TAMURKHAN, LE TRÔNE DU CHAOS
2510-11 CI
The Throne of
ChaosTraduction Ilmarith,
Patatovitch et Cel Glaucester
Note sur la traduction :
The Throne of Chaos est écrit dans un anglais particulièrement pénible à lire - sans doute une volonté de l'auteur d'"archaïser" son écriture.
Les
traducteurs ont pris le parti de simplifier le texte en supprimant les
innombrables redondances et en raccourcissant les phrases.
Tamurkhan est un seigneur du Chaos affilié à Nurgle. Il
arrive à rassembler une vaste armée du Chaos associant Khorne et
Slaanesh.
Il doit sa principale originalité à son parcours qui,
comme on le voit sur la carte, n'est pas très direct. Le but initial
est bien d'attaquer l'Empire mais ce seigneur préfère attaquer par le
sud en faisant un vaste détour par les Royaumes Ogres (où il soumet des
géants et recrute des ogres) et les Terres Sombres (où il s'accoquine
avec les nains du Chaos). Il est défait devant Nuln en 2511CI après avoir dévasté les Principautés Frontalières.
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CHAPITRE 1 - CARNAGE
POUR L’AMUSEMENT DES DIEUX
Tamurkhan
(vers la fin de son parcours) sur son dragon-crapaud Bubebolos Durant
l’année du Corbeau du sixième règne de la Lune noire selon le
calendrier norse, la tempête incessante connue sous le nom de Royaume
du Chaos gagna en importance et devint prédatrice. À travers toutes les
terres septentrionales, le sol se mit à geindre comme un dormeur pris
de cauchemars. Les nécropoles vomirent leurs morts refusant le repos.
Les femelles animales comme humaines donnèrent naissance à des
progénitures portant la souillure du Chaos. Des rumeurs se répandirent
à propos d’apparitions funestes, de monstres quittant leurs repaires et
de sorcellerie saisissant l’esprit de ceux assez vifs pour la
canaliser. La guerre approchait, comme elle l’avait déjà fait et le
ferait encore d’innombrables fois. Une guerre sanglante de celles
auxquelles aucun homme du nord, qu’il s’agisse d’un Dolgan, d’un Chi-An
ou d’un Kharzag, ne peut refuser l’appel. Une guerre pour le plaisir
des dieux du Chaos.
L’esprit et l’âme tout emplis de cet appel
guerrier, certains ne perdirent pas de temps et se jetèrent sur les
leurs. Ils combattirent pour prouver leur valeur aux yeux de leur tribu
et des dieux pour les batailles à venir. D’autres, étreints de rêves et
de visions, se mirent en marche seuls, voyageant toujours en direction
du nord, là où le monde lui-même s’éventrait. Au long de ces sombres
pèlerinages, certains trouvèrent la voie menant à des autels lugubres
et cauchemardesques où ils étaient venus implorer la bénédiction de
l’une des Grandes Puissances et lui prêter allégeance. D’autres ne
trouvèrent que la mort.
De nombreux champions exaltés et seigneurs
de guerre putatifs se mirent en route à travers les terres
septentrionales. Ils sentaient le souffle du Chaos sur leur nuque et
entendaient ses murmures mielleux promettant élévation et destruction.
Pour certains, la perspective d’affronter des ennemis familiers et de
régler d’anciennes rancunes était suffisante pour aiguillonner leur
détermination. D’autres, superstitieux et dévots, recherchèrent la
faveur de leurs dieux sombres par la divination et l’invocation de
démons pour connaître comment et où porter leurs coups. Inconstants et
contradictoires sont les dieux du chaos et traîtres leurs démons. Pour
chaque apparition et prophétie, une réponse différente fut offerte et
pour chacun une voie différente vers la gloire. Pourtant, dans cette
cacophonie démente de mensonges, de flagorneries et de secrets
indicibles, quelques mots se répétaient : un Élu à venir,
Zanbaijin ou la Cité Déchue, la Lune du Serpent et le Calice de la
Mort, un royaume de feu et de cendres et le Trône du Chaos - autant de
trophées offerts à qui osaient les réclamer.
Sur les terres des
Kurgans, tous connaissaient les légendaires ruines de Zanbaijin situées
sur le plateau désertique de K’datha. De nombreux seigneurs de guerre
et de puissants champions du Chaos s’élancèrent à la conquête de ses
hauteurs glacées. K’datha était cependant réputée pour changer de lieu
et s’évanouir tel un mirage. Des malchanceux pouvaient devenir fous ou
mourir de faim avant de l’atteindre alors même que la cité flottait sur
l’horizon devant eux. Mais désormais, comme la puissance du royaume du
Chaos allait croissant, le grand plateau de K’datha et les ruines de
Zanbaijin s’offraient à qui osait gravir ses passes escarpées. La Cité
Déchue datait d’avant l’homme et servait de longue date d’arène pour
que les dieux du Chaos puissent y observer l’affrontement des mortels
cherchant leur faveur. Quand arrivèrent les champions à la tête de leur
armée, chacun d’eux comptait prouver sa qualité et la supériorité de
son dieu tutélaire sur les autres. Cette occasion allait le rappeler
une nouvelle fois : un champion vainqueur ici allait être appelé à
un grand destin et, par coutume, devenir le maître de ses ennemis
vaincus. La renommée d’un tel seigneur de guerre se répandrait dans
toutes les Désolations et nombreux seraient ceux à rallier à sa
bannière promise à la gloire.
La mort rôde à K’datha
Finalement,
ce furent trois armées qui se rencontrèrent à l’ombre des piliers
sans âge de Zanbaijin. Les guerriers à l’armure d’airain de Hakka
l’Æsling arrivèrent les premiers de l’ouest. Ce seigneur amena ses
joueurs de hache en une colonne compacte, accompagnés par des meutes de
Rejetons du Chaos ivres de sang et de molosses écorchés tirant sur leur
laisse. De l’est vint Sargath le Vaniteux, seigneur-cavalier des
Yurtsaks. Des concubines de Slaanesh dansaient pour sa gloire. Quoique
jeune, Sargath était déjà une légende parmi les siens et avait
rassemblé d’innombrables maraudeurs et cavaliers. Enfin, Urak Soulbane,
archi-sorcier et prêtre-démon, avec sa cabale de sorciers arriva par le
sud. À son approche, le sol et les rochers eux-mêmes crachaient
d’informes projectiles mortels. Des vautours aux ailes de feu
tournoyaient au-dessus de lui. Bien que numériquement plus faible
comparée aux autres forces amassées, la secte était redoutable et ses
acolytes sorciers pouvaient tenir tête à plusieurs fois leur nombre.
La
bataille se déclencha et glorieux fut le massacre. Par l’épée ou le
sceptre, par le croc ou la griffe, les vies étaient fauchées et le sang
versé à profusion pour le plus grand plaisir des dieux. Les places
vides de la Cité Déchue résonnaient à nouveau du chant de l’acier et
des plaintes des mourants. Heure après heure, jour après jour, les
forces s’entrechoquaient et se séparaient tels les battements un cœur
guerrier. Aucune des trois forces ne parvenait à prendre le dessus. La
furie des berserks de Hakka était contenue par les guerriers
innombrables de la horde de Sargath, qui s’embrochaient dans une extase
impie sur les lames de leurs ennemis et les entraînaient dans leur
chute. La victoire leur était ensuite dérobée par le feu infernal de la
cabale d’Urak.
Chaque armée luttait avec plus d’acharnement alors
que les corps s’amoncelaient dans la poussière glacée alors que les
lunes poursuivaient leur course au-dessus d’eux. Des lumières
maléfiques éclairaient les cieux de K’datha. Elles étaient à la fois le
signe de la satisfaction des dieux et un phare pour attirer de nouveaux
combattants comme des insectes par une bougie. Sans faiblir, le combat
faisait rage et bientôt, les milliers de guerriers furent rejoints par
des dizaines de milliers d’autres. Les nouveaux venus, des seigneurs de
guerre mineurs et leurs troupes, des créatures du Chaos affamées
vinrent grossir les rangs des champions qui les avaient précédés.
Quand
la lune de Mannslieb mourut à l’est et que la lune noire, Morrslieb,
crût, une autre ost émergea à l’horizon, apportant avec elle des
miasmes de ténèbres et de pestilence. Des créatures de cauchemars
sortirent alors des profondeurs des Froids Marais – des Trolls Bileux,
des hommes-vers et d’autres choses hideuses et sans nom transpirant la
pourriture et la bave. À la tête de cette horde monstrueuse, un cadavre
vivant en décomposition monté sur un puissant Dragon-Crapaud – une bête
immense faisant trembler la terre à chaque pas. Ce cadavre s’appelait
lui-même Tamurkhan, le Seigneur des vers, serviteurs du dieu de la
pestilence et père de toutes les maladies, Nurgle.
Le massacre du Seigneur des Vers
Comme les autres adorateurs du Chaos, Tamurkhan était attiré à
K’datha par la promesse d’un pouvoir au-delà de l’imagination mortelle.
Mais, au début, il n’était que l’un des quatre seigneurs marqués par
son dieu tutélaire. Lorsqu’il quitta son repaire fétide, le Seigneur de
la Déchéance - le dieu Nurgle lui-même - envoya une tempête sombre et
toxique couvrir l’avancée de la colonne de bêtes et de presque humains
que Tamurkhan commandait comme un présage de la mort et des ruines à
venir. Alors que la lune quittait le ciel nocturne, la horde de
Tamurkhan arrivait par l’ouest à K’datha où la bataille faisait déjà
rage. Dans le sillage de Tamurkhan, si clairement béni du Nurgle, il y
avait plusieurs autres guerriers fameux qui avait fait allégeance au
Père des pestes, plutôt qu’à une tribu ou à une bande. Venus toutes les
Désolations nordiques, les champions de la déchéance rejoignirent la
horde de leur nouveau maître et bientôt des guerriers comme Kayzk le
Souillé, maître d’un ordre corrompu de Chevaliers du Chaos et le
chevaucheur de dragon Orhbal Vipergut vinrent présenter leurs lames en
signe d’allégeance. Avec l’arrivée de chacun de ses guerriers renommés,
quantité de combattants mineurs, de guerriers tribaux et de nombreux
suivants déformés venaient gonfler les rangs de la horde. Beaucoup de
ses nouveaux arrivants, avides de servir à leur manière, étaient déjà
marqués par les faveurs du dieu de la peste par des maladies et des
défigurements tels qu’il était difficile d’y reconnaître des restes
humains.
L’arrivée de Tamurkhan à K’datha fut annoncée par des
signes sombres et des présages et, alors que la horde était encore dans
les passes menant au plateau, les morts qui jonchaient Zanbaijin
commencèrent à frémir et à bouillonner - non à cause d’une quelconque
magie nécromantique - mais à cause de la quantité de mouches qui les
dévoraient de l’intérieur. De ces corps jaillirent des nuages de
mouches et remplirent la cité déchue du murmure de leurs ailes. Face à
de tels présages, le culte sorcier d’Urak Soulbane, Arcaniste de
Tzeentch, quitta Zanbaijin en crachant des malédictions rageuses. Leur
maître avait vu leur destin s’ils restaient combattre. L’heure était à
leur ennemi. Cependant, Sargath, Hakka et beaucoup des autres
continuèrent le combat. Rien ne pouvait faire cesser leur inimitié, pas
même la venue d’une quatrième armée et les essaims de mouches mordeuses
qui la précédait.
Tamurkhan tomba donc sur les deux armées qui
étaient engagées dans une bataille sanglante pour la grande place au
centre de la cité morte. Le massacre fut grand et rapidement de
nombreuses petites bandes furent détruites ou mise en déroute. Celles
qui n’étaient pas coincées entre les différentes factions ou aveuglés
par la rage guerrière choisirent aussi de fuir alors que les forces de
Sargath et de Hakka s’affrontaient encore.
À l’acmé de la bataille,
le ciel s’ouvrit et une pluie caustique tomba à seau. Cette pluie
corrompue touchait la chair des morts et la faisait bouillir comme de
la cire et ouvrait des blessures suppurantes. Les avant-gardes des
trois seigneurs de guerre se rencontrèrent au centre de la place. Les
montures fières et vicieuses des maraudeurs Yurtsak s’embourbèrent
bientôt dans la masse et la horde de Tamurkhan percuta leur flanc d’une
force écrasante. Les combattants se retournèrent et contre-attaquèrent
ce nouvel ennemi et ces fous crièrent leur douleur et leur joie en
tombant pendant que des démons ronronnaient le compte des morts et des
mourants. Les sorciers de Sargath répondirent par des enchantements de
leur cru : ils effrayèrent des monstres en approche avec des
projections d’énergies brillantes et des illusions meurtrières
aveuglèrent ou trompèrent de nombreux guerriers. Tout cela fut vain,
car les lignes de Sargath étaient fragmentées et, face à la marée de
peste et de terreur, ils ne pouvaient plus bénéficier des avantages de
leur mobilité.
Les troupes les plus puissantes de Sargath, dont le
mutant Forsaken, étaient prises en étau entre les chevaliers de Kayzk
le Souillé d’un côté et les forces d’Hakka rendues folles par la pluie
corrosive et les mouches de l’autre. Voyant que la bataille tournait en
sa défaveur et l’orgueil blessé, Sargath fut prit d’une rage
incontrôlable et chargea avec sa propre garde rapprochée de chevaliers
le centre des forces de Tamurkhan. Il réclamait la tête de celui qui
l’avait insulté par son attaque présomptueuse sur le favori de Slaanesh.
Son
armure émaillée de blanc fut tachée de sang et d’une crasse innommable.
Sargath, dont l’habilité aux armes était légendaire, se tailla un
chemin jusqu’à son nouvel ennemi. Sa mince épée runique -tranchante
comme le péché- découpait les amures rouillées et les cous en
décomposition avec la même facilité. Il se arriva face à Tamurkhan
lui-même. Arrogant et méprisant les forces qui s’encerclait, Sargath,
le Prince du Chaos agonit d’insultes la figure fanée affalée au sommet
de l’immense créature devant lui. Le Dragon-Crapaud Bubebolos avait la
taille d’une maison d’un étage et son corps était déjà marqué de
douzaines de blessures qui ne l’empêchait pas de continuer ses ravages.
Ses grandes griffes étaient colorés des restes de ses victimes.
Tamurkhan cracha ses propres sarcasmes en réponse et d’un geste de
commandement, Bubebolos se cabra et ouvrit sa vaste gueule fétide.
Sargath à l’agilité inhumaine se dressa sur le dos de sa mouture et
sauta. Un instant plus tard, sa monture était liquéfiée par l’épais
liquide craché par la bête. Un moment suspendu en l’air, Sargath
atterrit sur la tête du dragon et s’équilibra avec une des cornes. Le
blanc de son armure n’était plus qu’un souvenir et le souffle du
Bubebolos l’avait fait rouiller. Avec un cri de triomphe, Sargath se
propulsa sur le maître du dragon et avec la vitesse d’un serpent
enfonça sa lame runique dans la poitrine de Tarmurkhan. Ce dernier se
mit à rire et le cri de triomphe de Sargath s’étouffa lorsque le
cadavre fané devant lui se tortilla et s’ouvrit comme un fruit trop
mûr. La véritable forme de Tamurkhan fut révélée : un asticot de
la taille d’un enfant, veiné de bave grisâtre avec des yeux noirs et
luisant à facettes. L’asticot sauta sur une pièce d’armure exposée de
la poitrine de Sargath. Il la déchira et creusa un trou dans la chair
parfumée en dessous. Le corps de l’asticot se tordait et gigotait de
manière obscène. Il traversa la cage thoracique de Sargath qui éclata
et se fissura, la larve dévorait les organes encore vifs à l'intérieur.
Le corps du champion de Slaanesh tomba dans la boue souillée du champ
de bataille, et lorsqu’il se leva de nouveau, Bubebolos hurla son
exaltation de manière assourdissante et les serviteurs de la décadence
baragouinèrent leur joie lugubre. Tamurkhan, doté d’un nouveau corps,
remonta sur sa bête de guerre.
La défaite de leur chef découragea
complètement les maraudeurs de Sargath qui s’enfuirent. Des centaines
d’entre eux furent massacrés dans leur déroute par les forces de
Tamurkhan revigorées par le triomphe de leur maître et par les lames
infatigables des Aeslings adorateurs du dieu du sang. Plusieurs
centaines d’autres s’échappèrent cependant, appelant leur dieu à l’aide
et disparaissant dans les ruines labyrinthe de la cité. Hakka lui-même,
maintenant largement surpassé en nombre recommanda sa propre âme et
l'âme de ses disciples de Khorne. Il se jeta lui-même et sa garde
rapprochée sur l'avant-garde bestiale de Tamurkhan. Face à cette charge
foudroyante, la ligne de bataille des enfants de Nurgle vacillait mais
ne se brisait pas. Le nombre et la masse jouaient contre eux, Hakka
l'Aesling fut balayé par la marée de la bataille et malgré la fureur
tourbillonnante de ses haches jumelles, il fut bientôt déchiré par les
griffes de Trolls Bileux. Son corps fut si bien déchiqueté et dévoré
qu’on n’en retrouva aucun morceau pour servir de trophée après la
bataille. La victoire entre les mains de Tamurkhan, les cieux furent
déchirés d'une lueur verdâtre, et la pluie corrompue tomba plus fort
encore, recouvrant les pierres mortes de Zaibaijin de crasse. Le son du
tonnerre apportait les échos sinistres du rire de Père Nurgle.
Tamurkhan
proclama sa victoire depuis un monticule de cadavres recouvert des
bannières des vaincus. Il cria en premier son nom et sa lignée, se
réclamant du Grand Kurgan de jadis dont il serait le fil, revenu pour
tuer et conquérir. Il loua le Père Nurgle lui avait apporté ses
bénédictions et déclara son intention de revendiquer le Trône du Chaos.
Par
droit de conquête, les chefs de guerre survivants et d’autres Champions
du Chaos lui jurèrent fidélité - ils le suivraient tant qu'il
leur apporterait des victoires. Parmi ceux-ci, il y en avait beaucoup
qui se considéraient comme des rivaux implacables. Ils jurèrent
cependant de se battre au nom de Tamurkhan, le Seigneur des Vers, en
acceptant de mettre provisoirement leurs inimitiés de côté. Les
nouvelles de la grande victoire de Tamurkhan se répandirent, et bientôt
des tribus de maraudeurs, des tueurs errants, d’horribles monstres et
des cultes affamés de pouvoir commencèrent à se grouper autour de sa
bannière. Quittant les ruines noires de Zanbaijin, ils se dirigèrent
vers le nord. La horde grandissait de jour en jour en traversant les
steppes vers les contreforts des montagnes enneigées et Tamurkhan
commençait sa route.
Le pari du Parjure
Guerrière
Kurgan (ToC p.20)
Après une lune, la colonne de la horde s'étendait presque d'un horizon
à l’autre. Des nuages de mouches et de charognards s'y accrochaient
comme à une carcasse pourrissante. Les plus fidèles voyageaient avec
Tamurkhan à la tête de la grande horde, tandis que ceux qui n’avaient
pas épousé Nurgle formaient d’autres colonnes à une distance prudente,
bien conscient que la peste de Nurgle ne se souciait guère de la chair
de ceux quelle corrompait. La horde atteignit les monts Altayan et le
territoire grossièrement défini d'une confédération de tribus appelées
Dolgans. Les Dolgans étaient l'une des plus grandes et les plus
puissantes nations des peuples Kurgan, réputées pour leur caractère
rebelle et leur haine envers les autres hommes du nord. Tamurkhan
souhaitait amener ces guerriers à choisir sa cause et surtout ajouter à
son ost les puissants mammouths de guerre qu'ils possédaient. Ces
créatures énormes étaient capables de piétiner des légions de
fantassins et de servir d’engins de siège si besoin.
Le
chef suprême du moment des tribus Dolgans était l’infâme sorcier Sayl
le Parjure, une créature difforme et perfide dont les nombreuses
trahisons, meurtres et atrocités étaient aussi célèbres que ses
pouvoirs de devin et de sorcier de bataille. Sayl n'avait pas été sourd
aux rumeurs sur Tamurkhan. Des histoires sur sa victoire, la faveur
dans laquelle le tenait les dieux du Chaos et la taille de sa horde
avaient déjà atteint les terres Dolgans.
De plus, les oracles
avaient prévenu Sayl de son approche. Le sorcier ne chercha pas à
affronter la horde, car il voyait dans cette action au mieux une
victoire coûteuse et plus probablement une défaite, mais il envisagea
plutôt d'utiliser l'ascendant de Tamurkhan à son propre avantage.
Méprisé par une grande partie de son peuple, l'emprise de Sayl sur les
Dolgans était faible et il était menacé de tous côtés par de nombreux
ennemis, tant à l'intérieur qu’à l'extérieur des tribus Dolgans. Sayl
utilisa habilement son influence pour envoyer beaucoup de ceux qu'il
soupçonnait de déloyauté harceler et retarder la horde de Tamurkhan.
Ils y rencontrèrent leur destin. Alors, au lieu d’affronter la horde
dans une bataille rangée, alors qu’elle ravageait le cœur du Dolgan,
Sayl opta plutôt pour se retirer sur d'une position de force avec
l’intention assumée de négocier le ralliement de ses forces à celles de
Tamurkhan, du moins aussi longtemps que nécessaire. Tamurkhan était
impatient de conclure cette alliance et il accepta même si Sayl ne
prêtait aucun serment d’allégeance. Ils ne faisaient que cause commune.
Tamurkhan
était tout de même satisfait car ses forces n'avaient pas été
gaspillées. Sayl, d'abord confiant d’avoir obtenu le meilleur de
la négociation, se retrouva bientôt piégé dans ses propres intrigues.
En effet, il avait supposé que Tamurkhan avait l'intention de conduire
sa horde directement vers les terres du sud (ce qui était la coutume
des incursions du Chaos antérieures) et Sayl se voyait déjà partager la
gloire, le butin et revenir bientôt triomphalement dans son pays
Dolgan. Il apprit bientôt que Tamurkhan avait d'autres projets étranges
à l'esprit.
Au lieu de se diriger vers le sud-ouest et les riches
provinces de Kislev et de l'Empire, Tamurkhan mena sa horde -
maintenant forte de dizaines de milliers de guerriers avec l'addition
des Dolgans de Sayl - vers le nord sur un chemin erratique et infesté
d'horreurs dangereusement proche de la frontière infernale du Royaume
du Chaos. Cela causa la consternation dans les rangs de l'ost
nouvellement formée et certains commencèrent à murmurer que Tamurkhan
cherchait à faire la guerre aux dieux eux-mêmes. Ces craintes se
révélèrent infondées quand Tamurkhan dirigea sa colonne vers le
nord-est. Ceux qui connaissaient le dieu de la peste devinèrent alors
son but : Tamurkhan se rendait à l’Arbre aux potences*, un lieu de
cauchemar et de légende rivalisant avec n'importe quel autre dans les
Désolations.
Le bord des ténébres

L’Arbre aux potences était une entité autonome, horrible et distordue.
Ses membres enchevêtrés, se dressant plus haut que le clocher d'un
temple, étaient emmêlés et déchirés comme déformés dans la douleur, et
tendus au-dessus d'un marécage parsemé de ronces. Des créatures
étranges et mystérieuses vivaient sous ses frondaisons et rampaient
dans la boue immonde. Cet arbre était aussi une porte vivante aux
horreurs de l’au-delà, et on racontait qu’un démon sorcier putrescent
était caché dans ses profondeurs. Honni même parmi les autres démons,
celui-ci aurait dispensé des secrets et des prophéties à ceux qui lui
plaisaient. Les autres, fidèles tièdes de Nurgle, terminaient leur vie
sous la forme d'épouvantables ornements suspendus aux branches du grand
arbre, à la merci des asticots et des charognards, après avoir été subi
un sort au-delà de l’imagination.
Tamurkhan
mena sa vaste horde jusqu’au bord du marais fétide qui entourait
l’Arbre aux potences et personne parmi les disciples de Nurgle, même
les plus dévoués et dérangés, ne voulut s’aventurer plus loin.
Tamurkhan s’avança donc seul bravant et à pied le chemin menant à
l’Arbre. Laissée sous le commandement nominal de Sayl le Parjure, l’ost
se dispersa dans la plaine en attendant le jugement des dieux. Même
réunis par une mission divine, les différents groupes se méfiaient les
uns des autres et campaient séparés. De longues journées s’écoulèrent
sous le ciel presque noir illuminé par le rayonnement irisé de tempêtes
lointaines dans les Royaumes du Chaos. De nouveaux venus continuaient à
rejoindre l’ost pour profiter des combats et des récompenses à venir.
Certains venaient de loin : des terres des Gharhars au nord, de
celles des Avags à l'est ou même d’au-delà les Désolations. De plus,
des dizaines de champions de races différentes furent attirés par des
visions étranges et des promesses chuchotées.
Au fil des jours,
Sayl, cherchant à s'imposer à la horde, envoya des cavaliers Dolgans
parcourir les Désolations, pour rassembler autant de renforts que
possible et pour s’attribuer autant de fourrage que cette terre désolée
pouvait leur fournir. Bientôt, les différents seigneurs de guerre
durent aussi se prémunir contre les attaques de Dragons-Ogres et
d'autres créatures venant des montagnes voisines. Parfois, leurs
expéditions disparaissaient, succombant aux appétits des habitants des
Désolations. En dépit des privations, dans l'ensemble, la horde se
reposait et se renforçait. Mais, comme l'absence du maître durait
depuis une lune entière, les monstres de la horde devenaient inquiets
et toujours plus affamés. L’acrimonie croissante entre les différentes
factions menaçaient de détruire la horde avant qu'elle ne voit une
terre étrangère à ravager. Bientôt, les puits creusés dans ses terres
stériles devinrent si pollués et leur eau si rare que la soif menaçait
de s’installer si l’attente continuait.
Lorsque Tarmurkhan revint
enfin des profondeurs de l’Arbre aux potences, cela réjouit
immédiatement les adorateurs de Nurgle. Il avait aussi acquis le
respect méfiant de ceux qui partageaient ses buts mais pas sa foi. Tous
pouvaient clairement voir que le Seigneur des Vers avait été choisi par
les dieux du Chaos.
On dit que le temps peut s’écouler différemment
pour un mortel qui parcourt ses marais. Il peut couler comme un torrent
ou s’étirer indéfiniment en longueur. Les effets coquets de Sargath
dont Tamurkhan avait pris le corps étaient ravagés comme s’ils avaient
subi une vie d’usure. Son armure autrefois brillante n’était plus
qu’une masse de corrosion et de parasites boursouflés. Ses yeux étaient
à présent enfoncés dans ses orbites où brillait une faible lueur
verdâtre. Enfin, il ne revenait pas les mains vides. Il avait obtenu
des parchemins remplis d’une écriture mouvante mentionnant de vrais
noms de démons et ceux d’autres monstres ainsi qu’une énorme amphore
pleine d’une eau empoisonnée puisée dans le domaine infernal de Nurgle.
À
son retour, Tamurkhan tient un conseil de guerre rassemblant les
champions et les sorciers les plus puissants pour partager les
révélations qu’il avait eu et le plan de conquête qu’il avait pour la
horde. La voix mielleuse de Sargath avait été transformée en raclements
gutturaux, mais elle n’avait rien perdu de sa puissance. Assis par
l’arrogance incroyable et l’ego de Tamurkhan, les seigneurs de guerre
et de sorciers ensorcelée écoutèrent pendant plusieurs heures.
Tamurkhan déclara une fois de plus sa volonté de prétendre au
légendaire « Trône du Chaos » - la domination sur le monde
des mortels depuis une montagne de cadavres qui permettrait d’acheter
aux dieux du Chaos l’immortalité avec le rang d’archi-démon comme
récompense certaine. Tamurkhan réclamait ce trône pour lui-même et
ainsi surpassé les exploits de son père, le Grand Kurgan. Il déclara
que tous ceux qui le suivaient dans sa guerre sainte connaîtraient des
batailles comparables à celles des plus grandes sagas. Des centaines et
des centaines de vies seraient prises par leurs lames comme une prière
aux dieux sombres et leurs noms et leurs exploits seraient gravés dans
la peau du monde. L’Arbre aux potences lui avait montré des visions
infernales de ce qui pourrait advenir et de ce qu’ils pourraient rendre
réel par leurs actions. Il avait vu un puissant ost du Chaos,
innombrable, qui se répandait dans les montagnes et sur les cités des
anciens titans comme une contagion. Il avait vu les géants à genoux
devant lui et les forges infernales de Zharr se battant en son nom. Il
avait vu les morts innombrables dans son sillage et des plaines
verdoyantes comme des désolations arides arrosées de rivières de sang
aux flots chargés de cadavres. Ces visions lui plurent. Au-delà de
cela, il vit aussi une grande cité de fer et de marbre mis à bas, ses
murs tombant en poussière et ses rues rougies de sang ravagées par les
flammes. À ce moment-là, les cieux s’ouvriraient pour lui, noyant tout
ce qui était sain et pur dans un pus jaune et un noir cancéreux. Il
serait alors transfiguré dans la gloire. Quoique personne ici, comme
Tamurkhan lui-même, n’avait jamais mis le pied dans l'Empire des
hommes, ils connaissaient tous cette cité par les légendes. C'était une
ville au cœur du domaine d’un vieil ennemi : le trois fois maudit
empire de Sigmar.
De nombreuses générations avaient combattu dans
l’Empire et plus d’un seigneur de guerre y avait écrit sa saga ou était
mort dans la tentative. C’était un pays de forêts profondes et de
grandes villes dont la taille et la puissance pouvaient à peine être
envisagées par ces hommes du Nord, pour qui ces choses étaient un
anathème au regard de leur culture nomade et belliqueuse. Ils ne
connaissaient que les antiques ruines, comme Zanbaijin, qui parsemaient
le pays changeant des Désolations. Tamurkhan savait cependant que le
simple poids du nombre et la seule force guerrière n'avaient pas suffi
pour écraser l'Empire par le passé. Avec leur magie, leur acier et
leurs châteaux, l’Empire avait résisté à la pléthore d'ennemis qui
l'entouraient et le regardait avec des yeux envieux. Malgré son
arrogance et son orgueil, Tamurkhan jugea qu’il avait besoin de contrer
chaque atout des héritiers de Sigmar. Pour abattre leurs murs et leurs
forteresses, il aurait besoin de terribles engins de guerre. Il
compenserait leur poudre noire et leur magie avec des créatures
immenses et des démons sauvages. L'habileté martiale et l’avidité des
fils du Chaos pourrait alors prouver son ascendant. Les Dieux Sombres
seraient alors satisfaits et l'Empire serait noyé par son propre sang.
Le plan d'attaque de Tamurkhan serait donc indirect. Il ne voulait pas,
comme tant de seigneurs de guerre du passé, assaillir l'Empire depuis
sa frontière nord-est, par Kislev et ses défenses les plus fortes et
les mieux éprouvées. Au lieu de cela, comme ses visions le suggéraient,
son ost voyagerait sur le long des Montagnes des Larmes. De là, ils
traverseraient les Terres Sombres et se joignaient aux forces des
Seigneurs du Feu de Zharr. Ils traversaient les montagnes et se
jetteraient sur l'Empire par sud, comme un poignard, frappant le cœur
par le ventre où la chair était tendre. Le voyage serait long, mais
glorieux et riche en batailles et en pillages. Tarmurkhan le promit aux
seigneurs de guerre rassemblés avant lui. Les faibles périraient le
long du chemin, et les forts seraient rendus encore plus forts et bénis
par les dieux sombres pour leurs victoires. Ses promesses furent
accueillies par un grand rugissement de triomphe ! Tous renouvelèrent
leur serment de fidélité à Tamurkhan. Seul Sayl, retiré dans l'ombre,
resta silencieux. Il réfléchissait aux conséquences de ces décisions.
CHAPITRE 2 - TERRES DE
PIERRE ET DE POUSSIÈRES
Il
existe dans le monde des mortels des forces qui dépassent
l’entendement. Les Vents de magie gouvernent tout et la magie provient
du Chaos. Si vaste était la horde, si noire son âme et si sanguinaires
ses intentions que le souffle invisible de la magie fut
irrésistiblement attirée et modelée par son désir collectif. C’est
ainsi que le temps et l’espace commencèrent à se distordre et se
boursoufler dans le désert des Terres de Pierre, sous la seule volonté
de la horde. En une lunaison, elle avait avalé des centaines et des
centaines de lieues, ne laissant que cendres et dévastations dans son
sillage. Les terres qu'elle traversait furent expurgées de toute vie
hormis des charognards qui tournoyaient au-dessus de la horde, gorgés
de la pourriture qu’elle laissait derrière elle. Jouxtant les
contreforts nord-est des Montagnes Dentelées*, là où des collines de
couleur rouille s’étalaient sur d’innombrables lieues, la horde de
Tamurkhan connut sa première vraie bataille. La horde affronta les
orques sauvages de l’Œil flétri. Ces orques enragés, souillés par la
poussière de malepierre, étaient évités même par leurs congénères. En
sévère infériorité numérique mais ignorant la peur, les peaux-vertes
affluèrent des collines, brandissant leurs haches d’obsidienne,
beuglant d’excitation meurtrière. Leurs sangliers mal-formés grognaient
et rauquaient leur soif de sang tandis que leurs chamanes crachaient
des malédictions derrière leur grossier masque de cuivre. La tribu
orque et l’avant-garde de Tamurkhan se fracassèrent l’une contre
l’autre en une gigantesque boucherie. Les épieux de fer noir percèrent
la peau des orques, des nuées de flèches empennées à la va-vite
abattirent rang après rang de guerriers écumants et de chevaux
hennissants : la fureur répondait à la fureur. Foudroyés en vol,
Gul Grog, le chef de l’Œil flétri, et sa vouivre frappèrent le sol
comme une comète disloquée. Leur chef fut réduit en pulpe par les
griffes du dragon du Chaos Corrasun, monté par Orhbal Vipergur. Les
orques fléchirent et refluèrent au moment où Tamurkhan lança sa colonne
principale dans la mêlée. Comme une déferlante, la horde du Seigneur
des Vers engloutit les orques et les brisa contre le sol poussiéreux.
Leur victoire acquise, la horde se chargea des corps des peaux-vertes
tombées. Leur chair était dure et nauséabonde mais néanmoins bienvenue.
Elle abattit les idoles grossières de Gork et Mork pour dresser à leur
place des monceaux de cadavres, couronnés d’icônes et de symboles
vouées à dédier le massacre aux dieux du Chaos, pour le plus grand
plaisir de tous. Au moment de quitter la région, les acolytes
pestilentiels de Tamurkhan empoisonnèrent les puits de leur propre
souillure, promettant une mort certaine à quiconque y boirait à
l’avenir.
Le destin parle à Ashshair
La
horde se fraya un chemin sanglant le long du flanc Est de la
monumentale chaîne de montagnes, voyageant plus au sud que quiconque en
son sein ne l’avait jamais fait. Sous les exhortations rauques de son
maître corrompu, chevauchant sa monture colossale, elle progressait
sans relâche. Ils passèrent sous les mythiques ruines suspendues
d’Urgriht. Les débris des tours abattues de la forteresse de l’Aube du
monde tourbillonnaient et se fracassaient au-dessus de leurs têtes
alors que des éclairs céruléens parcouraient les ruines célestes dans
une danse destructrice sans fin. La horde traversa ensuite les
contreforts escarpés de Shem’ash habités par les hommes-bêtes au dos
voûté et à l’allure caprine. Ceux-ci, accompagnés de leurs congénères
minotaures, surgirent furtivement du noir pour rejoindre la horde. Les
chamanes homme-bêtes et les chefs Gors, vieux ennemis des Ogres des
Montagnes des Larmes et de l’Empire Céleste à l’est, avaient de
nombreuses connaissances sur les terres que souhaitait parcourir
Tamurkhan. Ils réclamaient la mort de leurs ennemis comme une
bénédiction de leur nouveau seigneur, mais les dieux rappelèrent à
Tamurkhan qu’il ne pouvait pas s’éloigner de son chemin. Les
Hommes-Bêtes suivirent leur nouveau seigneur, mais ils saisirent toutes
les chances d’attaquer leurs ennemis ancestraux. Lorsque la horde
atteignit les contreforts des montagnes, des tribus d’hommes-bêtes
alliés aux forces de Sayl le Parjure quittèrent la horde pour partir à
la recherche de la Tour d’Ashshair. Cette tour de guet était un
avant-poste de Cathay au milieu des Terres de Pierre. Sayl avait
entendu parler de la puissance ancienne des hommes au-delà du Grand
Bastion et il était avide de découvrir leurs secrets. Quittant la
horde, il mena ses partisans dans un assaut vers l’est.
Cette haute
tour construite en jade magique était presque imprenable sur son
promontoire rocheux surplombant l’ancienne Route de la Soie. Cette
route menait vers les portes du Grand Mur au sud-est, et vers les cols
de montagne des Royaumes Ogres à l’ouest. De cette tour, les serviteurs
de l’Empereur du Dragon Éternel observaient la route et les présages et
pouvait anticiper d’éventuelles menaces. Ils étaient prêts à recevoir
Sayl et ses suivants. Les guerriers de l’Orient se tenaient fermement
derrière des fortifications sur plusieurs niveaux qui encerclaient le
contrebas de la tour. Dans leurs lignes il y avait des canons de bronze
à la bouche grinçant, des chiens de temple en pierre animée et des
hommes-corbeaux, prêts à écraser l’ennemi dans leurs serres de granit.
Prudent
face aux compétences et aux engins de guerre de cet ennemi inconnu,
Sayl convainquit les chefs des Hommes-Bêtes de commencer un assaut
nocturne – tactique en laquelle ils étaient experts. Les forces du
Parjure, comprenaient notamment une douzaine de mammouths de guerre
qu’il avait détaché de la colonne principale pour l’attaque. Il
planifiait de les garder en réserve jusqu’à ce qu’il y ait une brèche
dans les défenses et qu’ils puissent l’exploiter.
Dès le début,
l’attaque s’engagea mal pour les forces du Chaos. La horde braillante
des Gors, des Ungors, des Minotaures et d’autres créatures du Chaos
s’élança dans l’obscurité. Soudain, les cieux au-dessus d’eux furent
déchirés par des explosions de lumières vertes et blanches transformant
la nuit en un festival d’apparitions de silhouettes spectrales qui
tournaient et rugissaient en une folle parade. Les canons de Cathay
crachèrent des volées de javelots de bronze qui s’abattirent sur les
Hommes-Bêtes. Ces projectiles étaient accompagnés par une pluie
incessante de carreaux d’arbalètes acérés qui abattaient des centaines
d’assaillants en un instant. Cependant, la fureur des fils du Chaos ne
vacilla pas et, en quelques minutes, la marée bondissante avait atteint
le mur extérieur incité par le fouet et les cris de leurs seigneurs et
de leurs chamans. Nombreux furent ceux qui commencèrent à escalader la
haute muraille du bastion extérieur avec leurs mains griffues. La
pousse soudaine de vignes noires déformées provoquée par les
incantations des chamanes vint les aider. Face à la porte extérieure,
des Ghorgons aux bras multiples, frappaient les portes avec des troncs
d’arbres pétrifiés. Ils se retiraient ensuite estropiés et agonisants
lorsqu’un Shugengan, sorcier au sang de dragon, leur lançait des boules
de feu blanches ou des blizzards de glaces meurtriers. En dépit de
leurs pertes, les hommes-bêtes poussés par leur fureur primale
submergèrent le mur extérieur. Bien que largement surpassés en nombre,
les guerriers de l’Orient résistèrent vaillamment. Leurs bannières vert
émeraude vacillaient tandis que leurs longues lames d’acier traçaient
une danse rouge à travers la chair de leurs ennemis. Une par une, les
bannières de Cathay tombèrent. Le bâtiment fortifié sous la tour fut
pris et les hommes-bêtes hurlèrent leur triomphe et se gorgèrent de la
chair des morts.
Sayl le Parjure surveillait la bataille du haut de
son mammouth de guerre. Sayl retint ses troupes malgré les
supplications des chefs Dolgan et des champions exaltés qui suivaient
sa bannière. Les guerriers grommelaient de colère de voir cette gloire
leur être refusée. Ils étaient forcés d’observer une victoire cueillie
par d’autres - des Hommes-Bêtes en plus ! Mais ils se retenaient
encore, car Sayl avait promis de donner les âmes de ceux qui le
défieraient aux moissonneurs du Vide, et tous savaient que de telles
menaces étaient loin d’être des vantardises. Sayl ressentait que les
vents éthériques étaient attirés par un vortex qui allait
s’intensifiant renforcé encore par le sang versé dans la bataille. À
l’apogée des réjouissances sanglantes des Hommes-Bêtes au pied de la
tour, les illusions rougeoyantes dans les cieux s’éteignirent laissant
la place à un noir profond. Une seule étoile brillante allait
grossissant. À voix haute, Sayl et les autres sorciers du Chaos
présents cherchèrent frénétiquement à abjurer le sort qui allait
s’abattre sur le champ de bataille. Sayl savaient déjà qu’une telle
magie avant peu de chance d’être dissipée. L’étoile brûlante marquée de
la rune de la magie Céleste tomba du ciel comme une comète. Elle frappa
durement le centre de l’enceinte de la forteresse. Le souffle de
l’explosion ébranla la terre et un flash aveuglant de pouvoir qui força
même les mammouths de guerre à ruer et mugir de douleur. Dans la
forteresse, tout n’était que carnage. Des dizaines d’Hommes-Bêtes et
Minotaures furent incinérés en un instant. Seules restèrent
quelques-unes de leurs ombres comme imprimées sur les murs. Les membres
survivants de la harde chancelaient, aveugles et brûlés par le feu
céleste. Aucun répit ne leur fut accordé : la contre-attaque était
déjà lancée. D’étranges créatures de pierre vivante descendirent des
murs de jade de la tour et surgirent du sol comme s’ils surgissaient de
l’eau. Les Hommes-Bêtes devinrent leurs proies. Encerclés et pris au
piège, ils furent bientôt engloutis. Sayl observa avec sa vision de
sorcier et une sombre fascination de puissants Minotaures balayés comme
des fétus de pailles par les statues d’onyx vivantes mi-homme
mi-oiseau. De nouveaux guerriers de Cathay armés de longues lames et de
hallebardes incurvées surgirent également de la tour pour rejoindre la
mêlée. Furieux et amer que son dû lui échappât si facilement, Sayl
lança de puissantes magies de son cru et envoya des ouragans et des
éclairs malveillants pour gêner l’ennemi et tenter de disperser ses
vengeurs ailés. Il ne pouvait pas faire plus que couvrir la retraite
des Hommes-Bêtes survivants. D’un geste dédaigneux de sa main griffue,
Sayl ordonna la retraite. Les Dolgans, irrités mais intimidés par
l’ouragan magique qui couvrait à présent la tour, lui obéirent.
Sayl
était venu à Ashshair pour tester la puissance de l’Orient, et il
n’avait pas été déçu de la démonstration… Il était maintenant étreint
par l’humiliation de la défaite et la rancœur rongeait son âme impure.
Il jura de se venger, même si ça devait lui prendre des décennies. Pour
le moment, il devait expliquer à Tamurkhan pourquoi il avait gaspillé
des milliers de guerriers hommes-bêtes pour un si petit bénéfice.
La route la plus sombre
La
grande horde de Tamurkhan, le Seigneur des Vers, se continua sa route
vers les terres qui bordaient les Collines Fantômes. Ces landes
lugubres et désolées s’étendaient sur de nombreuses lieues du côté
oriental des anciennes Terres des Géants dont les sommets étaient
encore plus hauts que ceux des fabuleuses Montagnes des Larmes qui
dominaient l'horizon. Ces sommets, nommés parfois Ruines des Titans
Célestes, étaient connus dans certains textes traditionnels du Chaos et
portaient de nombreux noms différents. C’était là que Tamurkhan
souhaitait se rendre. Il comptait trouver là-bas les outils nécessaires
à sa future conquête de l'Empire des Hommes comme il l'avait aperçu
dans les songes dérangés qui lui avaient été donnés dans le Royaume du
Chaos. Dans sa précipitation et sa fierté, Tamurkhan chercha à
traverser les Collines Fantômes pour atteindre au plus tôt les
Terres des Géants. D’autres voyageurs moins imprudents préféraient
s'aventurer plus au sud dans les déserts vitrifiés séparant les
montagnes du Grand Cathay et parcourus par la route de l’Ivoire.
L’itinéraire n’était pas non plus dépourvu de danger, mais il était
préféré à un voyage dans ses étranges collines.
Les Collines
Fantômes elles-mêmes n'étaient pas simples à franchir. Elles abritaient
les restes d’empires et de royaumes disparus dans les siècles passés.
Les morts ne se reposaient pas toujours dans leurs sépultures et la
végétation même, pâle et brillante, fleurissait de nuit et produisait
un poison mortel. Pis encore, la présence de la grande horde qui
piétinait et ravageait les collines semblait éveiller tous les périls
et tous les esprits malins qui reposaient là, et c'était comme si la
terre même se révoltait contre eux. Pour la première fois, la horde
ralentit réellement. Elle fut contrainte par le terrain à se diviser en
centaines de petits groupes comme les affluents d'un grand fleuve. Des
fantômes et des feux follets accompagnaient leur avanvée. Les chemins
traversaient des tourbières pleines de cadavres qui semblaient
s'accrocher aux hommes et aux bêtes. Les chemins peu sûrs qu’ils
suivaient s’arrêtaient souvent sans prévenir. D'étranges brumes
s'élevaient et disparaissaient aussitôt et des bandes ou des parties de
chasse entières, fortes de centaines de guerriers, disparaissaient sans
laisser de traces dans ces labyrinthes rocheux. Un danger plus
classique, mais non moins menaçant, se présenta bientôt. On ne trouva
plus de viande et d'eau qui fûssent sûres de consommer - même pour les
estomacs malades des disciples de Nurgle. La famine menaçait la horde.
Bientôt des dissidents murmurèrent que Tamurkhan les avait amenés dans
un lieu maudit, et les anciennes légendes du Chaos donnait du sens aux
formes étranges qui se cachaient dans la brume : elles n’avaient
qu’un seul œil brûlant. Contre l’indiscipline croissante, Tamurkhan et
ses chefs rétablirent l'ordre par le fouet et des représailles
sanglantes. Les corps des dissidents et des faibles remplissaient les
nombreux ventres affamés de la horde. Inébranlable, Tamurkhan les
pressa sans relâche et refusa de livrer bataille à un ennemi invisible
et insaisissable. Les Collines Fantômes finirent par être franchies et
de vastes montagnes enneigées s’élevèrent bientôt devant eux. Après de
longues peines, les anciennes terres des Géants les appelaient.
Une moisson de titans
La
horde, affaiblie de quelques milliers d'âmes par son passage dans les
Collines Fantômes, entra dans les hautes vallées montagnardes où elle
lutta contre les avalanches subites et le vent glacial. Sur les
hauteurs, elle retrouva la Route de l’Ivoire. En suivant cette route
qui tournait au sud et à l'ouest le long d’une vallée escarpée, ils
tombèrent sur les ruines de l'une des cités fabuleuses des Titans
Célestes. Des piliers cyclopéens de granit montaient aussi haut que les
montagnes elles-mêmes. C’étaient les fondations de villes s’élevaient
jadis dans les cieux. Le temps et l’érosion avaient depuis longtemps
réduit ces châteaux en ruines, et des animaux énormes et archaïques –
Rhinox, Razortusks, Stonehorns et élans - étaient abondants tout comme
l'eau douce. La horde se dispersa rapidement pour chasser et dissiper
les spectres de la faim et de la soif qu'elle avait endurée. La horde
s'arrêta pour la première fois depuis l'Arbre aux potences et
construisit une foule de campements dans l'ombre des ruines
gargantuesques, s’autorisant pour la première fois une période de repos
et de récupération. Ils avaient déjà parcouru des milliers de lieues
dans un laps de temps incroyablement court pour des mortels, mais là où
il y avait la volonté du Chaos, ces choses comptaient peu. Les faibles
et les malchanceux étaient restés au bord du chemin, et les élus, les
forts et les fidèles avaient résisté. De grands autels furent élevés
pour les dieux du Chaos, chacun selon son désir et sa mesure. Des
sacrifices de morbidité, de massacre ou de débauche étaient organisés,
comme cela convenait à chaque Puissance tutélaire. Des démons dansaient
dans l'ombre des feux des célébrants.
L'arrivée d'une si grande
horde, forte de dizaines de milliers d’individus dans cette terre
sauvage et inhospitalière ne passa pas inaperçue. Des géants habitaient
encore ici en nombre inconnu par ailleurs. C’étaient des créatures
semblables à l'homme mais lentes et colossales en stature, dépassant
parfois la dizaine de mètres de haut. De tempérament belliqueux, ils
avaient une faim correspondant à leur taille et attaquèrent les
extrémités de la horde, à un contre cent, mugissant et brisant hommes
et bêtes en projetant des morceaux de maçonneries antiques depuis des
hauteurs ou chargeant à travers les campements comme des sangliers
enragés à travers un troupeau. La légende disait que c’étaient les
ancêtres de ces Géants - plus puissants en force et plus vif en esprit
- qui avaient construit ces villes aujourd’hui en ruines, lorsque le
monde était jeune. Ils avaient combattu d'anciens empires disparus
avant d’être réduit à l’ombre de leur puissance passée. Les Ogres
brisèrent finalement leur royaume autrefois invincible. Les géants de
Tamurkhan, mutés et sauvages, venaient des montagnes des Désolations du
Chaos, mais ils étaient trop peu nombreux pour servir son plan. L'ordre
de Tamurkhan était simple et il ne souffrait d’aucune
désobéissance : les assaillants ne devaient pas être tués, mais
pris vivants et soumis par force ou par sorcellerie - peu lui
importait. À ceux qui ne se laissaient pas attraper de force, il avait
opté pour d'autres moyens. Des émissaires (souvent réticents) avaient
été envoyés pour les convaincre - pas par la menace, car les géants
s'en souciaient peu et ne répondaient qu'avec violence -
mais par des promesses de butins futurs, de festins et d’alcool forts.
D'autres étaient appâtés par des cadavres empoisonnés à l'aide des
philtres nauséabonds des cultistes de Slaanesh. Ils les droguaient
ainsi jusqu’à ce qu’ils deviennent aussi doux que des nouveaux-nés.
D’autres enfin entendaient le chant noir de shamans Hommes-Bêtes et
rejoignaient les hardes. En une lune, Tamurkhan avait recruté près
d'une centaine de Géants : certains volontairement, d'autres liés
par une sorcellerie impure et des parchemins de domination qui les
soumettaient à la volonté de Tamurkhan.
Tamurkhan contesté
Bientôt
le temps devint un ennemi ; car aussi puissant que fussent la
volonté et les désirs de la horde, ils devaient traverser les Montagnes
des Larmes d’est en ouest, et les hauts sommets montraient déjà les
signes annonçant un hiver rude. Même le gibier abondant dans la large
vallée s’amenuisait face aux besoins en ravitaillement. La horde allait
emprunter la Route de l’Ivoire qui était le seul chemin accessible pour
un si grand nombre d’hommes puisse traverser les montagnes. Cela les
obligerait à traverser les Royaumes Ogres, et les amènerait au cœur du
royaume de Graissus Dent d’Or, l’Archityran des Royaumes Ogres. Les
guerriers et les Champions du Chaos étaient impatients de se frotter à
un ennemi aussi puissant dont la renommée avait même atteint les
Désolations du Chaos. Tamurkhan était ravi de pouvoir se frayer un
chemin à travers les Royaumes Ogres si nécessaire en détruisant tout
sur son passage pour la gloire des dieux sombres. Il envisageait aussi
de marchander. S’il pouvait vaincre l’Archityran, un grand nombre de
tribus de mercenaires Ogres afflueraient sous sa bannière après une
telle démonstration de force.
Au lieu de cela, un étrange coup du
sort ridiculisa Tamurkhan, et ruina ses plans. Ses éclaireurs lui
rapportèrent que plus loin dans les Montagnes des Larmes le chemin qui
suivait se terminait sur une paroi rocheuse infranchissable comme coupé
par une immense hache. Tamurkhan fulminait et tuait ceux qui lui
rapportaient de telles nouvelles. Il conduisit lui-même la horde
jusqu’au moment où il fut forcé d’admettre la vérité – là où le large
chemin passait depuis des temps immémoriaux, il n’y avait plus que les
rochers escarpés de la montagne.
Tamurkhan, obstiné, croyait à une
illusion d’origine magique, mais ses sorciers ne pouvaient pas la
détecter, et encore moins défaire un si puissant sortilège. Ceux qui
envoyèrent leur esprit parcourir les vents de magie pour découvrir la
vérité reculèrent face au toucher froid et avide de quelque chose de
beaucoup plus vieux et plus sombre que la magie des mortels. Sayl le
Parjure murmura à ceux qui voulaient bien l’écouter que les esprits des
montagnes se riaient de Tamurkhan et méprisaient son impertinente
vanité. La révolte éclata de nouveau, et des combats éclatèrent entre
les fidèles du Seigneur des Vers et ceux qui suivaient d’autres
maîtres. Tamurkhan lui-même dut prendre part aux combats sur le dos de
Bubebolos pour rétablir l’ordre, écrasant ceux qui le contredisaient
sous les pattes de sa monture. Ce fût Orhbal, le chevaucheur de dragon,
qui, bravant la colère des Wyrms de Glace et des Manticores dans les
hauteurs glacées, trouva un nouveau chemin pour la horde. Il aperçut
une route qui quittait la vallée qui menaçait maintenant d’enfermer
Tamurkhan et son ost comme dans les mâchoires d’un piège.
Loin au
sud, les parois de la vallée cédaient la place d’une trouée large et
sinueuse menant à un vaste plateau rocheux, qui lui-même, débouchait
sur un torrent s’écoulant à l’ouest dans un lac noir de suie.
Mais
pour atteindre cette brèche, il fallait d’abord traverser le défilé.
Orhbal révéla qu’il était parsemé de bannières en lambeaux et de
trophées macabres, tous marqués du signe de la Gueule et d’un poing
sanglant. En s’approchant, il aperçut dans les grottes surplombant le
ravin des Ogres ventrus en pleine agitation, et il fut accueilli par
une volée de gros morceaux de ferrailles lancés par des engins de
guerre camouflés. Certains étaient munis de traits barbelés et de
grandes chaînes destinées à le faire tomber de sa monture. Les Ogres
attendaient la horde là où la passe se rétrécissait et où sa
supériorité numérique ne lui serait que peu utile face à une résistance
déterminée.
Il n’y avait pas d’autre chemin à emprunter. Ils n’y
avaient pas le choix, il fallait abandonner le projet de traverser les
Montagnes des Larmes en passant par la route de l’Ivoire et se frayer
un nouveau chemin. Tamurkhan rassembla ses chefs et leur annonça son
ordre : la horde marcherait vers le sud.
La bataille de la passe
Dès
le premier jour de marche vers le sud, l’avancée de l’ost fut
surveillée par les habitants de ces hautes montagnes. C’était la terre
des Ogres – des créatures féroces, brutales, intolérantes aux intrus et
habituées à lutter contre la myriade de bêtes des montagnes et contre
les étrangers humains, peaux-vertes et bien pire. Le sud de la haute
passe était sous le contrôle de l’intraitable tribu du Poing Rouge,
l’un des plus puissants royaumes Ogres dans cette partie des montagnes,
sous l’emprise du Tyran Ogre Karaka Brisemontagne, un seigneur de
guerre dont la force prodigieuse avait fait sa renommée parmi les siens
et pourvu d’un soupçon d’intelligence, chose que l’on ne trouvait pas
couramment dans sa parenté. Le Poing Rouge n’allait pas rester inactif
et permettre à la horde de Tamurkhan de passer sans combattre. Le
tribut en sang serait lourd.
Lorsque l’avant-garde de la horde
atteignit le défilé entre les deux montagnes, les cavaliers Kurgan
furent stoppés par un mur grossier construit à la hâte avec des blocs
de pierres. Le chemin était couvert de chausse-trappes et d’autres
pièges vicieux. En approchant plus près de la barrière, ils furent
bombardés de pierres, d’énormes lances et de volées de ferrailles
venant des sommets, et furent bien vite mis en déroute. Des troupes
plus lourdes furent immédiatement envoyées – les Guerriers du
Chaos recouvert d’acier d’Alvas Hurl, les cultistes hurlants et vérolés
et même des vagues de Rejetons du Chaos, menés par les aiguillons de
leurs maîtres et poussés à des paroxysmes de sauvagerie par les
instruments démoniaques. Aucun ne parvint cependant à forcer le
passage. Même si la horde de Tamurkhan surpassait les Ogres à un contre
cent, l’étroitesse du défilé les empêchait de déployer plus d’une
vingtaine de guerriers à la fois.
Les affrontements durèrent
plusieurs heures sans que les défenses Ogres ne fussent ébranlées.
Chaque brèche était comblée par une solide muraille de muscles et de
fer. Bien vite les corps des victimes s’entassèrent si haut qu’ils
menaçaient de dépasser la grossière défense des Ogres. Des Gnoblars aux
yeux pétillants – la race dégénérée de peaux-vertes qui servait les
Ogres – fouillaient frénétiquement la pile de cadavres et utilisaient
les corps en armure et tout ce qu’ils pouvaient trouver d’assez solide
pour élever la barrière aussi haut que possible, alors même que la
bataille faisait rage autour d’eux.
Tamurkhan pesta de nouveau
devant ce contretemps. Cependant, contrairement à la montagne qui avait
stoppé son avancée au nord, c’était là un ennemi qu’il pouvait
maîtriser et détruire. Il observa attentivement les combats à partir
d’une plate-forme rocheuse surplombante. Chaque fois que ses guerriers
semblaient être sur le point de briser le mur, un énorme chef Ogre, une
créature dont l’immense embonpoint surpassait même les guerriers déjà
ventrus autour de lui, se précipitait dans la brèche et redonnait
l’avantage aux Ogres. De nombreux champions du Chaos et leurs guerriers
étaient maintenant allongés morts aux pieds du Tyran et de ses gardes
du corps.- des brutes épaisses portant d’énormes couperets noirs -
brayant et levant avec défi leurs poings rouges du sang de leurs
victimes. À cette vue, Tamurkhan jura de tuer personnellement le Tyran.
Rassemblant sa propre bande de fils de Nurgle, il dirigea les efforts
de ses sorciers contre la forteresse improvisée au plus proche de
l’endroit où se tenait le Tyran Ogre. La portion correspondante fut
rapidement réduite à l’état de pierres pulvérisées par les projectiles
magiques. L’air était lourd, imprégné de fumées et de vapeurs
corrompues, et avant même que la poussière ne disparaisse, Tamurkhan
pressa sa puissante monture en avant. Il chargea le mur en rugissant de
défi.
La montagne trembla et le bruit des bris de roches retentit
dans le canyon. Des hauteurs, une nouvelle vague de lances et de lames
brisées s’abattit sur la marée corrompue qui se ruait tête la première
vers la brèche, entonnant joyeusement des cris de guerre de leur
voix dévastée par la maladie. Les sorciers lançaient leurs
sortilèges et les Bouchers Ogres répliquaient avec leurs incantations
gutturales jusqu’à ce que l’air crépite magie noire. Le sol trembla
sous le piétinement assourdissant d’un millier de bottes. Des
rochers s’abattirent sur les armées en contrebas dans l’étroite vallée.
Ils écrasaient indifféremment des guerriers des deux camps. La
poussière soulevée par ses avalanches était si épaisse qu’elle cachait
quasiment le soleil. Presque invisibles dans le nuage de poussière, les
guerriers du Seigneur des Vers s’abattirent dans la brèche. La
fortification était recouverte de cadavres. Dans la confusion, les deux
camps pouvaient même s’entre-tuer. Après plusieurs minutes d’assaut qui
parurent s’éterniser, les lignes s’écartèrent l’une de l’autre. Aucun
des deux camps n’avait cédé malgré les pertes. Les incantations furent
les dernières à cesser et les échos de la dévastation s’atténuèrent
lentement pour laisser place aux cris des blessés et des agonisants.
Dans
le nuage de poussière, une forme immense commença à se dessiner. La
tête couverte de verrues de Bubebolos émergea en premier suivit par
l’immense corps purulent du Dragon-Crapaud. Les écailles de la créature
bouffie ruisselaient tandis qu’il traînait sa carcasse gargantuesque
sur le sol pierreux. Tamurkhan examina la scène du haut de sa selle.
Avant que ses ennemis ne comprennent ce qui arrivait, Bubebolos était
déjà sur eux. La masse considérable du monstre repoussa facilement les
quelques rochers restants et renversa ce qui restait du mur des Ogres.
La puissante créature releva sa tête verruqueuse. Il ouvrit sa mâchoire
et vomi un large jet de liquide corrompu qui attaqua la chair d’une
douzaine d’Ogres et en fit paniquer une autre douzaine qui trébuchèrent
dans leur hâte.
Bubebolos et les restes dissous de ses victimes
exsudaient une odeur fétide. Peu de personnes, si ce n’est aucune, ne
pouvaient soutenir une telle horreur et même les Ogres semblèrent
momentanément stupéfaits. Mais les Ogres sont habitués à se régaler des
chairs les plus répugnantes et ils se regroupèrent rapidement pour
tenir leur position. À leur tête se tenait leur chef dont la grande
hache qui atteignait quasiment la taille d’une charrette, avait déjà
prélevé un lourd tribut parmi les plus puissants guerriers de
Tamurkhan. Dépassant les plus grands de ses compagnons d’une tête,
Karaka Brisemontagne leva sa hache poisseuse de sang et lança un défi.
Sa bande y répondit en se ralliant à lui. Bientôt toute l’armée Ogre,
qui hésitait quelques instants plus tôt, se retourna pour affronter
l’ennemi et se battre encore.
Tamurkhan gronda tandis que le Tyran Ogre l’insultait dans sa langue. Leurs regards haineux se croisèrent.
L’Ogre
s’avança et défia Tamurkhan, dans la langue gutturale du Chaos, de
l’affronter en personne plutôt que de laisser le Dragon-Crapaud se
battre à sa place. La fierté de Tamurkhan venait d’en prendre un coup,
et bien que Bubebolos pût facilement piétiner l’Ogre et en finir avec
son ennemi, Tamurkhan savait que les yeux de ses guerriers et de ses
champions étaient rivés sur lui et qu’ils avaient entendus le défi du
Tyran. Il était vraiment rusé pour un Ogre et ne montrait aucune
faiblesse.
« Qu’est-ce que cette brute peut face au pouvoir d’un puissant élu béni par Père Nurgle ? » pensa Tamurkhan .
Dégainant
sa sombre lame runique, Tamurkhan descendit du dos du Dragon Crapaud et
s’avança pour relever le défi de son ennemi tandis que l’ost du Chaos
rugissait son approbation. Les deux armées se retirèrent tandis que
Tamurkhan et le Tyran Ogre s’approchaient l’un de l’autre. Ils
commencèrent par se tourner autour – chacun cherchant une ouverture
pour attaquer. L’Ogre surplombait le seigneur du Chaos cadavérique à
l’armure rouillée qui semblait fragile en comparaison. Pourtant même un
Ogre pouvait sentir la puissance émaner du champion de Nurgle et il
n’approcha son ennemi qu’avec prudence.
L’Ogre
porta le premier coup : un large coup de hache que Tamurkhan
esquiva avec une facilité déconcertante. Le champion se retrouva
soudain pris au dépourvu lorsque l’Ogre, avec une habileté imprévue,
inversa la trajectoire et envoya le pommeau de cuivre de sa hache vers
la tête de son adversaire avec une force prodigieuse. Tamurkhan cilla à
peine à l’impact qui fracassa son heaume. Il riposta avec un
enchaînement sauvage de frappes contre la chair exposée de son immense
ennemi. Blessés tous les deux, les combattants se séparèrent un moment.
Puis le combat reprit : la grande hache dessinait des arcs mortels
tandis que la lame runique de Tamurkhan frappait et tailladait son
ennemi. Autour d’eux les Ogres et les Guerriers du Chaos encourageaient
leur champion. Les minutes passaient et aucun des deux protagonistes, à
présent en sang, n’avait pris le dessus. Tamurkhan vit une opportunité
lorsque la hache de son ennemi resta momentanément coincée dans la
cuirasse du cadavre d’un chevalier du Chaos. Braillant une prière à son
sombre maître, Tamurkhan lança sa lame noire tout droit dans l’œil de
son adversaire. Telle une flèche, l’épée pénétra profondément la tête.
L’Ogre tituba maladroitement en arrière et laissa tomber sa hache en
agitant ses bras comme s’il repoussait une guêpe furieuse. L’Ogre ne
tomba pas et Tamurkhan se précipita pour délivrer le coup de grâce.
Karaka Brisemontagne n’était pas mort : il chargea son ennemi à
une vitesse fulgurante, son immense bedaine armurée percuta le Seigneur
du Chaos et l’envoya rouler au sol. Tamurkhan esquiva sur la gauche
l’écrasement de l’ogre et, sonné, il se releva. Ses os brisés
grinçaient à l’intérieur de son corps flétri, il ne put s’échapper
lorsque l’Ogre l’attrapa par l’épaule et l’écrasa face contre terre. Un
profond gémissement vint de l’ost du Chaos en voyant leur maître tomber.
L’Ogre
se mit à califourchon sur Tamurkhan et lui arracha sa lame runique
qu’il brisa en deux. Il saisit ensuite le bras levé du Seigneur du
Chaos qu’il déchira au niveau du coude comme le ferait un homme avec
une aile de poulet. Le membre mutilé remuait dans tous les sens comme
s’il essayait toujours de repousser son ennemi. Le Tyran chercha à
reprendre sa respiration, émettant un bruit roque. Du liquide noir
jaillit du membre brisé de Tamurkhan et atteint sur la créature en
pleine face. L’Ogre rugit et s’essuya le visage. Ce liquide nauséabond
n’était pas du sang mais un flot de Vers des Tombes. L’Ogre recula en
se griffant les yeux et la bouche, il enlevait par poignées les
abominables vers qui pénétrait dans son corps par les plaies ouvertes
de son visage. Désarticulé comme une marionnette dont on vient de
couper les fils, Tamurkhan arracha son heaume brisé et derrière le
masque de chair, la véritable forme du Seigneur des Vers apparut. Le
corps du Seigneur du Chaos qu’il avait volé lors du massacre de
Zanbaijin n’était plus qu’une coquille vide et brisée, comme la mue
d’un serpent. La chose-ver se déroula et bondit sur le Tyran qui se
débattait. En une seconde, elle s’était enfoncé dans la chair de la
gorge exposée et le Tyran tomba à la renverse tel un arbre abattu.
Les
guerriers du Chaos sont favorisés par les dieux comme aucune autre
race. De telles faveurs accordent souvent des pouvoirs démoniaques
inimaginables pour le commun des mortels. Même pour eux,
l’anéantissement de Tamurkhan et de son ennemi était loin qu’être
commun. Tous ceux qui regardaient se tenaient silencieux tandis que le
ciel s’obscurcissait d’un vert fétide et que le champ de cadavres
commençait à s’agiter. La pourriture y fleurissait et exhalait des
vapeurs ambrées délétères. L’immense corps du Tyran sembla onduler et
frémir de l’intérieur pendant un moment, puis tout s’arrêta soudain.
Tamurkhan, le Seigneur des Vers, ouvrit les yeux et aspira de grandes
gorgées d’air, remplissant les poumons ravagés de l’Ogre comme s’il
venait de naître pour la première fois. Il se releva sur ses pieds
larges et ses jambes musclées et se tint un moment maladroitement campé
et légèrement vacillant. Il fléchit les bras et étira les puissants
muscles de chaque côté de son cou épais. Peu à peu, il se stabilisa. Il
fit un premier pas en avant. À ce moment, un puissant rugissement vint
de l’ost du Chaos. Quant aux Ogres, certains avaient déjà commencé à
fuir, escaladant les rochers à une vitesse étonnante tandis que ceux
qui se battaient encore furent vite submergés. De nombreux Ogres de la
tribu du Poing Rouge étaient interdits par la tournure prise par les
évènements. Cette créature était-elle leur chef ou leur ennemi ?
Quelques-uns furent tout simplement impressionnés par la victoire du
Seigneur des Vers et s’agenouillèrent, soumis à leur nouveau et
terrible maître.
Tamurkhan ramassa alors les restes brisés de sa
lame runique qui semblait minuscule entre ses mains monstrueuses et la
jeta de côté. Il prit la hache du Tyran et la brandit tandis que, tout
autour de lui, la horde acclamait la victoire et Tamurkhan. Ce dernier
hurla également son triomphe de la voix sauvage qui était maintenant la
sienne. La route vers l’ouest était ouverte.
Les marqués
Lorsque les Ogres de la tribu du Poing Rouge furent
vaincus par la horde de Tamurkhan, un grand nombre d’entre eux se
soumirent à la volonté du Seigneur des Vers et rejoignirent son ost en
s’offrirant corps et âmes au Chaos. Tamurkhan qui occupait la carcasse
de leur ancien chef, dirigea une série de rituels et de
festins maléfiques qui scellèrent leur destin. Bientôt, leurs corps se
couvrirent de toutes sortes de plaies et de maladies. Leur calvaire ne
cessa que lorsqu’ils embrassèrent Nurgle comme leur dieu tutélaire.
Bataille après bataille, ils écrasèrent et dévorèrent leurs ennemis en hommage au
Seigneur de la Corruption. Ceux qui survécurent devinrent de plus en
plus affectés par les mutations et les stigmates de la corruption
jusqu’à devenir à peine identifiables comme des ogres. |
CHAPITRE 3 : PACTES DE SANG ET DE NOIRCEUR
Ceux
de la horde qui ne partageaient pas la foi en Nurgle se tenaient
prudemment à l’écart des pestilences venant du campement de leur chef
du moment. Anticipant les landes désertes qui les attendaient, ils
s’établirent plutôt dans les collines alentours pour y traquer les
bêtes sauvages qui y rôdaient et s’en nourrir. Témoignant de la faveur
que les dieux sombres accordaient à Tamurkhan, ils revinrent à lui
lorsque l’année commença à décroître et qu’il les rappela. La plupart
revenaient avec réticence mais l’appât de la gloire à venir était
encore trop fort pour se détourner du Kurgan.
L’hiver avait vu l’ost
du Chaos se frayer un chemin le long d’une rivière à l’eau grise,
avalant lieue après lieue de collines arides sises entre les montagnes
au nord et le labyrinthe de la Forêt Hantée au sud. Ils avaient
affronté des hordes de Gnoblars, des scorpions géants de la taille
d’une tour et plus d’une tribu d’ogres qui durent être
successivement défaites, repoussées ou intimidées. Bénéficiant de
champs de bataille plus dégagés qu’avant, aucune ne constitua un danger
supérieur à celui de la tribu du Poing Rouge. Les batailles avaient été
glorieuses et l’ennemi valeureux, et bien des guerriers du Chaos
connurent les bénédictions de leurs dieux en se transfigurant,
récompense de leurs prouesses et du sang versé. Mais
d’autres, moins chanceux, grossissaient les rangs des Rejetons du
Chaos qui se bousculaient au centre de l’ost, autour des autels aux
dieux sombres portés à dos de bêtes. La horde du Seigneur des Vers
avait atteint la vaste rivière de la Ruine qui leur barrait le chemin
du nord au sud, marquant la frontière des Terres Sombres. À ce moment,
il restait peut-être un peu plus de la moitié des guerriers Kurgans qui
s’étaient ralliés à la bannière de Tamurkhan après Zanbaijin. Sa force
comptait ses guerriers par milliers, désormais grossie des
Hommes-Bêtes, de Géants ainsi que d'Ogres, pour la plupart horriblement
déformés.
Tamurkhan s’était fait un plaisir d’amener dans son camp
les Ogres de la tribu du Poing Rouge qui lui avaient fait allégeance
maintenant qu’il incarnait littéralement la dépouille de leur Tyran
tué. Il les intronisa ainsi dans la voie du Grand-père de la peste.
Grands furent les changements en eux. Même la résistance naturelle de
ces créatures à la marque du Chaos ne fut pas suffisante pour leur
protéger d’une telle corruption. Des régiments entiers d’ogres du Chaos
combattaient pour Tamurkhan. Le corps volé de ce dernier avait pourri
et son visage n’était plus qu’une masse informe de chairs affaissées
crevée d’une unique corne tordue. C’est cette silhouette boursouflée,
chevauchant comme à son habitude son Dragon-Crapaud, qui s’installa sur
la rive de la rivière polluée comme un défi à l’empire de Zharr. Il
observait la Forteresse Noire des nains du Chaos plantée comme une
dague d’obsidienne dans les cieux rougeoyants et enfumés.
Les fils du feu
Sur
la rive ouest du fleuve, Lord Drazhoath le Cendré, maître de la
Forteresse Noire, avait installé son armée au seul endroit permettant à
une force aussi grande que la horde de Tamurkhan de traverser les
Terres Sombres sans faire un long détour. Depuis l’autre rive, les
nains du Chaos déployés sur plusieurs rangs apparaissaient comme des
masses trapues et compactes, protégés de la tête aux pieds par des
épaisses armures de plaques ornées et noircies. Leurs armes étrangement
décorées battaient contre leurs boucliers de bronze en rythme. Tout au
long de leurs lignes se trouvaient des batteries de cauchemar, des
canons démoniaques et des mortiers à la gueule béante. Sur les flancs
de l’armée, de grandes bandes de soldats esclaves hobgobelins se
recroquevillaient sous le regard cruel de leurs surveillants, prêts à
être utilisés comme des boucliers de sang et d'os pour leurs maîtres
insensés.
Tamurkhan savait qu'il pouvait traverser de force, même
contre la fureur des nains du Chaos de Zharr Naggrund, mais le coût en
serait sûrement élevé. De son côté, Drazhoath n’ignorait pas qu'il
faisait face à une bataille telle que la terre de Zharr n’en avait pas
vu depuis des temps immémoriaux. Il avait calculé que ces chances de
victoire étaient faibles. Pourtant, même face à une défaite certaine,
le Seigneur Drazhoath n'avait pas peur. Il appartenait à la une race la
plus fière et la plus têtue du monde. Il était le chef de la puissante
Forteresse Noire qui marquait la frontière des terres dominées par les
Nains du Chaos et son rôle était de combattre et de mourir avec haine
contre les ennemis de Zharr Naggrund. Bien que la mort et la
destruction fussent inévitables, il ne déshonorerait pas les Nains du
Chaos de Zharr ni ne braderait l'héritage d’Hashut, le Père des
Ténèbres. Peut-être que tous envisagèrent au début une autre
possibilité que la destruction mutuelle, mais d'abord la fierté et les
désirs des Dieux Noirs devaient être satisfaits. Il y aurait du sang.
Pendant
de nombreuses heures, la marée du Chaos s'écrasa sur l'armée des
seigneurs de Hashut. Vagues après vagues, la horde s'avança vers
la mince ligne des nains du Chaos pour être abattue sous une grêle de
flèches et de coups de feu. D'étranges projectiles jaillirent des rangs
des Nains du Chaos et tombèrent sur leurs ennemis avec dans un bruit de
tonnerre. Les guerriers et les bêtes étaient déchiquetés par les
explosions ou brûlés par des flammes que n’éteignaient même pas les
eaux noires de la Rivière de la Ruine. Malgré cela, la horde avançait
irrésistiblement. Lorqu’un guerrier tombait, un autre prenait sa place.
Bientôt, le train de ravitaillement de l’armée de Zharr fut engagé par
des créatures ailées. Des vautours cadavériques aux ailes pourrissantes
et des démons ailés frappaient depuis les cieux. Des éclairs magiques
frappèrent le convoi et des barils de poudre explosèrent dans des
boules de feu qui incinéraient tout autour d’elles. Orhbal Vuipergut,
le chevaucheur de dragon, menait cet assaut aérien derrière les lignes
naines. Il dispersa les gardes hobgobelins et massacra les esclaves
enchaînés aux chariots incapables de fuir. Bientôt le feu des canons
des nains ralentit et beaucoup se turent faute de munition et d’énergie.
Lentement,
la horde se rassembla pour renouveler son attaque, les mammouths de
guerre Dolgans conduisirent cette seconde vague. Ils ouvraient la
marche pour les cavaliers du Chaos lourdement armurés qui s’en prirent
aux positions stratégiques de l’ennemi. La bataille de la matinée
n’était qu’un préliminaire destiné uniquement à éprouver le feu de
l’ennemi. Les nains du Chaos avaient inconsidérément gaspillé leurs
munitions et leur poudre contre la partie la plus sacrifiable de la
horde : des sectateurs mutants, des monstres, des Rejetons du
Chaos et tous ceux si corrompus qui préféraient mourir que vivre un
autre jour. Évidement, quelques sacrifices avaient été
nécessaires : des milliers de Kurgans étaient morts ou mourants
comme des centaines d’ogres. Personne ne niait que les chemins de la
gloire étaient forcément lavés de sang.
Drazhoath le Cendré n’était
ni un fou, ni un général inexpérimenté. Il détecta immédiatement le
danger qui menaçait son armée. Il ordonna rapidement à un détachement
de sa Garde Infernale de tenir la ligne jusqu’au dernier et commanda à
ses sorciers d’encourager par la peur et des magies altérant l’esprit
les soldats esclaves hobgobelins afin de retenir l’avancée ennemie. Le
délai obtenu lui permettrait de battre en retraite avec la plus grande
part de son armée et ses précieux engins de guerre. Ce plan ne survécut
pas à la charge des mammouths et même la Garde Infernale ne put retenir
une telle masse de fourrure et de muscles. Le centre de la ligne, sur
la berge, fut brisée par la charge. La retraite devint une déroute
lorsque les Kurgans fondirent sur les orques et les hobgobelins qui
composaient la plus grande part de l’armée d’esclaves. Nombre de ses
créatures veules périrent dans leur fuite lorsque, paniqués, ils
s’entre-tuèrent. Ceux qui n’étaient pas tués par leurs camarades furent
écrasés et suffoqués dans la bousculade. Dans ce chaos, des carrés
isolés de nains tinrent malgré tout leur position plutôt que subir une
mort ignominieuse dans leur fuite. Ils combattaient avec sauvagerie et
bravoure pendant que la horde les submergeait. Le massacre fut grand
des deux côtés mais, bientôt, la victoire appartenait à Tamurkhan.
Drazhoath, ses sorciers et le cœur de son armée, couverts par un sombre
nuage de cendres et de soufre, avaient malgré tout pu se retirer
jusqu’à la sécurité des murs de la Forteresse Noire.
Le marchandage
Tamurkhan
choisit Sayl le Parjure comme émissaire pour s’adresser aux nains du
Chaos à présent terrés dans une forteresse quasiment inexpugnable – une
grande montagne évidée et sculptée entourée de puits de scories remplis
de lave en fusion contrôlés par la volonté des nains comme d’autres
races le faisait avec l’eau.
Certains murmurèrent que le choix de
Sayl, devenu entre temps le représentant, sinon le chef, tous ceux qui
n’avaient pas prêté directement allégeance au seigneur de la Peste
n’était pas judicieux. Selon Tamurkhan lui-même, Sayl était un fauteur
de trouble, plutôt utile mais finalement tout à fait sacrifiable si
Dwai Zharr souhaitait le pulvériser en réponse à son ambassade.
Le message de Tamurkhan au seigneur nain du Chaos était le suivant :
« Moi,
Tamurkkan, fils du Grand Kurgan, Maître des Osts, Porteur de Désolation
et Champion du Prince de la Décadence déclare :
Seigneur Drazhoath, voulez-vous périr sachant que votre forteresse sera pillée et vos terres dévastées ?
J’en
prends à témoin les Dieux Sombres, vous avez combattu avec honneur et
apporté la gloire à votre maître. Vous pouvez capituler sans honte.
Notre guerre n’est pas menée contre les seigneurs de Hashut mais contre
les terres des Hommes. Joignez-vous à nous, accordez-nous la
bénédiction de l’acier et votre terrible talent guerrier et nous
partagerons la victoire.
Reconstituons l’alliance de jadis entre les Kurgans et les fils de Zharr. Scellons un pacte. »
Drazhoath
entendit ces mots et considéra avec dédain les menaces de Tamurkhan
contre sa forteresse. Toutes ses terres qu’il avait juré de protéger
étaient déjà ravagées par les envahisseurs – une catastrophe que ses
frères de Migol Zharr Naggrund ne pardonnerait jamais. Cependant, son
cœur cruel bondit à la pensée des richesses de l’Occident - de la
pierre, du fer, de l’or, des esclaves,… Par-dessus tout, il pourrait y
trouver de nouvelles connaissances. Depuis de nombreuses années, des
histoires circulaient dans l’empire des Nains du Chaos, colportées par
les marchands caravaniers en quête de faveurs et par des esclaves. Les
humains de l’Ouest auraient développé une puissante magie de bataille
et des machines de guerre. Drazhoath ne doutait pas que ces créations
humaines se révéleraient inférieures à l’artisanat des
forgerons-démonistes de Zharr, mais elles pouvaient avoir un certain
grand mérite à leur niveau. Il lui fallait mener une expédition et
lancer la puissance de sa légion contre les humains de l’ouest, les
vaincre et voler leurs secrets pour son usage personnel. Ainsi sa côte
remonterait parmi la prêtrise d’Hashut et la gloire à venir
rejaillirait sur lui. Aucun de ces raisonnements du seigneur de la
Forteresse Noire ne filtra face au Sorcier du Chaos devant lui.
Drazhoath voulait s’assurer que les négociations durent avant qu’un
pacte soit scellé à son avantage.
Une vie pour une vie
Dans
le cadre des négociations avec les Nains du Chaos, la horde suivit des
cavaliers Hobgobelins qui l’amenèrent vers le sud-ouest. La horde y
campa trois lunes devant une vaste mine désaffectée connue sous le nom
de Ghulaktha dans la langue des Nains. Ils en chassèrent les tribus
Orques Noirs qui l’infestaient et dont les ravages atteignaient le
Delta Brûlant. Tamurkhan envoya aux Nains un flot régulier de captifs.
En retour, des caravanes, tractées par d’étranges bêtes couleur cendre,
et des machines à vapeur telles que les Kurgans n’en avaient jamais vu,
arrivaient jour et nuit. Elles transportaient d’importantes quantités
d’armes et d’équipements forgés pour rééquiper la horde. Sans répit,
les entrailles de la Forteresse Noire et de la lointaine Tour de
Gorgoth résonnaient du bruit des marteaux et de cris sacrificiels. Des
fourneaux diaboliques, sous la direction de Drazhoath, brûlaient la
chair et les âmes autant que le charbon et le bois. Ces préparatifs
étaient destinés à armer la légion d’Azgorh afin qu’elle puisse marcher
vers l’ouest avec la horde de Tamurkhan – non pas comme serviteurs,
mais comme des alliés. Le pacte impliquait que les Forgerons-Démonistes
aident à faire tomber la puissante cité de leur ennemi, et qu’en retour
la Légion d’Azgorh ait sa part de prisonniers et de butins.
Pendant
ces préparatifs et pour fêter le traité conclu, Tamurkhan et ses
guerriers combattirent aux côtés de la Légion d’Azgorh contre un de
leur plus ancien et terrible ennemi : le dragon Omdra. Ce monstre
légendaire se réveilla une fois de plus et bientôt ses ravages
s’étendirent à travers la partie septentrionale de la Plaine des
Ossements et tous se dispersaient d’effroi sous son ombre colossale.
Omdra n’était pas qu’une simple bête – aussi grand soit-il – mais une
créature ancienne et malveillante férue de magie noire égalant même
Sayl. Le dragon n’était jamais seul : des Wyrms à l’appétit
inhumain sortaient des sables noirs pour prendre part à la bataille aux
côtés de meutes de Goules pour qui le dragon était comme un dieu. Tous
se jetèrent avec sauvagerie contre les Kurgans. Cette bataille coûta
des milliers de guerriers aussi bien Kurgans qu’aux Nains du Chaos et
c’est là que tomba le Rejeton du Chaos Garth’grak, et même le puissant
Bubebolos subit de graves blessures tandis que le dragon de cauchemar
et ses serviteurs lancèrent une embuscade sur la colonne principale de
la horde en plein milieu de la nuit.
Au prix de nombreuses vies et
grâce à la magie, le dieu-dragon fut grièvement blessé et chassé, forcé
de se rendormir sous les os de son engeance vaincue. La menace qu’il
faisait planer sur les Désolations d’Azgorh n’était plus – du moins
pour un temps. En contrepartie de cette effusion de sang tout à leurs
intérêts, les servants d’Hashut honorèrent Tamurkhan d’un présent qui
prit la forme d’une hache de guerre à sa taille, une lame sombre
enchantée pour remplacer celle du Tyran s’était brisée au cours de la
bataille sur le crâne d’un Wyrm. Sur demande de Tamurkhan, les nains
prirent près de cent Géants parmi ceux qui accompagnaient encore la
horde. À l’aide de leur art pour les travaux mêlant la forge et la
sorcellerie, ils les revêtirent de plaques de fer et leur fixèrent des
lames crochues et des piques afin de mieux escalader et briser les
fortifications que la horde aurait à affronter lorsqu’elle atteindrait
sa destination.
La tempête approche
Bien
vite Tamurkhan s’impatienta de ne pas pouvoir poursuivre son avancée.
Il était attentif à la taille de sa horde qui ne cessait de diminuer
bataille après bataille et conscient que les présages commençaient à
lui être défavorable. De sombres rumeurs, portées par les vents de
magie indiquait qu’une autre force allait bientôt assaillir l’Empire,
et même que d’autres champions allaient attirer l’attention des Dieux
Sombres. Même au sein de ses propres rangs, alors que sa puissance
restait incontestée, certains parlaient des changements récents
survenus sur le corps de leur chef, et qu’ils étaient peut-être la
marque du jugement du dieu de la Peste – aussi bien de son ascension
que de sa possible déchéance. Grande avait été la gloire de Tamurkhan,
car il s’était taillé un chemin de désolation à travers la moitié du
monde. Il avait mené la horde là où les seigneurs de guerre d’antan
avaient craint d’aller et le nombre de corps qui avait fini à ses pieds
était incalculable, mais la cité du trois fois maudit Magnus qu’il
avait promis aux dieux sombres n’était pas encore tombée.
Finalement,
lors d’un conseil de guerre, Tamurkhan déclara que le temps était venu
d’offrir une victoire décisive aux dieux du Chaos, et la horde du
Seigneur des Vers se dirigea à nouveau vers l’ouest, vers le Col de la
Mort. C’était à la fois la voie la plus proche et la moins hostile pour
traverser les Montagnes du Bord du Monde. Les Orques et les Skavens s’y
étaient affrontées quasiment jusqu’à annihilation pour son contrôle au
cours des dernières années. Avec les terres de l’ouest si proche à
présent, une vigueur nouvelle empli la horde tandis qu’elle finissait
sa traversée des Terres Sombres à l’ombre de la Chaîne des Monts
Cendreux. Tous s’enfuyaient devant elle, la légende de Tamurkhan
s’était répandue parmi l’engeance des Goules, des Orques et des
Hobgobelins qui vivaient dans cette partie des Terres Sombres. À
l’entrée de la grande passe, le tiers des forces de la Légion d’Azgorh,
les régiments serrés de la Garde Infernale les attendaient, avec
Drazhoath lui-même à leur tête, monté sur une immense bête ressemblant
à un taureau ailé. Avec eux, il y avait d’étranges machines
automotrices de fer et de bronze, moitié train d’intendance et moitié
machine de guerre, tractées par des chariots à vapeur qu’ils appelaient
Démons de Fer. C’était un spectacle étrange et effrayant à la fois.
Ils
rejoignirent au Col de la Mort sans rencontrer d’opposition, les
autochtones se cachaient, terrifiés à la vue de la puissante horde et
de la fumée jaillissant de la colonne blindée. C’est ainsi qu’à la fin
de l’année 2510 du Calendrier Impérial, la horde de Tamurkhan s’abattit
sur les terres sans défense des Principautés Frontalières comme la
colère d’un dieu terrible.
Les royaumes désunis
Trajet de la horde dans les Principautés Frontalières
La
vie dans les Principautés Frontalières était dure et dangereuse et la
venue de la horde de Tamurkhan était un désastre comme cette terre
misérable n’en avait pas connu depuis des siècles. Après le long trajet
et les difficultés que tous avaient endurés à travers les Terres
Sombres, les Kurgans, les Ogres et les créatures qui les accompagnaient
virent des collines verdoyantes et de denses forêts. Ils n’avaient
jamais vu auparavant une terre aussi riche prête à être pillée et ils
se sentirent comme des loups devant une bergerie. La horde devint
incontrôlable et se divisa en centaine de bandes indépendantes qui
ravagèrent tout dans leur sillage. L’un après l’autre, les petits
royaumes furent noyés dans le sang. Ceux qui résistèrent furent réduits
à des grandes piles de cadavres plantés des bannières de leurs
vainqueurs. Même la plus grande alliance militaire de baronnies et de
principautés -appelé la Confédération de l’Aigle était surclassée. Son
armée composée de mercenaires expérimentés rencontra la horde du Chaos
sous le commandement de Lietpold le Noir – un spadassin vétéran et
compétent – et ne put même pas la ralentir. L’armée humaine, composée
de chevaliers en armure et piquiers disciplinés fut écrasée et les
survivants en déroute poursuivis par les Kurgans. Lietpold lui-même fut
l’un des rares à survivre à la bataille qui avaient vu le massacre de
ses hommes.
Ce ne fut qu'après des semaines de carnage et de
destruction que les messagers de Tamurkhan, par des ordres et des
menaces à peine voilées, purent rassembler la horde qui avait à présent
repris du poil de la bête. A ce moment, le centre des Principautés
Frontalières était dévastée. Il faudrait au moins une génération pour
que sa population se rétablisse et remplace les fantômes hantant les
décombres. Certaines petites bandes et des monstres, fatigués du joug
de Tarnurkhan, ne rejoignirent pas la horde et disparurent dans
l'arrière-pays qu’ils troublèrent bien longtemps encore.
Restaurer
l’ordre dans sa horde avait coûté à Tamurkhan un temps précieux. La
légion d’Azgorh avait fait ses propres razzias et commençait à envoyer
des convois de captifs et de butin vers les Terres Sombres ce qui les
ralentit encore. Tamurkhan lui-même semblait à ses disciples de moins
en moins humain et de plus en plus malade à chaque jour qui passait.
Sayl le Parjure conseillait d’accélérer espérant que l’empire des
hommes ignorerait le danger et ne bloquerait pas les passes des
Montagnes Noires tandis qu’il autorisait de son côté des raids toujours
plus lointains à ses Dolgans…
Les choses s’aggravèrent sans prévenir
lorsqu’une succession d’ouragans frappa les montagnes. La pluie
continuelle transforma les dépressions en bourbiers tandis que les
vents hurlant charriaient les voix d’esprits en colère. Jour après
jour, la tempête continuait avec intensité. Le martèlement incessant
des pluies et le hurlement surnaturel du vent conduisit des Chimères et
d'autres créatures à quitter leurs hauteurs pour attaquer les réfugiés
et leurs poursuivants. Tamurkhan apprit que la Passe du Feu Noir était
complètement inondée comme une grande cataracte et que même si les
géants et les autres grandes créatures pouvaient espérer passer, il n’y
avait aucun moyen pour que les machines des nains du Chaos y
parvinssent. Tamurkhan était furieux : il s’en prenait à ses
propres disciples et affirmait avoir entendu le rire des dieux sombres
dans la voix de la tempête.
Ce fut Lord Drazhoath qui trouva
inopinément une solution. En compulsant des livres brûlés et des
parchemins tachés de sang que ses forces avaient découvert au cours des
destructions, il apprit l’existence d’une passe appelée les Crocs de
l’Hiver dans certains textes. Escarpée et inhospitalière, cette passe
avait abrité des citadelles et des mines naines aujourd’hui
abandonnées. La route elle-même était presque oubliée, mais elle
offrait un itinéraire alternatif plus à l’ouest qui pourrait leur
permettre de frapper l’Empire au ventre par un chemin inattendu. Plus
on allait vers l’ouest, plus la tempête diminuait en intensité. Une
bande de guerre envoyée en éclaireur jura qu’elle n’avait pas été
dévastée par les ravages de la tempête surnaturelle. Tamurkhan sauta
sur l’opportunité et les tambours de la horde battirent frénétiquement.
Les acolytes de Nurgle, joyeux malgré les fièvres et les miasmes qui
les dévoraient et le mauvais temps qui les harcelaient répondirent à
l’appel avec une foi indéfectible dans leur Seigneur. Les autres ne le
firent pas. Beaucoup de Kurgans superstitieux voyaient dans la tempête
un signe de disgrâce des dieux sombres. D’autres grommelèrent que des
terres riches à l’ouest ne demandaient qu’à leur tomber dans les bras.
Les champions qui ne suivaient pas le Seigneur de la Peste demandèrent
à ce qu’on consulte les oracles. Sayl jeta les runes de prophétie
brûlantes à travers des mailles de moelle d’elfe : toutes
prédisaient un désastre et la mort. Lorsqu’il apprit cela, Drazhoath
sourit froidement et affirma que Tamurkhan ne voudrait de toute façon
rien entendre. Il suivait son chemin et son destin à lui était à portée
de main. Après tout, il disait que l'avant-garde entrée dans la passe
n’avait rencontré qu’une faible résistance et que les Gobelins avaient
fui dès les Kurgans avaient défouraillé les lames. Ils avaient vaincu
de tels lâches et les avaient massacrés plusieurs fois déjà. Pourquoi
les craindraient-ils maintenant ?
Coin du fluffiste
Si la carte des Principautés Frontalières en 2511 CI est bienvenue, on peut y relever deux anomalies : 1)
On
peut s'interroger sur la traversée du Golfe Noir à la horde de
Tamurkhan (pourquoi ? comment ? où sont les bâteaux ?) alors qu'il lui
suffisait de contourner Barak Varr par l'est et le nord... Je pense
qu'on pourrait y voir une simple erreur de cartographie. 2) Tamurkhan (et Games Workshop ?) redécouvre la Passe des Crocs de l'Hiver. L'ancien joueur de Warhammer, le jeu de rôle Fantastique
(1ère édition) bondit de joie : cette zone montagneuse est le
cadre de nombreuses aventures issues les quatre premiers volumes de la
campagne des Pierres du Destin (Le Feu dans la Montagne, Le Sang dans les Ténèbres, La Mort sur son Rocher et La Guerre au Royaume des Nains).
La passe y est décrit en long, en large et en travers (les Terres
Déformés, diverses installations naines, le monastère de l'Aire, ...).
Malheureusement, c'était trop beau : on ne la reconnait pas du tout
dans le Trône du Chaos... Puis à bien regarder la carte, la
véritable passe des Crocs de l'Hiver est bien plus à l'ouest, à
l'extrémité sud du Wissenland (et le fameux village de Kreutzhofen -
cf. Sombre est l'aile de la mort). Il faudrait donc en trouver une autre. Justement, MadAlfred (son site ici : MadAlfred's WFRP Page)
montre sur ses cartes de la zone une autre passe qui traverse les
Montagnes Grises par le centre : la "Icy Wind Pass". On pourrait la
traduire par "Passe du vent glacé". C'est certainement plutôt celle-ci
qui est infestée de gobelins et que Tamurkhan a emprunté ! |

CHAPITRE 4 : LA MORT DANS LES TÉNÈBRES
Une
fois qu’ils arrivèrent dans la passe traversant les Montagnes Noires,
leur avancée se fit plus facile même s’ils montaient beaucoup plus haut
qu’ils ne l’avaient envisagé. Les pics au-dessus d’eux étaient sculptés
de figures d’ancêtres, de dieux, de héros nains et d’inscriptions
runiques érodées par le temps mais pas complètement effacées. Soudain,
un midi, les guerriers de l’avant-garde tombèrent sur des campements
récemment abandonnés et des tas de détritus à l’entrée de grottes.
Complètement désordonnés, l’origine de ces camps était clairement
gobeline et beaucoup de feux exhalaient encore la puanteur de la chair
carbonisée. Plus loin, les Kurgans tombèrent sur les restes des leurs -
des éclaireurs qui n’étaient pas rentrés. Ils passèrent devant les
corps mutilés de leurs anciens camarades éparpillés ou accrochés à côté
du chemin là où les peaux vertes les avait laissés. Les os des humains
et ceux des chevaux étaient craquelés par la chaleur et les restes des
feux de camp indiquait clairement leur sort qui avait été le leur. Les
Kurgans rirent de ses petites cruautés. Lorsqu’ils honoraient les dieux
sombres, ils faisaient bien pire eux-mêmes. Les nains du Chaos étaient
complètement indifférents à ces découvertes et l’odeur de la
chair brûlée éveillait plutôt l’appétit des Ogres qui devenait
impatients de se battre.
Le soleil avait passé son zénith et les
ombres s’allongeaient dans la passe lorsque la horde vit pour la
première fois son ennemi. De petites formes se déplaçaient le long des
crêtes et des ouvrages Nains au-dessus de la passe, décochant parfois
des flèches à l’aveuglette avec leurs arcs mais n’approchant jamais la
horde. En réponse, la horde tirait également quelques flèches, mais
chaque fois qu'une bande furieuse s'avançait pour les chasser, les
silhouettes sombres s'éloignaient, ne laissant derrière elles que les
échos de leur rire moqueur.
Le serpent blessé
Comme
les heures passaient, la nuit tomba et les pertes de la horde
commençaient à s’accumuler. Tamurkhan pressa son ost pour aller de
l’avant. Il ne pouvait souffrir de nouveaux délais alors qu’il était si
proche de sa proie. La horde avança jusqu’à atteindre ce que les
anciennes cartes décrivaient comme un verrou montagnard. La surface de
cette zone était relativement plate et permettrait à la horde de
camper pour la nuit dans une certaine sécurité et de se rassembler.
Après une journée de harcèlement continuel, l’avant de la horde arriva
dans un vallon surplombé de hauts pics et découvrit une étendue
rocheuse occupée par une mer de peaux-vertes vêtus de noirs et parsemée
de bannières grimaçantes. Les gobelins de la nuit attendaient la force
du Chaos et s’était regroupé à un endroit où la supériorité numérique
de leur ennemi lui serait inutile. La ligne des gobelins traversait
toute la vallée, mais ce n’était pas tout : on pouvait distinguer
derrière eux les formes immenses de géants des montagnes et d’énormes
araignées de la taille d’un bâtiment dont les yeux brillaient de
malveillance dans le noir.
Tamurkhan observa leur ennemi avec les
yeux d’ogres blancs de cataractes. Il savait que nombre de gobelins
attendaient certainement encore dans les cavernes adjacentes et leurs
repaires cachés prêts à bondir sur les flancs de ses guerriers une fois
que la bataille aurait commencé. Les gobelins étaient des créatures
malfaisantes et peureuses qui n’aurait pas dû oser lui barrer la route.
Leurs chefs devaient penser qu’ils avaient des chances de s’emporter
même contre une force aussi terrible que son ost. Cela signifiait
qu’ils étaient soit fous soit qu’ils avaient quelques ruses secrètes.
Les
gobelins de la nuit n’attaquèrent pas immédiatement, mais frappèrent
leurs armes l’une contre l’autre et hurlèrent des insultes attendant
visiblement que la horde fasse le premier pas. Tamurkhan profita du
répit pour donner ses ordres et installer son avant-garde en ordre de
bataille. Il fit passer le mot aux troupes derrière lui de hâter le pas
pour se joindre à la bataille et les avertit des embuscades
potentielles. Il convoqua Sayl le Parjure et Kayzk le Souillé pour
combattre à ses côtés tandis qu’Orhbal survolait la vallée dans
l’espoir de prendre la mesure l’ennemi et de démasquer le piège qu’il
avait prévu. Cependant, il ne pouvait trop retarder l’assaut de la
horde, car les Kurgans étaient avides de faire couler le sang et les
ogres s’avançaient déjà, plus ou moins en ordre. Il serait bientôt
impossible de les priver du carnage qu’ils attendaient d’autant qu’ils
avaient été harcelés par les gobelins plusieurs heures durant.
A
peine Kayzk avait-il atteint la bannière de son chef - Sayl était
encore loin derrière - que les Ogres de Tamurkhan quittèrent les rangs
et se jetèrent sur l'ennemi écumant de rage. A cette vue, un grand
rugissement parcourut la horde et les bandes éparpillées de Marauders
Kurgans se joignirent à la charge avec un groupe d’une cinquantaine de
chiens du Chaos mutants qui échappa à ses maîtres de meute et dépassa
même les ogres en quelques sauts. Tamurkhan n’ignorait pas qu’une
charge désordonnée pouvait tourner au désastre pour sa horde. En
colère, il fut forcé de sonner l’attaque générale. Le son du cor en
corne de mammouth évidée masqua un moment le vacarme des Kurgans en
charge. Les puissants tambours roulèrent rapidement et la horde
s’élança vers l’ennemi. Le bruit de centaines de sabots et bottes
résonna comme un tonnerre et souleva de grands nuages de poussière dans
l’air froid. Les chiens et les cavaliers avaient pris le devant.
Tamurkhan lui-même était au centre entouré de rangs compacts de
guerriers de couleur rouille. Un énorme essaim de mouches – compagnes
éternelles des armées de Nurgle – obscurcissait le fond de la vallée.
La masse des gobelins frémit de peur à la vue de ce à quoi ils étaient
confrontés, mais ils tinrent, rassurés par leur propre nombre et les
murailles rocheuses qui les flanquaient. Ils brandirent alors leurs
lances dentelées devant eux. Lorsque leur ennemi avait parcouru la
moitié de la distance, de longs traits de baliste, des rochers et plus
étrangement des gobelins harnachés d’ailes grossières tombèrent sur la
horde propulsés par des engins en piteux état massés à l’arrière des
rangs gobelins. Beaucoup de ces projectiles tombèrent trop court ou
heurtèrent les parois rocheuses mais la horde était si nombreuse que
plusieurs d’entre eux trouvèrent une cible en dépit des faibles
compétences balistiques des gobelins. Des hommes et des chevaux furent
brutalement empalés, écrasés ou réduits en pulpe sanglante en pleine
charge. Alors que les assaillants se rapprochaient, des nuages de
flèches empennées de noir jaillirent des lignes des gobelins et le
carnage fut encore amplifié par les sorts de chamans qui crépitèrent et
visèrent les Kurgans. Des lumières vertes étranges entourèrent les
maraudeurs et plusieurs d’entre eux furent soudain écrasés au sol par
le poids d’une puissante magie. Affaiblis par les pertes, les Kurgans
s’écrasèrent sur la horde des gobelins de la nuit. La masse entière
vêtue de noir semblait frémir et trembler. La ligne de bataille devint
rapidement une mêlée de sang, de poussière et de fer où des pointes de
lances et des lames de haches s’élevaient puis retombaient dans un
ballet frénétique. Des gobelins entraînant comme ivres une lourde boule
au bout d’une chaîne faisaient momentanément le vide autour d’eux avant
de disparaître. Les guerriers bénis de Nurgle menés par Tamurkhan
s’avancèrent et derrière eux, de plus en plus de guerriers occupaient
l'espace que l'avant-garde avait laissé libre en chargeant - il y avait
là des milliers de guerriers plus désireux les uns que les autres de se
battre au nom des dieux du Chaos et se faire remarquer par leurs
sombres maîtres.
Bubebolos fit jaillir sur les Gobelins de la Nuit
son souffle acide qui sonna momentanément les peaux-vertes. Ils
reculèrent de terreur. Le Seigneur des Vers fit alors charger sa
monture. La lame de Tamurkhan faisait des cercles et séparait les têtes
des corps tandis que Bubebolos avalait des ennemis par bouchées et
recrachait leurs corps lacérés. D’autres étaient simplement piétinés et
écrasés par son poids incommensurable alors que son cavalier éviscérait
un Géant des montagnes avant d’en tirer les intestins, comme le ferait
un énorme charognard, et de le dévorer vivant.
Sans avertissement,
les montagnes frémirent lorsque d’étranges lueurs vertes apparurent
au-dessus de la bataille. L’instant d’après un grincement colossal
ébranla le sol. La bataille s’arrêta brusquement : les bêtes, les
guerriers et les peaux-vertes trébuchèrent ou hésitèrent. Depuis les
hauteurs, d’énormes rochers et des sculptures naines colossales
vacillèrent lentement et s’effondrèrent avec une force cataclysmique
dans la vallée. Ces glissements de terrain touchèrent l’entrée de la
passe et une douzaine d’autres points de la vallée. Des centaines de
créatures et de guerriers furent tués en un battement de cils. La horde
du Chaos que s’étirait comme un serpent dans la Passe fut sectionnée en
une douzaine de morceaux tous choqués par ce qui leur était tombé
dessus. D’immenses nuages de poussières étouffantes emplirent la vallée
et des douzaines de Gobelins de la Nuit et de Trolls de Pierre qui
attendaient jaillirent de leurs cachette à la suite de l’attaque par
tremblement de terre. Rendus fous par des drogues, ils tombèrent sur la
horde en hurlant et couinant. Là où il n’y avait qu’un seul front, il y
avait à présent une douzaine de batailles réparties sur toute la
longueur de la passe. La horde de Tamurkhan faisait face à l’une de ces
plus terribles épreuves.
Les marcheurs des profondeurs
Loin
de la ligne de front, Sayl le Parjure fut pris au piège avec
l’avant-garde du contingent Nain du Chaos lorsque la montagne
s’effondra sur l’étroit chemin de la passe. À peine le voile de
poussière se fut-il dissipé et les cris des estropiés éteints que
l’attaque commença. Une pluie de flèches noires s’abattit depuis les
hauteurs, tandis que de profonds grognements émanèrent du fond de la
passe.
Les bêtes hurlèrent et les esclaves tombèrent, des flèches
enfoncées dans leurs chairs. De leur côté, les Nains du Chaos
adoptèrent rapidement une formation défensive en carré et la grêle de
projectiles ne fit que très peu de dégâts. Inévitablement, quelques
tirs firent mouche, mais ils furent peu nombreux, car les pièces
d’armure des Nains du Chaos étaient étroitement imbriquées – malgré
quelques faiblesses aux jointures entre les plaques.
Rapidement,
derrière l’écran de poussière, la vapeur siffla comme le cri de damné.
Une machine démoniaque émergea, traînant derrière elle deux chariots,
l’un de carburant et l’autre transportant un canon de gros calibre
autour duquel trois Forgerons-démonistes psalmodiaient. Ces derniers
répandaient du sang bouillonnant avec des encensoirs d’or sur son
revêtement en forme de cloche. La machine bruyante devint vite la cible
privilégiée des archers postés sur les hauteurs. Ils décochèrent leurs
flèches aussi vite que possible mais le démon de fer poursuivit sur sa
lancée, déblayant les décombres pour prendre place à l’arrière de la
formation triangulaire adoptée par les Nains du Chaos. Sayl se plaça au
centre avec son garde du corps, le rejeton du Chaos Nightmaw. À peine
Sayl eut-il gagné le centre de la formation qu’un grincement de mauvais
augure se fit entendre. Les anciennes portes en pierre s’ouvraient
lentement et des passages secrets se révélèrent çà et là sur le sol
pierreux. Ces passages étaient l’œuvre des Nains. Complètement
indétectables jusqu’à leur ouverture, ils étaient maintenant contrôlés
par des maîtres beaucoup plus corrompus que leurs créateurs. Comme dans
un cauchemar, des Trolls de Pierre verruqueux et à la peau bleu-grise
jaillissaient des profondeurs de la montagne. Ils étaient près d’une
vingtaine, leurs yeux jaunes roulant follement dans leur orbite et leur
visage hideux barré un large sourire affamé. Derrière eux, les
silhouettes encapuchonnées des Gobelins de la Nuit s’agglutinaient et
grouillaient tels des rats brandissant leurs lames vicieuses. Des coups
de feu provenant des rangs des Nains du Chaos en abattirent des
douzaines tandis qu’ils jaillissaient de leurs tunnels. Cependant,
l’embuscade était bien planifiée et la distance entre les combattants
trop faibles pour que l’assaut puisse être stoppé comme cela.
En
quelques secondes la bataille fit rage et une mêlée sanglante
s’ensuivit, les trolls et les Gobelins de la Nuit encerclèrent et
submergèrent les défenseurs surpassés en nombre. Les Nains du Chaos
combattaient avec sauvagerie les Gobelins de la Nuit. Ils les
abattaient et écrasaient leurs corps sous leurs pieds. Les nains se
fiaient à leur endurance et à la résistance de leurs armures
démoniaques pour les protéger de la pression des corps et des coups
d’épées. Certains tombèrent : des dagues trouvaient les yeux à
travers la fente du casque, mais les guerriers de la Forteresse Noire
firent un massacre dans les rangs des Gobelins. Les Trolls de Pierre
étaient une menace beaucoup plus sérieuse. Bien que stupides, ces
créatures brutales maniaient des massues grossières et des haches à
deux mains avec une force capable de pulvériser les armures lourdes des
Nains tandis que les blessures qu’ils subissaient en retour se
refermaient à une vitesse effrayante.
La
ligne des Nains commença à ployer là où les Trolls de Pierre
attaquèrent en nombre. Même si certains de ces trolls étaient abattus,
les Nains du Chaos fléchirent et furent massacrés. Dans leur sillage et
les hordes de Gobelins de la Nuit – qui sortaient continuellement de
terre – se précipitèrent pour exploiter cet avantage.
Soudainement
encerclé et combattant pour sa vie, Sayl le Parjure était profondément
irrité d’être trahi par son don de vision. Il conjura les puissances du
Chaos avec sauvagerie et canalisait sa puissante magie dans des
explosions aveuglantes qui ondulaient telle des faux à travers les
rangs des Gobelins de la Nuit. Malgré leur résistance légendaire
à la magie, certains Trolls étaient réduits en squelettes carbonisés. A
côté du sorcier, le Rejeton du Chaos se déchaînait. Ces
membres tordus cueillaient les peaux-vertes et les précipitaient dans
ses trois mâchoires voraces à une vitesse fulgurante, répandant un
nuage de sang autour de lui.
La machine démon des Nains se mit à
nouveau en mouvement et entraîna un nombre incalculable de Gobelins de
la Nuit dans la mort avec ses roues et les nombreuses lames qui le
recouvraient. Les canons démoniaques de la machine firent feu,
déchiquetant sans discernement Trolls et Gobelins de la Nuit. La
machine de guerre semblait rugir tel un être vivant face à son carnage.
En réponse, un double cri singulier retenti dans la passe. En
l’entendant les Gobelins de la Nuit y répondirent en criant de leur
voix aiguë. Deux créatures gigantesques, à moitié rampantes à moitié
bondissantes surgirent d’une immense porte béante. Même Sayl le Parjure
fut momentanément frappé d’horreur, car il n’avait jamais rien vu de
semblable. C’était des êtres colossaux ressemblant à des citrouilles à
la peau fongique et caoutchouteuse parsemés de taches jaunes à l’éclat
malsain. Leurs corps gonflés ressemblaient à des têtes
pourrissantes, avec une bouche pleine de bave garnie de crocs
monstrueux. Tandis que Sayl les observait, il vit le premier de ces
terribles monstres se jeter sans hésiter dans la mêlée, sans se soucier
de qui il écrasait sous son poids. Sa bouche démesurée étaient ouverte
et ses crocs crissaient sur le métal lorsqu’ils déchiquetaient une
proie en armure complète. Sous les assauts de ces colossales choses,
l’un des régiments de Nains Infernaux fut réduit en une bouillie
sanglante, brisant un point du triangle défensif, les survivants furent
submergés et tués en fuyant ces monstres à l’appétit vorace. Sayl se
retira. L’effort magique qu’il avait déjà fourni lui faisait cracher du
sang . Son garde du corps Nightmaw, lui fraya un chemin tandis
qu’il se repliait. Il mettait la machine démon, toute fumante et
éclaboussée de sang, entre lui et les deux monstres surgis de terre.
Pendant
ce temps, les forgerons-démonistes sur la machine firent pivoter son
canon de bronze en manipulant des runes rougeoyantes de chaleur. Une
détonation tonitruante se fit entendre et un puissant projectile de
lave frappa le monstre le plus proche. Ce dernier explosa en un amas de
fluides visqueux comme un fruit pourri écrasé par un marteau. Son
énorme carcasse s’écroula et sembla se dégonfler. Un grand nombre de
ses victimes non digérées apparurent dans ses entrailles et sa chute
provoqua la mort d’une douzaine de gobelins. Les Forgerons-Démonistes
n’eurent cependant pas le temps de célébrer leur victoire : ils
tentèrent de recharger mais le deuxième monstre fut sur eux. La
machine-démon vibra et un sifflement aigu indiqua une fuite de
pression. Les wagons qu’elle traînait se percutèrent subitement les uns
les autres avec fracas. Le monstre géant sauta sur le wagon de tête.
Les éléments en fer et en bronze furent éventrés et pliés et des
cendres brûlantes se dispersèrent dans l’air. Les forgerons-démonistes,
entourés de flammes, se débattaient pour éviter les énormes mâchoires.
La machine-démon dont les roues étaient enfoncées dans le sol par
l’énorme masse était impuissant à se déplacer ou à s’orienter pour
faire usage de ses armes. Les nains infernaux restants, toujours
encerclés par un ennemi dont la furie venait d’augmenter avec la
perspective d’une victoire, étaient trop accaparés pour mener une
contre-attaque. Sayl, déjà épuisé, savait qu’il se ferait probablement
tuer avant de pouvoir conjurer un sort suffisamment puissant pour
blesser le monstre à cause de l’état d’épuisement dans lequel il était.
Sayl le Parjure maudit Tamurkhan pour sa folie et son orgueil et se
prépara à rassembler les vents de magie qui flottaient sur le champ de
bataille. Il voulait en finir avec cet ennemi, même si une telle magie
pouvait le consumer lui-même. Les vents de foudre et de tempête
jouaient avec le Sorcier du Chaos, tandis que dans un dernier
grincement de métal, l’attelage de la machine démon explosa et projeta
des morceaux de métal dans toutes les directions. La créature
monstrueuse s’avança, ses vastes mâchoires béantes vers Sayl. Celui-ci
se mit à rire, comme pris de folie. Avant qu’il n’ait pu lancer son
sort, le sol sous la bête colossale explosa comme une éruption de
flammes et de fumée. Le souffle fit tomber le sorcier du Chaos qui
lutta désespérément pour garder le contrôle de la magie qu’il avait
invoqué, mais ses efforts furent vains. Le pouvoir s’échappa de son
corps comme fouet et détruisit tout ce qu’il touchait. Sayl hurla en à
perdre la voix jusqu’à ce qu’il fut consumé.
La saga de Grisak le Boursouflé
Comme
beaucoup de ceux qui suivirent le Seigneur des Vers, l’histoire de
Grisak commença dans les Désolations du Chaos. Jeune et fier fils de la
tribu Tolkmar, Grisak fit couler son premier sang lors de raids contre
des clans rivaux et dans de violents conflits internes jusqu’à ce qu’il
ait pris plus de têtes que le nombre d’hiver qu’il avait vécu. Il
voyagea jusqu’à Zanbaijin, attiré par la promesse de bataille et de
gloire, et après avoir encaissé une blessure mortelle qui suppura lors
des combats, il promit son âme à Nurgle en échange de sa vie. Bien vite
son corps gonfla et sa force augmenta prodigieusement tandis que les
faveurs du dieu se manifestaient sur lui lors des batailles des Terres
de Pierre jusqu’à la Plaine des Os. Il trouva la mort dans la grande
embuscade dans la Passe des Crocs de l’Hiver, où entouré par les corps
des Gobelins de la Nuit qu’il avait vaincu, il fut abattu par le trait
d’une baliste postées dans les hauteurs, l’empalant au sol tel un totem
sanglant. |
Une vague de sang
À
l’avant de la horde, la bataille commençait à se décider. Même si les
Gobelins de la Nuit étaient des milliers et qu’ils avaient isolé
l’avant-garde de Tamurkhan de toute aide, ils constatèrent vite qu’ils
avaient sous-estimé les guerriers des Désolations du Nord. Les sabots
ferrés, les lances et les autres lames, récemment forgées dans l’acier
noir des fourneaux de Zharr, transperçaient les boucliers des Gobelins
comme des poupées de chiffon. Mètre après mètre, la horde de Gobelins
fut repoussée. Les corps s’accumulaient sur le sol. Les Élus du Chaos
grands et invincibles dans leurs armures d’un autre monde pratiquaient
de larges trouées dans les rangs des peaux-vertes et balayait avec
mépris leurs faibles défenses. La panique commença à se répandre à
travers les peaux-vertes, mais ceux qui tentaient de s’enfuir, étaient
bloqués par la pression des corps derrière eux où finissaient sous les
crocs des chiens de guerre du Chaos. Apeurés, les archers Gobelins de
la Nuit et les servants des machines de guerre commencèrent à tirer au
jugé dans la mêlée pendant que les forces du Chaos continuaient le
massacre. Plus la ligne de front reculait et plus les projectiles
tombaient directement sur les rangs massés des peaux-vertes. Bientôt la
panique se transforma en déroute et ceux que se trouvaient en première
ligne abandonnèrent leurs armes et bousculèrent ceux qui se trouvaient
derrière eux pour s’échapper.
Alors même que la bataille tournait en
leur défaveur, les peaux-vertes n’étaient pas encore dépourvus de
ruses. Cachés dans leurs rangs, il y avait de nombreuses créatures
dangereuses, comme des chamans dont les sorts commençaient à entamer la
ligne des Kurgans. D’étranges lumières vertes passaient sur les troupes
du Chaos et plusieurs unités de guerriers en armure furent soudainement
plaquées au sol et réduites en une bouillie sanguinolente sous une
pression magique. Les sorciers de la horde lançaient frénétiquement des
contres-sorts, mais la magie des peaux-vertes était étrange et
insaisissable. Des explosions d’énergie verte tombèrent sur les
guerriers du Chaos en première ligne comme des coups de marteau.
Tamurkhan
et ses guerriers bénis se tenaient à la tête d’un saillant dans la
horde des Gobelins de la Nuit. Alors qu’il se frayait un chemin vers
l’avant, Bubebolos fut frappé à plusieurs reprises par des projectiles
magiques qui le firent rugir de douleur. L’assaut magique laissa dans
l’air une forte odeur, étrange et amère, qui perturba la puissante bête
et même l’essaim de mouches qui était agglutiné autour d’eux se
dispersa. Les guerriers de Tamurkhan avait presque atteint le cœur de
l’armée des Gobelins de la Nuit. Un vieux chaman Gobelin de la Nuit
trônant sur une araignée géante albinos caparaçonnée des os de ces
victimes l’y attendait. Autour du grand corps pâle de l’araignée
flottaient les bannières des tribus qui s’opposaient à Tamurkhan et
réclamaient la Passe des Crocs de l’Hiver pour leur usage
exclusif : les Grimaceurs , les Coupeurs de cadavres, les Crânes
Vide et les Lunes Mortes. À la vue de son ennemi, Tamurkhan abaissa sa
puissante hache et lança un défi qui poussa les guerriers
cauchemardesques qui l’entouraient à des sommets de fureur. Un
brouillard d’un vert éclatant emplissait l’air et entraînait les
Gobelins dans une frénésie tourbillonnante. Ces derniers se
précipitèrent sur leurs ennemis et furent abattus par la charge
dévastatrice des Chevaliers de la Pourriture de Kayzk, ou écrasé par le
fléau à tête de crâne de l’Élu de Nurgle. Les sorciers répondirent vite
à la magie des Gobelins par une autre infiniment plus
mortelle : des vapeurs bilieuses descendirent sur l’ennemi,
répandant une mort affreuse. Face à ces horribles assauts, la
contre-attaque des Gobelins de la Nuit commença à faiblir puis reflua.
Sentant
la fin venir, les Gobelins de la Nuit s’enfuirent avec terreur, la
horde du Chaos sur leurs talons. En première ligne, la hache de
Tamurkhan dessinait un arc sanglant à travers tous ceux qui se
trouvaient devant lui tandis que les peaux-vertes s’éparpillaient comme
des souris devant un chat. Bubebolos rugissait et son souffle rance
ôtait la vie aux Gobelins paniqués. Tout n’était que destruction et
confusion. Dans leur empressement, les peaux-verts s’entassèrent autour
des sorties de la vallée où leurs corps écrasés s’empilèrent vite sur
plusieurs mètres. Leurs camarades escaladaient les monticules de
cadavres pour fuir la colère du Chaos. Tamurkhan poursuivit les
Gobelins de la Nuit à travers le défilé avec ses disciples pourrissant
et des Trolls Bilieux couverts de sang sur ses pas. Ces puissantes
bêtes repoussèrent les cadavres pour atteindre leurs ennemis, mais à
leur grande frustration, l’araignée albinos – maintenant raccourcie
d’une patte qu’un Rejeton de la Peste avait arrachée – s’échappa par la
paroi rocheuse ; le vieux chaman s’accrochait désespérément à son
dos, et ils disparurent dans l’obscurité derrière une statue érodée.
Leur chef ayant pris la fuite, la déroute des Gobelins devint une folle
débandade, et la victoire revint à la horde.
Après la tempête
Tout
le long de la passe des Crocs de l’hiver, les forces du Chaos
affrontèrent les gobelins. Dans nombreux cas, les forces du Chaos
triomphèrent. D’autres fois, les embuscades des gobelins de la nuit
s’étaient avérées plus fructueuses et la victoire de la horde n’avait
été acquise qu’au prix de lourdes pertes. Parfois encore, les forces de
Tamurkhan avaient été entièrement balayées et les corps des victimes
emportés dans les ténèbres. La poussière imbibée de sang et des armes
brisées étaient les seuls témoins de la bataille. Après coup, il apparu
qu’en plus des tribus de gobelins, de nombreux orques avaient été
impliqués. Ces grands peaux-vertes armées de lourdes lames et de grands
boucliers visaient plutôt sur l’arrière-garde de la horde et y furent
fauchées rapidement par les nombreuses créatures du Chaos et les
monstres difformes qui s’y trouvaient.
Cette nuit-là, la horde
installa son camp sur le champ de bataille même, entourée des bûchers
funéraires illuminant les ténèbres. Il ne vint aucune autre attaque.
L’ennemi n’avait plus ni troupes ni volonté. Aux premières lueurs de
l’aube, Tamurkhan réunit un conseil de guerre qui déborda de
rancœur et de récriminations. Le Seigneur des Vers parvint à y imposer
une nouvelle fois sa volonté, mais cette fois, au lieu d’invoquer les
promesses des dieux ou le sens du devoir, il se montra clairement
menaçant. Seul Kayzk, dont la chair éternellement pourrissante
dégoulinait des crevasses de son armure, soutint sans réserve ni
arrière-pensée son chef. Le cœur de la protestation ne portait pas sur
l’embuscade ni le massacre de la veille mais sur la division du
travail. Pour permettre aux chevaux, bêtes et machines de guerre des
nains de franchir les rochers brisés qui s’étaient abattus dans la
passe en des dizaines d’endroits, il fallait construire des rampes. En
conséquence, les chefs Kurgans, dont les guerriers formaient encore,
avec les ogres de la peste de Tamurkhan, la plus grande partie de la
horde, étaient engagés pour cette tâche éprouvante. Les fiers guerriers
nordiques s’en trouvèrent courroucés car c’était pour eux un travail
d’esclaves. Ils refusèrent d’obéir aux instructions des nains du Chaos.
Finalement, ce n’est que par la menace de représailles et l’âpre
nécessité qu’un accord fut trouvé. L’accord ne satisfaisait personne
mais grâce à lui de grossières rampes furent bâties à partir des débris
des rochers et des cadavres de gobelins pour mortier. Une nouvelle
fois, la horde s’ébranla. La rancune couvait dans les rangs au moment
où tous auraient dû être avides de batailles maintenant que leur but
final était enfin en vue. Mais Tamurkhan n’en avait cure, il avait le
Trône du Chaos à portée de ses mains.
CHAPITRE 5 : LA COLÈRE DU CHAOS
Tamurkhan
était devenu à la fois plus impatient et plus songeur depuis la
bataille contre les Gobelins de la Nuit. Les nombreuses blessures qu’il
avait subies s’infectaient et suppuraient, ce qui plaisait aux
disciples de Nurgle qui l’accompagnaient, mais, pour ceux qui ne
partageaient pas cette foi, cela le rendait encore plus inhumain. Et il
était de plus en plus difficile de comprendre. C’était Sayl le Parjure,
en cours de rétablissement, mais encore à demi-paralysé d’écouter
attentivement les rapports des éclaireurs et réfléchir à ce qui se
dressait devant eux. Tant que les captifs vivaient, il surveillait le
travail des tortionnaires, et lorsqu’ils mourraient, Sayl observait les
chamans entraver leurs esprits et continuer à les interroger toute la
nuit. Il inspecta les armes et les armures que les maraudeurs
rapportaient comme des trophées et il demanda aux forgerons-démonistes
nains de les examiner. Il s’intéressa particulièrement aux quelques
armes à feu prises par les Maraudeurs. Grâce à cela, Sayl apprit tout
ce qu’il pouvait des capacités de l’ennemi et des terres de l’Empire
qui se trouvaient devant eux.
Une fois que la horde eut rassemblé
ses forces sur les pentes froides au pied des Montagnes Noires,
Tamurkhan convoqua un nouveau conseil de guerre. Sayl étala sur le sol
une grande carte en peaux fraîchement cousues et ancra les coins du
parchemin avec de gros morceaux de malepierre pulsant de lumière de
sorte que tous puissent voir ce qui été inscrit sur la carte, les
chiffres et les signes y dansaient comme s’ils étaient vivants.
Tamurkhan observait avec une cupidité dévorante tandis que le sorcier
décrivait les vastes terres verdoyantes que les maraudeurs avaient
aperçus. La terreur qu’ils avaient inspirée avait vidé les campagnes et
les forêts et seuls résistaient les forts et les cités ceintes de
remparts pour les affronter. Le chevaucheur de dragon avait aperçu leur
proie loin au nord-ouest : une grande cité située à l’embranchement de
deux puissantes rivières. Elle était si grande qu’aucun homme du nord
n’avait jamais vu de pareille : ceinte d’immenses d’un mur et de
tours aussi blanche que les falaises en bord de mer. A l’intérieur, une
profusion de toits en ardoise étincelant étaient agglutinés les uns sur
les autres et l’enchevêtrement de rues étaient aussi exaspérant que
n’importe quel labyrinthe du monde souterrain. Ses murs étaient
hérissés de canons et leurs tirs avaient chassé les intrus venus des
cieux.
« Nuln ! » cria Tamurkhan rempli d’ardeur. Les
seigneurs de guerre, les chamans, les hommes-bêtes et les sorciers
firent écho étouffant les paroles de prudence de Sayl. Tous parlèrent à
la fois que de leurs propres plans de conquête et Sayl finit par se
taire. De tous les chefs de guerre présents, seul Drazhoath le Cendreux
regarda ce rassemblement avec un indéchiffrable regard froid.
« La
cité de Magnus tombera, j’écraserai d’abord Nuln, puis avec la
bénédiction de Père Nurgle, je ravagerai cette terre et balayerai
l’Empire des Hommes ! » s’exclama Tamurkhan.
Les modalités
de l’attaque furent rapidement réglées et la discussion la plus longue
porta sur le partage du butin. C’est à partir de cette idée que la
horde se scinda en trois colonnes distinctes qui s’avancerait ensemble
pour ravager Nuln. La plus grande partie de la horde suivrait Tamurkhan
et prendrait la route la plus directe à travers les collines vers le
nord. Les Dolgans de Sayl emprunteraient un chemin plus à l’ouest le
long du fleuve, écrasant une série de petites tours et de forts qui
jalonnaient le chemin. La seule route, vestige des siècles passés
lorsque cette région était plus peuplée et commerçante, était attribuée
à la Légion d’Azgorh. Ce terrain était le plus adapté aux machines des
Nains du Chaos. Le sort de l’invasion dépendrait de sa vitesse, car il
était clair que l’effet de surprise était perdu ; des survivants
des Principautés Frontalières avaient réussi à propager la nouvelle de
leur arrivée. Mais, si la chance leur était favorable, l’Empire
mettrait du temps à se mobiliser pour contrecarrer un assaut aussi
important à cet endroit inattendu - ce que Tamurkhan l’avait
constamment rappelé.
La horde marche vers le Nord
La
grande horde de Tamurkhan abandonna son camp au nord de la Passe des
Crocs de l’Hiver. Avide de destruction, tous se répandirent rapidement
dans la région, se séparant en bandes et avançant à une vitesse
effrayante. La majorité des terres avaient évacué les hommes et le
bétail, mais ici et là, il restait des irréductibles : des villes
fortifiées et des forts qui avaient foi dans leurs murailles qui
avaient déjà brisés les Orques et d’autres pillards. Quelques
infortunées garnisons avaient également reçu l’ordre de combattre
jusqu’au dernier homme afin de retarder l’avance ennemie. Personne
n’avait cependant une idée précise de ce qui allait leur arriver, ni de
l’horreur et de la puissance de l’ennemi. Personne ne pouvait deviner
que la horde de Tamurkhan en elle-même ne composait que d’un tiers de
la force, même avec les renforts Ogres et Nains du Chaos. Avec les
cavaliers Dolgans, les créatures de cauchemar du Chaos et les élus
d’Hashut, ils étaient des dizaines de milliers et il n’y avait pas de
défense possible.
Hornfen fut la première à subir la colère du
Chaos. La ville, bien habituée aux raids, était située dans les landes
de l’ancien royaume du Solland. Elle était protégée par de larges
douves au pied de ses murs et le pont de la ville avait été détruit par
ses habitants, mais les bourgeois terrifiés ne purent que regarder avec
horreur les mammouths de guerre Dolgan traverser simplement l’eau sous
les tirs et enfoncer les portes. Aucun homme ni aucune femme d’Hornfen
ne survécut à la journée après l’orgie rituelle de violence qui
s’ensuivit en l’honneur des dieux sombres. L’histoire se répéta maintes
et maintes fois tandis que les assauts des trois parties de la horde
avalaient la distance et tombaient sur tous les malchanceux ou ceux
trop obstinés rencontrés sur leur chemin. Rookberg fut pris dans la
nuit ; vide des civils qui avaient fui en remontant la rivière sur
des barques, sa garnison de soldats et de paysans miliciens avait peu
de chance contre les cavaliers et la magie diabolique des sorciers du
Chaos alignés face à eux. Le château de Grisecrinière*, qui était entré
dans la légende en étant le lieu de naissance d’un archi-lecteur et
d’un nécromancien maudit au cours de sa longue histoire, fut dévastée.
La puissance de l’artillerie démoniaque des Nains du Chaos l’écrasa
sous un bombardement soutenu ; les seigneurs de la Forteresse
Noire étaient désireux de tester leur puissance de feu contre une cible
de valeur.
Cependant cette avance rapide n’était pas exempte de
risques. Les machines de sièges et les trains de chariots avançaient
beaucoup plus lentement que l’avant-garde qui se pressait toujours plus
avant. La colonne devint si distendue qu’une contre-attaque aurait
sûrement détruit beaucoup de machines et provoqué un massacre. Mais de
l’ennemi, il n’y avait aucun signe.
Le rythme soutenu de l’avancée
prélevait son tribut sur les machines et les bêtes laissant dans son
sillage épaves désarticulées et cadavres. Ici et là, des groupes de
nains du Chaos s’échinaient sur des moteurs en panne, des arbres de
transmission tordus ou des roues brisées. Les Kurgans abandonnaient
volontiers leurs morts et ceux qui faiblissaient à la merci des bêtes
du Chaos qui les dévoraient assouvir leur faim. Les éclaireurs
s’aventurèrent loin au Nord, rapportant que les terres devant eux
étaient désormais abandonnées à l’exception de l’activité fourmillante
autour d'une grande cité. Lorsqu’ils trouvèrent la ville de Gunnertag
complètement désertée et en flammes - alors que quelques jours
auparavant Orhbal Vipergut y avait annoncé la présence d’une défense
robuste - la rage de Tamurkhan fut telle que le Seigneur des Vers
ordonna d’éteindre l’incendie, de souiller la terre et la profaner au
nom de Nurgle. C’est alors que la horde se rassembla une dernière fois
pour l’assaut final.
La mort de la cité pâle
Vingt-et-un
jours après l’établissement de son camp au pied des Montagnes Noires,
la horde du Chaos contemplait une cité aux tours blanches. Les Kurgans
examinèrent ses hauts murs et ses puissantes défenses et surent que des
armées entières pouvaient s’y briser. Elles étaient si hautes que même
un Géant ne pouvait les escalader sans aide. Leur sang et leur sueur
seraient épuisés avant même d’avoir pu mettre le pied de l’autre côté
des murs fauchés par les carreaux et les boulets. Tamurkhan appela le
seigneur de la Forteresse Noire à paraître devant lui et le somma de se
prononcer sur le sujet. Après tout, pourquoi donc les nains de Zharr
auraient-ils traîné leurs machines et leurs grands mortiers de siège à
travers la moitié du monde si ce n’était pour abattre de telles
fortifications ?
Drazoath rit. « Des murs ?
ricana-t-il. Je ne vois que des pâtés de sable moulés par des enfants.
Portez mes frères à la bonne distance et nous allons nous faire un
plaisir de remplir notre part du marché et les renverser pour
vous. »
La horde du Chaos se déploya en ordre de bataille cinq
lieues au sud de la grande cité et marcha sur la cité. Tamurkhan sur le
dos de son Dragon-Crapaud parcourait ses troupes, hurlant et haranguant
pour qu’elles se battent avec la plus grande sauvagerie, car le regard
des dieux sombres étaient sur elles. Où qu’il aille, il était accueilli
par des cris de guerre, des hurlements surnaturels, des serments impies
et le martèlement des lames sur les boucliers, car enfin les Kurgans
allaient voir la guerre. Pas la guerre contre ces maudites peaux-vertes
comme dans les montagnes mais une véritable guerre contre les hommes de
l’Empire. Autour d’eux flottait une brume âcre, une concoction
ensorcelée vouée à dissimuler leur nombre et leur force véritable.
Pour
maximiser sa puissance de feu, l’armée impériale avait pris position
devant les murs de la cité sur un remblai et sur les murs eux-mêmes le
surplombant. Le gros de l’armée se tenait derrière la ligne de canons.
Des rangs de lanciers et de pistoliers étaient prêts à recevoir la
charge de la horde du Chaos. Ce déploiement autorisait un repli rapide
au cas où elle s’approchait de trop. Tamurkhan connaissait bien les
histoires sur les batailles des seigneurs de guerre qui l’avait
précédé. Il savait que les canons de l’Empire étaient à craindre autant
que ceux des nains de Zharr. L’armement rutilant des soldats de
l’Empire offrait d’un contraste saisissant avec les armures noircies et
érodées des Kurgans et le métal souillé d’un vert maladif de ses
propres suivants. Tamurkhan grimaça de la plaie béante et dégénérée qui
constituait désormais sa bouche. Ses ennemis avaient commis une erreur
fatale : ils s’étaient déployés comme s’ils s’attendaient à une
charge directe qu’ils pouvaient arrêter de leurs bouches à feu. Mais il
avait apporté les siennes.
La horde s’immobilisa juste devant la
portée maximale des canons ennemis. Quelques-uns tirèrent tout de même
et leurs projectiles frappèrent avec impuissance le sol boueux devant
eux. Quand tout fut prêt, Tamurkhan leva sa hache colossale et
l’abattit. Le signal était donné. Sous le couvert du brouillard, les
chars de bronze et de fer entrèrent dans la bataille. Des projectiles
embrasés commencèrent bientôt à tomber avec une précision diabolique
sur les batteries de l’Empire groupées derrière la palissade et ce
malgré la brume. Les explosions des obus du Mortier Sismique des Nains
du Chaos, remplis de puissants explosifs, étaient dévastatrices :
de grands panaches de flammes déchiquetaient hommes et canons avec une
égale facilité tandis que le sol lui-même tremblait tel un animal
blessé. Alors que la vague de destruction s’abattait sur l’ennemi et
que la confusion et l’horreur se répandaient dans les rangs, les
cavaliers Dolgans et des chevaliers Kurgans chargèrent en hurlant,
accompagnés de chiens déformés. Derrière eux venaient les Rejetons du
Chaos, les Ogres et des Trolls – une masse de haine et de muscle, vouée
au massacre.
La bataille fut rapide et effroyable, tourbillon de
folie et mort. Les canons rugirent de chaque côté et des hommes et des
bêtes furent mis en pièces. Plutôt que subir ce feu, une colonne de
chevaliers impériaux lança une contre-charge. Les régiments derrière
eux tenaient leurs positions et des miliciens paniqués se
recroquevillaient de terreur ou essayer de fuir à travers les portes de
la cité. Les cieux s’obscurcirent d’essaims de mouches et ils bruirent
des battements d’ailes de dragons et de Chimères qui plongèrent sur les
canons des murs de la cité et se déchaînèrent à l’intérieur de la
ville. Des cavaliers des deux camps s’affrontèrent dans l’espace
séparant les deux armées. Les chevaliers Kurgan aux armures noires
combattirent ceux de la Reiksguard dont l’armure étincelait. Chacun
chargeait à travers les rangs ennemis et faisait demi-tour pour charger
à nouveau. Autour d’eux combattait une foule de cavaliers légèrement
armés – des maraudeurs d’un côté et des pistoliers impériaux de
l’autre. Les détonations des cavaliers de l’Empire couvraient les
trompettes. À l’arrière de la horde qui avançait venaient les
machines-démons des Nains du Chaos. Propulsées par leurs moteurs
fumant, elles déchaînèrent un tir de barrage sur leur ennemi. Ils
étaient à présent assez proches pour battre les murs et les tours qui
tombèrent les unes après les autres.
L’affrontement des cavaleries
se finit de façon brutale : les forces de l’Empire, très
surpassées en nombre, furent submergées et éparpillées. Dans un
rugissement, toute la horde du Chaos s’élança tel un raz de marée
contre la palissade alors que les forces impériales tentaient de battre
en retraite derrière les murs. Des obus et des boules de feu tombèrent
alors devant les portes forçant les fuyards à traverser un rideau de
mort. Les survivants firent pleuvoir depuis les créneaux des tirs
d’arquebuses et les traits d’arbalètes dans le vain espoir de ralentir
la vague des ennemis. Enfin, une douzaine de machines de guerre fit feu
sur la grande herse aux portes de la cité en train de se fermer. Un peu
plus tard, la herse et toute sa maçonnerie se désagrégeait lentement.
Cette démolition entraîna effondrement des murs tout autour qui
emportèrent avec eux des centaines de défenseurs. Les guerriers de la
horde hurlèrent de triomphe tandis que les soldats de l’Empire criaient
leur désespoir. Des géants dotés de griffes de fer se précipitaient sur
les ruines de murs, traînant derrière eux une grande longueur de
chaîne. Ils abattirent les derniers canons et mortiers sur les murs et,
une fois que les impériaux réussirent à les tuer, leur corps servit
d’échelles pour les centaines de combattants qui suivaient. Les Ogres
de la Peste se taillèrent un chemin à travers les poches des
défenseurs. Le ciel s’obscurcit à cause des poussières des incendies
jusqu’à devenir un crépuscule surnaturel déchiré par le bruit des
fusées incendiaires. La horde du Seigneur des Vers se déversait dans la
cité et massacrait, portée par la joie des combats.
La cité brûla.
L’Ombre sur Nuln
À
la cour de la Comtesse Emmanuelle von Leibwitz de Nuln, l’approche de
la horde avait éclipsé toutes les autres préoccupations. La grande cité
de Nuln se situait au cœur de l’Empire des Hommes et fourmillait
d’industries autant que d’intrigues. En taille comme en puissance, la
ville était la seule véritable rivale de la capitale impériale Altdorf.
Protégée quelque peu par sa situation géographique, elle avait
longtemps usé de sa richesse et de son influence pour armer et
reconstruire l’Empire déchiré par la guerre, s’enrichissant à chaque
guerre civile, invasion et catastrophe qui marquaient la longue
histoire du royaume avec la fréquence des tempêtes saisonnières.
Désormais, elle faisait face à une terrible menace à sa porte. Depuis
des générations, nul n’avait vu ici un ennemi d’une puissance pareille.
Ce
n’était pas seulement la taille et la puissance de la horde qui
préoccupaient, mais également sa vitesse et les ambitions qu’elle
affichait. Des rumeurs concernant l’arrivée de Tamurkhan surgirent
plusieurs mois en amont. Des histoires parlaient d’une sombre armée
ravageant les Principautés Frontalières. Un jour le flot des réfugiés
atteignant le sud de l’Empire s’amenuisa soudainement. Cela était déjà
en soi un indice inquiétant sur ce qu’il se passait de l’autre côté des
montagnes, mais ce ne fut qu’à l’arrivée du seigneur mercenaire
tristement célèbre Lietpold le Noir que les rumeurs se précisèrent et
qu’une menace imminente pour l’Empire fut réellement envisagée.
Ensanglanté et vaincu, Lietpold se présenta à la forteresse frontalière
de Mendhelhof qui gardait la Passe du Feu Noir. Bien qu’il fut condamné
à mort par de plusieurs maisons nobles de l’Empire et considéré comme
un assassin et un renégat sans honneur, ses capacités de général
étaient incontestées. Lorsqu’il parla de sa propre principauté en ruine
et des ravages de la horde du Chaos venue de l’est, le seigneur de
Mendhelhof l’écouta.
Le Margrave du Wissenland, Olger Hoch, prit la
menace très au sérieux. Il envoya immédiatement de solides renforts
défendre le Col du Feu Noir, tandis que Lietpold était escorté sous
bonne garde à Nuln pour témoigner devant la Comtesse. Pendant que le
Margrave levait son armée et préparait son vaste territoire à la
guerre, dans la grande cité-état de Nuln, dont le Wissenland était le
vassal, l’invasion imminente fut traitée avec une inquiétude
croissante. Les augures, les présages des églises de Sigmar et de
Myrmidia et les pronostics des sorciers du Planétarium Céleste de Nuln,
prophétisèrent tous l’arrivée d’un désastre. Mais, pour la Comtesse
Emmanuelle qui dirigeait sa cité impassible derrière son masque de
porcelaine, ce fut le retour à la cour de la Magistrice d’Améthyste,
Elspeth von Draken qui fut le témoin le plus sûr du cataclysme à venir.
Elspeth, aussi crainte que renommée, était l’objet de nombreuses
légendes dans la cité et certains la surnommaient « la Rose des
Cimetières ». La puissante sorcière se tenait habituellement à l’écart
de la politique impériale et des Collèges de Magie et elle ne se
montrait que lorsqu’un terrible péril ou qu’un rival la menaçait. Sa
voix sinistre vint donc s’ajouter au chœur des prédictions malheureuses
et la Comtesse crut le récit de Lietpold. La Magistrice, dans un
conseil de guerre à huis clos, parla de l’agitation des vents de magie
et de la façon dont ils croissaient en puissance. Elle parla des âmes
des morts qui lui avaient parlé de la tempête à venir, et comment,
pendant les nuits de pleines lunes, elle avait ressenti Shyish, le vent
magique qui lui conférait son propre pouvoir, glisser vers les
massacres se déroulant dans le sud comme attiré par un aimant. Sur le
dos de son dragon Carmin, asservi à sa volonté par la magie Améthyste
circulant dans ses veines, elle avait suivi les courants invisibles de
son vent magique jusqu’aux Principautés Frontalières ravagées. Là-bas,
Elspeth von Draken avait interrogé des morts et des mourants et elle
connaissait à présent l’ennemi et son projet pour l’Empire de
Sigmar.
La chute de Pfeildorf
Les
préparatifs à Nuln étaient déjà en train de s’accélérer lorsque les
rapports indiquèrent qu’une vaste horde du Chaos avait passé les
Montagnes Noires. Elle était apparue non pas au niveau du Passe du Feu
Noir comme prévu mais au niveau de la Passe des Crocs de l’Hiver. Elle
s’était regroupée dans les landes méridionales de l’Empire. La
confusion régnait et Olger Hoch ordonna immédiatement l’évacuation de
ses forces situées dans ces terres de toute façon peu habitées. Cette
région qui faisait partie de l’ancien Solland (une province de l’Empire
détruite depuis longtemps et annexée par le Wissenland) fut abandonnée
à elle-même tandis que le Margrave regroupait ses forces. Le Wissenland
avait toujours été un endroit désolé et peu peuplé et ses austères
habitants étaient bien habitués aux privations et aux pillards, ainsi
qu’au froid de l’hiver et aux colères de la nature. L’abandon de ces
vastes étendues était une tactique déjà employée auparavant, ils
reculaient et ne laissaient rien à l’envahisseur qui s’affaiblissait et
s’affamait. Ils pouvaient alors les affronter au moment et à l’endroit
choisi. C’était une tactique éprouvée par les Wissenlanders, mais
contre la horde de Tamurkhan cela s’avéra une entreprise risquée. Il ne
s’agissait pas d’un raid d’orques indisciplinés, ni même d’une attaque
brutale comme on pourrait l’attendre d’une harde d’Hommes-Bêtes en
maraude. Au lieu de cela, la taille, la vitesse et la férocité de la
horde du Chaos prirent au dépourvu les Wissenlanders et toutes les
tentatives pour retarder ou entraver son avancée furent vaines. Les
places fortifiées et les tours de guet furent écrasés avec une facilité
déconcertante et leurs assaillants s’arrêtaient à peine pour les
piller. Lorsque la horde arriva devant Pfeildorf, que tous prirent avec
horreur la pleine mesure de la menace. Les renforts rappelés du Passe
du Feu Noir n’étaient pas encore arrivés et Olger Hoch, le Margrave,
vit qu’il avait déjà perdu lorsqu’il aperçut à l’horizon le nuage de
poussières soulevé par les dizaines de milliers de pieds des
envahisseurs. Cependant, il refusa d’abandonner sa cité à l’ennemi en
dépit des demandes des émissaires de la Comtesse. Il ordonna néanmoins
l’évacuation des civils. A peine les derniers réfugiés avaient-ils
quitté la ville que le bruit des sabots et des battements des tambours
se firent entendre.
Hoch, vétéran d’une vingtaine de batailles,
avait établi ses forces devant les murs de la cité, soutenu par les
troupes et les canons qui garnissaient les remparts. Il forçait son
ennemi à attaquer sur un front étroit qu’il pourrait pilonner à sa
guise et il espérait encore rompre leur charge et obtenir l’avantage.
Il n’avait cependant pas pris en compte les machines de guerre des
Nains du Chaos ni la puissance féroce des monstres de l’armée face à
lui. Il paya son erreur de sa vie ainsi que de celle de plus de quatre
mille de ses hommes tandis que la cité faisait face à son destin.
Les
nouvelles de la destruction de Pfeildorf frappèrent comme un coup de
tonnerre les habitants de Nuln. La vague de panique parmi les
réfugiés entrant dans la cité se heurta à une répression rapide et
brutale. Les fauteurs de troubles (ou pour toute personne se trouvant
là lorsque l’ordre était rétabli) étaient punis d'amendes ou d'un
enrôlement forcé dans la milice. Pour les forces de Nuln, qui se
préparaient à la bataille tout en sachant que l’ennemi n’était au mieux
plus qu’à quelques jours de marche, la destruction de Pfeildorf et de
ses défenseurs représentait un coup dur, mais qui leur accordait aussi
un peu de répit et des renseignements précieux sur leur ennemi. Ils
connaissaient à présent leur puissance magique et celle de leurs
terribles engins de siège. La Comtesse Emmanuelle et son conseil de
guerre fixèrent leurs plans en conséquence.
La colère de Tamurkhan
fut telle qu’il ordonna de raser la cité de Pfeildorf, et la Légion
d’Azgorh s’y employa avec joie, douchant le toit des maisons et les
rues étroites avec des projectiles incendiaires jusqu’à ce qu’il ne
reste plus que des ruines. Le nuage de fumée provenant de la ville en
flamme était clairement visible à de nombreuses lieues, si bien que
même du plus haut rempart de Nuln le sombre destin de Pfeildorf était
incontestable.
Dans les rangs de la horde, le mécontentement
grandissait tandis qu’il apparaissait que la ville qu’il venait
d’écraser n’était pas leur but véritable. Ceux qui adoraient des dieux
rivaux succombèrent à des luttes intestines ; beaucoup se
souciaient pas du sang qu’ils versaient ou des murs qu’ils renversaient
tant qu’ils avaient la possibilité de répandre la mort et la
destruction au nom de leurs dieux. Beaucoup considéraient que Tamurkhan
avait commis une erreur : ce fut là la cause de l’acrimonie et de
l’appréhension pour les guerriers des Terres du Nord et les serviteurs
du Chaos qui méprisaient la faiblesse par-dessus tout. Certains y
virent l’humour cruel des dieux dirigé contre Tamurkhan. En quelques
jours, il y eut des centaines de morts et l’unité de la horde commença
à se dissoudre pour faire apparaître des clivages par race ou par
allégeance. Tamurkhan se retira avec son cercle de disciples de Nurgle
et se plongea des jours durant dans un rituel impie pour apaiser son
maître, le Seigneur de la Déchéance. Les Nains du Chaos de Drazhoath
exprimèrent leur colère pour avoir dépensé de précieuses munitions et
des machines contre la « mauvaise cible ». Ils demandèrent
compensation et, pendant que Tamurkhan se consacrait à son rituel, ce
fut Sayl le Parjure qui parla en son nom et leur offrit l’exclusivité
sur une victime de leur choix. Ils choisirent la ville fortifiée de
Dakarhaus située au nord-ouest. Les nains attaquèrent la ville avec une
rapidité et une efficacité brutale. Ils prirent la ville en une nuit,
brisant les portes avec une version modifiée d’une de leur
machine-démon qu’ils baptisèrent « Brise-Crânes ». Cette
dernière, équipée de marteaux et de faux actionnés par la vapeur,
faisaient épouvantablement peu de cas des pierres, du bois et de la
chair se trouvant sur son chemin. Soutenus par les tirs de canons à
magma et du nuage de cendres conjuré par le Seigneur Drazhoath et sa
cabale de forgerons-démonistes afin de harceler les défenseurs postés
sur les créneaux, la ville fut prise quasiment intacte. Les guerriers
disciplinés de la Garde Infernale massacrèrent rapidement les
défenseurs une fois les remparts franchis et abattirent tous ceux qui
résistaient. Ils profanèrent ensuite les temples des dieux humains avec
le sang de leurs prêtres et en les consacrèrent à la suprématie
d’Hashut construisant des bûchers sacrificiels en leur sein.
Malheureusement pour les habitants de la ville de Dakarhaus et les
réfugiés qui s’y trouvaient, ils ne reçurent pas une mort rapide, car
les descendants de Zharr-Naggrund étaient venus pour asservir et non
pour massacrer. Bientôt toute la ville devint une enclave fortifiée
tandis que la Légion d’Azgorh en faisait une base pour ses opérations.
Les nains étayèrent rapidement les défenses qu’ils avaient détruites et
démolirent le pont traversant la rivière. Pendant ce temps, les jours
défilaient et le reste de la horde commençait à s’étioler. De petits
groupes razziaient les terres au sud de Nuln tandis que les forces de
l’Empire se contentaient de se regrouper dans la grande cité et
attendaient l’inévitable attaque. Ils se renforçaient petit à petit
tandis que la cohésion et la puissance de la horde se consumaient.
Trajet de la horde dans l'Empire.
[encore
une fois la géographie est approximative et l'auteur ne reprend que
très partiellement les noms de lieux connus précédemment.]
Un assassin essaya de tuer Tamurkhan pendant qu’il s’éveillait de sa
rêverie impie. Invisible, silencieux et enveloppé de magies subtiles,
l’assassin solitaire traversa les ruines de Pfeildorf vers le campement
fétide occupé par les plus proches acolytes du Seigneur des Vers. Il
était installé au milieu des vestiges carbonisés d’un temple de Sigmar
qui s’élevait à présent comme une cage thoracique brisée. Là, des
milliers de corps avaient été entassés autour d’une grande fosse
creusée à l’intérieur des cryptes, leurs fluides nécrosés
s’infiltraient dans la terre à l’agonie pour former une sorte de mare
de corruption dans laquelle barbotait des démons et où Tamurkhan se
baignait parfois.
L’assassin enleva ses protections magiques après
avoir dépassé l’entrée de la fosse emplie de cadavres sachant qu’il ne
pouvait pas rester invisible plus longtemps. Il sauta dans l’abîme, un
liquide brillant coulant de sa bouche et de ses yeux, la silhouette
clignotait telle une apparition.
Il heurta l’eau sombre dans une
décharge de puissance et un sifflement d’ébullition, les vapeurs
nocives qui emplissaient la crypte formaient des flammes surnaturelles
verte et ambre au contact de la peau de l’assassin. L’assassin semblait
danser sur l’eau sombre tandis que les lames incandescentes de ses
épées magiques tranchaient et brûlaient la chair bouffie des Crapauds
Pesteux à une vitesse prodigieuse. Un Troll Bileux sorti des ténèbres
en hurlant, ses longs bras dégingandés tendus pour attraper l’intrus,
mais il était trop lent et l’assassin lui plongea une lame enflammée
dans un œil. L’assassin accéléra sur une berge en pierre à demi
submergée par les eaux puantes. Sa cible était face à lui. Tamurkhan,
plus gonflé et plus terrifiant que jamais, surgit des ténèbres en
traînant dans son sillage des miasmes écœurants.
Un poing de la
taille d’un bélier fila vers l’assassin qui esquiva. La statue de
pierre d’un prêtre oublié se brisa sous l’impact. Les lames
incandescentes dansèrent et la chair pourrie brûla. Tamurkhan se mit à
rire. Un hideux gargouillis sortait de sa gorge ravagée tandis que les
lames s’enfonçaient dans sa chair enflée qui pulsait de façon obscène.
La chair du seigneur du Chaos se referma et piégea les lames. Le
Seigneur des Vers projeta l’assassin surpris dans l’eau noire. Il refit
surface quelques instants plus tard, un pouvoir ardent brillant en lui
comme une flamme blanche et bleue qui rendait visible le contour de son
crâne et de ses os à travers sa chair devenue translucide. L’assassin
canalisa tout son pouvoir pour une ultime attaque, mais le Seigneur des
Vers ne lui laissa aucune chance. Il écrasa son adversaire avec le
couvercle de sarcophage dont il se servit comme un gourdin. La pierre
se fracassa et le coup retenti comme le tonnerre dans la crypte. Comme
une poupée brisée, l’assassin lutta encore une fois pour s’extraire des
eaux noires, mais il n’était pas seul dans cette mare fétide. Des
doigts longs et osseux l’attrapèrent et des yeux et des bouches
malveillantes s’approchèrent de lui. Le bruit de son ultime lutte était
couvert par des rires sauvages.
Des suivants de Nurgle et leurs
serviteurs arrivèrent ensuite sur les pas de l’assassin. Tamurkhan
examina les restes de son agresseur de ses yeux blancs de cataractes.
Saturé de magie et dépourvu d’âme, le corps était quasiment carbonisé.
Le commanditaire avait bien préparé son coup et masqué ses traces. Le
corps était trop endommagé pour être possédé et il n’y avait nulle âme
à faire tourmenter par les shamans ou les sorciers. C’était un automate
animé par les vents de magie dressé pour tuer et rien de plus. Qui
pouvait l’avoir envoyé ? Des sorciers impériaux ou un autre plus proche
encore – peut-être un usurpateur ? Cette question ne tracassa pas
longtemps Tamurkhan, car cela n’était plus important pour lui à
présent. La chose avachie dans la fosse n’avait plus grand-chose à voir
avec le Tyran Ogre que le Seigneur des Vers avait possédé dans les
Montagnes des Larmes. Le corps de la créature avait pourri et gonflé
comme une parodie de mort-vivant. Les stigmates de Nurgle étaient
clairement visibles. L’air autour de lui empestait la charogne et des
nuages de mouches l’entouraient. Les adorateurs de Nurgle accourus y
virent l’approche de son apothéose. Ils tombèrent à genoux et
renouvelèrent leur serment de fidélité. Pour Tamurkhan, le Trône du
Chaos était à portée de main. Le champion béni ne semblait plus capable
de parler comme un mortel mais ses mots pouvaient être discernés par
ses acolytes dans le bruissement fou des mouches se nourrissant de ses
flétrissures. Les ordres de Tamurkhan étaient clairs et une procession
sinistre de démons se leva avec lui de la fosse : des douzaines de
choses inhumaines ébattant leurs membres endoloris. L’heure était venue
et Nuln devait subir la colère du Chaos.
CHAPITRE 6 : LA TEMPÊTE DE SANG
Le
Seigneur des Vers se trouvait au centre de la horde du Chaos. Il
chevauchait toujours le Dragon-Crapaud Bubebolos. La puissante bête
était quasiment intimidée par ce que son maître était devenu. Un flot
fétide ocre noir suintait du corps de Tamurkhan et ce fluide était
considéré comme un élixir capiteux par les dévots du Dieu de la Peste
regroupés autour de lui. La suite du seigneur était constituée de ce
qu’il restait de ses partisans, champions et guerriers qui avait été
ses compagnons depuis la bataille de Zanbaijin. Pour eux, cette
dernière semblait avoir eu lieu dans une autre vie et nombre d’entre
eux avaient été transformés au-delà de toute reconnaissance par les
bénédictions et les afflictions de leur divinité corrompue. Une
nouvelle coterie de démons de Nurgle les accompagnait : des Chevaliers
de la Peste, des cauchemars à moitié limace et des Nurglings pépiants.
Sur les flancs de cette horde venaient ceux qui jouissaient de la
faveur du Seigneur des Vers : des meutes de Trolls Bilieux, des
Rejetons du Chaos pourrissants, des Ogres de la Peste et les Chevaliers
de la Pourriture de Kayzk le Souillé aux armures rouillées.
Le reste
de la horde forte de milliers de combattants suivait derrière ceux-là,
à distance respectueuse des miasmes du Seigneur de la Déchéance. Une
centaine de bandes de taille plus modeste, des mutants d’origine
humaine, des égarés, des damnés, et d’autres suivants encore, vestiges
faméliques de la harde d’Hommes-Bêtes, quelques Géants de siège
asservis et bien d’autres bêtes monstrueuses et créatures sans nom
marchaient encore dans le sillage de Tamurkhan.
Au loin, sur le
flanc gauche de la horde, venait une seconde armée qui suivait les
rives du Haut Reik : des cavaliers, des chevaliers et des
maraudeurs Kurgans ainsi que la troupe des Khans Dolgans et leurs
chariots-autels drapés d’écheveaux de chair. Sayl le Parjure était au
centre de cette colonne juché sur un trône d’ivoire installé sur le dos
d’un mammouth de guerre balafré. Seule une douzaine de ces créatures
avaient survécu au long voyage. Désormais, les Kurgans ne croyaient
plus en Tamurkhan se tournaient vers Sayl pour leurs ordres et
interpréter les signes des dieux du Chaos.
Une troisième menace
arrivait lentement mais inexorablement depuis le sud-est. La Légion
d’Azgorh quittait Dakarhaus en traversant le nouveau pont fortifié.
C’était une colonne disciplinée, en rang par cinq, tous vêtus d’acier
noir et accompagnés de machines crachant de la vapeur. Le Seigneur
Drazoath survolait son armée avec sa monture aux ailes enflammées, le
Grand Taurus Souffle de Cendre et regardait avec une malice
calculatrice son déploiement.
Si quelqu’un avait été en mesure
d’observer ces trois colonnes, il aurait peut-être deviné qu’elles
marchaient toutes sur Nuln. Les Nains du Chaos étaient les plus
prudents dans leur progression, et même alors que la horde avait pillé
et brûlé autant que possible les terres derrière elle, la Légion
d’Azgorh avait laissé une garnison à Dakarhaus pour se maintenir une
voie de repli. L’horizon au sud de Nuln était sombre comme un
crépuscule.
Les défenseurs de Nuln s’étaient déployés sur les
positions préparées pour la défense de leur cité lors des heures
froides de l’aube. Le sort de Pfeildorf était dans tous les esprits et
les généraux de la Comtesse Emmanuelle et les Grands Maîtres des Ordres
de Chevalerie étaient déterminés à opérer une défense en profondeur. La
majorité de leurs forces affronteraient la horde sur une zone dégagée
là où ils seraient capables de manœuvrer et, si nécessaire, de se
replier à travers une série de lignes défensives allant jusqu’aux
fortifications de la cité. Ainsi, ils espéraient empêcher la horde de
concentrer ses forces - monstres ou magie - sur un seul point des murs
de la cité et y percer une brèche comme ils l’avaient fait à Pfeildorf.
Ils n’autoriseraient pas non plus les terribles machines de guerre qui
avaient ravagé Pfeildorf, à s’installer à portée de tir de la
cité : le succès du plan dépendait de leur destruction. Pour cela,
près d’un millier de chevaliers, de pistoliers et de cavaliers
irréguliers s’étaient massés sur les pentes à l’ouest de la cité.
Ailleurs, des rangs serrés des troupes régulières : lanciers,
hallebardiers, arquebusiers et batteries de canons, attendaient la
horde au sommet des digues d’inondation qui dominaient la péninsule où
les puissants fleuves de l’Aver et du Haut Reik se rejoignaient.
L’Empire avait choisi cette étendue détrempée visible de la grande cité
mais pas trop près comme champ de bataille et c’est là qu’il espérait
briser la horde. Parmi les milliers de défenseurs de la cité, certains
étaient plus que de simples soldats. Il y avait également des cultes
déments de flagellants dévoués à Sigmar et les zélotes d’une
demi-douzaine d’autres cultes de martyrs pour qui, la lutte contre le
Grand Ennemi était autant une question de foi que de survie.
Aux
points stratégiques de la ligne de bataille de l’Empire, les sorciers
des Collèges de Magie attendaient l’ultime test de leur art magique
dans la bataille à venir. Nombreux était ceux qui n’avaient jamais vu
de telles turbulences dans les Vents de Magie qui tournoyaient
follement dans le ciel avant de s’écouler tel le courant rapide d’une
rivière.
Elspeth von Draken surveillait le rassemblement des hommes
depuis le dos de son Dragon Carmin accroché à une flèche de la
cathédrale telle une terrifiante gargouille vivante. Elle pouvait
sentir les pulsations du talisman qu’elle avait offert à Theodore
Bruckner – le champion de la Comtesse – pour le protéger de la magie
corrompue de son ennemi juré. Le rôle de Bruckner dans la bataille à
venir était simple mais extrêmement difficile ; il devait chercher
Tamurkhan, le maître de la horde et le vaincre. Cet acte pourrait faire
la différence ce jour-là entre la victoire et la défaite. Ses sens
occultes d’initiée de l’Ordre d’Améthyste étaient harmonisés avec le
flux et le reflux de la vie et de la mort. Elle distingua en contrebas
une vingtaine d’âmes ardentes qui pouvait trouver ce jour la gloire ou
disparaître brutalement. Celle de Lietpold le Noir n’était pas des
moindres. Il avait reçu le commandement des cavaliers irréguliers et
son désir de vengeance était si fort qu’elle pouvait presque sentir le
goût du sang, amer et cuivré, sur sa langue.
Le jour du massacre
arriva lentement. Un brouillard pâle s’accrochait à la terre humide et
des milliers de prières muettes furent adressées aux dieux des hommes
et criées avec exaltation aux Seigneurs de la Ruine. Le soleil se leva
tel un fanal sanglant et la bataille commença.
Combat et carnage
LLes
batteries de l’Empire parlèrent les premières. Sans perdre de temps,
elles lancèrent des volées rapides de boulets à leur portée extrême sur
l’avant-garde de Tamurkhan qui avançait déjà. Ces canons au long fût
étaient plus légers que leurs homologues du centre de la ligne
Impériale, mais leur tir était tout aussi mortel contre une cible si
imposante qu’ils ne pouvaient guère la manquer. Des hommes et des bêtes
étaient mis en pièces par ce bombardement régulier, mais la horde
continuait à avancer sans peur ou considération pour les pertes. Ses
rangs semblaient ne jamais faiblir et, tir après tir, des canons
devenait rouges de chaleur. La horde s’approcha de plus en plus près,
et bientôt les troupes régulières disposées en carrés défensifs
commencèrent à distinguer l’horreur de leur ennemi. Certains
tremblaient, tandis que d’autres commencèrent à prier, mais les rangs
tinrent bon. Le regard sévère des vétérans ajoutait de la fermeté à
ceux dont la résolution vacillait et les prêtres guerriers passionnés
parcouraient les lignes en appelant au courroux du Saint Sigmar pour
châtier les serviteurs honnis du Chaos.
Des cornes retentirent dans
la brume à l’extrême ouest de la ligne Impériale où les défenses
jouxtaient la rivière, mais leur son fut bientôt noyé par le tonnerre
des sabots tandis que les Kurgans arrivaient comme une vague miroitante
d’acier. Le long des berges du Haut Reik, les défenses impériales
étaient tenues par les levées d’Asher commandées par le Graf Esmer
Tolbruk : quatre régiments de troupes régulières du Manteau Gris
de Nuln, soutenus par un détachement de Chevaliers de l’Éperon Sanglant
et une puissante batterie de canons - soit quelque quatre cents hommes
et une vingtaine de machines de guerre. Mais ce n’était rien face à
l’assaut Kurgan. Ils arrivèrent comme un fer de lance et la ligne
Impériale trembla et se brisa à son contact. Les redoutes furent
débordées en un instant, des cavaliers piétinèrent les servants
d’artillerie en fuite et un tourbillon de lames massacra les courageux
se tinrent face à l’assaut. Les chevaliers de l’Empire en armure
étincelante contre-chargèrent et furent instantanément défaits. Sayl le
Parjure se tenait au cœur de l’assaut, faisant pleuvoir des éclairs et
des malédictions du haut de son trône tel un dieu courroucé tandis que
son Rejeton du Chaos Gueule-Ténébreuse s’agitait derrière lui, avide de
carnage. Les Kurgans traversèrent les défenses de la Levée d’Asher et
personne ne pouvait leur résister.
Au centre de la ligne impériale,
éloignée de plusieurs lieues du carnage près de la rivière, une immense
boule de feu s’éleva soudain dans les airs avant de s’immobiliser dans
le ciel tel un second soleil. Elle commença ensuite sa chute vers le
sol. Le projectile brillait si vivement que toute l’armée impériale fut
baignée de sa lumière. Les rangs vacillèrent un moment, puis l’orbe de
feu frappa le sol dans une explosion tonitruante et incendiaire.
L’impact retentit sur tout le champ de bataille et les guerriers de
chaque camp serrèrent leurs armes qui tremblaient entre leurs mains.
Les chevaux ruèrent et leurs cavaliers luttèrent pour les calmer. C’est
ainsi que la Légion d’Azgorh annonça son arrivée. Ce projectile était
issu d’un immense fourneau installé sur un autel d’acier monté sur
roues. Il était si lourd qu’il fallait trois machines-démons pour le
tracter. Les Nains du Chaos avaient déployé leurs lignes en forme de
diamant à la limite de portée des canons des impériaux. Ils gagnaient
ainsi rapidement des positions de tir où ils installaient leurs
machines de guerre, dont les bruits diaboliques pouvaient être entendus
distinctement depuis les murs de la cité.
Il ne restait qu’un énorme
cratère fumant là où la boule de feu était tombée - une grande fosse
noire dans l’herbe verte. Heureusement pour les Impériaux, le
projectile était tombé juste devant leur principale ligne de feu.
L’explosion n’avait détruit qu’une des tranchées les plus avancées.
Même si certains artilleurs abandonnèrent terrifiés leurs positions,
ils revinrent rapidement et ouvrirent le feu avec tout l’arsenal de
canons et de mortiers à leur disposition. Des nuages de fumée blanche
s’élevèrent tout le long de l’armée impériale et bientôt on put
entendre les boulets de canon siffler dans les airs par vagues tandis
qu’ils s’abattaient sur la horde du Chaos. Les projectiles de toutes
sortes pleuvaient entre les armées pendant que la horde avançait
inexorablement, sans tenir compte de ses pertes.
Chaque camp
essayait de faire taire l’artillerie adverse – car sans artillerie
l’une ou l’autre des armées subirait obligatoirement un lourd
désavantage. L’armée Impériale possédait beaucoup plus de canons que
les Nains du Chaos mais les portées étaient si longues que seuls les
canons les plus grands avaient une chance d’atteindre les positions des
Nains du Chaos. La majorité des bouches à feu étaient donc utilisés
pour tenter de réduire les rangs de la horde avant le contact
inévitable. Les morts s’accumulaient dans les deux camps. Une fois que
les artilleurs qualifiés de la célèbre École d’Artillerie de Nuln
trouvèrent leur portée, ils bombardèrent avec précision les positions
des Nains. Un tir emporta un artilleur Ogre qui explosa en faisant
pleuvoir ses entrailles toxiques sur les forgerons-démonistes qui
l’accompagnaient. Un autre boulet de canon atterrit dans une caisse de
munitions d'un mortier et l’explosion fit trembler le sol sur une lieue
et envoya la Garde Infernale des nains voler dans les airs tels des
fétus de pailles. Les armes des nains du Chaos étaient conçues pour les
sièges, et leurs munitions étaient longues à préparer et encombrantes à
charger. Pour chaque obus envoyé sur les rangs ennemis, une centaine de
boulets de canon traversait les rangs de la horde. Malgré cela, ils
répliquaient avec force. Les armes des Nains du Chaos étaient
imprégnées de puissances démoniaques terrifiantes. De puissants jets de
pouvoir hurlant dévorait tout ce qu’il touchait, des munitions en
fusion étaient lancés telles des flèches à travers le champ de bataille
et de sinistres roquettes incendiaires tombaient du ciel en hurlant.
Chaque projectile des Nains du Chaos infligeait des dégâts
considérables et, de nombreux canons disparurent dans des boules de
feu. Bientôt, la confusion fût visible dans les rangs de l’armée
Impériale, même si les bannières restaient levées bien haut en signe de
défi.
Les lignes se rapprochèrent et des carreaux d’arbalètes
vrombirent dans les airs. Les cris de guerres montèrent de chaque camp
tandis que les hommes tenaient bon face à l’armée d’horreurs assoiffées
de sang qui marchaient sur eux. À deux cents pas, les arquebusiers
Impériaux ouvrirent le feu. Après le déclic des percuteurs, la fumée
envahit soudain les lignes des défenseurs. Au sein de la horde, une
vague de corps tomba dans la boue, abattus comme s’ils étaient fauchés.
Mais les hideuses créatures et les guerriers mutants de Tamurkhan, hors
de contrôle, escaladèrent les corps sans ciller. Plus elle se
rapprochait, plus la cohésion de la horde se rompait. Les énormes
Trolls Bilieux et des Rejetons du Chaos, plus rapides, courraient à
l’avant de la horde dans leur désir frénétique de destruction, tandis
que les Démons Mineurs de Nurgle énuméraient bruyamment les noms de
ceux qui étaient tombés. Des nuages de mouches, aussi épais qu’un
brouillard dense, se ruaient vers les hommes de l’Empire à partir des
rangs en décomposition des fils de Nurgle. Pendant ce temps, au-dessus
du champ de bataille, le chevaucheur de Dragon Orhbal Vipergut menait
une force de démons ailés, de harpies corrompues et de Manticores
suffisante pour assombrir les cieux contre des chevaliers montés sur
des griffons aux ailes blanches et un trio de sorciers Flamboyants
montés sur un char volant de feu et d’acier noir. Tout autour d’eux, le
ciel était traversé par des fusées hurlantes, des explosions magiques
et des obus. Le sang tomba comme une bruine tandis qu’ils se heurtaient.
Au
sol, Kayzk le Souillé lança au trot ses Chevaliers de la Pourriture qui
formaient la garde d’honneur à l’avant de leur maître Tamurkhan. Le
terrain entre les armées était maintenant tellement grêlé que l’allure
des chevaliers du Chaos en était réduite, mais cette progression lente
n’avait plus d’importance maintenant que les canons impériaux étaient
largement réduits au silence. Face à eux, l’infanterie ennemie resserra
sa formation pour résister à la charge alors que les premières des
bêtes courant devant la horde ravageaient leurs lignes. Les fantassins
fermaient les rangs pour se tenir épaule contre épaule. Ceux en
première ligne calèrent leur hallebarde contre leur pied droit et
apprêtèrent leurs épées pour recevoir la charge. Kayzk sourit
férocement à leur folie et au vain espoir qu’ils puissent survivre à la
mort qui allait s’abattre sur eux. De l’arrière, à une centaine de pas
derrière les hallebardiers, une pluie de flèches et de balles s’abattit
les chevaliers du Chaos, mais la plupart des projectiles ricochèrent
sur leur armure rouillée et gluante ou sur les lourdes plaques qui
protégeaient leur monture. Seuls quelques projectiles, par-ci, par-là,
touchèrent leur cible, perforant l’armure à une articulation, ou en
trouvant quelque endroit trop affaibli par la corrosion et le chancre.
Quelques cavaliers tombèrent à terre et quelques chevaux hennirent de
douleur mais tous avançaient sans relâche.
Les chevaliers du Chaos
abaissèrent leurs lances acérées et chargèrent. Leurs montures
démoniaques crachaient de l’écume noire à cause de l’effort
intense déjà fourni. Les cent pas de distance devinrent cinquante. Les
cinquante, dix. Soudain, les premiers rangs impériaux s’éparpillèrent
précipitamment, révélant un trio de plusieurs fûts de canons ciselés de
bronze. Même s’ils l’avaient voulu, il était trop tard pour retenir la
charge. Imprégnés du sombre plaisir de leur existence impie, les
Chevaliers de la Pourriture ne se souciaient pas du danger. Au moment
où les Canons Feu d’Enfer tirèrent des langues de feu s’échappèrent des
fûts en rotation, chaque canon déchargea une douzaine de petits
boulets. Ils ouvrirent de grandes brèches dans les rangs du Chaos. Ceux
qui survécurent aux tirs se précipitèrent directement sur l’infanterie
ennemie. Par endroits, les vaillants soldats tinrent leur position,
mais à d’autres, ils furent dispersés ou abattus jusqu’au dernier. Les
Chevaliers de la Pourriture survivants n’eurent pas de difficulté à
franchir le mur des hallebardes étincelantes dressées face à eux. Leurs
grandes montures piétinèrent les soldats d’infanterie, écrasant les
premiers rangs et frappant avec leurs sabots ferrés d’acier ceux qui se
trouvaient derrière eux, tandis que les cavaliers empalaient les hommes
les uns après les autres avec leurs lances, d’autres attaquaient avec
des fléaux à tête de crâne dont les pointes étaient enduites de poison.
Mais,
même lorsque les régiments impériaux s’enfuyaient, d’autres prenaient
rapidement leur place à mesure que la deuxième ligne s’avançait. Parmi
eux, il y avait des régiments à la livrée de gueules et de sable des
hommes d’armes personnels de la Comtesse, les Joueurs d’Épée en armure
de plate complète de la Garde du Trésor aux épées à deux mains ciselées
d’or, et d’autres avec des épées sombres et épurées avec leurs
boucliers portant l’insigne d’une douzaine de royaumes. Derrière eux
venaient le grand autel de guerre de l’Archidiacre de Nuln, tiré par
des flagellants ensanglantés. Autour de l’autel, des fanatiques à peine
armés criaient et se fouettaient, hurlant leur désir de se sacrifier
pour Sigmar. Bientôt, même les plus terribles des chevaliers du Chaos
et les plus déchaînés des Rejetons du Chaos se retrouvèrent en
infériorité numérique et encerclés par des pointes de lance et des
lames couvertes de sang. Alors que l’issue semblait incertaine, le
Dragon-Crapaud Bubebolos et son terrible maître entrèrent dans la mêlée
avec un mugissement assourdissant. Ils étaient accompagnés de Géants
corrompus et de puissants démons de la peste. Le souffle fétide du
Dragon- Crapaud liquéfia les chairs, et nombre d’hommes tombèrent en
hurlant pendant que de terribles maladies et afflictions se
propageaient sans avertissement comme un feu courant de corps en corps
à mesure que les démons de Nurgle approchaient. Derrière la vague de
monstres, les Hommes-Bêtes achevait les blessés avec une sauvagerie
animale.
La bataille faisait rage et la ligne impériale commençait à
se faiblir malgré la bravoure désespérée et l’habileté des soldats.
Contre une telle sauvagerie issue des pires cauchemars, nul ne pouvait
triompher. Sentant la victoire à portée de main, les Champions du Chaos
en appelèrent à leurs sombres dieux et poursuivirent le combat avec une
vigueur renouvelée. Leurs lames tachées s’élevaient et s’abaissaient
dans un tumulte de mort pendant que les bêtes mutantes, haletantes, se
jetaient à nouveau sur l’ennemi.
Armes de fer et de chêne
Le
jour désormais bien avancé et tout le champ de bataille s’était
transformé en un océan mouvant de boue et de chaos. Par milliers, les
soldats luttaient et mouraient dans le bourbier. Le combat s’était
déplacé entre le contingent des Nains du Chaos et les canons impériaux,
mettant fin au duel d’artillerie. La légion d’Azgorh avait réagi et
profitait du répit pour panser ses blessures. Elle entama un
redéploiement en colonne pour profiter d’une meilleure position à
l’ouest de la ligne de bataille principale. Le seigneur Drazhoath
n’avait pas la moindre intention de laisser ses troupes être emportées
dans la tuerie qui se déroulait sous ses yeux. Il avait déjà payé un
tribut en hommes et en machines supérieur à sa loyauté à la cause de
Tamurkhan. Désormais, il envisageait d’attendre le résultat du carnage
et ajuster ses plans en conséquence. Tout en préservant ses machines de
guerre, il pourrait peut-être même bombarder la mêlée sans
discrimination si le cours de la bataille tournait en défaveur des
forces du Chaos.
C’est à cet instant qu’un brouhaha montant de
l’arrière-garde ennemie attira son attention. Depuis le flanc ouest,
une compagnie montée encore intacte quittait les lignes impériales pour
contourner la mêlée. Elle galopait à vive allure vers les positions des
nains du Chaos. Quelques instants plus tard, elle était suivie par
quatre machines de guerre qui ne ressemblaient à rien de ce que le
seigneur Drazhoath avait jamais vu. Ces machines étranges et
spectaculaires crachaient de la fumée, sifflaient et cliquetaient comme
si elles étaient sur le point d’exploser. Drazhoath pensa d’abord aux
fameux chars à vapeur impériaux, mais il se rendit vite compte qu’il
n’en était rien. Ces créations, bien plus grandes que ses propres
Démons de fer étaient conçus comme des navires de guerre incongrus
montés sur de hautes roues et propulsés par un improbable moteur à
vapeur qui, même à cette distance, semblait particulièrement instable.
Leurs ponts fourmillaient de soldats affairés. C’est avec stupeur qu’il
remarqua les sabords avants se relever et il aperçut des gueules de
canons. Le seigneur Drazhoath cracha une malédiction en langue naine et
aboya sur-le-champ des ordres à ses subordonnés. A force de cris et de
coups, la colonne d’engins blindés se contorsionna pour former un
cercle défensif. Le sorcier-prophète des nains du Chaos observa les
machines foncer sur eux, et ce bien plus vite que leurs propres
machines n’aurait été capable de le faire. Les « navires
terrestres » lui avaient complètement fait perdre de vue les
cavaliers au galop, qui approchaient dangereusement ! Drazhoath
remarqua que certains d’entre eux étaient munis d’étranges armes
mécaniques. Leur objectif fut rapidement révélé lorsque ces cavaliers
ouvrirent le feu – leur cadence de tir était plus rapide que tout ce
que Drazhoath connaissait, à l’exception des armes étranges des Skavens
du clan Skyre. Ces tirs frappèrent au hasard la colonne des Nains du
Chaos en pleine réorganisation. La Garde Infernale adopta une formation
défensive aux rangs serrés et combattit le feu par le feu avec ses
tromblons, laminant chevaux et cavaliers sans distinction. Mais
Drazhoath jura à nouveau en constatant les dégâts déjà occasionnés,
tandis que les cavaliers atteignaient déjà la colonne de machine de
guerre : c’était bien là leur cible. Les cavaliers survivants lancèrent
alors des bombes à main sphérique dans les canons et les moteurs des
machines de guerre et des chariots de munitions avec des résultats
dévastateurs.
Le Seigneur Drazhoath s’élança dans les airs avec son
Taurus Soufflecendre alors que les Navires Terrestres se rapprochaient
rapidement des mortiers de sièges et des canons à magma, toujours
arrimés à leurs chariots de trait. Les forgerons-démonistes tentaient
désespérément de préparer leur mise à feu. Les Navires Terrestres
commencèrent à viser les canons nains avec leurs canons de proue et
leurs armes légères montés sur leurs plateformes. Un boulet de canon
bien placé frappa l’un des énormes mortiers et ce dernier bascula
complètement de son chariot dans une bruyante explosion. Son équipage
fut tué ou mutilé au milieu du métal broyé de leur machine de guerre.
Au fur et à mesure, alors que les Nains du Chaos se regroupaient sur
une position défensive, d’autres vagues de cavaliers arrivèrent à
travers la formation de Navires Terrestres. Ils étaient près d’une
centaine cette fois. Ils portaient des vêtements ivoire, une armure
émaillée de noir et des armes à feu de toutes sortes. Plusieurs
portaient des arquebuses à répétition ou des tromblons tandis que
d’autres étaient bardés de pistolets. Cette cavalerie fondit sur les
chariots de munitions, déchargeant leurs armes sur les servants et les
esclaves. Pendant qu’ils opéraient, des épéistes débarquèrent des
Navires Terrestres et repoussèrent toutes les tentatives des Nains de
Zharr pour sauver leurs camarades.
Furieux, Drazhoath ordonna
mentalement à sa monture de plonger dans la mêlée. La puissante
créature enflammée s’exécuta et Drazhoath ressentit un frisson de
plaisir lorsque Soufflecendre inonda de flammes le pont du Navire
Terrestre le plus proche : les cris de l’équipage étaient une
musique suave pour un sorcier. D’un geste de sa main noueuse, il
invoqua le pouvoir de son dieu et recouvrit un deuxième véhicule d’un
voile de cendres pendant que le premier, en feu et incontrôlable,
s’éloignait. Le martellement de nombreux sabots retentit soudain et
l’inquiétude de Drazhoath se transforma en jolie tandis que des
centaines de cavaliers Kurgans apparaissaient. Cependant, au lieu de
rejoindre à cette bataille, ils remontèrent la colonne à toute vitesse
et ignorèrent le sorcier Nain du Chaos et ses cruelles imprécations.
Pendant
ce temps, les deux Navires Terrestres restants s’empressèrent
d’attaquer la colonne de machines suivante, mais là, la Garde Infernale
engageait une lutte acharnée contre les cavaliers ennemis qu’ils
repoussèrent rapidement, bien que les épéistes s’en sortaient mieux,
leur bannière à l’aspect étrange semblait crier telle une âme damnée
dans la tourmente. Les Navires Terrestres progressèrent plus lentement,
car ils avaient dépensé beaucoup de leur énergie au cours de leur
rapide avancée. Ils avaient subi les tirs des Nains du Chaos et des
volutes de fumée s’échappaient de trous béants dans leurs flancs. De la
fumée noire et des flammes s’échappaient de la cheminée de l’un d’eux
tandis que son moteur pétaradait bruyamment. Ces semblables se
déplaçaient maladroitement : l’un disparaissait sous un nuage de
cendres, un autre brûlait et le quatrième libéra étrangement d’une de
ses ancres. Cette dernière le fit pivoter brusquement et il s’encastra
dans un détachement de la Garde Infernale qui s’apprêtait à faire feu.
Son canon de proue fit feu et la mitraille lacéra les Nains du Chaos et
même leurs armures tant vantées se montrèrent inefficaces. Le Seigneur
Drazhoath lança Soufflecendre sur un petit groupe de cavaliers ennemis
et se gaussa cruellement tandis que le Taurus les réduisait en un tas
de viande carbonisé méconnaissable. Le Navire Terrestre en feu s’écrasa
de face contre un Démon de Fer et les deux explosèrent dans une boule
de feu qui envoya des éclats à travers le champ de bataille, perforant
une aile de Soufflecendre et ricochant sur l’armure de Drazhoath. Peu à
peu, les Navires Terrestres s’épuisèrent : certaines roues étaient
brisées, leurs chaudières percées et sifflantes, et leurs armes hors
d’usage. Un Brise-Crâne s’en prit à l’un d’eux, immobilisé. Ses dents
mordirent dans le blindage et ouvrirent un trou à travers la coque dans
un bruit crissant et émergea de l’autre côté dans une pluie de débris,
coupant en deux le monstre de bois. Les rares cavaliers et épéistes
survivant se replièrent à la suite du dernier Navire Terrestre, fumant
et criblé de balles, aussi rapidement que ses roues endommagées
pouvaient l’emmener. Dans les rangs des Nains du Chaos, les dégâts et
les pertes étaient considérables et ils n’étaient pas en mesure de
poursuivre.
« Trahison ! » hurla Drazhoath aux cieux.
Le vortex de sang
Les
trompettes et le martellement des sabots venus de l’est retentit assez
fort pour masquer la clameur de la bataille et même faire trembler le
sol. À ce bruit, Tamurkhan fit cabrer son Dragon-Crapaud et regarda
autour de lui. Au-delà de la mêlée, il vit un grand mur d’acier
brillant fondre sur eux telle une vague déferlante. Les bannières et
les penons noir et or, gris et écarlate claquaient et volaient
au-dessus des chevaliers d’une douzaine d’ordres dont les pointes des
lances abaissées promettaient la mort. Le seigneur de Nurgle éperonna
Bubebolos qui lâcha un cri assourdissant et se tourna pour parer cette
nouvelle menace, le Seigneur des Vers agita sa grande hache pour
appeler sa horde à le suivre. Ce fut au tour de la horde de sentir les
lames tranchantes de leur ennemi et de résister à la charge des
chevaliers. L’impact de la cavalerie impériale ébranla la horde, mais
elle ne céda pas face à l’assaut. Ce furent les guerriers humanoïdes à
pied – les maraudeurs, les Hommes-Bêtes et les mutants qui payèrent le
plus lourd tribut et moururent par centaines lors des premiers moments
à mesure que la colonne scintillante d’acier et de colère vengeresse
percutait la mêlée. Même les puissants Ogres de la Peste engoncés dans
les armures noires forgées par les Nains du Chaos furent taillés en
pièces, percés à plusieurs endroits par les lances des chevaliers.
Derrière la première vague de chevaliers venait la charge de pistoliers
et de cavaliers irréguliers. Ces derniers s’élancèrent dans la mêlée et
recherchaient leurs propres cibles. Ils déchargeaient leurs armes à
répétition à bout portant contre les gros monstres, ou projetait leurs
lances dans le dos des Guerriers du Chaos en plein combat. Peu se
souciait de leurs camarades touchés par maladresse. Çà et là, des
éclats lumineux de magie révélaient la présence de sorciers de bataille
parmi ces cavaliers. Des explosions brûlantes de lumière blanche
carbonisaient la chair rance des Démons Mineurs de Nurgle, les
réduisant en cendre. Ailleurs, un énorme enchevêtrement d’épines
vivantes sortit de terre et emprisonna des Trolls Bileux dans une
étreinte mortelle. Malgré leurs efforts, ces puissants monstres ne
purent se libérer. Les ronces déchirèrent longtemps leurs chairs en
perpétuelle régénération.
Si la charge massive de la cavalerie de
Nuln devait porter un coup décisif à la bataille en faveur de l’Empire,
ce fut un échec. Cette action ne fit que rétablir l’équilibre entre les
camps une fois de plus. En quelques minutes, les belligérants
s’empêtrèrent et l’impulsion de la charge fut complètement perdue
tandis que les chevaliers et les cavaliers irréguliers combattaient
dans d’innombrables duels. Les haches des Guerriers du Chaos se
tournèrent vers un nouvel ennemi, abattant monture et cavalier grâce à
leur force inhumaine, et bien vite les bêtes bouffies de Nurgle
désarçonnèrent les chevaliers et écrasèrent indifféremment montures et
cavaliers dans leurs étreintes tentaculaires. Un Géant, plus
grand qu’une tour de guet, sa peau pâle déjà couverte de nombreuses
plaies ouvertes, marcha vers une batterie. Il se saisit de grands
canons qu’il lança sur des cavaliers impériaux en approche, aussi
facilement qu’un enfant des pierres. Il cessa brusquement lorsque le
géant tomba au sol en hurlant tandis qu’un Griffon fou de rage, sans
cavalier s’écrasa sur sa poitrine tel un boulet de canon. La créature,
les ailes battant à toute allure, réduisit en lambeaux ce qu’il restait
du visage du Géant avec ses griffes étincelantes.
Le centre de la
ligne impériale était maintenant une vaste mêlée s’étendant sur
plusieurs miles – un massacre sans chef ni quartier. Les cris des
mourants emplissaient l’air et s’entendait jusqu’aux rues de la grande
cité où les réfugiés tremblaient de peur. Le sol du champ de bataille
était réduit à un bourbier de sang et de boue dans lequel disparaissait
des corps encore agités de soubresauts. Les deux camps savaient
instinctivement que celui qui gagnerait ce bras de fer mortel
emporterait la victoire, et toujours plus de renforts de chaque camp
furent envoyés nourrir ce vortex de sang. Les cieux s’obscurcirent
comme si le soleil refusait de voir l’horreur qui régnait ici-bas.
Au
fur et à mesure que la journée défilait, le bain de sang se poursuivait
sans que la victoire ne se dessine pour l’un camp ou l’autre. Tamurkhan
quitta le front, et Bubebolos, marqué par une vingtaine de plaies
ouvertes, coupa les pointes de lances fichées dans sa peau écailleuse.
Il boitait d’un postérieur où une boule de feu avait carbonisé son
genou jusqu’à l’os. L’esprit du Seigneur des Vers, à moitié fou suite
au déchaînement sauvage de la journée et la puanteur du carnage
l’environnant, compris tout de même que l’Empire pouvait tout de même
l’emporter avec ses forces restantes rien qu’à cause de l’attrition.
Peut-être même avait-il déjà suffisamment affaibli ses forces pour
qu’ils n’aient plus la force nécessaire pour espérer passer les
défenses de la cité. Furieux au-delà de toute mesure, le seigneur
appela à lui ses commandants, aussi bien mortels que démons pour
répondre de cet échec. « Où étaient les cavaliers Kurgans,
pourquoi ne s’étaient-ils pas joints à la mêlée ? » et de ses
propres yeux, il vit les panaches de fumée noire provenant des machines
des Nains du Chaos qui se retiraient de la bataille. « Ils croient
que leur travail soit terminé ? Que Nurgle les
emporte ! »
Tamurkhan atterré écouta les rapports
expliquant la fuite des cavaliers Kurgans et leur dispersion à travers
les collines à l’arrière. Il s’étrangla de fureur en réalisant que la
victoire était en train de lui échapper. Tout était perdu, le Trône du
Chaos, pourtant si proche, se dérobait. Et pourtant… et si… les Démons
lui chuchotèrent qu’il y avait peut-être une autre manière...
La danse de mort et de corruption
Alors
que le crépuscule tombait sur le carnage, l’intensité de la bataille
baissa progressivement. Les acolytes du Dieu de la Peste décrochèrent
sous le couvert de l’obscurité, laissant une poignée de monstres
incontrôlables combattre à leur place. Ils laissèrent derrière eux les
survivants des armées impériales engourdis et épuisés, incapables de
les poursuivre, même s’ils l’avaient voulu. Les pertes de Nuln étaient
effroyables même si aucun décompte précis n’était possible. Des soldats
aux yeux vides, titubants et blessés remontaient vers la cité à travers
le grand pont qui enjambait la rivière – des poignées de survivants
pour des régiments initialement forts de centaines d’hommes.
Les
citoyens qui les attendaient - femmes et enfants, vieillards pour la
plupart - les assistaient du mieux qu’ils le pouvaient avec des
pansements et de la nourriture, de la bière et des couvertures. Un
voile de deuil et de silence s’était abattu sur toute la cité. Les
cieux s’assombrissaient encore, masquant la lune et les étoiles. Tous
pouvaient ressentir un terrible changement dans l’air. Une horreur sans
nom était sur le point de naître.
La cour de la Comtesse Emmanuelle
n’était qu’activité frénétique alors que les nouvelles des pertes
arrivaient. Elspeth von Draken, fantomatique, traversa la cour avec des
nouvelles de la situation. Quelque chose était en train de se produire
sur les rives du Haut Reik, au sud de la cité, quelque chose de
terrible qui pouvait encore amener la ruine.
L’assaut contre
l’Abbaye des Lillys était une action désespérée qui n’aurait pas été
possible sans les réserves de magie combinées des sorciers de bataille
de Nuln pourtant déjà au bord de l’épuisement. Leurs sorts qui
permirent d’accélérer la vitesse et de déformer les distances pour
permettre aux troupes impériales de frapper à temps, étaient si
dangereux que le Sorcier Gris qui tissa le sort fut consumé. Il ne
resta de lui qu’un nuage de cendres après le lancement.
Une colonne
de chevaliers en lambeaux, les survivants encore ensanglantés de la
douzaine d’ordres qui avaient déjà mené la bataille du jour
s’élancèrent menés par le Champion de la Comtesse, Théodore Bruckner.
Ce dernier chevauchait Faucheur, son demi-griffon et portait son cou un
talisman d’améthyste brillant. Ils se heurtèrent au brouillard de
miasmes surnaturels qui entourait l’abbaye profanée. Les chevaliers
étaient soutenus par des prêtres guerriers et des fantassins - des
épéistes et des sorciers, tous volontaires sachant que leur survie
était loin d’être probable. Au-dessus d’eux, les ailes du Dragon
Carmin balayaient l’air vicié et la forme fantomatique d’Elspeth von
Draken soulevait sa faux scintillante. Les armées de l’enfer se
levèrent pour les affronter.
Les démons mettaient en pièce les
chevaliers, leurs griffes fétides éviscérèrent les destriers, mais même
lorsqu’ils mourraient les guerriers en armure écrasaient encore leurs
lances à travers les yeux cyclopéens et plantaient leurs lames bénies
dans les chairs bouffies des démons. Les zélotes impériaux se jetaient
sans peur vers la mort. Leurs fléaux tournoyaient et leurs saintes
prières repoussaient les massifs Crapauds Pesteux, les brûlants
comme du vitriol. Un sorcier du Collège d’Ambre dont la forme changeait
rendait coup pour coup contre ces horreurs, mais il fût rapidement
englouti. Le souffle magique du Dragon Carmin alluma un feu éclatant à
travers l’abbaye et porta un coup terrible à un Grand Immonde qui
luttait pour déplacer sa masse débordante de chair en décomposition et
de membres déformés.
Malgré leurs efforts, il était évident que tout
cela risquait d’être vain. Ils n’étaient tout simplement pas assez
nombreux face à la légion démoniaque qui semblait sans fin. Tamurkhan
était la clé. Il devait mourir avant que le rituel n’atteigne son
zénith.
Faucheur progressait en longues foulées vers le seigneur de
Nurgle, bousculant les Portepestes qui se dressaient pour lui barrer le
passage. Il s’arrêta brusquement pour en attraper un et le mettre en
pièces de son bec tranchant puis de le jeter à l’écart comme un chat le
ferait avec une souris. Bruckner souleva son impitoyable lame au-dessus
de sa tête et lança un défi à Tamurkhan. Ce dernier, furieux et
confiant, répondit promptement en soulevant sa puissante hache de la
terre souillée à côté du corps du Dragon-Crapaud et se précipita sur le
Demi-griffon à une allure stupéfiante. Un feu magique explosa alors sur
Tamurkhan et l’enveloppa. Le seigneur chancela, et profitant de ce
moment de distraction, Faucheur fut sur lui. Les serres de la bête
tranchante comme des faux tailladèrent la chair pourrissante jusqu’aux
os. Son bec arracha même la tête décomposée de l’Ogre. Tamurkhan
vacilla mais ne tomba pas et sa puissante hache s’abattit dans un
mouvement circulaire et atteignit le Demi-griffon à la poitrine,
forçant la cage thoracique de la noble bête. Faucheur se cabra, à
l’agonie, et emporta la hache du Seigneur des Vers avec lui. Bruckner
quitta juste à temps sa monture qui s’effondrait comme un arbre abattu.
Il leva sa lame enchantée et frappa sans relâche d’estoc et de taille
l’immense corps décapité de Tamurkhan. L’inhumaine horreur posa enfin
un genou à terre sous l’assaut. Un flot grouillant de vers noirs
jaillit sur Bruckner qui recula en chancelant. Les vers l’attaquaient
comme ils l’avaient fait pour Sargath le Vaniteux et Karaka
Brisemontagne.
L’obscène créature se projeta tel un serpent et
s’agrippa au visage terrifié de Théodore Bruckner. Elle traversa
la peau et les os en se tortillant. Des os éclataient sous la pression
tandis que les vers se forçaient un passage.
« Voici un superbe
réceptacle qui sera le dernier dont il aura besoin. Il ne peut pas le
refuser. Il était éternel. Il était… »
Le talisman autour du
cou de Bruckner s’illumina, telle une étoile brillante dans la nuit.
Dans un flash assourdissant il ne resta plus que des os noircis et de
la poussière là où se tenait le champion de la Comtesse Emmanuelle. Et
un instant plus tard, même eux disparurent et Tamurkhan, le Seigneur
des Vers, avec eux.
Au-dessus de la bataille, Elspeth von Draken
observa l’éclat brillant et s’autorisa un bref instant de satisfaction
avant que la tempête de magie que le Seigneur des Vers avait invoqué ne
se tarisse brusquement et se retourne contre le Chaos de façon
catastrophique. Le plan de la sorcière avait porté ses fruits. Un
tourbillon de magie se déclenchant centré sur l’endroit où Tamurkhan
s’était tenu, à deux doigts de devenir lui-même un démon et tout fut
réduit en ruines. Les rives du fleuve tremblèrent et se liquéfièrent et
les enfants de Nurgle furent réduits en des nuages de cendres en
l’espace d’un battement de cœur. L’abbaye des Lillys et tout ce qui s’y
trouvait cessa d’être. Au centre du vaste cratère qui l’avait remplacé,
un enchevêtrement de verre d’un vert sombre transperçait le sol comme
une dague qui aurait frappé le sol. Le Dragon Carmin tomba sans vie des
cieux et Elspeth von Draken s’évanouit telle une brume dans la nuit.
Ainsi finit la saga de Tamurkhan, celui qui voulait atteindre le Trône du Chaos.
Qu’en est-il de moi, son chroniqueur ?
Rendu
aveugle par le métal brûlant, aujourd’hui abandonné et méprisé par mon
peuple que j’avais élevé si haut et que les hommes avaient nommé le
Parjure, j’ai été abandonné sur la route comme un mendiant sur le
chemin de l’oubli et de la désolation. Je suis condamné par les dieux
sombres à ma pénitence. Je suis un étranger dans une terre étrange,
mais loin d’être impuissant.
Et bientôt mon histoire vous sera également contée.