacèrent du même coup la liberté du reste du monde.

... une contrée lointaine

Remplis d'une juste fureur vengeresse, les chevaliers de Bretonnie se rassemblèrent pour repousser l'envahisseur. Le duc d'Aquitanie, qui faisait partie de ces chevaliers, était un homme imposant et reconnu par tous comme le meilleur guerrier de la région. Lorsque les plus nobles des fils de Bretonnie tirèrent l'épée contre les infidèles, il fut parmi les premiers, toujours prêt qu'il était à défendre l'honneur du royaume.

Durant la guerre qui libéra finalement l'Estalie et provoqua la fin du règne corrompu de Jaffar, le duc se couvrit de gloire. Une multitude de chansons furent composées sur ses victoires contre les soldats du sultan. C'était avant que ne survienne le désastre.

Durant le siège de Lashiek, juste après la chute des murs de la cité, le duc d'Aquitanie disparut et on le crut perdu. Des rumeurs sur son sort coururent pendant plusieurs jours dans le camp des croisés, jusqu'à ce qu'il soit retrouvé grièvement blessé et en plein délire, mais toujours vivant. Ses fidèles serviteurs le soignèrent et ne l'abandonnèrent pas, même lorsqu'il tomba dans une profonde léthargie. Ils le ramenèrent jusqu'en Bretonnie, le portant tout au long du trajet dans une litière protégée du soleil à travers les déserts brûlants et les embuscades des orques et des skavens.

Le retour du seigneur

Enfin de retour chez eux, ils allongèrent leur maître sur son lit pour qu'il y mourut en paix. Le deuil tomba sur le château lorsque le duc succomba à ses fièvres, ses chevaliers le pleurèrent et firent le serment de le servir au delà de la mort, des mots qui allaient avant peu provoquer leur perte. Ils l'enterrèrent sous son château comme le voulait alors la coutume, et restèrent tard dans la nuit à chanter pour le salut de son âme.

Un mort privé de repos

Ils resta dans sa tombe trois jours durant, puis au plus sombre d'une nuit de tempête, il se leva. Il n'était plus le duc d'Aquitanie, champion du roi, mais était devenu un vil vampire frappé par une mystérieuse malédiction. Nul ne sait comment il fût touché, mais ceci n'était alors pas le plus préoccupant. En quelques terribles heures, il tua un à un tous les habitants du château puis les releva d'entre les morts grâce à ses nouveaux pouvoirs. Il disposa rapidement d'une conséquente armée de morts vivants et commença aussitôt un règne de terreur.

Bientôt, les gens du peuple oublièrent son vrai nom et l'appelèrent le Duc Rouge à cause du sang qui souillait ses vêtements et ses actes. Des milliers de réfugiés s'enfuirent vers le nord pour chercher l'aide et la protection du roi. Lorsque ce dernier appris ce qui se passait en Aquitanie, il leva une puissante armée et chevaucha à la rencontre de son ancien vassal.

Le Duc Rouge, conscient de la puissance du roi, chercha de l'aide auprès de la Gardienne de la Tour de Sorcellerie. Cette tour était un ancien édifice en ruines datant de l'époque des hauts elfes et bâti à un endroit recelant beaucoup de pouvoir magique. La Gardienne, Isabeau, était reconnue comme étant la plus puissante magicienne d'Aquitanie. Le Duc Rouge lui offrit de s'allier à lui, de défier ensemble le roi et de se partager ensuite le royaume de Bretonnie.

Isabeau refusa. Elle voyait le Duc Rouge tel qu'il était, un monstre qui n'avait plus rien d'humain et qui revenait du royaume des morts. Elle s'enfuit et rejoignit le roi.

Les deux armées se heurtèrent lors d'une bataille colossale dans la plaine de Ceren. On se souvient très peu de cette bataille durant laquelle le terrible mort vivant, qui portait toujours la livrée d'Aquitanie, se battit contre la noblesse de Brettonnie. Il suffit de dire que nul mort vivant ne put résister au roi et que les chevaliers du Graal ne tremblèrent pas devant les esprits des trépassés. La Gardienne de la tour, puisant dans ses pouvoirs et sa sagesse, contra un à un tous les sorts lancés avec rage par le Duc Rouge. Enfin, les deux anciens amis s'affrontèrent, le roi contre son champion. Le combat dura une heure, mais la Dame du Lac était au coté du roi brettonnien et, à eux deux, ils furent vainqueurs. Le corps du Duc Rouge fut transpercé par la lance du roi, le blessant mortellement et scellant le sort de son innommable armée. Ses suivants furent dispersés, son château rasé et du sel répandu sur les ruines éparpillées.

Vaincu

Isabeau conseilla au roi de brûler les restes du vampire, mais le noble souverain ne put se résigner à faire subir ce sacrilège à son ancien champion. Dans la mort le Duc Rouge semblait être redevenu ce qu'il était autrefois, ses traits étaient nobles et en paix, et il semblait purifié de sa malédiction. Le roi ordonna qu'un grand caveau fut édifié et qu'il soit scellé par le signe du Graal en l'honneur du défunt. Il édicta ensuite que l'ancien nom du duc soit effacé de toutes les archives afin que cette terrible honte soit oubliée et que les membres de sa lignée puissent vivre sans garder le souvenir de l'être maléfique qui porta un jour leur nom.

UNE TOMBE BIEN AGITÉE

Mais le Duc Rouge n'était pas mort. Son corps fut peut-être transpercé par la lance du roi et sa volonté disloquée par les pouvoirs de la Gardienne de la tour, mais il avait fourbi un plan au cas où cela arriverait. Il avait scellé à cet effet un peu de son essence vitale dans un joyau rouge sombre fait à partir du sang des innocents grâce à une magie maléfique. Il lui fallut de longues années pur régénérer son corps mutilé, mais il se leva finalement à nouveau et tenta de pousser les portes de pierre du caveau. Mais il était pris au piège. Les symboles du Graal et les icônes magiques tracées par la Gardienne tenaient les lourdes portes bien fermées et le duc resta emprisonné à l'intérieur du caveau.

Durant d'incalculable années il s'acharna dans cette tombe qui était devenue sa prison, mais en vain. Chaque fois qu'il tentait d'ouvrir les portes colossales, les saintes inscriptions et les icônes de bannissement lui brûlaient les mains. Il lança sortilège après sortilège et mit en oeuvre tout son savoir pour appeler à son aide des créatures malfaisantes par delà la mort, mais rien ni personne ne put l'aider à briser les sceaux placés sur les portes. L'anathème qui le retenait prisonnier était bien trop puissant.

La délivrance

Même si le joyau rouge préservait la vie surnaturelle du duc, sa soif de sang s'enfla jusqu'à le plonger dans le puits sans fond d'une folie d'où il ne pourrait ressortir. Il ne pouvait que hurler sa rage et jurer de se venger à des murs de pierre qui ne lui répondaient pas.

Ainsi les siècles s'écoulèrent-ils et les gens oublièrent peu à peu la légende du Duc Rouge. Jusqu'à ce jour où...

Pour la première fois depuis un millier d'années, il pouvait enfin respirer l'air frais. Il rejeta sa tête en arrière et éclata d'un rire aux accents froids et sinistres, qui promettait la mort à quiconque l'entendait.

Il devait tout d'abord récupérer son domaine. Ensuite la Gardienne de la Tour devrait payer pour sa forfaiture. Peut importait au Duc Rouge que la Gardienne Isabeau, qui l'avait défié naguère, soit morte depuis longtemps. Sa descendante lui suffirait pour assouvir sa vengeance. Ensuite...

"Halte," dit une voix de crécelle. "Tu dois m'obéir. Moi, Reynart, maître des sombres arts, te commande au nom de Nagash lui-même, heu... Seigneur Suprême des... heu..." La voix s'éteignit lorsque le regard sombre du Duc Rouge se posa sur le personnage en grande robe qui se tenait devant lui. Puis, le duc recommença à rire, un rire qui ne disait rien de bon.

Ainsi donc, cet être ridicule était l'artisan de sa délivrance. Pathétique. Il fut à deux doigts de l'occire pour lui faire payer son incompétence, mais il se ravisa, il pourrait lui être utile. Le mortel semblait paralysé. "Maître des sombres arts, vraiment !" Il pourrait le démembrer os par os pour avoir été aussi présomptueux. Ou peut-être aurait-il l'honneur d'offrir au Duc Rouge son premier repas. Du sang. C'était vraiment tentant. Mais non, inutile de se précipiter. A la place, il parla d'une voix inhumaine résonnant comme une tombe poussiéreuse. "Non, mortel. C'est toi qui va m'obéir."

Pendant des semaines, le Duc Rouge écuma les nuits, chassant tous ceux qui croisaient sa route et restaurant de leur sang ses forces d'autrefois. Guidé par l'ignoble Reynart, il tombait sur tous ceux qui étaient assez fous pour se promener la nuit et bientôt, les villageois furent trop effrayés pour quitter leurs demeures.

Mais pendant ses chasses, le regard fixe du Duc Rouge ne manquait rien. Il était sur ses terres, sur son domaine, et ce peuple à lui seul n'étancherait pas sa soif. Il se rappelait ces heures de gloire lorsqu’il avait presque renversé le roi de Bretonnie. Ces jours seraient à nouveau et son royaume de sang renaîtrait lui aussi. Il serait alors le seul maître et régnerait tel un dieu-roi immortel, servi par des chevaliers morts vivants à la loyauté éternelle. Un jour, tous ceux qui avaient osé le défier seraient à ses pieds. Mais il devait pour l'instant satisfaire une soif qui le tenaillait depuis un millier d'années.

Plusieurs semaines passèrent, jusqu’à ce que le Duc Rouge sentit que ses forces étaient revenues. Sa vengeance ne pouvait plus attendre. Il retourna sur les ruines éparpillées de son ancien château et là, entre les murs renversés et aux heures les plus sombres de la nuit du solstice d'hiver, il entama le Grand Sortilège des Morts.

Par delà les années écoulées, enfouis dans des strates de terre décomposée, les morts entendirent la force de ses mots. Il les appelait, remémorant à ses chevaliers qu'il y avait une éternité de cela, ils avaient juré de le servir.

Un à un, ils arrivèrent et se placèrent à ses côtés. Les ossements de ses compagnons repoussèrent leurs pierres tombales, ramassèrent les armes qui avaient été ensevelies avec eux et marchèrent d'un pas chancelant pour se joindre à lui et grossir son armée.

Nuit après nuit, les morts d'Aquitanie marchaient vers les ruines du château, jusqu'à ce qu'une horde forte de plusieurs milliers de morts vivants soit sous les ordres de son maître. Il était maintenant prêt. Il n'allait pas laisser plus de temps au duc Gilon, cet usurpateur de son domaine. Il devait frapper sans prévenir et sans laisser aux mortels la chance de rassembler leurs forces.

Il allait attaquer en trois endroits à la fois et tomber par surprise sur ses ennemis dispersés. Les éléments les plus rapides de ses forces devraient raser la Tour de Sorcellerie, assouvissant sa vengeance en tuant la Gardienne. Son avant-garde chevaucherait devant le reste de son armée, détruisant les villages et s'emparant du pont qui enjambait le fleuve Morteseaux. Lui-même resterait avec le gros de ses troupes pour écraser toute armée que ces fous de bretonniens oseraient lever contre lui.

Cette fois, il serait sans pitié.

  
BATAILLE 1 – BATAILLE NOCTURNE À MERCAL

La mort rôde cette nuit

Le Preux ChevalierIls surgirent de la nuit, silencieux, implacables, infatigables. Reynart le nécromancien en tête, l'armée des morts vivants avait quitté le château du Duc Rouge au crépuscule, traversant les marais putrides et les denses forêts pour tomber sur le village de Mercal au beau milieu de la nuit. Mais pourquoi Mercal ? La Gardienne de la Tour n'y était pas et cette localité n'était pas non plus sur la route qui menait au fleuve Morteseaux. Que pouvait bien représenter ce malheureux village ?

Un millier d'années plus tôt, après la défaite du Duc Rouge, ce dernier ne fut pas le seul à être enseveli dans un somptueux caveau. Après sa mort et alors que ses armées commençaient à se désagréger, un petit groupe de ses plus fidèles et fanatiques serviteurs se frayèrent un chemin à grands coups d'épées et échappèrent au désastre. Se dissimulant dans des marais et des bois où les gens du peuple craignaient de s'aventurer, ils poursuivirent le combat pendant plusieurs jours, jusqu'à ce qu'ils soient enfin abattus l'un après l'autre.

Ceux qui avaient jadis été de nobles fils de Bretonnie ne furent pas non plus incinérés mais ensevelis. Une Chapelle du Graal fut élevée tout près de leur sépulture pour qu'un Preux Chevalier puisse veiller à jamais sur eux. Cette chapelle se trouvait au centre du village de Mercal.

Une fois libéré de sa prison par le nécromancien Reynart, le Duc Rouge avait appelé ses serviteurs à lui, mais il n'avait pas eu de réponse de la part de ses plus loyaux capitaines. Cela lui avait fort déplu. Avaient-ils oublié leur serment ? Il dépêcha de nuit ses sinistres espions, des nuées de chauve-souris et des meutes de bêtes rampantes. Il découvrit rapidement le sort de ses favoris, tout aussi impitoyable que le sien, ils avaient été enterrés à Mercal et c'était le Preux Chevalier qui les retenait en ces lieux. Ils avaient bien entendu l'appel de leur maître, mais ils étaient incapables de s'échapper de leur mausolée. Cet homme devait mourir !

La chapelle sereine

Tout était calme dans le petit village de Mercal. Les gens qui vivaient là s'étaient mis au lit après une dure journée de labeur passée aux champs. Tout était silencieux.

Puis soudain, les cloches de la chapelle du Graal sonnèrent un frénétique tocsin n'ayant rien à voir avec le battement mesuré de l'appel aux fidèles. Les hommes coururent voir ce qui se passait et se retrouvèrent face au chevalier gardien de l'endroit qui leur tint un discours alarmant, présageant un désastre. La Dame du Lac lui avait accordé une vision et il avait vu une armée en marche composée des choses les plus terribles qu'ils puissent imaginer.

Les morts-vivants arrivaient.

"Préparez-vous," leur dit le Preux Chevalier. "C'est plus que le destin de nos humbles demeures qui se joue cette nuit." Ils respectaient tellement le chevalier qu'ils ne lui posèrent aucune question. S'il disait que le mal était en route, ils le croyaient.

Les villageois coururent chercher leurs armes, mirent femmes et enfants à l'abri et se préparèrent pour la bataille. La confusion régna pendant plusieurs minutes, puis, au centre du village, le Preux Chevalier entonna un chant. C'était un des anciens chants des bretonniens, une ode à la bravoure face aux ennemis de tous bords. Lentement, les archers et les hommes d'armes formèrent leurs rangs autour de leur chef. Au fur et à mesure qu'ils se mettaient en place, ils joignaient leur voix à cet hymne guerrier. A la fin du dernier couplet, tout le monde était en place, chaque homme était prêt, connaissait son devoir et espérait en silence que les messagers envoyés seraient bientôt de retour avec des renforts. Mais chut, quel était ce bruit ? Des cliquetis d'armes, de boucliers et l'entrechoquement des os...

Résultat historique

Le Preux Chevalier avait rassemblé les hommes de son village en de grandes unités, un plan censé car la peur de l’ennemi aurait facilement fait fuir des groupes plus petits. Dès que les épouvantables silhouettes furent visibles à travers le brouillard, les archers lâchèrent des salves de flèches meurtrières. De nombreux squelettes et goules tombèrent, mais les autres poursuivirent leur avance et furent rapidement sur les défenseurs.

Les jeunes gens du village qui aspiraient à la chevalerie, épaulés par leurs écuyers montés, firent tout leur possible pour atteindre Mercal et participer à sa défense avant que le village ne soit totalement encerclé par les morts-vivants, mais les cavaliers squelettes les prirent de vitesse. Stimulés par la magie nécromantique, ils heurtèrent les Chevaliers Errants de flanc, les éparpillant et les piétinant. Les écuyers, assistant à ce terrible spectacle, tournèrent les talons et s’enfuirent.

Le principal régiment de squelettes, sous les ordres de Reynart et d’un champion revenant, attaqua les hommes d’armes eux-mêmes commandés par le Preux Chevalier. Le combat fit rage pendant une heure, mais les morts vivants furent victorieux et les hommes d’armes mis en pièces. Le Preux Chevalier restait pourtant debout, chantant la chanson de Gilles le Breton et combattant bravement même lorsqu’il fut totalement encerclé par les guerriers squelettes. Il frappait à droite et à gauche, coupant en deux de nombreux morts vivants, Reynart lui-même manqua de subir le même sort lorsqu’il tenta de l’attaquer. Il sembla un instant qu’à force de courage, le chevalier parviendrait à renverser à lui seul le cours de la bataille.

A ce moment crucial, le champion revenant abattit par-derrière son épée sur le Preux Chevalier qui s’écroula. Le nécromancien n’avait plus qu’à invoquer le sort adéquat pour réveiller les morts ensevelis dans leurs cryptes. Ceux qui avaient autrefois été de nobles chevaliers sortirent de leur sommeil et, avec le retour de l’obscurité, traquèrent les paysans comme eux-mêmes avaient jadis été traqués.

En représailles pour leur insolence et leur obstination, Reynart ordonna que le village soit brûlé et que tous les habitants soient passés au fil de l’épée. Seul un jeune garçon survécut, caché parmi les cadavres. Une fois hors de danger, il courut en direction de l’ouest pour raconter au duc Gilon le triste destin du hameau.

BATAILLE 2 – LA DÉFENSE DE LA TOUR

La revanche du Duc Rouge

La BansheeUn nombre incalculable d’années avait passé, mais le Duc Rouge n’avait pas oublié le rôle qu’avait joué la Gardienne de la tour dans sa défaite. Il décida d’attaquer la Tour de Sorcellerie et l’Aquitanie simultanément. Connaissant les pouvoirs magiques de la Gardienne ; il dépêcha l’un de ses plus puissants serviteurs pour l’affronter. Ce serviteur était une banshee, un esprit errant dont les hurlements pouvaient tuer les simples mortels. Ses ordres étaient de raser la Tour de Sorcellerie et de polluer le lac sacré près duquel elle était bâtie. Il envoya aussi avec elle ses plus rapides serviteurs pour qu’elle puisse frapper par surprise, puis se hâter de rejoindre le gros des troupes pour l’assaut sur les frontières de l’Aquitanie, c’est pourquoi les forces de la banshee comportaient de rapides chars de combat, de la cavalerie et des charognards.

Mais la Gardienne n’était pas dépourvue de pouvoir. Elle interrogea les eaux du lac et y vit l’image fantomatique de sombres ennemis chevauchant contre elle. Elle pensa un instant s’enfuir vers la relative sécurité de Castel Aquin, mais ne put finalement se résigner à abandonner les lieux sacrés confiés à son attention. Elle envoya ses servantes avertir le duc Gilon du danger imminent, conseilla aux paysans de s’enfuir avec leurs familles, puis se prépara à vendre chèrement sa vie.

Au lieu de lui obéir, les paysans des environs vinrent à son secours, la remerciant ainsi de l’aide qu’elle leur avait toujours apportée en tant que Gardienne de la tour. On sut rapidement dans la région qu’une damoiselle était en détresse et des chevaliers errants accoururent de partout pour l’aider. La Dame du Lac n’abandonna pas non plus sa fidèle servante. Des Paladins et quelques chevaliers du Graal se rassemblèrent sur les berges du lac sacré, attirés par des présages et des rêves.

Lorsque la banshee arriva, une véritable armée l’attendait autour du Lac Tranquille et de la Tour de Sorcellerie. Les forces adverses étaient équilibrées, mais la banshee n’osa pas désobéir à son maître. Elle se prépara à lancer ses troupes dans les champs qui entouraient la tour. Là, elle attendrait que les prières dédiées à la Dame du Lac commencent, la banshee savait que ses ennemis seraient alors vulnérables.

Résultat historique

Le cœur débordant de compassion, Damoiselle Iselda ne put abandonner les braves gens qui s’étaient rassemblés pour la défendre. Elle décida de rester près de sa tour, à la tête d’un des régiments d’archers.

Au sinistre hurlement de la banshee annonçant l’arrivée de l’ennemi, les Chevaliers du Graal et les Paladins qui s’étaient rassemblés autour du lac sacré se précipitèrent à l’aide d’Iselda. Les rapides chars squelettes et les revenants montés galopèrent pour les intercepter.

Poussés par la sorcellerie maléfique de la banshee, la horde des morts vivants tenta de séparer les chevaliers des roturiers. Les cavaliers squelettes chargèrent les hommes d’armes et les revenants montés foncèrent à la rencontre des chevaliers massés à proximité du lac.

Les revenants ne firent pas le poids face aux chevaliers, mais leur intervention permit aux morts vivants de placer une énorme nuée de chauves-souris entre les chevaliers et les roturiers.

La banshee et les charognards assaillirent les archers conduits par Iselda qui furent vite mis en pièces par la banshee et les coups de becs. Poussés par une rage vengeresse, les chevaliers éparpillèrent les nuées de chauves-souris mais, alors qu’ils éperonnaient leurs montures et allaient se lancer à l’aide d’Iselda, ils furent attaqués par les chars squelettes.

Voyant que tous ceux qui devaient la protéger étaient morts, Iselda s’enfuit en direction des chevaliers qui luttaient contre les chars, mais ses implacables ennemis étaient sur ses talons.

Triomphante, la banshee en appela aux vents sauvages de la Magie Noire et la Gardienne de la tour n’eut plus aucune issue. Elle fut rattrapée et abattue par la lame de l’esprit hurlant. Les ballades racontent qu’un parterre de fleurs de lys pousse à l’endroit où elle est tombée.

BATAILLE 3 – LA COURSE VERS LE PONT

Le retour de l'héritier

Le Chevalier de SuieLe flot des réfugiés fuyant les villages frontaliers ravagés se transforma en un véritable torrent et le duc Gilon fit flotter son étendard de bataille sur Castel Aquin. Ses hérauts chevauchèrent pour rassembler les chevaliers du duché et prévenir ses voisins du danger. Il ne pouvait attendre que peu d’aide de leur part car les conditions atmosphériques avaient rendu les routes et les passes impraticables par des forces d’importance. La plupart de ses chevaliers étaient déjà dans l’est, combattant aux côtés du roi contre les orques. Le peuple d’Aquitanie devrait lutter seul contre l’horreur.

Alors que le duc Gilon rassemblait ses forces, son fils Richemont, que personne n’attendait, revint d’un pèlerinage vers la Chapelle du Graal de Couronne. Il s’était rendu dans la Grande Chapelle de la Dame du Lac et sur les tombes des héros de Bretonnie. Après avoir longuement prié, il s’était assoupi dans la Grande Chapelle et avait vu en rêve sa terre natale assaillie par la terrible horde des morts vivants. Il avait immédiatement chevauché à bride abattue vers le château de son père.

Sir Richemont annonça qu’il avait trouvé un moyen de ralentir l’avance des morts vivants. Selon son rêve, aucun vampire ne pouvait traverser un cours d’eau sans emprunter un pont. Comme il n’y en avait qu’un seul traversant le fleuve Morteseaux à des lieues à la ronde, sa destruction forcerait les morts vivants à faire un long détour et donnerait aux bretonniens plus de temps pour rassembler leurs forces. Les sapeurs de Castel Aquin pourraient facilement détruire l’édifice et sir Richemont offrit de se placer à la tête d’une force de chevaliers qui chevaucheraient en avant pour l’accompagner et partit sur le champ défendre le pont. Le Conseil des Chevaliers était partagé. Certains membres soutenaient le jeune sir Richemont, croyant que sa vision était l’œuvre de la Dame du Lac, alors que d’autres dénonçaient son plan comme étant trop hardi et dangereux.

Finalement, nombreux furent les jeunes chevaliers à le suivre car sir Richemont était très populaire parmi ses frères d’armes Paladins. L’essentiel des chevaliers du royaume et la plupart des autres combattants préférèrent cependant attendre car ils avaient juré de tenir et de protéger la forteresse de leur seigneur.

Tôt le matin, Richemont conduisit sa petite force vers le pont, les sapeurs du château suivirent dans leurs chariots aussi vite qu’ils le purent. Mais l’ennemi approchait à toute vitesse.

Le pont du fleuve Morteseaux

Pendant ce temps, le Chevalier de Suie, le plus terrible des capitaines du Duc Rouge, héraut et champion du Royaume de Sang, menait l’avant-garde de l’armée des morts vivants à travers la contrée, rasant les villages, brûlant les fermes et tuant tout être vivant, homme ou bête, qui, pour son infortune, croisait sa route. Les corps étaient laissés sans sépulture pour que le maître puisse accomplir sur eux ses rites nécromantiques et grossir son armée avec toujours plus de morts réanimés.

Ses charognards furent envoyés en éclaireurs et les esprits vivants qui les chevauchaient rapportèrent qu’une rapide force de chevaliers bretonniens approchait du pont. Le Chevalier de Suie, consumé de haine et de fierté, conduisit immédiatement ses forces à leur encontre, déterminé à écraser les bretonniens et à s’emparer de l’ouvrage pour son sombre maître. Il envoya ses charognards porter un message au Duc Rouge et atteignit le pont au moment même où sir Richemont le traversait. Sans attendre de s’être mis en ordre de bataille, il chargea, confiant de renverser cette ridicule petite force de chevaliers qui s’opposait à lui.

Résultat historique

Le jeune sir Richemont chevauchait en avant de son armée et était bien en avance sur le reste de ses troupes toujours occupées à se reformer pour franchir la rivière. A ce moment crucial, le ciel fut obscurci par les ailes des chauves-souris. Le Chevalier de Suie, à la tête de ses chevaliers morts-vivants, galopa sur le champ de bataille, ordonnant à ses troupes de foncer vers le pont pendant que lui-même se lançait pour intercepter et détruire les chevaliers qui avaient déjà traversé le fleuve.

Cette bataille, racontée par les trouvères en une longue chanson de geste, se partagea en deux mêlées distinctes. Le char squelette, les revenants montés et les squelettes armés de lances rouillées lancèrent une attaque conjointe contre les Paladins et il sembla un instant que les preux combattants allaient succomber sous l’assaut des morts vivants. Mais les Paladins au noble dessein survécurent à l’avalanche d’os et de métal. Frappant de taille et d’estoc, ils détruisirent leurs assaillants et, après un combat acharné de quatre heures, ils vainquirent finalement tous leurs adversaires. Pendant que se déroulait ce sanglant combat, sir Richemont galopait pour défier le Chevalier de Suie en combat singulier. Les deux combattants se valaient l’un l’autre, mais la bravoure de sir Richemont lui permit de vaincre son ennemi. Le jour s’acheva sur une victoire bretonnienne et le pont fut détruit.

Le Duc Rouge fut dès lors privé d’une route directe menant aux plaines d’Aquitanie. Lorsqu’il arriva sur place le jour suivant, il ne trouva qu’un cours d’eau au-dessus duquel il pouvait sentir flotter la colère de la Dame du Lac. Son plus fidèle compagnon d’arme n’était plus et les chevaliers morts vivants avaient été renvoyés dans les royaumes des morts. Son cœur noir se remplit d’une fureur froide et, jurant de se venger, il ordonna à son armée de marcher vers l’est où il pourrait traverser la rivière en empruntant un pont moins large. Cela lui coûta un temps précieux, donnant aux chevaliers d’Aquitanie le temps de rassembler toutes leurs forces.

 

BATAILLE 4 – LA BATAILLE DE LA PLAINE DE CEREN

Et l'obscurité tomba

Le Duc RougeLes villages frontaliers de l’Aquitanie étaient désertés, rasés par l’ennemi. Les champs étaient laissés à l’abandon et l’hiver allait réduire les moissons à néant. Les charognards planaient dans le ciel, les esprits des trépassés étaient aperçus errant dans la campagne et les restes de ceux morts récemment se levaient pour prendre les armes contre leurs propres frères et enfants. Chaque jour nouveau voyait grossir un peu plus les rangs immondes du Duc Rouge.

Les lanternes et les torches de Castel Aquin brûlèrent tard dans la nuit autour du duc Gilon et de ses conseillers réunis. Les capitaines des chevaliers discutaient de la prochain action à entreprendre. Aucun aide ne pouvait être attendue de la part du roi et des duchés voisins, car la plupart des chevaliers étaient engagés dans une Guerre Sainte contre les orques ou défendaient les frontières. Personne ne s’était attendu à une guerre sur les terres mêmes de Bretonie. L’Aquitanie était seul contre un mal millénaire.

Le conseil était partagé. Certains, menés par le jeune sir Roger, voulaient sortir seuls défier le Duc Rouge en combat singulier. D’autres, des vétérans plus mesurés, suggéraient de consolider les fortifications de Castel Aquin et de tenir jusqu’à l’arrivée des renforts. Finalement, le duc Gilon écarta les deux idées.

« Nous ne pouvons pas attendre de cette chose maléfique qu’elle respecte les règles de la chevalerie, déclara-t-il. « Et nous ne disposons pas de suffisamment de nourriture ici, dans le château, pour soutenir un long siège alors que nos adversaires ne mangent ni ne se reposent jamais. Ils ne se rebellent jamais contre leur maître, pas plus qu’ils ne se lassent. Leurs sentinelles sont constamment sur le qui-vive et nous serions pris comme des rats. Nous devons de plus penser au peuple d’Aquitanie qui n’a pas de murailles pour le protéger de cet impitoyable ennemi ». Le vieux duc poussa un long soupir. « Non, notre seule option est d’aller au devant de lui, de l’affronter où nous le trouverons et de prier la Dame du Lac pour quelle nous donne la victoire. Qui est avec moi ? Nul ne m’accompagnera contre son gré. »

Un à un, les barons et les chevaliers d’Aquitanie tirèrent leur épée et la posèrent sur la table. Tous jurèrent de suivre le duc Gilon jusqu’à la mort. Touché par la loyauté de ses hommes, le duc Gilon reprit la parole. « Vous remplissez mon cœur de fierté. » Puis il appela ses écuyers. « Apportez-moi ma grande épée et sellez mon pégase ! Le duc d’Aquitanie part en guerre ! »

En quelques jours, l’armée d’Aquitanie fut rassemblée, prête à marcher à la rencontre des morts vivants. Des rangs et des rangs de chevaliers en armures étincelantes et décorées des magnifiques armoiries d’Aquitanie furent prêts à défendre leur terre. De vaillants hommes d’armes et d’habiles archers regroupés en de solides unités étaient désireux d’affronter les légions de morts vivants du Duc Rouge. Les écuyers furent déployés en unités de tirailleurs afin de reconnaître le terrain en avant de l’armée. Le duc Gillon, monté sur Flamme, son fidèle pégase, reçut l’ovation de ses troupes. Au dire des légendes, l’Aquitanie n’avait jamais rassemblé armée plus nombreuse et plus courageuse que celle qui allait s’opposer aux morts vivants du Duc Rouge.

Un lieu sacré

L’armée passa les portes de Castel Aquin et s’enfonça dans la nuit. Le Duc Gillon avait choisi la plain de Ceren comme champ de bataille. Ce lieu sacré abritait également la tombe du duc Galand, un ancêtre de Gilon, tombé au champ d’honneur en combattant les ennemis de la Bretonnie. Gilon, qui connaissait parfaitement le cœur de ses hommes, savait que ces lieux inspireraient à ses troupes des actes de bravoure. Si les bretonniens avaient pu battre une fois le Duc Rouge, ils pouvaient le refaire.

Une demi-journée après que les bretonniens aient atteint la plaine de Ceren, les éclaireurs de l’armée annoncèrent que l’ennemi était en route et qu’il serait là avant quelques heures. Soudain, une ombre immense s’abattit sur l’armée du duc Gilon. L’obscurité tombante annonçait l’arrivée du Duc Rouge.

Le rayons du soleil furent brisés par un vol d’immenses chauve-souris invoqués par le seigneur vampire. Au son des tambours tendus de peau humaine, des légions de squelettes aux os blanchis approchèrent dans la plaine. Des zombies titubaient à leur suite, leur cervelles en décomposition remplie d’une seule obsession : tuer tout être vivant. De terribles machines de guerre faites d’os humains furent poussées en position. Des cavaliers squelettes galopèrent en avant, sinistres ombres des chevaliers mortels qu’ils avaient jadis été. En en plein centre de la horde se tenait le seigneur vampire, le visage d’ivoire et vide d’émotion, ses yeux brûlant d’un brasier rougeoyant qui promettait la damnation éternelle à quiconque oserait le défier.

Le Duc Rouge, aux sens plus aiguisés que ceux de toute créature vivante, parcourut le champ de bataille. Ses yeux pénétrèrent l’obscurité et repérèrent l’armure resplendissante du duc Gilon. Il leva alors son épée dorée en une parodie du défi des chevaliers. La paix était impossible entre ces deux personnages car l’un était un être déchu et l’autre un vibrant exemple des idéaux défendus par le code de chevalerie.

Le champ de bataille était parsemé des ossements des héros d’autrefois, guerriers qui avaient jadis combattu contre les orques et les gobelins à cet endroit et qui avait bâti le royaume de Bretonnie au sacrifice de leur propre sang. C’était un lieu sacré pour les bretonniens, mais un sourire aussi froid que l’hiver illuminait le Duc Rouge car les vents de Magie Noire tourbillonnaient dans la plaine et se concentraient autour des restes des guerriers tombés. Les sorts nécromantiques du Duc Rouge seraient faciles à lancer en ce jour.

Les deux armées se préparèrent à la bataille et le regard des dieux se posa un instant sur ces lieux, attendant de connaître le destin de l’Aquitanie.

Résultat historique

Les bretonniens arrivèrent très tôt dans la matinée et le duc Gilon, craignant que les morts vivants ne l’encerclent et n’attaquent les villages qu’il défendait, dépêcha des éclaireurs pour espionner les mouvements de l’ennemi. Les écuyers, à qui il avait confié cette mission, furent vite de retour et annoncèrent que les morts vivants étaient proches. Ils l’avertirent aussi que des nuées de chauves-souris volaient en avant-garde, que le Duc Rouge en personne chevauchait en tête de ses forces et qu’il avait décoré sa Grande Bannière du corps du Preux Chevalier. Le vieux duc fut alors pris d’une froide fureur et jura qu’il ne quitterait pas le champ de bataille avant que l’Aquitanie ne soit libérée de ce monstre. Il n’allait pas attendre longtemps sa chance de tenir sa promesse.

Lorsque les brumes se dissipèrent, les bretonniens tirèrent avantage du lent déploiement des morts vivants et se lancèrent en avant. Cet endroit était sacré pour les bretonniens et ils étaient résolus à ne pas céder un pouce de terrain aux ignobles forces ennemies.

Le Duc Rouge chevauchait en toute confiance, son armée avait l’avantage numérique et était mieux préparée pour cette bataille. Les suppôts de la puissance nécromantique au sein de son armée étaient trois fois plus nombreux que les magiciens des forces bretonniennes. Il était certain que cette fois-ci les morts vivants seraient victorieux et qu’il aurait sa revanche.

L’armée du duc Gilon était moins nombreuse et plus manœuvrable et il utilisa ceci à son avantage. Alors que les guerriers squelettes cherchaient encore leur place dans leurs lignes de bataille, ses chevaliers galopèrent en avant, prêts à charger les morts vivants au plus tôt. Son fils était à la tête des Paladins sur le flanc droit, lui-même avançait avec ses fidèles Chevaliers du Royaume.

Le Duc Rouge leva une main et, au prix d’un immense effort, lança un sort malgré toutes les tentatives du sorcier bretonnien pour le contrer. Les cavaliers squelettes se heurtèrent aux Paladins, mais leur charge manqua de puissance pour briser le mur de fer et de courage qui se tenait devant eux. Les Paladins répliquèrent d’une frappe vengeresse et le sol fut bientôt recouvert des os brisés des montures squelettes et de leurs cavaliers.

Le Duc Rouge galopa jusqu’à la tombe de sir Galand et d’un seul revers de sa lame enchantée, il en fendit la pierre là où était gravé le symbole du Graal. Maintenant que la tombe ne perturbait plus les flots de Magie Noire, il sentit ses veines se remplir d’une nouvelle puissance. Pour tester ses pouvoirs, il en appela aux vents de la nécromancie et jeta un terrible sort qui tua près de la moitié des Chevaliers du Royaume.

Les catapultes à crânes hurlants bombardaient sans discontinuer, détruisant presque entièrement les Chevaliers Errants et tuant plusieurs écuyers. Les choses tournaient mal pour les bretonniens !

Mais les chevaliers se battirent avec courage, avançant sur les deux flancs et heurtant violemment les momies et les zombies. Là encore, les chevaliers démontrèrent la puissance de leurs charges et éparpillèrent facilement les cadavres animés.

Les écuyers et les archers concentrèrent leurs tirs sur les chars squelettes et leurs efforts furent couronnés de succès. Ils détruisirent le tout dernier char à quelques foulées de leurs lignes seulement. Ce danger éliminé, ils purent partager leurs tirs entre les catapultes à crânes hurlants et les régiments de morts vivants.

A ce moment crucial, le duc Gilon en personne plongea du ciel et défia le Duc Rouge en combat singulier. Souriant froidement, le maître des morts vivants releva le défi et une lutte aux proportions titanesques s’ensuivit. Le Duc Rouge fut blessé par la lame enchantée du noble bretonnien, mais en réponse, sa propre épée aux reflets dorés s’abattit en une courbe resplendissante. La vitesse et la puissance du coup étaient terrifiantes. Brisant l’armure du vieux duc, l’épée du vampire s’enfonça dans son corps et le tua. Les Chevaliers du Royaume se précipitèrent au secours de leur seigneur mais il était trop tard, un vent de panique souffla sur l’armée bretonnienne mais seul un régiment d’écuyers quitta le champ de bataille.

Savourant sa victoire, le Duc Rouge hurla de triomphe et se retourna à la recherche de nouveaux ennemis à abattre. Mais lorsque son regard se posa sur le champ de bataille, il réalisa que son armée était malmenée. Les hommes d’armes, redoublant d’efforts, avaient brisé les rangs compacts des squelettes. Partout, ses troupes étaient submergées par des bretonniens avides de venger la mort des leurs et de faire payer les horreurs dont avait souffert le duché par la faute du Duc Rouge.

Lorsque le soleil projeta ses derniers rayons, il abandonna le combat et s’enfuit dans la pénombre, hurlant de haine et les Paladins sur ses talons.

Finalement, la bataille vit la victoire des bretonniens, même si c’était une triste victoire car leur duc bien aimé était mort et les corps de ses braves chevaliers gisaient un peu partout sur le champ de bataille. Moins de la moitié des bretonniens étaient toujours en vie pour raconter leur histoire et bon nombre d’entre eux étaient blessés. Sir Richemont reçut la charge du duché d’Aquitainie et jura de régner avec sagesse, conformément aux vœux de son père.

Quant au Duc Rouge, il fut pourchassé par les paladins pendant des mois, mais il resta introuvable. Sa sombre légende hante toujours les cauchemars des bretonniens d’Aquitanie. Il avait défié la mort une fois, et bien malin qui pourrait dire s’il ne pouvait le refaire ! Mais pour l’heure, le cercle de sang s’était refermé.