PRAAG
La cité maudite
La Reine des Glaces p. 68-77

« C’est une cité perdue dans ses souvenirs ; d’une certaine façon, elle paraît moins préoccupée par les dégâts qu’elle a subis que par la merveille qu’elle a été autrefois. Je suis reconnaissant aux dieux d’avoir pu contempler de telles beautés avant de mourir, même si cette beauté semble se mirer dans un miroir brisé. »
- Frère Begel, Mes voyages au Kislev
« Un endroit horrible. À moitié en ruine. Pourri de peste. Et puis ça sent drôle. Mais bon, ils ont de l’or. »
- Franziska Hedengelt, Marchande naine

Il en faut beaucoup pour tuer une cité. Les villes ne sont pas immortelles ; elles peuvent tomber, mais il faut un véritable cataclysme ou une catastrophe aux proportions épiques pour les anéantir tout à fait. Au cours de la Grande Guerre de 2302 CI, Praag fut victime d’un phénomène de cette nature: une force du Chaos si destructrice, si redoutable, qu’une cité moins puissante aurait succombé. Depuis cette époque, d’autres légions sont venues pour tenter d’achever le travail mais Praag reste grande et redoutable et, en dépit des assauts sans cesse renouvelés des armées du Chaos qui voulurent la brûler et la briser, elle est toujours vivante.
Peut-être aurait-il mieux valu qu’elle succombe.
Malgré ses reconstructions successives, Praag ne pourra jamais effacer l’héritage des interminables sièges qu’elle a subis et des dévastations que ceux-ci ont laissées dans leur sillage. Sa population est frappée de mutations et de folie, ses rues sont délabrées, rongées par la dépravation et elle restera à jamais sur la défensive. Cependant, Praag n’a jamais été une timide violette et son peuple n’est pas préparé à abandonner la partie et à la quitter pour aller s’installer ailleurs. Praag est peut-être moribonde, mais elle restera prête à relever tous les défis jusqu’à son dernier souffle.


HISTOIRE
Praag est la plus ancienne cité du Kislev. Elle fut d’abord bâtie par des seigneurs ungols, bien avant l’arrivée des Gospodars. Située sur les rives de la Lynsk, non loin des cols montagneux de l’est, elle a toujours été l’un des centres naturels des échanges commerciaux, autant pour la viande et les peaux produites par les stanitsy environnantes que pour la pierre et l’argent extraits des montagnes toutes proches. Elle ne tarda pas à se voir attribuer le sobriquet de « cité d’argent », non seulement à cause de sa principale source de revenus, mais également parce que ses rues et ses bâtiments étaient si bien décorés du précieux métal, allié à d’autres matériaux de grande valeur, que les bulbes de ses toitures et les flèches de ses tours étaient visibles depuis des kilomètres à la ronde.
Cette richesse servait également d’autres buts. Sa situation, si loin dans le nord, rendait Praag vulnérable aux attaques car elle était trop éloignée de la capitale pour que les gouvernants se préoccupent de son sort. Pourtant, les habitants de Praag se consacrèrent à l’embellir et elle devint une cité d’une beauté exceptionnelle, où l’on pouvait profiter des distractions les plus merveilleuses. Sa réputation ne tarda pas à attirer un flot ininterrompu de visiteurs enthousiastes, désireux de goûter aux délices de son climat nordique; c’est de cette manière que les Praagois s’assurèrent que la protection de leur cité ne serait jamais oubliée.
L’économie de la ville fut également influencée par sa situation géographique. Les céréales produites dans sa région sont chétives et peu abondantes si on les compare aux récoltes que l’on obtient dans le sud et la cité a connu la famine plus d’une fois au cours de son histoire, par la faute des provinces du sud qui lui avaient coupé les vivres. Pour compenser les coûts exorbitants de l’importation des produits de première nécessité si loin dans le nord, Praag favorisa l’artisanat et la vente d’articles de luxe et d’ornement : des objets travaillés en filigrane d’or, d’argent et de cuivre, incrustés de pierres précieuses, des fourrures de la meilleure qualité cousues sur de riches tissus afin d’en faire des coiffures absolument extraordinaires, des chaussures, des bijoux, des capes et des manteaux. On ne tarda pas à savoir que les meilleurs orfèvres, joailliers, brodeuses, tapissiers, horlogers et ciseleurs de camées se trouvaient à Praag et nulle part ailleurs. Nombre de ces artisans utilisaient d’antiques modèles et techniques d’origine ungol, inconnus des citoyens des villes du sud. Par ailleurs, la proximité du Haut Col permit à Praag de se faire un nom sur le marché des produits exotiques importés des lointaines terres de l’est, tels que les épices, le jade et l’ivoire. La manne financière rapportée par ce commerce permit rapidement à la ville de financer sa principale attraction: le Grand opéra, qui fut bientôt boyards du sud se précipitèrent aussitôt pour pouvoir les visiter. La ville encouragea également la pratique de la sorcellerie; à l’époque où les Collèges de Magie n’existaient pas encore à Altdorf, Praag était le principal centre d’expérimentation magique et alchimique du Vieux Monde et l’on raconte de nombreuses histoires et légendes au sujet des étranges enchantements qui hantent encore ses rues.
À l’évidence, une telle richesse ne pouvait être préservée sans combattre et Praag est une cité tout aussi guerrière que poétique. Au cours du millier d’années qu’a duré son histoire, elle a résisté à d’innombrables attaques, y compris de la part des armées de la capitale du sud. Sa nombreuse population ungol et son orgueilleuse indépendance l’ont incitée à tenter une sécession à trois reprises. À la suite de la troisième, la tsarine a fait déporter les dirigeants de Praag (appelés les z’ras par la population) et a nommé son propre agent à la direction de la cité. Néanmoins, l’esprit de rébellion perdure.
La plupart des engagements militaires de Praag ont été menés contre les forces du Chaos. Pour se défendre contre ces assaillants, la cité a élevé de gigantesques remparts garnis de redoutables pointes que l’on appelle le basta. Un mètre à peine derrière ce premier rempart s’élève une seconde muraille criblée de meurtrières afin de décourager les éventuels envahisseurs. Ces deux murailles sont gravées de runes de protection naines et seraient imprégnées d’une ancienne magie mais nul n’en connaît la nature exacte. Derrière ces remparts défensifs, d’autres murs encerclent la cité originelle, que l’on connaît aujourd’hui sous le nom de vieille ville. Elle est dominée par une énorme forteresse hérissée de canons et perchée sur un promontoire rocheux, comme une gigantesque gargouille contrefaite.
Derrière ses puissants remparts, la cité dispose également d’espaces réservés à l’accueil des paysans et des nomades de la région environnante qui viennent s’y réfugier lorsque les légions du Chaos s’abattent sur la région. La population de Praag est un véritable méli-mélo racial dans lequel se côtoient un dirigeant gospodar, des boyards ungols, des gens de l’oblast, des nomades des steppes, des sorciers de l’Empire, des marchands du Cathay et même, dans la vieille ville, quelques roppsmenns survivants. Bien que les frictions raciales soient courantes, elles s’effacent toujours devant l’impérieuse nécessité de s’unir afin de résister à la fois aux menaces du nord et aux prétentions du sud. Les Praagois ont la réputation d’être paranoïaques, peu ouverts au monde extérieur et c’est une réputation quelque peu méritée. En règle générale, ils ne font confiance à personne si ce n’est aux autres Praagois, car ceux qui ne vivent pas dans cette ville ne peuvent réellement comprendre les exigences de leur existence. Beaucoup d’entre eux placent le fait d’être Praagois au-dessus de la nationalité kislevite. En plus des immenses pertes en vies humaines qu’elle a subies, ses beaux bâtiments ont été gravement endommagés par les interminables sièges auxquels elle a résisté et les incursions qu’elle a dû affronter à intervalles réguliers. Toutefois, s’ils n’oublient pas le sang versé, les Praagois se montrent généralement assez insouciants à l’égard des dégâts matériels : ils les considèrent comme des occasions de rebâtir de manière encore plus grandiose et époustouflante. Autrefois, il n’existait rien que Praag ne puisse endurer pour rebâtir ensuite.
C’est alors que débuta la Grande Guerre contre le Chaos.
L’immense horde d’Asavar Kul se rua vers le sud, bien déterminée à anéantir les royaumes des hommes et la cité de Praag fut la toute première victime de sa fureur. Le grand basta résista aux assauts, les soldats de la ville firent preuve d’une bravoure insensée et le siège se prolongea durant des mois, jusqu’à ce que les cadavres difformes des créatures du Chaos s’empilent en monticules aussi élevés que le sommet des remparts. Hélas, la marée ne pouvait être repoussée éternellement. Les remparts finirent par céder et la citadelle fut abandonnée. Le malefeu s’empara des palais qui furent réduits en cendres, la magie noire rugit dans les rues et les demeures et le Chaos régna en maître. Des milliers de malheureux furent massacrés ou chassés dans les neiges glacées, et ceux-là furent ceux qui eurent de la chance.
Les survivants se traînèrent jusqu’à leur cité pour n’en retrouver que des ruines fumantes… et des choses bien pires encore. Dans l’espoir de purifier les vestiges de la ville, les armées du sud les avaient brûlés jusqu’aux fondations mais la corruption du Chaos s’était profondément infiltrée dans la terre elle-même. Des yeux et des langues avaient poussé sur les murs de la ville; les hommes et l’argent des bâtisses avaient fusionné et, chaque jour, une pluie de doigts coupés tombait du ciel sur la Tour Flamboyante. Tous les puits dégorgeaient un sang noir et des bancs de chairs vivantes et gémissantes dérivaient sur le fleuve. Pendant bien des années après ce terrible épisode, un enfant sur deux naquit mutant et il fallut attendre un siècle avant d’entendre à nouveau un chant d’oiseau dans le ciel de la ville.
Le "roi" Zoltan dirigeait la ville durant la Grande Guerre et il y a survécu (il est cité dans la description de la ville, ci-dessous). C'est peut-être aussi le cas du capitaine de la porte Nord, Ivan Talikof mais c'est moins sûr. [cf. RoC TLatD p.4-5].
Malgré tout cela, les gens de Praag refusèrent d’abandonner leur cité. Ils la rebâtirent, pièce à pièce, avec tout ce qu’ils purent trouver. Aujourd’hui encore, la cité présente une allure quelque peu désordonnée; çà et là, on peut voir des bâtiments inachevés ou imparfaitement restaurés, autour des cicatrices et des plaies encore ouvertes qui sont l’héritage de toutes les guerres qu’elle a traversées.
De nouvelles invasions et de nouvelles dévastations s’abattirent ensuite sur la cité. Deux cents ans plus tard, les remparts devaient céder une nouvelle fois, et, quelques décennies plus tard, Praag ne fut pas épargnée par la fureur de la Tempête du Chaos. Face à ces interminables souffrances, nombreux furent ceux qui se laissèrent submerger par le désespoir. On commença à négliger les réparations et on laissa les dégradations se répandre sans plus faire d’efforts pour reconquérir certaines zones Certains abandonnèrent leur cité; d’autres restèrent, attendant que la mort vienne les chercher.
D’autres encore, plus nombreux, restèrent pour se repaître comme des corbeaux dans ses rues malsaines où la loi n’avait plus cours. Et le Chaos redresse la tête: les ruelles de la nouvelle ville engloutissent les âmes des imprudents qui se risquent à les arpenter, les morts refusent de dormir dans leurs tombes et des esprits sans repos hantent les ruines des anciennes tours.
En dépit de tout cela, Praag refuse de mourir et conserve tout son orgueil. On importe par chariots entiers des victuailles et des remèdes du sud. De valeureux défenseurs tiennent à distance les morts qui marchent et les mutants avides qui essaient de sortir de ses zones les plus corrompues. Les réfugiés qui parviennent à s’échapper des quartiers les plus sinistrés élisent domicile dans les bâtiments qui restent encore habitables. Les orfèvres ont recommencé à fabriquer leurs merveilleux filigranes et les marchands ont repris leur commerce, quoique sur une échelle plus modeste. Les druzhinas donnent des réceptions aussi splendides qu’elles le peuvent avec les maigres réserves dont elles disposent et, malgré leur isolation, les prêtresses du temple de Salyak font de leur mieux pour faire face à l’afflux incessant de malades et de mourants. L’opéra résonne à nouveau d’arias et de mélodies, bien que sa musique soit la triste mélopée d’une cité qui a connu l’horreur véritable. Cette ville est maudite, aucun Praagois ne saurait prétendre le contraire mais, pour maudite qu’elle soit, chacun d’eux la considère toujours comme sa mère patrie et, s’il le faut, ils restent prêts à mourir pour elle.

C'est aussi à Praag que serait emprisonnée Arianka, la déesse de l'Ordre. La Reine des Glaces (p.76), y fait une allusion transparente (elle aussi) :

La jeune fille derrière la vitre
Dans l’Empire comme au Kislev, il existe de nombreuses légendes qui parlent d’une ravissante jeune fille qui pourrait sauver le monde de l’emprise du Chaos si seulement elle pouvait se libérer de sa prison de verre. Selon certaines de ces légendes, la jeune fille serait la déesse Shallya, selon d’autres, la vampire Geneviève (celle-ci nie farouchement toute implication lorsqu’elle entend parler de cette histoire). Au Kislev, la version la plus fameuse de cette légende est celle qui est présentée dans le plus grand opéra d’Anton Denisovich, La Jeune Fille derrière la vitre. Dans cette pièce, la jeune fille est la déesse de la pureté, son sarcophage est enterré sous le sol de Praag et elle ne peut connaître la libération que par le baiser d’un guerrier maudit voué au Chaos. Enivré par son amour pour elle, celui-ci finit par lui donner le baiser fatidique malgré le fait qu’il sache qu’elle le détruira aussitôt qu’elle sera libre. Cet opéra, qui se termine sur l’annihilation des forces du Chaos et la rédemption de Praag, est immensément populaire dans cette cité qui a connu tant de souffrances.
Par ailleurs, un certain nombre d’énigmatistes peu scrupuleux n’hésitent pas à exploiter le mythe en proposant aux crédules de leur montrer la véritable jeune fille, pour une somme tout à fait raisonnable. Toutes les jeunes célibataires de passage à Praag peuvent se voir proposer de participer à cette escroquerie, car il n’est pas facile de trouver beaucoup de femmes ressemblant à une déesse et qui soient volontaires pour rester allongées durant des heures, à demi nues dans une boîte de verre à l’armature rouillée.


DISPOSITION DE LA VILLE
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Voici la description des différents quartiers et districts de Praag.

Les portes et les ponts
Les monumentales murailles de Praag sont percées de trois portes. Au sud, on trouve la porte de l’Eau, par laquelle entrent à la fois les bateaux et les chariots. À l’est, la porte des Montagnes est celle par laquelle passent ceux qui prennent la direction des Montagnes du Bord du Monde. Au nord s’ouvre la porte des Gargouilles, qui tient son nom de ses nombreuses gouttières aux orifices sculptées d’effigies saisissantes. Lorsque les forces du Chaos firent tomber la porte nord, les visages de ces gargouilles se métamorphosèrent d’une manière horrible. On raconte qu’il ne faut pas regarder au-dessus de soi en passant la porte des Gargouilles, car si votre regard s’attarde sur les visages corrompus de ces sculptures, elles se repaîtront de votre âme le soir même. Personne ne sait si cette histoire est vraie ou non, mais ceux qui regardent parfois ces sculptures à la dérobée ont pu remarquer que le nombre de gargouilles n’est jamais le même.
Le pont situé le plus au sud est appelé pont Karl, d’après le z’ra Karl XII, qui fut le premier seigneur de la ville à mener une campagne de sécession contre la tyrannie du sud. Ce pont est suffisamment large pour que deux carrosses puissent y passer de front et il est flanqué de tours de pierres naines, sculptées et magnifiquement ornées. Au nord, on peut voir le pont Désert, aussi appelé pont de la Mort. Cette dernière dénomination lui vient du fait que c’est par là que passent les hommes de la vieille ville lorsqu’on les emmène à la citadelle pour y devenir soldats. La première est une appellation kislevite ironique car ce pont n’est jamais désert. Ceux qui le traversent de nuit ont toujours l’impression d’être suivis et, en regardant par-dessus leur épaule, ils peuvent apercevoir une silhouette dissimulée dans les ombres qui semble se rapprocher et ne les rattrape pourtant jamais.

La vieille ville (Starograd)
C’est dans les quartiers qui se trouvent à l’intérieur de l’enceinte originelle de la ville que l’on trouve les plus anciens bâtiments, serrés les uns contre les autres le long de rues étroites et sinueuses qui, bien souvent, ne mènent nulle part. Grâce à la protection de son second rempart, la vieille ville a été épargnée par les horreurs qui ont consumé Novygrad, mais elle a tout de même été en partie détruite et porte elle aussi les stigmates du Chaos. Bien que lente, la reconstruction progresse constamment ; de nouvelles maisons flambant neuves s’élèvent entre celles qui sont là depuis des siècles et l’architecture moderne côtoie les toits de chaumes des maisons du ghetto roppsmenn. Autrefois, c’était le quartier des artisans de Praag mais à mesure de l’expansion de la cité, ceux-ci ont migré plus au sud et les marchands qui se sont installés ici se sont tournés vers des marchandises plus exotiques. C’est ici que l’on peut trouver les vendeurs de livres interdits, d’ingrédients magiques et de merveilles importées de lointaines contrées. Ici aussi que se situent les maisons closes les plus baroques, les fumeries et les officines fournissant les drogues les plus spécifiques et que résident les mutants et les aliénés les plus fréquentables. Dans les minuscules cafés des coins des rues, les hommes de la vieille ville chantent de nostalgiques complaintes du passé et boivent d’étranges décoctions cathayennes en attendant que la corruption finisse par les tuer.

La nouvelle ville (Novygrad)
La zone qui jouxte la vieille ville, au nord et à l’est, est connue sous le nom de nouvelle ville depuis sa construction, il y a huit siècles de cela. Sa proximité avec la porte nord signifie que ses rues étroites, bordées d’une multitude de maisons resserrées, furent les plus durement frappées par l’attaque du Chaos et qu’aucune reconstruction n’y est possible. Seuls les plus pauvres des pauvres habitent ce quartier, car les maladies dont il est infesté tuent rapidement la majorité d’entre eux et ceux qui restent sont victimes des vers solaires et des fanges du Chaos. Les égouts ressemblent à des plaies scabieuses qui dégorgent des fluides infects et l’air empuanti est obscurci par des essaims d’insectes innombrables qui se reproduisent inlassablement sur des entassements de cadavres affligés d’horribles mutations. Le vent qui souffle entre ses ruines inspire des pensées meurtrières à ceux qui s’y trouvent et les rues boueuses sont parsemées de redoutables zones de sables mouvants. Les représentants de la loi ne poursuivent pas les criminels qui se réfugient là, car seuls les plus désespérés ou les plus pervers d’entre eux ont le courage d’y rester très longtemps. Les cultistes et les rebelles peuvent se rencontrer sans crainte dans ce quartier dévasté, mais ils n’y restent pas longtemps, eux non plus, de crainte de payer trop cher leur présence en ces lieux: le tracé des rues pourrait se modifier et ils courraient alors le risque de ne jamais retrouver leur chemin. Parfois, les autorités y allument des incendies contrôlés ou y mènent des opérations de démolition, mais la corruption ne disparaît pas pour autant et la plupart des Praagois ont appris à vivre avec.

La cité des profondeurs (Glubograd)
Bien qu’elle ne se trouve sur aucune carte, tout le monde sait qu’il existe une cité enfouie sous la surface. Praag est très ancienne et, dès le début de son existence, sa population naine a commencé à creuser des tunnels. Comme chacun le sait, sous le règne du z’ra Zoltan, toute la zone située sous la citadelle et la vieille ville a été creusée de vastes catacombes en partant du principe que si les remparts cédaient un jour, le sous-sol constituerait peut-être la seule retraite possible. Ces catacombes n’ont jamais été utilisées mais il semblerait que de grandes machines de guerre y aient été installées, avec d’ingénieux dispositifs destinés à fournir de l’eau, de la lumière solaire et de la nourriture au cas où la cité devrait à nouveau subir un siège durant des années, le tout protégé par des sortilèges défensifs. Walpura, la sorcière de glace du z’ra Zoltan, y aurait également installé un immense laboratoire souterrain et, selon les légendes, elle aurait découvert une source de magie noire profondément enfouie sous la cité. Cependant, suite à la Grande Guerre, toutes les entrées qui menaient aux profondeurs ont été perdues et personne ne descend plus dans ces abysses. Loin au-dessous de la surface, les plus grands secrets de Praag attendent peut-être d’être redécouverts ; aujourd’hui, cependant, la survie est plus importante que la chasse aux secrets.

Le quartier noble
Le coin sud-est de la cité a toujours été le secteur le mieux protégé des déprédations de la guerre et du Chaos et c’est la raison pour laquelle il est devenu le quartier résidentiel des familles les plus riches et les plus aristocratiques de la cité. C’est également ici que l’on trouve l’opéra et le grand musée de la ville; on y trouve également la vaste place du Cabestan, lieu de toutes les grandes célébrations et des plus beaux bals masqués. Les druzhinas n’essaient pas de prétendre que la guerre n’a jamais eu lieu, ni que leur cité ne souffre pas de ses conséquences, mais elles ont la conviction que sa vitalité et son courage ne doivent jamais faiblir, même face à la menace de la destruction. Ainsi, la vie fastueuse de la cité se perpétue et l’existence de ses habitants reste centrée sur l’art, la poésie et la musique Ici, la folie qui s’est emparée de Praag vit dans l’opulence et l’excentricité indolente, dans une incurable décadence, sans se préoccuper du prix à payer.

Le quartier marchand
Entre la place du Cabestan et la Lynsk s’étend le quartier des marchands. C’est un quartier constamment surpeuplé, même de nuit, où toutes sortes de bâtisses se pressent les unes contre les autres : entrepôts, maisons de guildes, débarcadères, marchés et devantures de boutiques, on y voit absolument de tout. Entre les échoppes des orfèvres et des artisans qui ont fait la réputation de Praag, on trouve aussi des tanneurs et des fourreurs, des épiciers et des boulangers, des fermiers et des paysans, des marchands de soieries et des importateurs d’épices, le tout parsemé de bonimenteurs, d’agitateurs, d’escrocs, d’étrangers et de nains. Sur les marchés en plein air, des nomades et des gens des steppes venus vendre leur bétail sur pied, leur viande ou leurs peaux, ajoutent une touche rustique à l’atmosphère. On voit également des ogres car beaucoup d’entre eux sont embauchés comme gardes par les caravanes qui parcourent les routes de l’est. Les affaires sont un peu moins bonnes depuis la Tempête, mais rien ne peut venir à bout des marchands de Praag. L’ambiance est encore plus tumultueuse depuis que des centaines de réfugiés fuyant le quartier nord de la ville sont arrivés, prenant d’assaut les entrepôts abandonnés et les hangars du bord du fleuve où ils ont élu domicile. Certains marchands ont tendance à regarder ces nouveaux venus comme une vermine qui doit être éliminée tandis que d’autres les considèrent comme des clients extrêmement motivés. De nos jours, une vie s’achète et se vend comme une pièce de viande dans ces ruelles étroites, et pour moins cher. Le crime organisé fleurit et les délits mineurs sont monnaie courante, tandis que les hommes du guet des docks, aussi vénaux que surmenés, ne disposent pas des effectifs qui leur permettraient de lutter contre la criminalité, à supposer qu’ils en aient envie.

SITES ET MONUMENTS
Praag est réellement un endroit pittoresque. Ceux qui savent où chercher y trouveront une multitude d’échoppes, de curiosités, de restaurants, de maisons de jeu ou de maisons closes… et ceux qui n’en savent rien pourront facilement louer les services d’un gamin des rues à la langue bien pendue ou de l’un de ces équivoques énigmatistes (c’est ainsi que se font appeler les guides de la ville) qui les aideront à se déplacer dans le labyrinthe des rues et des ruelles de la cité.

L’ancien hôtel de ville (1)
Dans la vieille ville, peu de choses ont une dénomination qui correspond à ce qui s’y passe réellement. L’allée des Soupirs est bordée de librairies et on trouve aujourd’hui la terrasse d’un café sur la place du Massacre. L’ancien hôtel de ville a lui aussi changé de fonction: cette haute bâtisse aux innombrables pièces abrite à présent l’asile de la ville. Selon un dicton bien connu, toute chose inutile équivaut un peu à amener un fou à Praag, tant il est vrai que cette cité possède déjà plus que sa part d’aliénés en tous genres, aussi bien en dehors de l’hôtel de ville qu’au-dedans. À l’intérieur de cet établissement règne une atmosphère beaucoup plus détendue que dans les institutions de l’Empire : les pensionnaires peuvent lire, peindre, jouer de la musique et même continuer leurs expériences s’ils le désirent, bien que la majorité d’entre eux préfèrent bredouiller à n’en plus finir au sujet de choses ténébreuses qu’ils sont les seuls à voir. Certains des plus grands esprits du Kislev terminent parfois entre ces murs : des boyards, des sorcières, des généraux et même des tchékistes. À condition d’avoir suffisamment de temps et de patience pour écouter le verbiage sans queue ni tête des patients, il est possible de découvrir de véritables secrets d’État… si l’on parvient à ne pas devenir fou à son tour.

La rue des Ardoises Changeantes (2)
Avant la Grande Guerre, c’était la rue des épiciers. Tous les matins, ceux-ci écrivaient sur des ardoises la liste des articles du jour avec leurs prix. De l’autre côté du mur se trouvait la demeure d’un vieux devin fou qui tenait d’interminables journaux intimes où il énumérait tout ce qu’il prétendait être des visions prémonitoires. Quelle qu’ait pu être la réalité de ses visions, les flammes du Chaos firent fusionner le second endroit avec le premier et aujourd’hui, chaque matin, les ardoises écrivent elles-mêmes leurs propres messages. En règle générale, il s’agit de combinaisons aléatoires et complètement dépourvues de signification, mais de nombreuses personnes sont persuadées que ces gribouillages peuvent dévoiler l’avenir à condition de savoir comment les lire.

La citadelle (3)
Le bastion défensif de Praag est une imposante forteresse dominant le fleuve. Ses remparts doublés de plomb et marqués de runes portent d’innombrables cicatrices de la guerre, mais ils n’ont rien perdu de leur solidité. Ses canons tirent toujours avec une puissance terrible, dans un vacarme épouvantable, et ses pulks sont toujours cantonnés derrière ses murailles. Ses façades de pierres sculptées de gargouilles bestiales ajoutent encore à son apparence sinistre ; elles font pendant à celles de la porte située en face. Depuis la haute colline sur laquelle elle est perchée, la citadelle jette une ombre noire sur les rues de la ville et semble être là pour confirmer aux visiteurs qui en douteraient qu’ils se trouvent bien dans une cité hantée.
Juste en dessous se trouve l’esplanade des Baisers où se rassemblent les armées. Elles le font toujours, mais seulement de jour, car de nuit la place résonne des hurlements épouvantables des milliers d’hommes qui moururent là lorsque la porte nord tomba. Ce phénomène surnaturel présente l’avantage supplémentaire de dissuader les soldats de faire le mur pour partir en quête de kvas et de femmes de l’autre côté du fleuve. De nombreuses chansons narrent les aventures de braves et jeunes yésaüls traversant la ville en courant vers le pont Désert pour aller retrouver leur maîtresse, de l’autre côté du fleuve. Comme la plupart des chansons kislevites, ces histoires ne se terminent pas bien.
En plus de son rôle défensif, cette citadelle a eu de nombreux usages. Au cours de la Grande Guerre, elle a servi de palais de remplacement aux boyards et, après la destruction de la Tour Flamboyante, elle a également servi de résidence improvisée à des sorcières et mages de toutes sortes. À ce jour, la forteresse combine encore ces différentes fonctions et c’est ainsi qu’un visiteur peut successivement traverser un baraquement de soldats, suivi d’une chambre confortable et luxueuse, puis d’un laboratoire à l’atmosphère glacée, en montant simplement un escalier. En outre, la citadelle est également le quartier général du guet. Les soldats servent dans le corps du guet durant une saison par an. Ces soldats sont pour la plupart des gens du sud, envoyés là tout autant pour mater les rébellions que pour protéger la cité. C’est pour cette raison qu’ils ne sont guère respectés des Praagois et que, quand ils font partie du guet, ils ne prennent pas leur rôle très au sérieux.

Le Grand Boulevard (4)
La principale avenue de Praag est l’une des plus larges du Vieux Monde et elle était autrefois l’une des plus belles. Ce boulevard entièrement pavé court du pont Karl à la porte des Montagnes. Là, il donne accès à la route commerciale de l’est, qui conduit au Haut Col, vers les royaumes nains et au-delà. Dans le passé, le Grand Boulevard était littéralement pavé d’argent. À présent, toutes les nuits, un sang putride et visqueux suinte entre les pierres du pavement et les teinte de noir. Dès l’aube, le Grand Boulevard résonne du frottement des balais et des serpillières des employés de la ville qui viennent nettoyer tout ce sang avant le début du trafic de la journée.

La place du Cabestan (5)
Elle se trouve au sud du Grand Boulevard. Son nom lui vient de l’énorme grue qui se trouve au milieu. Avant la Grande Guerre, cette puissante grue à vapeur se dressait près de la berge du fleuve et servait à soulever les canons et les lourdes caisses de munitions qui arrivaient par le fleuve, sur des barges, pour les hisser dans la citadelle.
Le fait qu’une grue de plusieurs centaines de tonnes ait pu être soulevée de son emplacement en bord de fleuve et violemment projetée à l’autre bout de la ville n’est que l’une des péripéties de la Grande Guerre avec lesquelles les gens de Praag ont appris à composer. La place du Cabestan se situe à flanc de colline et remonte jusqu’à l’opéra et au Nouveau Palais. Suivant les usages de leur cité, les Praagois sont capables de débattre sans fin pour savoir lequel de ces deux bâtiments est le plus beau… et le plus important. Les fêtes et autres manifestations qui se déroulent dans l’un ou l’autre de ces édifices débordent souvent sur la place, ce qui en fait l’endroit à la mode où il faut voir et être vu. Toute la noblesse de Praag vit aux environs de la place. Dans cette ville, on dit que le rang social d’un individu se mesure au fait qu’il peut entendre plus ou moins nettement l’opéra depuis sa chambre à coucher.

L’opéra (6)
L’opéra de Praag ressemble beaucoup à sa cité en miniature : malgré une reconstruction aussi magnifique qu’extravagante, il continue à arborer fièrement les stigmates et les dommages causés par la guerre, en n’hésitant pas à lancer un défi esthétique à la face du délabrement. Dans les grandes voûtes des plafonds de ce grandiose édifice baroque, on a conservé le trou qui fut causé par un boulet de canon et les fauteuils d’orchestre sont décorés avec des ossements provenant de victimes de la guerre, selon des motifs qui, pour être macabres, n’en sont pas moins indéniablement beaux à regarder. L’acoustique de la scène est absolument inégalable et le rêve de tout artiste qui se respecte est de pouvoir s’y produire un jour ; en terme de réputation, la plupart le placent sur un pied d’égalité avec le Breughel d’Altdorf. L’opéra est la fierté de tous les Praagois, riches et pauvres. Chacun y est allé au moins une fois, grâce aux spectacles ouverts à tous qui se donnent une fois l’an et auxquels on peut assister pour un sou seulement. À l’occasion de cet événement annuel, le grand hall se remplit de paysans, ou muzhiks, et ces concerts sont donc familièrement connus sous le nom de muzhiks-halls.
Tous les grands opéras du monde possèdent leur fantôme et celui de Praag ne fait pas exception. Tout le monde sait que le grand orgue joue même lorsque le bâtiment est vide; toutefois, il ne s’agit pas d’un simple esprit égaré. L’orgue est imprégné de magie noire et corrompt tous ceux qui en jouent. Tous les musiciens embauchés pour une saison comme organistes de l’opéra sont frappés d’un point de Folie et tombent graduellement dans la violence et la luxure. La direction de l’opéra a bien fini par remarquer que ses organistes devenaient tous fous ou se faisaient arrêter les uns après les autres, mais pour avoir le privilège de profiter d’une musique vraiment exceptionnelle, il faut être prêt à en payer le prix.
La société des amis de l'opéra
L’opéra est en partie financé par les troupes qui s’y produisent, notamment par le duc, mais surtout par la Société des Amis de l’Opéra, une association au règlement assez libre regroupant les plus riches boyards de la cité, unis par la conviction fervente qu’ils ont pour mission de promouvoir la grande musique. Ils sont également farouchement attachés à la préservation de leur pouvoir et de leurs revenus et bien conscients que la prospérité de Praag leur permettra de garantir les deux. Ce sont eux les véritables dirigeants de la cité. Ils n’hésitent pas à la manipuler à leur guise afin d’assurer la bonne marche de leurs affaires, sans ingérence des pouvoirs du sud, de manière à ce que les bénéfices (leurs bénéfices) restent élevés. Leurs spéculations irritent les boyards et les maîtres des guildes qui ne font pas partie de la Société. Ceux-ci n’hésiteraient pas à payer fort cher afin de trouver les moyens d’affaiblir la position de la Société ou, à défaut, pour trouver le moyen d’y être admis. Du fait que la moitié ou presque de ses membres ont été tués lors de la récente Incursion du Chaos, une telle ascension sociale devient soudainement beaucoup plus plausible que par le passé.

Le Nouveau Palais (7)
Après la troisième tentative de sécession par laquelle Praag tenta de se soustraire à l’influence de sa rivale du sud, ses gouvernants ungols furent remplacés par un dirigeant gospodar, représentant le tsar et qui ne rend de comptes qu’à lui. Ce grand personnage reçoit le titre de duc de Praag et réside au Nouveau Palais. Il n’est pas facile de choisir celui qui occupera ce poste car, tandis qu’un loyaliste kislevite risque d’être unanimement méprisé par le peuple praagois, un partisan de Praag ne saurait convenir aux objectifs recherchés par le pouvoir central. Malgré son absence totale de distinctions militaires, Ivan Valeriki Kolarabinikov, le duc qui vient d’être nommé, est bien accepté par la noblesse de la ville car il ne fait pratiquement aucun effort pour s’impliquer dans la politique locale. La seule exception à cette règle réside dans les efforts constants auxquels il se livre afin de maintenir sa réputation auprès des classes populaires ; en plus des charrettes de l’aide sociale qu’il finance, on l’a vu participer personnellement aux distributions de pain. C’est également un grand protecteur des arts qui aime à se présenter comme un artiste peintre. Il n’est pas rare qu’un visiteur de passage sur la place du Cabestan découvre la moitié des membres de la maisonnée ducale déguisés en kossars et mimant l’épisode de la Charge interminable, installés devant le duc en train d’étaler furieusement des couleurs sur une toile. Malheureusement, le duc est un peintre extraordinairement mauvais ; dans les cercles artistiques de Praag, on le surnomme secrètement « Ivan le Terrible ».

La Rose Rouge (8)
La Rose Rouge est l’une des plus célèbres maisons closes du Vieux Monde, grâce à la pièce de V.I. Tiodorov, L’Étrange Histoire du docteur Zhiekill et de Mister Chaïda. On la dénomme parfois « la seconde étape » pour les soldats et les visiteurs; après s’être rendus aux baraquements ou à l’opéra, respectivement, la plupart des gens désirent y passer avant de repartir. Tout comme l’opéra qui continue contre vents et marées à donner ses représentations, la Rose Rouge poursuit ses activités quoi qu’il arrive, dans une inaltérable ambiance de bonne humeur et de décadence. L’établissement offre toute une gamme de divertissements à ses visiteurs ; en plus de leurs dons pour les activités gymniques, les filles savent souvent chanter, danser ou jongler avec des épées. La Rose Rouge est dirigée par Madame Zorna, une dame aussi célèbre pour son inépuisable énergie que pour son tempérament de feu et son esprit.

L’auberge du Sanglier Blanc (9)
L’auberge du Sanglier Blanc se situe non loin de la Rose Rouge. Ce bistrot où l’on sert de rudes tord-boyaux ressemble à toutes les tavernes de marins et de bateliers, à l’exception d’une différence importante. Au fil des années, le Sanglier a acquis la réputation d’être un endroit où ceux qui sont suffisamment inconscients ou désespérés pour quitter le fleuve peuvent trouver des engagements. Comme il s’agit généralement de partir dans l’est, vers les Terres Sombres ou dans le nord, vers le Pays des Trolls, c’est la promesse d’une une mort quasiment certaine. Cependant, comme Praag n’est plus un endroit sûr et que les aventuriers sont bien connus pour être des individus aussi désespérés que stupides, les marchands qui viennent au Sanglier finissent toujours par trouver les personnes dont ils ont besoin.

L’Archet et le Barde (10)
La plus célèbre auberge de Praag est bien connue pour son nombre très réduit de chambres ; elle n’en possède que treize : six chambres doubles, six chambres individuelles et une chambre minuscule que le patron, le taciturne Tolya Tolyeviska, ne loue jamais. Comme L’Archet et le Barde est ce qui se fait de mieux à Praag, après le palais ou la demeure d’un boyard, les membres de la petite noblesse se livrent à une compétition aussi muette qu’acharnée pour faire partie des élus qui sont capables d’y obtenir une chambre. C’est au bar du rez-de-chaussée que les druzhinas et les riches marchands viennent rencontrer les visiteurs étrangers et la Société des Amis de l’Opéra y tient fréquemment ses réunions dans l’une des arrière-salles qui servent de salles de jeu. Personne ne sait réellement comment Tolya décide qui sera accueilli et qui se fera « refouler », pas plus que la raison pour laquelle la treizième chambre reste toujours vide; le soir, autour de petits verres de kvas et de samogone (une sorte d’alcool de contrebande), ce sont des mystères qui alimentent abondamment les conversations.

La Faveur de Kalita (est et ouest) (11)
Les temples dédiés à Kalita, le dieu du commerce, se trouvent à la porte de l’Eau et à la porte des Montagnes ; aux yeux des profanes, ces temples ressemblent étrangement à des tavernes. D’ailleurs, ce sont bien des tavernes mais on y trouve également des alcôves contenant des autels consacrés au dieu aux mains d’argent. Chaque temple est installé tout à côté de la porte (celui du sud possède même son propre accès au fleuve) ; les négociants qui entreprennent un long voyage ont coutume d’y faire halte afin de demander au dieu de leur accorder un voyage exempt de dangers tandis que les marchands de la ville viennent souvent conclure leurs affaires dans les salons privés du premier étage. Toutes ces transactions profitent grandement aux vampires qui contrôlent ces deux tavernes en secret et qui peuvent ainsi avoir l’oeil sur la quasi-totalité des transactions qui se concluent dans la cité.

La Tour Flamboyante (12)
Malgré l’effondrement de ses deux étages les plus élevés durant la guerre, cette impressionnante tour à la silhouette effilée reste le plus haut bâtiment de Praag. Elle fut construite par le z’ra Rudolf II, dans l’intention d’en faire un collège de magie. Fasciné par tout ce qui touchait aux arts magiques, il conçut le projet d’y faire venir tous les sorciers qui le désireraient, qu’il s’agisse de sorcières de glace, de vedma kislevites ou de ces étranges sorciers impériaux.
Les plus traditionalistes des sorcières de glace et des vedma regardèrent avec horreur les étages supérieurs de la tour s’embraser de flammes aethyriques, d’étincelles de givrefeu et d’explosions alchimiques, tandis que les gens de la ville prenaient l’habitude de lui donner le surnom de « Tour Flamboyante ». Hélas, la suite des événements devait démontrer que les bruyantes protestations des sorcières étaient avant tout motivées par la sagesse car, durant la Grande Guerre, la tour produisit l’effet d’un véritable aimant sur les sorciers du Chaos et elle fut corrompue pour l’éternité par leur magie noire. Aujourd’hui, elle reste le vivant témoignage des avertissements des sorcières et aucun de ceux qui ont osé pénétrer dans ses salles hantées n’en est jamais ressorti. Malgré cela, la perspective de retrouver des merveilles magiques oubliées continue à tenter de pauvres chasseurs de trésors. La Tour Flamboyante attire toujours toutes sortes de phénomènes, naturels et moins naturels, et il est fortement déconseillé de se trouver à proximité lorsqu’un orage éclate.
Bien que les résidents de la tour aient joué un rôle très important dans la défense de la cité, les dégâts causés par l’explosion de ses étages supérieurs et la souillure du Chaos dont elle est imprégnée ont terni pour toujours l’image de la magie et de ceux qui la pratiquent dans l’esprit de la population. À cause de ces préjugés (qui viennent s’ajouter au fait que la population est largement composée d’Ungols et qu’il existe des risques importants à pratiquer la magie à Praag) les sorcières de glace sont rarissimes à Praag. Les vedma y sont les bienvenues, mais elles n’acceptent de fouler sa terre corrompue qu’en cas de nécessité absolue. Praag est donc une cité presque totalement dépourvue de jeteurs de sorts, à l’exception de quelques sorciers de l’Empire en visite, à la recherche de connaissances oubliées. Pourtant, les vedma savent que la cité n’est pas totalement sans défense ; elles peuvent ressentir la présence d’une puissance profondément enfouie, peut-être même celle de la Veuve Vénérable en personne, qui protège la cité depuis le monde d’en dessous, bien que personne ne sache pour quelle raison ni ne connaisse l’étendue de cette protection.

L’Ancien Palais (13)
Lorsque le palais fut détruit par un bombardement de maleflammes, durant la Grande Guerre, le z’ra Zoltan fut obligé de déménager. Depuis cette époque, on a tenté de restaurer ses ruines à sept reprises ; à chaque fois, à peine sorti de terre, le nouvel édifice a été détruit par le feu et les ouvriers ont péri ou sont devenus fous. Même les bâtiments qui ont été reconstruits trop près du palais ont brûlé ou se sont effondrés. La population de Praag a fini par saisir le message; aujourd’hui, cette immense ruine reste là, comme une énorme araignée noire posée en bordure du Grand Boulevard. La circulation décrit un large virage pour l’éviter et les gens qui s’en approchent par mégarde font le signe de Dazh pour se protéger. Sur l’une de ses murailles, la silhouette terrifiante d’une jeune fille apparaît dans la pierre, comme imprimée par le feu. De nombreuses spéculations courent sur son identité et le destin qui l’a menée là. Certains prétendent que ce sont ses cris que l’on entend le jour des pleurs, tandis que d’autres affirment que c’est son sang qui remonte éternellement entre les pavés du Grand Boulevard.

Les jardins de Magnus (14)
Ce grand parc nommé en l’honneur de Magnus le Pieux est situé au bout du pont Karl et c’est l’une des rares oasis qui aient survécu aux souffrances de la cité. Bien que l’Empereur chevalier ne soit pas venu en personne secourir la cité, les Praagois savent quelles prouesses il a accomplies dans le sud (et ils préféreraient mourir plutôt que de placer le moindre général kislevite sur un piédestal). Contrairement aux parcs de la capitale, ces jardins ne sont pas préservés par magie mais plutôt par une véritable légion de jardiniers zélés qui ne se laissent pas décourager dans leur travail, malgré tout ce que leur cité a enduré. En hiver, le parc est stérile et dénudé, mais cela n’altère en rien sa beauté. Les jardins de Magnus recèlent de nombreuses merveilles, cachées entre ses sentiers sinueux et ses ruisseaux chantants. Au grand portail, on peut voir la statue de celui qui lui a donné son nom; c’est là que les Praagois se réunissent, le jour des pleurs. Plus loin, on trouve l’ancien observatoire astronomique, aujourd’hui abandonné, et plus loin l’Académie de musique et le Collège des arts qui accueillent toujours des élèves dans leurs salles d’études pleines de majesté, quoique relativement petites. Au sud, on peut traverser une vaste zone boisée qui abrite le temple d’Ursun, ainsi que quelques folies architecturales contenant des autels consacrés à Dazh, Tor, Ulric, Taal et Salyak.

Le temple de Dazh (15)
Le temple de la Luminescence aveuglante de Dazh (pour lui donner son nom complet) se trouve sur la colline, près de la citadelle. Ce temple monumental peut rivaliser avec tous ceux qui existent au Kislev, tant en taille qu’en opulence. Comme tous les temples dédiés au dieu du soleil, il se présente comme un bâtiment circulaire, ouvert sur le ciel, et empli d’icônes dorées à l’image de la divinité. À la différence de la plupart des temples de Dazh, ses murailles extérieures sont ornées de vitraux magnifiques retraçant certains épisodes légendaires et représentant le dieu et ses nombreux compagnons. Au centre du temple se trouve également ce que l’on connaît sous le nom de « Cercle des visionnaires ». Là, les prêtres les plus dévots viennent s’asseoir à midi afin de contempler le merveilleux visage de Dazh aussi longtemps que leur regard peut soutenir cette vision. C’est la raison pour laquelle la plupart des chefs du culte sont aveugles. Andrya Uneslav, le veilleur actuel, est célèbre pour son infaillible perception des gens et des sons, en dépit de son infirmité. On dit que lorsqu’une épingle tombe sur le sol dans son temple, Andrya est capable de dire dans quelle direction elle est orientée.
Dazh a toujours eu la faveur des habitants de Praag et cette ferveur n’a fait que s’intensifier, du fait que le Kislev redevient le grand bastion de la foi d’Ursun. La légendaire ferveur des membres praagois du culte a toujours suscité toutes sortes d’événements d’ordre religieux ou politique ; des miracles religieux, comme lorsque le veilleur Iablanik pria durant si longtemps pour que sa cité moribonde reçoive enfin de la nourriture qu’il se métamorphosa en un énorme pommier ; des péripéties politiques provoquées, au fil des années, par la ferme résolution de plusieurs veilleurs successifs, bien décidés à protéger les intérêts du culte et à ne pas céder face aux boyards, aux généraux, aux sorcières de glace et au duc lui-même. Le plus connu fut le veilleur Rak, le prédécesseur d’Uneslav, un individu d’une obstination extrême qui entra dans l’histoire lors de sa rencontre avec un ambassadeur venu de l’Empire. Après une longue discussion axée sur les faiblesses les plus évidentes du Kislev et la nécessité pour celui-ci de recourir à l’assistance de l’Empire, l’émissaire commit l’erreur de laisser entendre que Dazh pouvait être considéré comme une divinité superflue, étant donné que tous ceux qui se trouvent sous la bénédiction d’Ulric n’ont rien à craindre des froidures de l’hiver. À ces mots, Rak souleva le gros ulricain et le catapulta tête la première à travers l’une des énormes vitraux du temple. Cet événement, qui est connu sous le nom de « Défenestration de Praag », a causé de vifs remous dans les relations entre l’Empire et le Kislev, des remous dont les répercussions sont encore sensibles de nos jours [...]

Le temple d’Ursun (16)
Il se trouve dans les jardins de Magnus et on le reconnaît à un amoncellement d’énormes rochers. À l’intérieur de ce monticule de rocs s’ouvre une vaste grotte dont les tunnels plongent profondément en dessous de la terre gelée. Normalement, ce temple est ouvert et accueillant, même s’il est rarement grouillant d’activité. Cependant, il y a deux hivers de cela, le grand prêtre, Urosh, a renvoyé tous ses subordonnés à l’exception d’un seul et il ne s’est pas montré le jour de l’Éveil, ni pour aucune autre cérémonie. Son temple est en train de se délabrer au-dessus de lui mais il ne veut pas quitter son sanctuaire intérieur et refuse de parler à quiconque.
Si Urosh s’impose cette isolation, c’est qu’il a été touché par le Chaos : un groin de sanglier lui a poussé au milieu du visage et ses bras et ses épaules sont couverts d’énormes épines dégoulinantes de sève. Il s’est retiré du monde en partie parce qu’il sait qu’il ne peut laisser les fidèles voir leur grand prêtre dans un état aussi épouvantable, mais également à cause de la honte qu’il ressent à l’idée qu’il ait pu faire du tort au Père des Ours, d’une manière ou d’une autre, de sorte que celui-ci l’a puni. Urosh glisse lentement dans la folie et son assistant, Gyrna, ne sait plus comment expliquer l’absence de son maître. Gyrna aurait désespérément besoin d’aide pour faire sortir le grand prêtre de la cité, mais qui pourrait l’aider sans trahir son secret ?

Le Sépulcre (17)
À l’extrémité est de la ville se trouve une large zone dégagée qui servait jadis de cimetière pour les pauvres, de pâturage pour le bétail et de campement pour les réfugiés en temps de conflit. Depuis la guerre, l’herbe refuse d’y pousser et les morts quittent régulièrement leurs tombes pour remonter à la surface. La plupart du temps, une brume verte à l’odeur écoeurante plane sur cette friche et des esprits égarés y poussent des gémissements pour y attirer les imprudents. Personne n’y va plus, à l’exception des nécromanciens ou des aventuriers ayant accepté une mission stupide. Il y a, par exemple, ce prêtre fou qui vit dans la vieille ville et qui est convaincu que la terre du Sépulcre est imprégnée de l’essence de l’Aethyr. Il paie bien pour qu’on lui ramène des brouettées entières de cette terre afin de mener à bien sa « grande expérience ».

La Fournaise (18)
Quand tout le monde fut au courant que les morts qui marchent arpentaient les rues, la population de Praag se mit à incinérer ses morts au lieu de les enterrer. Ces incinérations se pratiquent dans les vastes foyers d’un énorme haut-fourneau qui servait autrefois à la fonte des boulets de canon. Les hommes qui s’en occupent ressemblent énormément à des forgerons : ils sont massifs, très forts et n’ont généralement plus de sourcils. Comme ce sont eux qui servent de croque-morts dans cette ville (et en raison du fait que les hommes du guet sont d’une paresse et d’une corruption notoire), il leur revient également de s’occuper des morts-vivants lorsque ceux-ci se manifestent. Armés de leurs marteaux de fonderie, les hommes de la Fournaise patrouillent les rues la nuit, en pulvérisant tous les squelettes et les zombies qui se trouvent ailleurs qu’à l’endroit où ils sont censés être. C’est un travail aussi dangereux pour l’âme que pour le corps ; pour endiguer l’invasion, les hommes de la Fournaise essaient désespérément d’obtenir l’aide de la Société Tsarévitch Pavel ou de la Garde noire du Kislev.

Les Bras de Salyak (19)
À la fois asile de nuit, hôpital et orphelinat, les Bras de Salyak est un établissement qui accueille à la fois les malades, les blessés et les indigents. Dans le passé, c’était une immense auberge mais un siècle après la Grande Guerre, la maison fut rachetée par un généreux bienfaiteur qui l’offrit au temple de Salyak située non loin de là. Le bâtiment a conservé l’allure d’une taverne et l’on sert toujours du kvas dans l’immense salle commune qui tient également lieu d’hôpital et qui est généralement pleine à craquer. La petite place située devant la façade du bâtiment remplit également la fonction d’unique cour de justice accessible aux roturiers de la cité. On y rend la justice l’après-midi, comme une sorte de spectacle donné au vu et au su de tout le monde, ce qui permet en même temps d’avoir la certitude que les jugements seront rendus en toute équité. Comme les Bras de Salyak se trouve sur la berge du Lynsk, juste en face du quartier des marchands, tous ceux qui réclament qu’on leur rende justice ou qu’on ait pitié d’eux dans les rues commerçantes de ce quartier s’entendent répondre qu’ils sont « du mauvais côté de l’eau ».

La boucherie Grosseventrée (20)
Dans l’ouest de la ville, juste derrière les maisons de quelques infortunés marchands, se trouve un très petit mais très bruyant ghetto ogre. Rares sont les ogres qui apprécient la vie citadine, mais ils ont parfois besoin de trouver un endroit où dormir en attendant le départ de la prochaine caravane à destination de l’ouest. C’est dans ce quartier qu’ils trouvent un gîte et ils prennent leurs repas à la boucherie Grosseventrée. Autrefois, cet établissement était une tannerie et les grandes marmites qui servaient à traiter les peaux servent aujourd’hui à cuire le ragoût. Les longues tables sont entourées de convives affamés et rugissants, les portions sont colossales, les repas durent des heures et des stanitsy entières vivent uniquement du bétail qu’elles fournissent sans relâche à Grosseventrée. Les mauvaises langues ne se gênent pas pour prétendre qu’on peut également avoir de la chair humaine au menu, mais Ballison Grosseventrée et son personnel (un fier clan halfelin) ont toujours vigoureusement rejeté ces accusations. Il faut cependant savoir que les repas sont souvent interrompus par de violentes bagarres et que c’est un endroit où les ogres peuvent vraiment être eux-mêmes. Un écriteau accroché à la porte proclame: « Pas de gringalets ! Pas de nabots ! Pas de manches à balais ! » Seul un humain, un nain ou un elfe affligé d’un puissant désir de mort oserait déroger à ces commandements.

Des vampires de Praag ?
Un petit encadré de La Reine des Glaces (p.75 repris ci-dessous) évoque l'importance des vampires à Praag en renvoyant vers les Maîtres de la Nuit. Or, dans ce dernier ouvrage (p.10), il est dit au contraire que les vampires en Kislev "sont du genre monstrueux; ce sont des créatures [...] à peine plus évoluées que des animaux.[...] Les Kislevites ne sont guère familiarisés avec l’autre type de vampires, ceux qui se présentent sous un aspect séduisant. C’est ainsi que la tsarine Kattarin [tuée en 2465 CI] a pu rester au pouvoir après sa transformation en vampire." Et Praag n'est même pas citée. De plus, comme la ville vient d'être détruite, l'information est peu vraisemblable. Les vampires aiment la sécurité...

S’ils apprenaient que des vampires vivent parmi eux, les citoyens de Praag n’en seraient absolument pas surpris ; en revanche, ils seraient terrifiés de découvrir l’étendue de leur influence. Le sang de nombreuses grandes familles de boyards porte la malédiction des vampires, tout particulièrement celles des Upirnov, des Vasilikov et des Kalashinivik. Les Vasilikov prétendent descendre en ligne directe de Vashanesh, l’un des tout premiers princes vampires des origines, tandis que les Kalashinivik sont des lahmianes, de la même lignée que la tsarine vampire folle qui régna sur le Kislev voilà quelques siècles de cela, et elles n’hésitent pas à se proclamer seules véritables héritières du trône. Les Upirnov n’appartiennent à aucune faction; ils empêchent les querelles des autres familles de tourner à la guerre ouverte. Les vampires contrôlent également un grand nombre d’autres boyards, de druzhinas et de maisons marchandes qui n’ont rien à voir avec les morts-vivants mais sont tombés sous leur emprise.