TAMURKHAN, LE TRÔNE DU CHAOS
2510-11 CI
The Throne of Chaos
Traduction Ilmarith, Patatovitch et Cel Glaucester
Note sur la traduction :
The Throne of Chaos est écrit dans un anglais particulièrement pénible à lire - sans doute une volonté de l'auteur d'"archaïser" son écriture.
Les traducteurs ont pris le parti de simplifier le texte en supprimant les innombrables redondances et en raccourcissant les phrases.

Par ici le .pdf avec la campagne.

Tamurkhan est un seigneur du Chaos affilié à Nurgle. Il arrive à rassembler une vaste armée du Chaos associant Khorne et Slaanesh.
Il doit sa principale originalité à son parcours qui, comme on le voit sur la carte, n'est pas très direct. Le but initial est bien d'attaquer l'Empire mais ce seigneur préfère attaquer par le sud en faisant un vaste détour par les Royaumes Ogres (où il soumet des géants et recrute des ogres) et les Terres Sombres (où il s'accoquine avec les nains du Chaos). Il est défait devant Nuln en 2511CI après avoir dévasté les Principautés Frontalières.

Trajet de Tamurkhan


CHAPITRE 1 - CARNAGE POUR L’AMUSEMENT DES DIEUX
TamurkhanTamurkhan (vers la fin de son parcours) sur son dragon-crapaud Bubebolos
Durant l’année du Corbeau du sixième règne de la Lune noire selon le calendrier norse, la tempête incessante connue sous le nom de Royaume du Chaos gagna en importance et devint prédatrice. À travers toutes les terres septentrionales, le sol se mit à geindre comme un dormeur pris de cauchemars. Les nécropoles vomirent leurs morts refusant le repos. Les femelles animales comme humaines donnèrent naissance à des progénitures portant la souillure du Chaos. Des rumeurs se répandirent à propos d’apparitions funestes, de monstres quittant leurs repaires et de sorcellerie saisissant l’esprit de ceux assez vifs pour la canaliser. La guerre approchait, comme elle l’avait déjà fait et le ferait encore d’innombrables fois. Une guerre sanglante de celles auxquelles aucun homme du nord, qu’il s’agisse d’un Dolgan, d’un Chi-An ou d’un Kharzag, ne peut refuser l’appel. Une guerre pour le plaisir des dieux du Chaos.
L’esprit et l’âme tout emplis de cet appel guerrier, certains ne perdirent pas de temps et se jetèrent sur les leurs. Ils combattirent pour prouver leur valeur aux yeux de leur tribu et des dieux pour les batailles à venir. D’autres, étreints de rêves et de visions, se mirent en marche seuls, voyageant toujours en direction du nord, là où le monde lui-même s’éventrait. Au long de ces sombres pèlerinages, certains trouvèrent la voie menant à des autels lugubres et cauchemardesques où ils étaient venus implorer la bénédiction de l’une des Grandes Puissances et lui prêter allégeance. D’autres ne trouvèrent que la mort.
De nombreux champions exaltés et seigneurs de guerre putatifs se mirent en route à travers les terres septentrionales. Ils sentaient le souffle du Chaos sur leur nuque et entendaient ses murmures mielleux promettant élévation et destruction. Pour certains, la perspective d’affronter des ennemis familiers et de régler d’anciennes rancunes était suffisante pour aiguillonner leur détermination. D’autres, superstitieux et dévots, recherchèrent la faveur de leurs dieux sombres par la divination et l’invocation de démons pour connaître comment et où porter leurs coups. Inconstants et contradictoires sont les dieux du chaos et traîtres leurs démons. Pour chaque apparition et prophétie, une réponse différente fut offerte et pour chacun une voie différente vers la gloire. Pourtant, dans cette cacophonie démente de mensonges, de flagorneries et de secrets indicibles, quelques mots se répétaient : un Élu à venir, Zanbaijin ou la Cité Déchue, la Lune du Serpent et le Calice de la Mort, un royaume de feu et de cendres et le Trône du Chaos - autant de trophées offerts à qui osaient les réclamer.
Sur les terres des Kurgans, tous connaissaient les légendaires ruines de Zanbaijin situées sur le plateau désertique de K’datha. De nombreux seigneurs de guerre et de puissants champions du Chaos s’élancèrent à la conquête de ses hauteurs glacées. K’datha était cependant réputée pour changer de lieu et s’évanouir tel un mirage. Des malchanceux pouvaient devenir fous ou mourir de faim avant de l’atteindre alors même que la cité flottait sur l’horizon devant eux. Mais désormais, comme la puissance du royaume du Chaos allait croissant, le grand plateau de K’datha et les ruines de Zanbaijin s’offraient à qui osait gravir ses passes escarpées. La Cité Déchue datait d’avant l’homme et servait de longue date d’arène pour que les dieux du Chaos puissent y observer l’affrontement des mortels cherchant leur faveur. Quand arrivèrent les champions à la tête de leur armée, chacun d’eux comptait prouver sa qualité et la supériorité de son dieu tutélaire sur les autres. Cette occasion allait le rappeler une nouvelle fois : un champion vainqueur ici allait être appelé à un grand destin et, par coutume, devenir le maître de ses ennemis vaincus. La renommée d’un tel seigneur de guerre se répandrait dans toutes les Désolations et nombreux seraient ceux à rallier à sa bannière promise à la gloire.

La mort rôde à K’datha

Finalement, ce furent trois armées qui se rencontrèrent à l’ombre des piliers sans âge de Zanbaijin. Les guerriers à l’armure d’airain de Hakka l’Æsling arrivèrent les premiers de l’ouest. Ce seigneur amena ses joueurs de hache en une colonne compacte, accompagnés par des meutes de Rejetons du Chaos ivres de sang et de molosses écorchés tirant sur leur laisse. De l’est vint Sargath le Vaniteux, seigneur-cavalier des Yurtsaks. Des concubines de Slaanesh dansaient pour sa gloire. Quoique jeune, Sargath était déjà une légende parmi les siens et avait rassemblé d’innombrables maraudeurs et cavaliers. Enfin, Urak Soulbane, archi-sorcier et prêtre-démon, avec sa cabale de sorciers arriva par le sud. À son approche, le sol et les rochers eux-mêmes crachaient d’informes projectiles mortels. Des vautours aux ailes de feu tournoyaient au-dessus de lui. Bien que numériquement plus faible comparée aux autres forces amassées, la secte était redoutable et ses acolytes sorciers pouvaient tenir tête à plusieurs fois leur nombre.
La bataille se déclencha et glorieux fut le massacre. Par l’épée ou le sceptre, par le croc ou la griffe, les vies étaient fauchées et le sang versé à profusion pour le plus grand plaisir des dieux. Les places vides de la Cité Déchue résonnaient à nouveau du chant de l’acier et des plaintes des mourants. Heure après heure, jour après jour, les forces s’entrechoquaient et se séparaient tels les battements un cœur guerrier. Aucune des trois forces ne parvenait à prendre le dessus. La furie des berserks de Hakka était contenue par les guerriers innombrables de la horde de Sargath, qui s’embrochaient dans une extase impie sur les lames de leurs ennemis et les entraînaient dans leur chute. La victoire leur était ensuite dérobée par le feu infernal de la cabale d’Urak.
Chaque armée luttait avec plus d’acharnement alors que les corps s’amoncelaient dans la poussière glacée alors que les lunes poursuivaient leur course au-dessus d’eux. Des lumières maléfiques éclairaient les cieux de K’datha. Elles étaient à la fois le signe de la satisfaction des dieux et un phare pour attirer de nouveaux combattants comme des insectes par une bougie. Sans faiblir, le combat faisait rage et bientôt, les milliers de guerriers furent rejoints par des dizaines de milliers d’autres. Les nouveaux venus, des seigneurs de guerre mineurs et leurs troupes, des créatures du Chaos affamées vinrent grossir les rangs des champions qui les avaient précédés.
Quand la lune de Mannslieb mourut à l’est et que la lune noire, Morrslieb, crût, une autre ost émergea à l’horizon, apportant avec elle des miasmes de ténèbres et de pestilence. Des créatures de cauchemars sortirent alors des profondeurs des Froids Marais – des Trolls Bileux, des hommes-vers et d’autres choses hideuses et sans nom transpirant la pourriture et la bave. À la tête de cette horde monstrueuse, un cadavre vivant en décomposition monté sur un puissant Dragon-Crapaud – une bête immense faisant trembler la terre à chaque pas. Ce cadavre s’appelait lui-même Tamurkhan, le Seigneur des vers, serviteurs du dieu de la pestilence et père de toutes les maladies, Nurgle.

Le massacre du Seigneur des Vers

Comme les autres adorateurs du Chaos, Tamurkhan était attiré à K’datha par la promesse d’un pouvoir au-delà de l’imagination mortelle. Mais, au début, il n’était que l’un des quatre seigneurs marqués par son dieu tutélaire. Lorsqu’il quitta son repaire fétide, le Seigneur de la Déchéance - le dieu Nurgle lui-même - envoya une tempête sombre et toxique couvrir l’avancée de la colonne de bêtes et de presque humains que Tamurkhan commandait comme un présage de la mort et des ruines à venir. Alors que la lune quittait le ciel nocturne, la horde de Tamurkhan arrivait par l’ouest à K’datha où la bataille faisait déjà rage. Dans le sillage de Tamurkhan, si clairement béni du Nurgle, il y avait plusieurs autres guerriers fameux qui avait fait allégeance au Père des pestes, plutôt qu’à une tribu ou à une bande. Venus toutes les Désolations nordiques, les champions de la déchéance rejoignirent la horde de leur nouveau maître et bientôt des guerriers comme Kayzk le Souillé, maître d’un ordre corrompu de Chevaliers du Chaos et le chevaucheur de dragon Orhbal Vipergut vinrent présenter leurs lames en signe d’allégeance. Avec l’arrivée de chacun de ses guerriers renommés, quantité de combattants mineurs, de guerriers tribaux et de nombreux suivants déformés venaient gonfler les rangs de la horde. Beaucoup de ses nouveaux arrivants, avides de servir à leur manière, étaient déjà marqués par les faveurs du dieu de la peste par des maladies et des défigurements tels qu’il était difficile d’y reconnaître des restes humains.
L’arrivée de Tamurkhan à K’datha fut annoncée par des signes sombres et des présages et, alors que la horde était encore dans les passes menant au plateau, les morts qui jonchaient Zanbaijin commencèrent à frémir et à bouillonner - non à cause d’une quelconque magie nécromantique - mais à cause de la quantité de mouches qui les dévoraient de l’intérieur. De ces corps jaillirent des nuages de mouches et remplirent la cité déchue du murmure de leurs ailes. Face à de tels présages, le culte sorcier d’Urak Soulbane, Arcaniste de Tzeentch, quitta Zanbaijin en crachant des malédictions rageuses. Leur maître avait vu leur destin s’ils restaient combattre. L’heure était à leur ennemi. Cependant, Sargath, Hakka et beaucoup des autres continuèrent le combat. Rien ne pouvait faire cesser leur inimitié, pas même la venue d’une quatrième armée et les essaims de mouches mordeuses qui la précédait.
Tamurkhan tomba donc sur les deux armées qui étaient engagées dans une bataille sanglante pour la grande place au centre de la cité morte. Le massacre fut grand et rapidement de nombreuses petites bandes furent détruites ou mise en déroute. Celles qui n’étaient pas coincées entre les différentes factions ou aveuglés par la rage guerrière choisirent aussi de fuir alors que les forces de Sargath et de Hakka s’affrontaient encore.
À l’acmé de la bataille, le ciel s’ouvrit et une pluie caustique tomba à seau. Cette pluie corrompue touchait la chair des morts et la faisait bouillir comme de la cire et ouvrait des blessures suppurantes. Les avant-gardes des trois seigneurs de guerre se rencontrèrent au centre de la place. Les montures fières et vicieuses des maraudeurs Yurtsak s’embourbèrent bientôt dans la masse et la horde de Tamurkhan percuta leur flanc d’une force écrasante. Les combattants se retournèrent et contre-attaquèrent ce nouvel ennemi et ces fous crièrent leur douleur et leur joie en tombant pendant que des démons ronronnaient le compte des morts et des mourants. Les sorciers de Sargath répondirent par des enchantements de leur cru : ils effrayèrent des monstres en approche avec des projections d’énergies brillantes et des illusions meurtrières aveuglèrent ou trompèrent de nombreux guerriers. Tout cela fut vain, car les lignes de Sargath étaient fragmentées et, face à la marée de peste et de terreur, ils ne pouvaient plus bénéficier des avantages de leur mobilité.
Les troupes les plus puissantes de Sargath, dont le mutant Forsaken, étaient prises en étau entre les chevaliers de Kayzk le Souillé d’un côté et les forces d’Hakka rendues folles par la pluie corrosive et les mouches de l’autre. Voyant que la bataille tournait en sa défaveur et l’orgueil blessé, Sargath fut prit d’une rage incontrôlable et chargea avec sa propre garde rapprochée de chevaliers le centre des forces de Tamurkhan. Il réclamait la tête de celui qui l’avait insulté par son attaque présomptueuse sur le favori de Slaanesh.
Son armure émaillée de blanc fut tachée de sang et d’une crasse innommable. Sargath, dont l’habilité aux armes était légendaire, se tailla un chemin jusqu’à son nouvel ennemi. Sa mince épée runique -tranchante comme le péché- découpait les amures rouillées et les cous en décomposition avec la même facilité. Il se arriva face à Tamurkhan lui-même. Arrogant et méprisant les forces qui s’encerclait, Sargath, le Prince du Chaos agonit d’insultes la figure fanée affalée au sommet de l’immense créature devant lui. Le Dragon-Crapaud Bubebolos avait la taille d’une maison d’un étage et son corps était déjà marqué de douzaines de blessures qui ne l’empêchait pas de continuer ses ravages. Ses grandes griffes étaient colorés des restes de ses victimes. Tamurkhan cracha ses propres sarcasmes en réponse et d’un geste de commandement, Bubebolos se cabra et ouvrit sa vaste gueule fétide. Sargath à l’agilité inhumaine se dressa sur le dos de sa mouture et sauta. Un instant plus tard, sa monture était liquéfiée par l’épais liquide craché par la bête. Un moment suspendu en l’air, Sargath atterrit sur la tête du dragon et s’équilibra avec une des cornes. Le blanc de son armure n’était plus qu’un souvenir et le souffle du Bubebolos l’avait fait rouiller. Avec un cri de triomphe, Sargath se propulsa sur le maître du dragon et avec la vitesse d’un serpent enfonça sa lame runique dans la poitrine de Tarmurkhan. Ce dernier se mit à rire et le cri de triomphe de Sargath s’étouffa lorsque le cadavre fané devant lui se tortilla et s’ouvrit comme un fruit trop mûr. La véritable forme de Tamurkhan fut révélée : un asticot de la taille d’un enfant, veiné de bave grisâtre avec des yeux noirs et luisant à facettes. L’asticot sauta sur une pièce d’armure exposée de la poitrine de Sargath. Il la déchira et creusa un trou dans la chair parfumée en dessous. Le corps de l’asticot se tordait et gigotait de manière obscène. Il traversa la cage thoracique de Sargath qui éclata et se fissura, la larve dévorait les organes encore vifs à l'intérieur. Le corps du champion de Slaanesh tomba dans la boue souillée du champ de bataille, et lorsqu’il se leva de nouveau, Bubebolos hurla son exaltation de manière assourdissante et les serviteurs de la décadence baragouinèrent leur joie lugubre. Tamurkhan, doté d’un nouveau corps, remonta sur sa bête de guerre.
La défaite de leur chef découragea complètement les maraudeurs de Sargath qui s’enfuirent. Des centaines d’entre eux furent massacrés dans leur déroute par les forces de Tamurkhan revigorées par le triomphe de leur maître et par les lames infatigables des Aeslings adorateurs du dieu du sang. Plusieurs centaines d’autres s’échappèrent cependant, appelant leur dieu à l’aide et disparaissant dans les ruines labyrinthe de la cité. Hakka lui-même, maintenant largement surpassé en nombre recommanda sa propre âme et l'âme de ses disciples de Khorne. Il se jeta lui-même et sa garde rapprochée sur l'avant-garde bestiale de Tamurkhan. Face à cette charge foudroyante, la ligne de bataille des enfants de Nurgle vacillait mais ne se brisait pas. Le nombre et la masse jouaient contre eux, Hakka l'Aesling fut balayé par la marée de la bataille et malgré la fureur tourbillonnante de ses haches jumelles, il fut bientôt déchiré par les griffes de Trolls Bileux. Son corps fut si bien déchiqueté et dévoré qu’on n’en retrouva aucun morceau pour servir de trophée après la bataille. La victoire entre les mains de Tamurkhan, les cieux furent déchirés d'une lueur verdâtre, et la pluie corrompue tomba plus fort encore, recouvrant les pierres mortes de Zaibaijin de crasse. Le son du tonnerre apportait les échos sinistres du rire de Père Nurgle.
Tamurkhan proclama sa victoire depuis un monticule de cadavres recouvert des bannières des vaincus. Il cria en premier son nom et sa lignée, se réclamant du Grand Kurgan de jadis dont il serait le fil, revenu pour tuer et conquérir. Il loua le Père Nurgle lui avait apporté ses bénédictions et déclara son intention de revendiquer le Trône du Chaos.
Par droit de conquête, les chefs de guerre survivants et d’autres Champions du Chaos lui jurèrent fidélité -  ils le suivraient tant qu'il leur apporterait des victoires. Parmi ceux-ci, il y en avait beaucoup qui se considéraient comme des rivaux implacables. Ils jurèrent cependant de se battre au nom de Tamurkhan, le Seigneur des Vers, en acceptant de mettre provisoirement leurs inimitiés de côté. Les nouvelles de la grande victoire de Tamurkhan se répandirent, et bientôt des tribus de maraudeurs, des tueurs errants, d’horribles monstres et des cultes affamés de pouvoir commencèrent à se grouper autour de sa bannière. Quittant les ruines noires de Zanbaijin, ils se dirigèrent vers le nord. La horde grandissait de jour en jour en traversant les steppes vers les contreforts des montagnes enneigées et Tamurkhan commençait sa route.

Le pari du Parjure
KurganGuerrière Kurgan (ToC p.20)
Après une lune, la colonne de la horde s'étendait presque d'un horizon à l’autre. Des nuages de mouches et de charognards s'y accrochaient comme à une carcasse pourrissante. Les plus fidèles voyageaient avec Tamurkhan à la tête de la grande horde, tandis que ceux qui n’avaient pas épousé Nurgle formaient d’autres colonnes à une distance prudente, bien conscient que la peste de Nurgle ne se souciait guère de la chair de ceux quelle corrompait. La horde atteignit les monts Altayan et le territoire grossièrement défini d'une confédération de tribus appelées Dolgans. Les Dolgans étaient l'une des plus grandes et les plus puissantes nations des peuples Kurgan, réputées pour leur caractère rebelle et leur haine envers les autres hommes du nord. Tamurkhan souhaitait amener ces guerriers à choisir sa cause et surtout ajouter à son ost les puissants mammouths de guerre qu'ils possédaient. Ces créatures énormes étaient capables de piétiner des légions de fantassins et de servir d’engins de siège si besoin.
Le chef suprême du moment des tribus Dolgans était l’infâme sorcier Sayl le Parjure, une créature difforme et perfide dont les nombreuses trahisons, meurtres et atrocités étaient aussi célèbres que ses pouvoirs de devin et de sorcier de bataille. Sayl n'avait pas été sourd aux rumeurs sur Tamurkhan. Des histoires sur sa victoire, la faveur dans laquelle le tenait les dieux du Chaos et la taille de sa horde avaient déjà atteint les terres Dolgans.
De plus, les oracles avaient prévenu Sayl de son approche. Le sorcier ne chercha pas à affronter la horde, car il voyait dans cette action au mieux une victoire coûteuse et plus probablement une défaite, mais il envisagea plutôt d'utiliser l'ascendant de Tamurkhan à son propre avantage. Méprisé par une grande partie de son peuple, l'emprise de Sayl sur les Dolgans était faible et il était menacé de tous côtés par de nombreux ennemis, tant à l'intérieur qu’à l'extérieur des tribus Dolgans. Sayl utilisa habilement son influence pour envoyer beaucoup de ceux qu'il soupçonnait de déloyauté harceler et retarder la horde de Tamurkhan. Ils y rencontrèrent leur destin. Alors, au lieu d’affronter la horde dans une bataille rangée, alors qu’elle ravageait le cœur du Dolgan, Sayl opta plutôt pour se retirer sur d'une position de force avec l’intention assumée de négocier le ralliement de ses forces à celles de Tamurkhan, du moins aussi longtemps que nécessaire. Tamurkhan était impatient de conclure cette alliance et il accepta même si Sayl ne prêtait aucun serment d’allégeance. Ils ne faisaient que cause commune.
Tamurkhan était tout de même satisfait car ses forces n'avaient pas été gaspillées. Sayl, d'abord confiant d’avoir  obtenu le meilleur de la négociation, se retrouva bientôt piégé dans ses propres intrigues. En effet, il avait supposé que Tamurkhan avait l'intention de conduire sa horde directement vers les terres du sud (ce qui était la coutume des incursions du Chaos antérieures) et Sayl se voyait déjà partager la gloire, le butin et revenir bientôt triomphalement dans son pays Dolgan. Il apprit bientôt que Tamurkhan avait d'autres projets étranges à l'esprit.
Au lieu de se diriger vers le sud-ouest et les riches provinces de Kislev et de l'Empire, Tamurkhan mena sa horde - maintenant forte de dizaines de milliers de guerriers avec l'addition des Dolgans de Sayl - vers le nord sur un chemin erratique et infesté d'horreurs dangereusement proche de la frontière infernale du Royaume du Chaos. Cela causa la consternation dans les rangs de l'ost nouvellement formée et certains commencèrent à murmurer que Tamurkhan cherchait à faire la guerre aux dieux eux-mêmes. Ces craintes se révélèrent infondées quand Tamurkhan dirigea sa colonne vers le nord-est. Ceux qui connaissaient le dieu de la peste devinèrent alors son but : Tamurkhan se rendait à l’Arbre aux potences*, un lieu de cauchemar et de légende rivalisant avec n'importe quel autre dans les Désolations.

Le bord des ténébres

L’Arbre aux potences était une entité autonome, horrible et distordue. Ses membres enchevêtrés, se dressant plus haut que le clocher d'un temple, étaient emmêlés et déchirés comme déformés dans la douleur, et tendus au-dessus d'un marécage parsemé de ronces. Des créatures étranges et mystérieuses vivaient sous ses frondaisons et rampaient dans la boue immonde. Cet arbre était aussi une porte vivante aux horreurs de l’au-delà, et on racontait qu’un démon sorcier putrescent était caché dans ses profondeurs. Honni même parmi les autres démons, celui-ci aurait dispensé des secrets et des prophéties à ceux qui lui plaisaient. Les autres, fidèles tièdes de Nurgle, terminaient leur vie sous la forme d'épouvantables ornements suspendus aux branches du grand arbre, à la merci des asticots et des charognards, après avoir été subi un sort au-delà de l’imagination.
Tamurkhan mena sa vaste horde jusqu’au bord du marais fétide qui entourait l’Arbre aux potences et personne parmi les disciples de Nurgle, même les plus dévoués et dérangés, ne voulut s’aventurer plus loin. Tamurkhan s’avança donc seul bravant et à pied le chemin menant à l’Arbre. Laissée sous le commandement nominal de Sayl le Parjure, l’ost se dispersa dans la plaine en attendant le jugement des dieux. Même réunis par une mission divine, les différents groupes se méfiaient les uns des autres et campaient séparés. De longues journées s’écoulèrent sous le ciel presque noir illuminé par le rayonnement irisé de tempêtes lointaines dans les Royaumes du Chaos. De nouveaux venus continuaient à rejoindre l’ost pour profiter des combats et des récompenses à venir. Certains venaient de loin : des terres des Gharhars au nord, de celles des Avags à l'est ou même d’au-delà les Désolations. De plus, des dizaines de champions de races différentes furent attirés par des visions étranges et des promesses chuchotées.
Au fil des jours, Sayl, cherchant à s'imposer à la horde, envoya des cavaliers Dolgans parcourir les Désolations, pour rassembler autant de renforts que possible et pour s’attribuer autant de fourrage que cette terre désolée pouvait leur fournir. Bientôt, les différents seigneurs de guerre durent aussi se prémunir contre les attaques de Dragons-Ogres et d'autres créatures venant des montagnes voisines. Parfois, leurs expéditions disparaissaient, succombant aux appétits des habitants des Désolations. En dépit des privations, dans l'ensemble, la horde se reposait et se renforçait. Mais, comme l'absence du maître durait depuis une lune entière, les monstres de la horde devenaient inquiets et toujours plus affamés. L’acrimonie croissante entre les différentes factions menaçaient de détruire la horde avant qu'elle ne voit une terre étrangère à ravager. Bientôt, les puits creusés dans ses terres stériles devinrent si pollués et leur eau si rare que la soif menaçait de s’installer si l’attente continuait.
Lorsque Tarmurkhan revint enfin des profondeurs de l’Arbre aux potences, cela réjouit immédiatement les adorateurs de Nurgle. Il avait aussi acquis le respect méfiant de ceux qui partageaient ses buts mais pas sa foi. Tous pouvaient clairement voir que le Seigneur des Vers avait été choisi par les dieux du Chaos.
On dit que le temps peut s’écouler différemment pour un mortel qui parcourt ses marais. Il peut couler comme un torrent ou s’étirer indéfiniment en longueur. Les effets coquets de Sargath dont Tamurkhan avait pris le corps étaient ravagés comme s’ils avaient subi une vie d’usure. Son armure autrefois brillante n’était plus qu’une masse de corrosion et de parasites boursouflés. Ses yeux étaient à présent enfoncés dans ses orbites où brillait une faible lueur verdâtre. Enfin, il ne revenait pas les mains vides. Il avait obtenu des parchemins remplis d’une écriture mouvante mentionnant de vrais noms de démons et ceux d’autres monstres ainsi qu’une énorme amphore pleine d’une eau empoisonnée puisée dans le domaine infernal de Nurgle.
À son retour, Tamurkhan tient un conseil de guerre rassemblant les champions et les sorciers les plus puissants pour partager les révélations qu’il avait eu et le plan de conquête qu’il avait pour la horde. La voix mielleuse de Sargath avait été transformée en raclements gutturaux, mais elle n’avait rien perdu de sa puissance. Assis par l’arrogance incroyable et l’ego de Tamurkhan, les seigneurs de guerre et de sorciers ensorcelée écoutèrent pendant plusieurs heures. Tamurkhan déclara une fois de plus sa volonté de prétendre au légendaire « Trône du Chaos » - la domination sur le monde des mortels depuis une montagne de cadavres qui permettrait d’acheter aux dieux du Chaos l’immortalité avec le rang d’archi-démon comme récompense certaine. Tamurkhan réclamait ce trône pour lui-même et ainsi surpassé les exploits de son père, le Grand Kurgan. Il déclara que tous ceux qui le suivaient dans sa guerre sainte connaîtraient des batailles comparables à celles des plus grandes sagas. Des centaines et des centaines de vies seraient prises par leurs lames comme une prière aux dieux sombres et leurs noms et leurs exploits seraient gravés dans la peau du monde. L’Arbre aux potences lui avait montré des visions infernales de ce qui pourrait advenir et de ce qu’ils pourraient rendre réel par leurs actions. Il avait vu un puissant ost du Chaos, innombrable, qui se répandait dans les montagnes et sur les cités des anciens titans comme une contagion. Il avait vu les géants à genoux devant lui et les forges infernales de Zharr se battant en son nom. Il avait vu les morts innombrables dans son sillage et des plaines verdoyantes comme des désolations arides arrosées de rivières de sang aux flots chargés de cadavres. Ces visions lui plurent. Au-delà de cela, il vit aussi une grande cité de fer et de marbre mis à bas, ses murs tombant en poussière et ses rues rougies de sang ravagées par les flammes. À ce moment-là, les cieux s’ouvriraient pour lui, noyant tout ce qui était sain et pur dans un pus jaune et un noir cancéreux. Il serait alors transfiguré dans la gloire. Quoique personne ici, comme Tamurkhan lui-même, n’avait jamais mis le pied dans l'Empire des hommes, ils connaissaient tous cette cité par les légendes. C'était une ville au cœur du domaine d’un vieil ennemi : le trois fois maudit empire de Sigmar.
De nombreuses générations avaient combattu dans l’Empire et plus d’un seigneur de guerre y avait écrit sa saga ou était mort dans la tentative. C’était un pays de forêts profondes et de grandes villes dont la taille et la puissance pouvaient à peine être envisagées par ces hommes du Nord, pour qui ces choses étaient un anathème au regard de leur culture nomade et belliqueuse. Ils ne connaissaient que les antiques ruines, comme Zanbaijin, qui parsemaient le pays changeant des Désolations. Tamurkhan savait cependant que le simple poids du nombre et la seule force guerrière n'avaient pas suffi pour écraser l'Empire par le passé. Avec leur magie, leur acier et leurs châteaux, l’Empire avait résisté à la pléthore d'ennemis qui l'entouraient et le regardait avec des yeux envieux. Malgré son arrogance et son orgueil, Tamurkhan jugea qu’il avait besoin de contrer chaque atout des héritiers de Sigmar. Pour abattre leurs murs et leurs forteresses, il aurait besoin de terribles engins de guerre. Il compenserait leur poudre noire et leur magie avec des créatures immenses et des démons sauvages. L'habileté martiale et l’avidité des fils du Chaos pourrait alors prouver son ascendant. Les Dieux Sombres seraient alors satisfaits et l'Empire serait noyé par son propre sang. Le plan d'attaque de Tamurkhan serait donc indirect. Il ne voulait pas, comme tant de seigneurs de guerre du passé, assaillir l'Empire depuis sa frontière nord-est, par Kislev et ses défenses les plus fortes et les mieux éprouvées. Au lieu de cela, comme ses visions le suggéraient, son ost voyagerait sur le long des Montagnes des Larmes. De là, ils traverseraient les Terres Sombres et se joignaient aux forces des Seigneurs du Feu de Zharr. Ils traversaient les montagnes et se jetteraient sur l'Empire par sud, comme un poignard, frappant le cœur par le ventre où la chair était tendre. Le voyage serait long, mais glorieux et riche en batailles et en pillages. Tarmurkhan le promit aux seigneurs de guerre rassemblés avant lui. Les faibles périraient le long du chemin, et les forts seraient rendus encore plus forts et bénis par les dieux sombres pour leurs victoires. Ses promesses furent accueillies par un grand rugissement de triomphe ! Tous renouvelèrent leur serment de fidélité à Tamurkhan. Seul Sayl, retiré dans l'ombre, resta silencieux. Il réfléchissait aux conséquences de ces décisions.

CHAPITRE 2 -  TERRES DE PIERRE ET DE POUSSIÈRES

Il existe dans le monde des mortels des forces qui dépassent l’entendement. Les Vents de magie gouvernent tout et la magie provient du Chaos. Si vaste était la horde, si noire son âme et si sanguinaires ses intentions que le souffle invisible de la magie fut irrésistiblement attirée et modelée par son désir collectif. C’est ainsi que le temps et l’espace commencèrent à se distordre et se boursoufler dans le désert des Terres de Pierre, sous la seule volonté de la horde. En une lunaison, elle avait avalé des centaines et des centaines de lieues, ne laissant que cendres et dévastations dans son sillage. Les terres qu'elle traversait furent expurgées de toute vie hormis des charognards qui tournoyaient au-dessus de la horde, gorgés de la pourriture qu’elle laissait derrière elle. Jouxtant les contreforts nord-est des Montagnes Dentelées*, là où des collines de couleur rouille s’étalaient sur d’innombrables lieues, la horde de Tamurkhan connut sa première vraie bataille. La horde affronta les orques sauvages de l’Œil flétri. Ces orques enragés, souillés par la poussière de malepierre, étaient évités même par leurs congénères. En sévère infériorité numérique mais ignorant la peur, les peaux-vertes affluèrent des collines, brandissant leurs haches d’obsidienne, beuglant d’excitation meurtrière. Leurs sangliers mal-formés grognaient et rauquaient leur soif de sang tandis que leurs chamanes crachaient des malédictions derrière leur grossier masque de cuivre. La tribu orque et l’avant-garde de Tamurkhan se fracassèrent l’une contre l’autre en une gigantesque boucherie. Les épieux de fer noir percèrent la peau des orques, des nuées de flèches empennées à la va-vite abattirent rang après rang de guerriers écumants et de chevaux hennissants : la fureur répondait à la fureur. Foudroyés en vol, Gul Grog, le chef de l’Œil flétri, et sa vouivre frappèrent le sol comme une comète disloquée. Leur chef fut réduit en pulpe par les griffes du dragon du Chaos Corrasun, monté par Orhbal Vipergur. Les orques fléchirent et refluèrent au moment où Tamurkhan lança sa colonne principale dans la mêlée. Comme une déferlante, la horde du Seigneur des Vers engloutit les orques et les brisa contre le sol poussiéreux. Leur victoire acquise, la horde se chargea des corps des peaux-vertes tombées. Leur chair était dure et nauséabonde mais néanmoins bienvenue. Elle abattit les idoles grossières de Gork et Mork pour dresser à leur place des monceaux de cadavres, couronnés d’icônes et de symboles vouées à dédier le massacre aux dieux du Chaos, pour le plus grand plaisir de tous. Au moment de quitter la région, les acolytes pestilentiels de Tamurkhan empoisonnèrent les puits de leur propre souillure, promettant une mort certaine à quiconque y boirait à l’avenir.

Le destin parle à Ashshair

La horde se fraya un chemin sanglant le long du flanc Est de la monumentale chaîne de montagnes, voyageant plus au sud que quiconque en son sein ne l’avait jamais fait. Sous les exhortations rauques de son maître corrompu, chevauchant sa monture colossale, elle progressait sans relâche. Ils passèrent sous les mythiques ruines suspendues d’Urgriht. Les débris des tours abattues de la forteresse de l’Aube du monde tourbillonnaient et se fracassaient au-dessus de leurs têtes alors que des éclairs céruléens parcouraient les ruines célestes dans une danse destructrice sans fin. La horde traversa ensuite les contreforts escarpés de Shem’ash habités par les hommes-bêtes au dos voûté et à l’allure caprine. Ceux-ci, accompagnés de leurs congénères minotaures, surgirent furtivement du noir pour rejoindre la horde. Les chamanes homme-bêtes et les chefs Gors, vieux ennemis des Ogres des Montagnes des Larmes et de l’Empire Céleste à l’est, avaient de nombreuses connaissances sur les terres que souhaitait parcourir Tamurkhan. Ils réclamaient la mort de leurs ennemis comme une bénédiction de leur nouveau seigneur, mais les dieux rappelèrent à Tamurkhan qu’il ne pouvait pas s’éloigner de son chemin. Les Hommes-Bêtes suivirent leur nouveau seigneur, mais ils saisirent toutes les chances d’attaquer leurs ennemis ancestraux. Lorsque la horde atteignit les contreforts des montagnes, des tribus d’hommes-bêtes alliés aux forces de Sayl le Parjure quittèrent la horde pour partir à la recherche de la Tour d’Ashshair. Cette tour de guet était un avant-poste de Cathay au milieu des Terres de Pierre. Sayl avait entendu parler de la puissance ancienne des hommes au-delà du Grand Bastion et il était avide de découvrir leurs secrets. Quittant la horde, il mena ses partisans dans un assaut vers l’est.
Cette haute tour construite en jade magique était presque imprenable sur son promontoire rocheux surplombant l’ancienne Route de la Soie. Cette route menait vers les portes du Grand Mur au sud-est, et vers les cols de montagne des Royaumes Ogres à l’ouest. De cette tour, les serviteurs de l’Empereur du Dragon Éternel observaient la route et les présages et pouvait anticiper d’éventuelles menaces. Ils étaient prêts à recevoir Sayl et ses suivants. Les guerriers de l’Orient se tenaient fermement derrière des fortifications sur plusieurs niveaux qui encerclaient le contrebas de la tour. Dans leurs lignes il y avait des canons de bronze à la bouche grinçant, des chiens de temple en pierre animée et des hommes-corbeaux, prêts à écraser l’ennemi dans leurs serres de granit.
Prudent face aux compétences et aux engins de guerre de cet ennemi inconnu, Sayl convainquit les chefs des Hommes-Bêtes de commencer un assaut nocturne – tactique en laquelle ils étaient experts. Les forces du Parjure, comprenaient notamment une douzaine de mammouths de guerre qu’il avait détaché de la colonne principale pour l’attaque. Il planifiait de les garder en réserve jusqu’à ce qu’il y ait une brèche dans les défenses et qu’ils puissent l’exploiter.
Dès le début, l’attaque s’engagea mal pour les forces du Chaos. La horde braillante des Gors, des Ungors, des Minotaures et d’autres créatures du Chaos s’élança dans l’obscurité. Soudain, les cieux au-dessus d’eux furent déchirés par des explosions de lumières vertes et blanches transformant la nuit en un festival d’apparitions de silhouettes spectrales qui tournaient et rugissaient en une folle parade. Les canons de Cathay crachèrent des volées de javelots de bronze qui s’abattirent sur les Hommes-Bêtes. Ces projectiles étaient accompagnés par une pluie incessante de carreaux d’arbalètes acérés qui abattaient des centaines d’assaillants en un instant. Cependant, la fureur des fils du Chaos ne vacilla pas et, en quelques minutes, la marée bondissante avait atteint le mur extérieur incité par le fouet et les cris de leurs seigneurs et de leurs chamans. Nombreux furent ceux qui commencèrent à escalader la haute muraille du bastion extérieur avec leurs mains griffues. La pousse soudaine de vignes noires déformées provoquée par les incantations des chamanes vint les aider. Face à la porte extérieure, des Ghorgons aux bras multiples, frappaient les portes avec des troncs d’arbres pétrifiés. Ils se retiraient ensuite estropiés et agonisants lorsqu’un Shugengan, sorcier au sang de dragon, leur lançait des boules de feu blanches ou des blizzards de glaces meurtriers. En dépit de leurs pertes, les hommes-bêtes poussés par leur fureur primale submergèrent le mur extérieur. Bien que largement surpassés en nombre, les guerriers de l’Orient résistèrent vaillamment. Leurs bannières vert émeraude vacillaient tandis que leurs longues lames d’acier traçaient une danse rouge à travers la chair de leurs ennemis. Une par une, les bannières de Cathay tombèrent. Le bâtiment fortifié sous la tour fut pris et les hommes-bêtes hurlèrent leur triomphe et se gorgèrent de la chair des morts.
Sayl le Parjure surveillait la bataille du haut de son mammouth de guerre. Sayl retint ses troupes malgré les supplications des chefs Dolgan et des champions exaltés qui suivaient sa bannière. Les guerriers grommelaient de colère de voir cette gloire leur être refusée. Ils étaient forcés d’observer une victoire cueillie par d’autres - des Hommes-Bêtes en plus ! Mais ils se retenaient encore, car Sayl avait promis de donner les âmes de ceux qui le défieraient aux moissonneurs du Vide, et tous savaient que de telles menaces étaient loin d’être des vantardises. Sayl ressentait que les vents éthériques étaient attirés par un vortex qui allait s’intensifiant renforcé encore par le sang versé dans la bataille. À l’apogée des réjouissances sanglantes des Hommes-Bêtes au pied de la tour, les illusions rougeoyantes dans les cieux s’éteignirent laissant la place à un noir profond. Une seule étoile brillante allait grossissant. À voix haute, Sayl et les autres sorciers du Chaos présents cherchèrent frénétiquement à abjurer le sort qui allait s’abattre sur le champ de bataille. Sayl savaient déjà qu’une telle magie avant peu de chance d’être dissipée. L’étoile brûlante marquée de la rune de la magie Céleste tomba du ciel comme une comète. Elle frappa durement le centre de l’enceinte de la forteresse. Le souffle de l’explosion ébranla la terre et un flash aveuglant de pouvoir qui força même les mammouths de guerre à ruer et mugir de douleur. Dans la forteresse, tout n’était que carnage. Des dizaines d’Hommes-Bêtes et Minotaures furent incinérés en un instant. Seules restèrent quelques-unes de leurs ombres comme imprimées sur les murs. Les membres survivants de la harde chancelaient, aveugles et brûlés par le feu céleste. Aucun répit ne leur fut accordé : la contre-attaque était déjà lancée. D’étranges créatures de pierre vivante descendirent des murs de jade de la tour et surgirent du sol comme s’ils surgissaient de l’eau. Les Hommes-Bêtes devinrent leurs proies. Encerclés et pris au piège, ils furent bientôt engloutis. Sayl observa avec sa vision de sorcier et une sombre fascination de puissants Minotaures balayés comme des fétus de pailles par les statues d’onyx vivantes mi-homme mi-oiseau. De nouveaux guerriers de Cathay armés de longues lames et de hallebardes incurvées surgirent également de la tour pour rejoindre la mêlée. Furieux et amer que son dû lui échappât si facilement, Sayl lança de puissantes magies de son cru et envoya des ouragans et des éclairs malveillants pour gêner l’ennemi et tenter de disperser ses vengeurs ailés. Il ne pouvait pas faire plus que couvrir la retraite des Hommes-Bêtes survivants. D’un geste dédaigneux de sa main griffue, Sayl ordonna la retraite. Les Dolgans, irrités mais intimidés par l’ouragan magique qui couvrait à présent la tour, lui obéirent.
Sayl était venu à Ashshair pour tester la puissance de l’Orient, et il n’avait pas été déçu de la démonstration… Il était maintenant étreint par l’humiliation de la défaite et la rancœur rongeait son âme impure. Il jura de se venger, même si ça devait lui prendre des décennies. Pour le moment, il devait expliquer à Tamurkhan pourquoi il avait gaspillé des milliers de guerriers hommes-bêtes pour un si petit bénéfice.

La route la plus sombre

La grande horde de Tamurkhan, le Seigneur des Vers, se continua sa route vers les terres qui bordaient les Collines Fantômes. Ces landes lugubres et désolées s’étendaient sur de nombreuses lieues du côté oriental des anciennes Terres des Géants dont les sommets étaient encore plus hauts que ceux des fabuleuses Montagnes des Larmes qui dominaient l'horizon. Ces sommets, nommés parfois Ruines des Titans Célestes, étaient connus dans certains textes traditionnels du Chaos et portaient de nombreux noms différents. C’était là que Tamurkhan souhaitait se rendre. Il comptait trouver là-bas les outils nécessaires à sa future conquête de l'Empire des Hommes comme il l'avait aperçu dans les songes dérangés qui lui avaient été donnés dans le Royaume du Chaos. Dans sa précipitation et sa fierté, Tamurkhan chercha à traverser les Collines Fantômes pour  atteindre au plus tôt les Terres des Géants. D’autres voyageurs moins imprudents préféraient s'aventurer plus au sud dans les déserts vitrifiés séparant les montagnes du Grand Cathay et parcourus par la route de l’Ivoire. L’itinéraire n’était pas non plus dépourvu de danger, mais il était préféré à un voyage dans ses étranges collines.
Les Collines Fantômes elles-mêmes n'étaient pas simples à franchir. Elles abritaient les restes d’empires et de royaumes disparus dans les siècles passés. Les morts ne se reposaient pas toujours dans leurs sépultures et la végétation même, pâle et brillante, fleurissait de nuit et produisait un poison mortel. Pis encore, la présence de la grande horde qui piétinait et ravageait les collines semblait éveiller tous les périls et tous les esprits malins qui reposaient là, et c'était comme si la terre même se révoltait contre eux. Pour la première fois, la horde ralentit réellement. Elle fut contrainte par le terrain à se diviser en centaines de petits groupes comme les affluents d'un grand fleuve. Des fantômes et des feux follets accompagnaient leur avanvée. Les chemins traversaient des tourbières pleines de cadavres qui semblaient s'accrocher aux hommes et aux bêtes. Les chemins peu sûrs qu’ils suivaient s’arrêtaient souvent sans prévenir. D'étranges brumes s'élevaient et disparaissaient aussitôt et des bandes ou des parties de chasse entières, fortes de centaines de guerriers, disparaissaient sans laisser de traces dans ces labyrinthes rocheux. Un danger plus classique, mais non moins menaçant, se présenta bientôt. On ne trouva plus de viande et d'eau qui fûssent sûres de consommer - même pour les estomacs malades des disciples de Nurgle. La famine menaçait la horde. Bientôt des dissidents murmurèrent que Tamurkhan les avait amenés dans un lieu maudit, et les anciennes légendes du Chaos donnait du sens aux formes étranges qui se cachaient dans la brume : elles n’avaient qu’un seul œil brûlant. Contre l’indiscipline croissante, Tamurkhan et ses chefs rétablirent l'ordre par le fouet et des représailles sanglantes. Les corps des dissidents et des faibles remplissaient les nombreux ventres affamés de la horde. Inébranlable, Tamurkhan les pressa sans relâche et refusa de livrer bataille à un ennemi invisible et insaisissable. Les Collines Fantômes finirent par être franchies et de vastes montagnes enneigées s’élevèrent bientôt devant eux. Après de longues peines, les anciennes terres des Géants les appelaient.

Une moisson de titans

Attrape-géantsLa horde, affaiblie de quelques milliers d'âmes par son passage dans les Collines Fantômes, entra dans les hautes vallées montagnardes où elle lutta contre les avalanches subites et le vent glacial. Sur les hauteurs, elle retrouva la Route de l’Ivoire. En suivant cette route qui tournait au sud et à l'ouest le long d’une vallée escarpée, ils tombèrent sur les ruines de l'une des cités fabuleuses des Titans Célestes. Des piliers cyclopéens de granit montaient aussi haut que les montagnes elles-mêmes. C’étaient les fondations de villes s’élevaient jadis dans les cieux. Le temps et l’érosion avaient depuis longtemps réduit ces châteaux en ruines, et des animaux énormes et archaïques – Rhinox, Razortusks, Stonehorns et élans - étaient abondants tout comme l'eau douce. La horde se dispersa rapidement pour chasser et dissiper les spectres de la faim et de la soif qu'elle avait endurée. La horde s'arrêta pour la première fois depuis l'Arbre aux potences et construisit une foule de campements dans l'ombre des ruines gargantuesques, s’autorisant pour la première fois une période de repos et de récupération. Ils avaient déjà parcouru des milliers de lieues dans un laps de temps incroyablement court pour des mortels, mais là où il y avait la volonté du Chaos, ces choses comptaient peu. Les faibles et les malchanceux étaient restés au bord du chemin, et les élus, les forts et les fidèles avaient résisté. De grands autels furent élevés pour les dieux du Chaos, chacun selon son désir et sa mesure. Des sacrifices de morbidité, de massacre ou de débauche étaient organisés, comme cela convenait à chaque Puissance tutélaire. Des démons dansaient dans l'ombre des feux des célébrants.
L'arrivée d'une si grande horde, forte de dizaines de milliers d’individus dans cette terre sauvage et inhospitalière ne passa pas inaperçue. Des géants habitaient encore ici en nombre inconnu par ailleurs. C’étaient des créatures semblables à l'homme mais lentes et colossales en stature, dépassant parfois la dizaine de mètres de haut. De tempérament belliqueux, ils avaient une faim correspondant à leur taille et attaquèrent les extrémités de la horde, à un contre cent, mugissant et brisant hommes et bêtes en projetant des morceaux de maçonneries antiques depuis des hauteurs ou chargeant à travers les campements comme des sangliers enragés à travers un troupeau. La légende disait que c’étaient les ancêtres de ces Géants - plus puissants en force et plus vif en esprit - qui avaient construit ces villes aujourd’hui en ruines, lorsque le monde était jeune. Ils avaient combattu d'anciens empires disparus avant d’être réduit à l’ombre de leur puissance passée. Les Ogres brisèrent finalement leur royaume autrefois invincible. Les géants de Tamurkhan, mutés et sauvages, venaient des montagnes des Désolations du Chaos, mais ils étaient trop peu nombreux pour servir son plan. L'ordre de Tamurkhan était simple et il ne souffrait d’aucune désobéissance : les assaillants ne devaient pas être tués, mais pris vivants et soumis par force ou par sorcellerie - peu lui importait. À ceux qui ne se laissaient pas attraper de force, il avait opté pour d'autres moyens. Des émissaires (souvent réticents) avaient été envoyés pour les convaincre - pas par la menace, car les géants s'en souciaient peu et ne répondaient qu'avec violence -  mais par des promesses de butins futurs, de festins et d’alcool forts. D'autres étaient appâtés par des cadavres empoisonnés à l'aide des philtres nauséabonds des cultistes de Slaanesh. Ils les droguaient ainsi jusqu’à ce qu’ils deviennent aussi doux que des nouveaux-nés. D’autres enfin entendaient le chant noir de shamans Hommes-Bêtes et rejoignaient les hardes. En une lune, Tamurkhan avait recruté près d'une centaine de Géants : certains volontairement, d'autres liés par une sorcellerie impure et des parchemins de domination qui les soumettaient à la volonté de Tamurkhan.

Tamurkhan contesté

Bientôt le temps devint un ennemi ; car aussi puissant que fussent la volonté et les désirs de la horde, ils devaient traverser les Montagnes des Larmes d’est en ouest, et les hauts sommets montraient déjà les signes annonçant un hiver rude. Même le gibier abondant dans la large vallée s’amenuisait face aux besoins en ravitaillement. La horde allait emprunter la Route de l’Ivoire qui était le seul chemin accessible pour un si grand nombre d’hommes puisse traverser les montagnes. Cela les obligerait à traverser les Royaumes Ogres, et les amènerait au cœur du royaume de Graissus Dent d’Or, l’Archityran des Royaumes Ogres. Les guerriers et les Champions du Chaos étaient impatients de se frotter à un ennemi aussi puissant dont la renommée avait même atteint les Désolations du Chaos. Tamurkhan était ravi de pouvoir se frayer un chemin à travers les Royaumes Ogres si nécessaire en détruisant tout sur son passage pour la gloire des dieux sombres. Il envisageait aussi de marchander. S’il pouvait vaincre l’Archityran, un grand nombre de tribus de mercenaires Ogres afflueraient sous sa bannière après une telle démonstration de force.
Au lieu de cela, un étrange coup du sort ridiculisa Tamurkhan, et ruina ses plans. Ses éclaireurs lui rapportèrent que plus loin dans les Montagnes des Larmes le chemin qui suivait se terminait sur une paroi rocheuse infranchissable comme coupé par une immense hache. Tamurkhan fulminait et tuait ceux qui lui rapportaient de telles nouvelles. Il conduisit lui-même la horde jusqu’au moment où il fut forcé d’admettre la vérité – là où le large chemin passait depuis des temps immémoriaux, il n’y avait plus que les rochers escarpés de la montagne.
Tamurkhan, obstiné, croyait à une illusion d’origine magique, mais ses sorciers ne pouvaient pas la détecter, et encore moins défaire un si puissant sortilège. Ceux qui envoyèrent leur esprit parcourir les vents de magie pour découvrir la vérité reculèrent face au toucher froid et avide de quelque chose de beaucoup plus vieux et plus sombre que la magie des mortels. Sayl le Parjure murmura à ceux qui voulaient bien l’écouter que les esprits des montagnes se riaient de Tamurkhan et méprisaient son impertinente vanité. La révolte éclata de nouveau, et des combats éclatèrent entre les fidèles du Seigneur des Vers et ceux qui suivaient d’autres maîtres. Tamurkhan lui-même dut prendre part aux combats sur le dos de Bubebolos pour rétablir l’ordre, écrasant ceux qui le contredisaient sous les pattes de sa monture. Ce fût Orhbal, le chevaucheur de dragon, qui, bravant la colère des Wyrms de Glace et des Manticores dans les hauteurs glacées, trouva un nouveau chemin pour la horde. Il aperçut une route qui quittait la vallée qui menaçait maintenant d’enfermer Tamurkhan et son ost comme dans les mâchoires d’un piège.
Loin au sud, les parois de la vallée cédaient la place d’une trouée large et sinueuse menant à un vaste plateau rocheux, qui lui-même, débouchait sur un  torrent s’écoulant à l’ouest dans un lac noir de suie.
Mais pour atteindre cette brèche, il fallait d’abord traverser le défilé. Orhbal révéla qu’il était parsemé de bannières en lambeaux et de trophées macabres, tous marqués du signe de la Gueule et d’un poing sanglant. En s’approchant, il aperçut dans les grottes surplombant le ravin des Ogres ventrus en pleine agitation, et il fut accueilli par une volée de gros morceaux de ferrailles lancés par des engins de guerre camouflés. Certains étaient munis de traits barbelés et de grandes chaînes destinées à le faire tomber de sa monture. Les Ogres attendaient la horde là où la passe se rétrécissait et où sa supériorité numérique ne lui serait que peu utile face à une résistance déterminée.
Il n’y avait pas d’autre chemin à emprunter. Ils n’y avaient pas le choix, il fallait abandonner le projet de traverser les Montagnes des Larmes en passant par la route de l’Ivoire et se frayer un nouveau chemin. Tamurkhan rassembla ses chefs et leur annonça son ordre : la horde marcherait vers le sud.

La bataille de la passe

Dès le premier jour de marche vers le sud, l’avancée de l’ost fut surveillée par les habitants de ces hautes montagnes. C’était la terre des Ogres – des créatures féroces, brutales, intolérantes aux intrus et habituées à lutter contre la myriade de bêtes des montagnes et contre les étrangers humains, peaux-vertes et bien pire. Le sud de la haute passe était sous le contrôle de l’intraitable tribu du Poing Rouge, l’un des plus puissants royaumes Ogres dans cette partie des montagnes, sous l’emprise du Tyran Ogre Karaka Brisemontagne, un seigneur de guerre dont la force prodigieuse avait fait sa renommée parmi les siens et pourvu d’un soupçon d’intelligence, chose que l’on ne trouvait pas couramment dans sa parenté. Le Poing Rouge n’allait pas rester inactif et permettre à la horde de Tamurkhan de passer sans combattre. Le tribut en sang serait lourd.
Lorsque l’avant-garde de la horde atteignit le défilé entre les deux montagnes, les cavaliers Kurgan furent stoppés par un mur grossier construit à la hâte avec des blocs de pierres. Le chemin était couvert de chausse-trappes et d’autres pièges vicieux. En approchant plus près de la barrière, ils furent bombardés de pierres, d’énormes lances et de volées de ferrailles venant des sommets, et furent bien vite mis en déroute. Des troupes plus lourdes furent immédiatement envoyées – les Guerriers du Chaos recouvert d’acier d’Alvas Hurl, les cultistes hurlants et vérolés et même des vagues de Rejetons du Chaos, menés par les aiguillons de leurs maîtres et poussés à des paroxysmes de sauvagerie par les instruments démoniaques. Aucun ne parvint cependant à forcer le passage. Même si la horde de Tamurkhan surpassait les Ogres à un contre cent, l’étroitesse du défilé les empêchait de déployer plus d’une vingtaine de guerriers à la fois.
Les affrontements durèrent plusieurs heures sans que les défenses Ogres ne fussent ébranlées. Chaque brèche était comblée par une solide muraille de muscles et de fer. Bien vite les corps des victimes s’entassèrent si haut qu’ils menaçaient de dépasser la grossière défense des Ogres. Des Gnoblars aux yeux pétillants – la race dégénérée de peaux-vertes qui servait les Ogres – fouillaient frénétiquement la pile de cadavres et utilisaient les corps en armure et tout ce qu’ils pouvaient trouver d’assez solide pour élever la barrière aussi haut que possible, alors même que la bataille faisait rage autour d’eux.
Tamurkhan pesta de nouveau devant ce contretemps. Cependant, contrairement à la montagne qui avait stoppé son avancée au nord, c’était là un ennemi qu’il pouvait maîtriser et détruire. Il observa attentivement les combats à partir d’une plate-forme rocheuse surplombante. Chaque fois que ses guerriers semblaient être sur le point de briser le mur, un énorme chef Ogre, une créature dont l’immense embonpoint surpassait même les guerriers déjà ventrus autour de lui, se précipitait dans la brèche et redonnait l’avantage aux Ogres. De nombreux champions du Chaos et leurs guerriers étaient maintenant allongés morts aux pieds du Tyran et de ses gardes du corps.- des brutes épaisses portant d’énormes couperets noirs - brayant et levant avec défi leurs poings rouges du sang de leurs victimes. À cette vue, Tamurkhan jura de tuer personnellement le Tyran. Rassemblant sa propre bande de fils de Nurgle, il dirigea les efforts de ses sorciers contre la forteresse improvisée au plus proche de l’endroit où se tenait le Tyran Ogre. La portion correspondante fut rapidement réduite à l’état de pierres pulvérisées par les projectiles magiques. L’air était lourd, imprégné de fumées et de vapeurs corrompues, et avant même que la poussière ne disparaisse, Tamurkhan pressa sa puissante monture en avant. Il chargea le mur en rugissant de défi.
La montagne trembla et le bruit des bris de roches retentit dans le canyon. Des hauteurs, une nouvelle vague de lances et de lames brisées s’abattit sur la marée corrompue qui se ruait tête la première vers la brèche, entonnant joyeusement des cris de guerre de leur voix  dévastée par la maladie. Les sorciers lançaient leurs sortilèges et les Bouchers Ogres répliquaient avec leurs incantations gutturales jusqu’à ce que l’air crépite magie noire. Le sol trembla sous le piétinement  assourdissant d’un millier de bottes. Des rochers s’abattirent sur les armées en contrebas dans l’étroite vallée. Ils écrasaient indifféremment des guerriers des deux camps. La poussière soulevée par ses avalanches était si épaisse qu’elle cachait quasiment le soleil. Presque invisibles dans le nuage de poussière, les guerriers du Seigneur des Vers s’abattirent dans la brèche. La fortification était recouverte de cadavres. Dans la confusion, les deux camps pouvaient même s’entre-tuer. Après plusieurs minutes d’assaut qui parurent s’éterniser, les lignes s’écartèrent l’une de l’autre. Aucun des deux camps n’avait cédé malgré les pertes. Les incantations furent les dernières à cesser et les échos de la dévastation s’atténuèrent lentement pour laisser place aux cris des blessés et des agonisants.
Dans le nuage de poussière, une forme immense commença à se dessiner. La tête couverte de verrues de Bubebolos émergea en premier suivit par l’immense corps purulent du Dragon-Crapaud. Les écailles de la créature bouffie ruisselaient tandis qu’il traînait sa carcasse gargantuesque sur le sol pierreux. Tamurkhan examina la scène du haut de sa selle. Avant que ses ennemis ne comprennent ce qui arrivait, Bubebolos était déjà sur eux. La masse considérable du monstre repoussa facilement les quelques rochers restants et renversa ce qui restait du mur des Ogres. La puissante créature releva sa tête verruqueuse. Il ouvrit sa mâchoire et vomi un large jet de liquide corrompu qui attaqua la chair d’une douzaine d’Ogres et en fit paniquer une autre douzaine qui trébuchèrent dans leur hâte.
Bubebolos et les restes dissous de ses victimes exsudaient une odeur fétide. Peu de personnes, si ce n’est aucune, ne pouvaient soutenir une telle horreur et même les Ogres semblèrent momentanément stupéfaits. Mais les Ogres sont habitués à se régaler des chairs les plus répugnantes et ils se regroupèrent rapidement pour tenir leur position. À leur tête se tenait leur chef dont la grande hache qui atteignait quasiment la taille d’une charrette, avait déjà prélevé un lourd tribut parmi les plus puissants guerriers de Tamurkhan. Dépassant les plus grands de ses compagnons d’une tête, Karaka Brisemontagne leva sa hache poisseuse de sang et lança un défi. Sa bande y répondit en se ralliant à lui. Bientôt toute l’armée Ogre, qui hésitait quelques instants plus tôt, se retourna pour affronter l’ennemi et se battre encore.
Tamurkhan gronda tandis que le Tyran Ogre l’insultait dans sa langue. Leurs regards haineux se croisèrent.
L’Ogre s’avança et défia Tamurkhan, dans la langue gutturale du Chaos, de l’affronter en personne plutôt que de laisser le Dragon-Crapaud se battre à sa place. La fierté de Tamurkhan venait d’en prendre un coup, et bien que Bubebolos pût facilement piétiner l’Ogre et en finir avec son ennemi, Tamurkhan savait que les yeux de ses guerriers et de ses champions étaient rivés sur lui et qu’ils avaient entendus le défi du Tyran. Il était vraiment rusé pour un Ogre et ne montrait aucune faiblesse.
« Qu’est-ce que cette brute peut face au pouvoir d’un puissant élu béni par Père Nurgle ? » pensa Tamurkhan .
Dégainant sa sombre lame runique, Tamurkhan descendit du dos du Dragon Crapaud et s’avança pour relever le défi de son ennemi tandis que l’ost du Chaos rugissait son approbation. Les deux armées se retirèrent tandis que Tamurkhan et le Tyran Ogre s’approchaient l’un de l’autre. Ils commencèrent par se tourner autour – chacun cherchant une ouverture pour attaquer. L’Ogre surplombait le seigneur du Chaos cadavérique à l’armure rouillée qui semblait fragile en comparaison. Pourtant même un Ogre pouvait sentir la puissance émaner du champion de Nurgle et il n’approcha son ennemi qu’avec prudence.

L’Ogre porta le premier coup : un large coup de hache que Tamurkhan esquiva avec une facilité déconcertante. Le champion se retrouva soudain pris au dépourvu lorsque l’Ogre, avec une habileté imprévue, inversa la trajectoire et envoya le pommeau de cuivre de sa hache vers la tête de son adversaire avec une force prodigieuse. Tamurkhan cilla à peine à l’impact qui fracassa son heaume. Il riposta avec un enchaînement sauvage de frappes contre la chair exposée de son immense ennemi. Blessés tous les deux, les combattants se séparèrent un moment. Puis le combat reprit : la grande hache dessinait des arcs mortels tandis que la lame runique de Tamurkhan frappait et tailladait son ennemi. Autour d’eux les Ogres et les Guerriers du Chaos encourageaient leur champion. Les minutes passaient et aucun des deux protagonistes, à présent en sang, n’avait pris le dessus. Tamurkhan vit une opportunité lorsque la hache de son ennemi resta momentanément coincée dans la cuirasse du cadavre d’un chevalier du Chaos. Braillant une prière à son sombre maître, Tamurkhan lança sa lame noire tout droit dans l’œil de son adversaire. Telle une flèche, l’épée pénétra profondément la tête. L’Ogre tituba maladroitement en arrière et laissa tomber sa hache en agitant ses bras comme s’il repoussait une guêpe furieuse. L’Ogre ne tomba pas et Tamurkhan se précipita pour délivrer le coup de grâce. Karaka Brisemontagne n’était pas mort : il chargea son ennemi à une vitesse fulgurante, son immense bedaine armurée percuta le Seigneur du Chaos et l’envoya rouler au sol. Tamurkhan esquiva sur la gauche l’écrasement de l’ogre et, sonné, il se releva. Ses os brisés grinçaient à l’intérieur de son corps flétri, il ne put s’échapper lorsque l’Ogre l’attrapa par l’épaule et l’écrasa face contre terre. Un profond gémissement vint de l’ost du Chaos en voyant leur maître tomber.
L’Ogre se mit à califourchon sur Tamurkhan et lui arracha sa lame runique qu’il brisa en deux. Il saisit ensuite le bras levé du Seigneur du Chaos qu’il déchira au niveau du coude comme le ferait un homme avec une aile de poulet. Le membre mutilé remuait dans tous les sens comme s’il essayait toujours de repousser son ennemi. Le Tyran chercha à reprendre sa respiration, émettant un bruit roque. Du liquide noir jaillit du membre brisé de Tamurkhan et atteint sur la créature en pleine face. L’Ogre rugit et s’essuya le visage. Ce liquide nauséabond n’était pas du sang mais un flot de Vers des Tombes. L’Ogre recula en se griffant les yeux et la bouche, il enlevait par poignées les abominables vers qui pénétrait dans son corps par les plaies ouvertes de son visage. Désarticulé comme une marionnette dont on vient de couper les fils, Tamurkhan arracha son heaume brisé et derrière le masque de chair, la véritable forme du Seigneur des Vers apparut. Le corps du Seigneur du Chaos qu’il avait volé lors du massacre de Zanbaijin n’était plus qu’une coquille vide et brisée, comme la mue d’un serpent. La chose-ver se déroula et bondit sur le Tyran qui se débattait. En une seconde, elle s’était enfoncé dans la chair de la gorge exposée et le Tyran tomba à la renverse tel un arbre abattu.
Les guerriers du Chaos sont favorisés par les dieux comme aucune autre race. De telles faveurs accordent souvent des pouvoirs démoniaques inimaginables pour le commun des mortels. Même pour eux, l’anéantissement de Tamurkhan et de son ennemi était loin qu’être commun. Tous ceux qui regardaient se tenaient silencieux tandis que le ciel s’obscurcissait d’un vert fétide et que le champ de cadavres commençait à s’agiter. La pourriture y fleurissait et exhalait des vapeurs ambrées délétères. L’immense corps du Tyran sembla onduler et frémir de l’intérieur pendant un moment, puis tout s’arrêta soudain. Tamurkhan, le Seigneur des Vers, ouvrit les yeux et aspira de grandes gorgées d’air, remplissant les poumons ravagés de l’Ogre comme s’il venait de naître pour la première fois. Il se releva sur ses pieds larges et ses jambes musclées et se tint un moment maladroitement campé et légèrement vacillant. Il fléchit les bras et étira les puissants muscles de chaque côté de son cou épais. Peu à peu, il se stabilisa. Il fit un premier pas en avant. À ce moment, un puissant rugissement vint de l’ost du Chaos. Quant aux Ogres, certains avaient déjà commencé à fuir, escaladant les rochers à une vitesse étonnante tandis que ceux qui se battaient encore furent vite submergés. De nombreux Ogres de la tribu du Poing Rouge étaient interdits par la tournure prise par les évènements. Cette créature était-elle leur chef ou leur ennemi ? Quelques-uns furent tout simplement impressionnés par la victoire du Seigneur des Vers et s’agenouillèrent, soumis à leur nouveau et terrible maître.
Tamurkhan ramassa alors les restes brisés de sa lame runique qui semblait minuscule entre ses mains monstrueuses et la jeta de côté. Il prit la hache du Tyran et la brandit tandis que, tout autour de lui, la horde acclamait la victoire et Tamurkhan. Ce dernier hurla également son triomphe de la voix sauvage qui était maintenant la sienne. La route vers l’ouest était ouverte.

Les marqués
Lorsque les Ogres de la tribu du Poing Rouge furent vaincus par la horde de Tamurkhan, un grand nombre d’entre eux se soumirent à la volonté du Seigneur des Vers et rejoignirent son ost en s’offrirant corps et âmes au Chaos. Tamurkhan qui occupait la carcasse de leur ancien chef, dirigea une série de rituels et de festins maléfiques qui scellèrent leur destin. Bientôt, leurs corps se couvrirent de toutes sortes de plaies et de maladies. Leur calvaire ne cessa que lorsqu’ils embrassèrent Nurgle comme leur dieu tutélaire. Bataille après bataille, ils écrasèrent et dévorèrent leurs ennemis en hommage au Seigneur de la Corruption. Ceux qui survécurent devinrent de plus en plus affectés par les mutations et les stigmates de la corruption jusqu’à devenir à peine identifiables comme des ogres.

CHAPITRE 3 : PACTES DE SANG ET DE NOIRCEUR

Ceux de la horde qui ne partageaient pas la foi en Nurgle se tenaient prudemment à l’écart des pestilences venant du campement de leur chef du moment. Anticipant les landes désertes qui les attendaient, ils s’établirent plutôt dans les collines alentours pour y traquer les bêtes sauvages qui y rôdaient et s’en nourrir. Témoignant de la faveur que les dieux sombres accordaient à Tamurkhan, ils revinrent à lui lorsque l’année commença à décroître et qu’il les rappela. La plupart revenaient avec réticence mais l’appât de la gloire à venir était encore trop fort pour se détourner du Kurgan.
L’hiver avait vu l’ost du Chaos se frayer un chemin le long d’une rivière à l’eau grise, avalant lieue après lieue de collines arides sises entre les montagnes au nord et le labyrinthe de la Forêt Hantée au sud. Ils avaient affronté des hordes de Gnoblars, des scorpions géants de la taille d’une tour et plus d’une tribu d’ogres qui durent être successivement défaites, repoussées ou intimidées. Bénéficiant de champs de bataille plus dégagés qu’avant, aucune ne constitua un danger supérieur à celui de la tribu du Poing Rouge. Les batailles avaient été glorieuses et l’ennemi valeureux, et bien des guerriers du Chaos connurent les bénédictions de leurs dieux en se transfigurant, récompense de leurs prouesses et du sang versé. Mais d’autres, moins chanceux, grossissaient les rangs des Rejetons du Chaos qui se bousculaient au centre de l’ost, autour des autels aux dieux sombres portés à dos de bêtes. La horde du Seigneur des Vers avait atteint la vaste rivière de la Ruine qui leur barrait le chemin du nord au sud, marquant la frontière des Terres Sombres. À ce moment, il restait peut-être un peu plus de la moitié des guerriers Kurgans qui s’étaient ralliés à la bannière de Tamurkhan après Zanbaijin. Sa force comptait ses guerriers par milliers, désormais grossie des Hommes-Bêtes, de Géants ainsi que d'Ogres, pour la plupart horriblement déformés.
Tamurkhan s’était fait un plaisir d’amener dans son camp les Ogres de la tribu du Poing Rouge qui lui avaient fait allégeance maintenant qu’il incarnait littéralement la dépouille de leur Tyran tué. Il les intronisa ainsi dans la voie du Grand-père de la peste. Grands furent les changements en eux. Même la résistance naturelle de ces créatures à la marque du Chaos ne fut pas suffisante pour leur protéger d’une telle corruption. Des régiments entiers d’ogres du Chaos combattaient pour Tamurkhan. Le corps volé de ce dernier avait pourri et son visage n’était plus qu’une masse informe de chairs affaissées crevée d’une unique corne tordue. C’est cette silhouette boursouflée, chevauchant comme à son habitude son Dragon-Crapaud, qui s’installa sur la rive de la rivière polluée comme un défi à l’empire de Zharr. Il observait la Forteresse Noire des nains du Chaos plantée comme une dague d’obsidienne dans les cieux rougeoyants et enfumés.

Les fils du feu

Sur la rive ouest du fleuve, Lord Drazhoath le Cendré, maître de la Forteresse Noire, avait installé son armée au seul endroit permettant à une force aussi grande que la horde de Tamurkhan de traverser les Terres Sombres sans faire un long détour. Depuis l’autre rive, les nains du Chaos déployés sur plusieurs rangs apparaissaient comme des masses trapues et compactes, protégés de la tête aux pieds par des épaisses armures de plaques ornées et noircies. Leurs armes étrangement décorées battaient contre leurs boucliers de bronze en rythme. Tout au long de leurs lignes se trouvaient des batteries de cauchemar, des canons démoniaques et des mortiers à la gueule béante. Sur les flancs de l’armée, de grandes bandes de soldats esclaves hobgobelins se recroquevillaient sous le regard cruel de leurs surveillants, prêts à être utilisés comme des boucliers de sang et d'os pour leurs maîtres insensés.
Tamurkhan savait qu'il pouvait traverser de force, même contre la fureur des nains du Chaos de Zharr Naggrund, mais le coût en serait sûrement élevé. De son côté, Drazhoath n’ignorait pas qu'il faisait face à une bataille telle que la terre de Zharr n’en avait pas vu depuis des temps immémoriaux. Il avait calculé que ces chances de victoire étaient faibles. Pourtant, même face à une défaite certaine, le Seigneur Drazhoath n'avait pas peur. Il appartenait à la une race la plus fière et la plus têtue du monde. Il était le chef de la puissante Forteresse Noire qui marquait la frontière des terres dominées par les Nains du Chaos et son rôle était de combattre et de mourir avec haine contre les ennemis de Zharr Naggrund. Bien que la mort et la destruction fussent inévitables, il ne déshonorerait pas les Nains du Chaos de Zharr ni ne braderait l'héritage d’Hashut, le Père des Ténèbres. Peut-être que tous envisagèrent au début une autre possibilité que la destruction mutuelle, mais d'abord la fierté et les désirs des Dieux Noirs devaient être satisfaits. Il y aurait du sang.
Pendant de nombreuses heures, la marée du Chaos s'écrasa sur l'armée des seigneurs de Hashut.  Vagues après vagues, la horde s'avança vers la mince ligne des nains du Chaos pour être abattue sous une grêle de flèches et de coups de feu. D'étranges projectiles jaillirent des rangs des Nains du Chaos et tombèrent sur leurs ennemis avec dans un bruit de tonnerre. Les guerriers et les bêtes étaient déchiquetés par les explosions ou brûlés par des flammes que n’éteignaient même pas les eaux noires de la Rivière de la Ruine. Malgré cela, la horde avançait irrésistiblement. Lorqu’un guerrier tombait, un autre prenait sa place. Bientôt, le train de ravitaillement de l’armée de Zharr fut engagé par des créatures ailées. Des vautours cadavériques aux ailes pourrissantes et des démons ailés frappaient depuis les cieux. Des éclairs magiques frappèrent le convoi et des barils de poudre explosèrent dans des boules de feu qui incinéraient tout autour d’elles. Orhbal Vuipergut, le chevaucheur de dragon, menait cet assaut aérien derrière les lignes naines. Il dispersa les gardes hobgobelins et massacra les esclaves enchaînés aux chariots incapables de fuir. Bientôt le feu des canons des nains ralentit et beaucoup se turent faute de munition et d’énergie.
Lentement, la horde se rassembla pour renouveler son attaque, les mammouths de guerre Dolgans conduisirent cette seconde vague. Ils ouvraient la marche pour les cavaliers du Chaos lourdement armurés qui s’en prirent aux positions stratégiques de l’ennemi. La bataille de la matinée n’était qu’un préliminaire destiné uniquement à éprouver le feu de l’ennemi. Les nains du Chaos avaient inconsidérément gaspillé leurs munitions et leur poudre contre la partie la plus sacrifiable de la horde : des sectateurs mutants, des monstres, des Rejetons du Chaos et tous ceux si corrompus qui préféraient mourir que vivre un autre jour. Évidement, quelques sacrifices avaient été nécessaires : des milliers de Kurgans étaient morts ou mourants comme des centaines d’ogres. Personne ne niait que les chemins de la gloire étaient forcément lavés de sang.
Drazhoath le Cendré n’était ni un fou, ni un général inexpérimenté. Il détecta immédiatement le danger qui menaçait son armée. Il ordonna rapidement à un détachement de sa Garde Infernale de tenir la ligne jusqu’au dernier et commanda à ses sorciers d’encourager par la peur et des magies altérant l’esprit les soldats esclaves hobgobelins afin de retenir l’avancée ennemie. Le délai obtenu lui permettrait de battre en retraite avec la plus grande part de son armée et ses précieux engins de guerre. Ce plan ne survécut pas à la charge des mammouths et même la Garde Infernale ne put retenir une telle masse de fourrure et de muscles. Le centre de la ligne, sur la berge, fut brisée par la charge. La retraite devint une déroute lorsque les Kurgans fondirent sur les orques et les hobgobelins qui composaient la plus grande part de l’armée d’esclaves. Nombre de ses créatures veules périrent dans leur fuite lorsque, paniqués, ils s’entre-tuèrent. Ceux qui n’étaient pas tués par leurs camarades furent écrasés et suffoqués dans la bousculade. Dans ce chaos, des carrés isolés de nains tinrent malgré tout leur position plutôt que subir une mort ignominieuse dans leur fuite. Ils combattaient avec sauvagerie et bravoure pendant que la horde les submergeait. Le massacre fut grand des deux côtés mais, bientôt, la victoire appartenait à Tamurkhan. Drazhoath, ses sorciers et le cœur de son armée, couverts par un sombre nuage de cendres et de soufre, avaient malgré tout pu se retirer jusqu’à la sécurité des murs de la Forteresse Noire.

Le marchandage

Tamurkhan choisit Sayl le Parjure comme émissaire pour s’adresser aux nains du Chaos à présent terrés dans une forteresse quasiment inexpugnable – une grande montagne évidée et sculptée entourée de puits de scories remplis de lave en fusion contrôlés par la volonté des nains comme d’autres races le faisait avec l’eau.
Certains murmurèrent que le choix de Sayl, devenu entre temps le représentant, sinon le chef, tous ceux qui n’avaient pas prêté directement allégeance au seigneur de la Peste n’était pas judicieux. Selon Tamurkhan lui-même, Sayl était un fauteur de trouble, plutôt utile mais finalement tout à fait sacrifiable si Dwai Zharr souhaitait le pulvériser en réponse à son ambassade.
Le message de Tamurkhan au seigneur nain du Chaos était le suivant :
« Moi, Tamurkkan, fils du Grand Kurgan, Maître des Osts, Porteur de Désolation et Champion du Prince de la Décadence déclare :
Seigneur Drazhoath, voulez-vous périr sachant que votre forteresse sera pillée et vos terres dévastées ?
J’en prends à témoin les Dieux Sombres, vous avez combattu avec honneur et apporté la gloire à votre maître. Vous pouvez capituler sans honte. Notre guerre n’est pas menée contre les seigneurs de Hashut mais contre les terres des Hommes. Joignez-vous à nous, accordez-nous la bénédiction de l’acier et votre terrible talent guerrier et nous partagerons la victoire.
Reconstituons l’alliance de jadis entre les Kurgans et les fils de Zharr. Scellons un pacte. »

Drazhoath entendit ces mots et considéra avec dédain les menaces de Tamurkhan contre sa forteresse. Toutes ses terres qu’il avait juré de protéger étaient déjà ravagées par les envahisseurs – une catastrophe que ses frères de Migol Zharr Naggrund ne pardonnerait jamais. Cependant, son cœur cruel bondit à la pensée des richesses de l’Occident - de la pierre, du fer, de l’or, des esclaves,… Par-dessus tout, il pourrait y trouver de nouvelles connaissances. Depuis de nombreuses années, des histoires circulaient dans l’empire des Nains du Chaos, colportées par les marchands caravaniers en quête de faveurs et par des esclaves. Les humains de l’Ouest auraient développé une puissante magie de bataille et des machines de guerre. Drazhoath ne doutait pas que ces créations humaines se révéleraient inférieures à l’artisanat des forgerons-démonistes de Zharr, mais elles pouvaient avoir un certain grand mérite à leur niveau. Il lui fallait mener une expédition et lancer la puissance de sa légion contre les humains de l’ouest, les vaincre et voler leurs secrets pour son usage personnel. Ainsi sa côte remonterait parmi la prêtrise d’Hashut et la gloire à venir rejaillirait sur lui. Aucun de ces raisonnements du seigneur de la Forteresse Noire ne filtra face au Sorcier du Chaos devant lui. Drazhoath voulait s’assurer que les négociations durent avant qu’un pacte soit scellé à son avantage.

Une vie pour une vie

Dans le cadre des négociations avec les Nains du Chaos, la horde suivit des cavaliers Hobgobelins qui l’amenèrent vers le sud-ouest. La horde y campa trois lunes devant une vaste mine désaffectée connue sous le nom de Ghulaktha dans la langue des Nains. Ils en chassèrent les tribus Orques Noirs qui l’infestaient et dont les ravages atteignaient le Delta Brûlant. Tamurkhan envoya aux Nains un flot régulier de captifs. En retour, des caravanes, tractées par d’étranges bêtes couleur cendre, et des machines à vapeur telles que les Kurgans n’en avaient jamais vu, arrivaient jour et nuit. Elles transportaient d’importantes quantités d’armes et d’équipements forgés pour rééquiper la horde. Sans répit, les entrailles de la Forteresse Noire et de la lointaine Tour de Gorgoth résonnaient du bruit des marteaux et de cris sacrificiels. Des fourneaux diaboliques, sous la direction de Drazhoath, brûlaient la chair et les âmes autant que le charbon et le bois. Ces préparatifs étaient destinés à armer la légion d’Azgorh afin qu’elle puisse marcher vers l’ouest avec la horde de Tamurkhan – non pas comme serviteurs, mais comme des alliés. Le pacte impliquait que les Forgerons-Démonistes aident à faire tomber la puissante cité de leur ennemi, et qu’en retour la Légion d’Azgorh ait sa part de prisonniers et de butins.
Pendant ces préparatifs et pour fêter le traité conclu, Tamurkhan et ses guerriers combattirent aux côtés de la Légion d’Azgorh contre un de leur plus ancien et terrible ennemi : le dragon Omdra. Ce monstre légendaire se réveilla une fois de plus et bientôt ses ravages s’étendirent à travers la partie septentrionale de la Plaine des Ossements et tous se dispersaient d’effroi sous son ombre colossale. Omdra n’était pas qu’une simple bête – aussi grand soit-il – mais une créature ancienne et malveillante férue de magie noire égalant même Sayl. Le dragon n’était jamais seul : des Wyrms à l’appétit inhumain sortaient des sables noirs pour prendre part à la bataille aux côtés de meutes de Goules pour qui le dragon était comme un dieu. Tous se jetèrent avec sauvagerie contre les Kurgans. Cette bataille coûta des milliers de guerriers aussi bien Kurgans qu’aux Nains du Chaos et c’est là que tomba le Rejeton du Chaos Garth’grak, et même le puissant Bubebolos subit de graves blessures tandis que le dragon de cauchemar et ses serviteurs lancèrent une embuscade sur la colonne principale de la horde en plein milieu de la nuit.
Au prix de nombreuses vies et grâce à la magie, le dieu-dragon fut grièvement blessé et chassé, forcé de se rendormir sous les os de son engeance vaincue. La menace qu’il faisait planer sur les Désolations d’Azgorh n’était plus – du moins pour un temps. En contrepartie de cette effusion de sang tout à leurs intérêts, les servants d’Hashut honorèrent Tamurkhan d’un présent qui prit la forme d’une hache de guerre à sa taille, une lame sombre enchantée pour remplacer celle du Tyran s’était brisée au cours de la bataille sur le crâne d’un Wyrm. Sur demande de Tamurkhan, les nains prirent près de cent Géants parmi ceux qui accompagnaient encore la horde. À l’aide de leur art pour les travaux mêlant la forge et la sorcellerie, ils les revêtirent de plaques de fer et leur fixèrent des lames crochues et des piques afin de mieux escalader et briser les fortifications que la horde aurait à affronter lorsqu’elle atteindrait sa destination.

La tempête approche

Bien vite Tamurkhan s’impatienta de ne pas pouvoir poursuivre son avancée. Il était attentif à la taille de sa horde qui ne cessait de diminuer bataille après bataille et conscient que les présages commençaient à lui être défavorable. De sombres rumeurs, portées par les vents de magie indiquait qu’une autre force allait bientôt assaillir l’Empire, et même que d’autres champions allaient attirer l’attention des Dieux Sombres. Même au sein de ses propres rangs, alors que sa puissance restait incontestée, certains parlaient des changements récents survenus sur le corps de leur chef, et qu’ils étaient peut-être la marque du jugement du dieu de la Peste – aussi bien de son ascension que de sa possible déchéance. Grande avait été la gloire de Tamurkhan, car il s’était taillé un chemin de désolation à travers la moitié du monde. Il avait mené la horde là où les seigneurs de guerre d’antan avaient craint d’aller et le nombre de corps qui avait fini à ses pieds était incalculable, mais la cité du trois fois maudit Magnus qu’il avait promis aux dieux sombres n’était pas encore tombée.
Finalement, lors d’un conseil de guerre, Tamurkhan déclara que le temps était venu d’offrir une victoire décisive aux dieux du Chaos, et la horde du Seigneur des Vers se dirigea à nouveau vers l’ouest, vers le Col de la Mort. C’était à la fois la voie la plus proche et la moins hostile pour traverser les Montagnes du Bord du Monde. Les Orques et les Skavens s’y étaient affrontées quasiment jusqu’à annihilation pour son contrôle au cours des dernières années. Avec les terres de l’ouest si proche à présent, une vigueur nouvelle empli la horde tandis qu’elle finissait sa traversée des Terres Sombres à l’ombre de la Chaîne des Monts Cendreux. Tous s’enfuyaient devant elle, la légende de Tamurkhan s’était répandue parmi l’engeance des Goules, des Orques et des Hobgobelins qui vivaient dans cette partie des Terres Sombres. À l’entrée de la grande passe, le tiers des forces de la Légion d’Azgorh, les régiments serrés de la Garde Infernale les attendaient, avec Drazhoath lui-même à leur tête, monté sur une immense bête ressemblant à un taureau ailé. Avec eux, il y avait d’étranges machines automotrices de fer et de bronze, moitié train d’intendance et moitié machine de guerre, tractées par des chariots à vapeur qu’ils appelaient Démons de Fer. C’était un spectacle étrange et effrayant à la fois.
Ils rejoignirent au Col de la Mort sans rencontrer d’opposition, les autochtones se cachaient, terrifiés à la vue de la puissante horde et de la fumée jaillissant de la colonne blindée. C’est ainsi qu’à la fin de l’année 2510 du Calendrier Impérial, la horde de Tamurkhan s’abattit sur les terres sans défense des Principautés Frontalières comme la colère d’un dieu terrible.

Les royaumes désunis
Trajet de la horde dans les Principautés Frontalières
Carte PrincipautéLa vie dans les Principautés Frontalières était dure et dangereuse et la venue de la horde de Tamurkhan était un désastre comme cette terre misérable n’en avait pas connu depuis des siècles. Après le long trajet et les difficultés que tous avaient endurés à travers les Terres Sombres, les Kurgans, les Ogres et les créatures qui les accompagnaient virent des collines verdoyantes et de denses forêts. Ils n’avaient jamais vu auparavant une terre aussi riche prête à être pillée et ils se sentirent comme des loups devant une bergerie. La horde devint incontrôlable et se divisa en centaine de bandes indépendantes qui ravagèrent tout dans leur sillage. L’un après l’autre, les petits royaumes furent noyés dans le sang. Ceux qui résistèrent furent réduits à des grandes piles de cadavres plantés des bannières de leurs vainqueurs. Même la plus grande alliance militaire de baronnies et de principautés -appelé la Confédération de l’Aigle était surclassée. Son armée composée de mercenaires expérimentés rencontra la horde du Chaos sous le commandement de Lietpold le Noir – un spadassin vétéran et compétent – et ne put même pas la ralentir. L’armée humaine, composée de chevaliers en armure et piquiers disciplinés fut écrasée et les survivants en déroute poursuivis par les Kurgans. Lietpold lui-même fut l’un des rares à survivre à la bataille qui avaient vu le massacre de ses hommes.
Ce ne fut qu'après des semaines de carnage et de destruction que les messagers de Tamurkhan, par des ordres et des menaces à peine voilées, purent rassembler la horde qui avait à présent repris du poil de la bête. A ce moment, le centre des Principautés Frontalières était dévastée. Il faudrait au moins une génération pour que sa population se rétablisse et remplace les fantômes hantant les décombres. Certaines petites bandes et des monstres, fatigués du joug de Tarnurkhan, ne rejoignirent pas la horde et disparurent dans l'arrière-pays qu’ils troublèrent bien longtemps encore.
Restaurer l’ordre dans sa horde avait coûté à Tamurkhan un temps précieux. La légion d’Azgorh avait fait ses propres razzias et commençait à envoyer des convois de captifs et de butin vers les Terres Sombres ce qui les ralentit encore. Tamurkhan lui-même semblait à ses disciples de moins en moins humain et de plus en plus malade à chaque jour qui passait. Sayl le Parjure conseillait d’accélérer espérant que l’empire des hommes ignorerait le danger et ne bloquerait pas les passes des Montagnes Noires tandis qu’il autorisait de son côté des raids toujours plus lointains à ses Dolgans…
Les choses s’aggravèrent sans prévenir lorsqu’une succession d’ouragans frappa les montagnes. La pluie continuelle transforma les dépressions en bourbiers tandis que les vents hurlant charriaient les voix d’esprits en colère. Jour après jour, la tempête continuait avec intensité. Le martèlement incessant des pluies et le hurlement surnaturel du vent conduisit des Chimères et d'autres créatures à quitter leurs hauteurs pour attaquer les réfugiés et leurs poursuivants. Tamurkhan apprit que la Passe du Feu Noir était complètement inondée comme une grande cataracte et que même si les géants et les autres grandes créatures pouvaient espérer passer, il n’y avait aucun moyen pour que les machines des nains du Chaos y parvinssent. Tamurkhan était furieux : il s’en prenait à ses propres disciples et affirmait avoir entendu le rire des dieux sombres dans la voix de la tempête.
Ce fut Lord Drazhoath qui trouva inopinément une solution. En compulsant des livres brûlés et des parchemins tachés de sang que ses forces avaient découvert au cours des destructions, il apprit l’existence d’une passe appelée les Crocs de l’Hiver dans certains textes. Escarpée et inhospitalière, cette passe avait abrité des citadelles et des mines naines aujourd’hui abandonnées. La route elle-même était presque oubliée, mais elle offrait un itinéraire alternatif plus à l’ouest qui pourrait leur permettre de frapper l’Empire au ventre par un chemin inattendu. Plus on allait vers l’ouest, plus la tempête diminuait en intensité. Une bande de guerre envoyée en éclaireur jura qu’elle n’avait pas été dévastée par les ravages de la tempête surnaturelle. Tamurkhan sauta sur l’opportunité et les tambours de la horde battirent frénétiquement. Les acolytes de Nurgle, joyeux malgré les fièvres et les miasmes qui les dévoraient et le mauvais temps qui les harcelaient répondirent à l’appel avec une foi indéfectible dans leur Seigneur. Les autres ne le firent pas. Beaucoup de Kurgans superstitieux voyaient dans la tempête un signe de disgrâce des dieux sombres. D’autres grommelèrent que des terres riches à l’ouest ne demandaient qu’à leur tomber dans les bras. Les champions qui ne suivaient pas le Seigneur de la Peste demandèrent à ce qu’on consulte les oracles. Sayl jeta les runes de prophétie brûlantes à travers des mailles de moelle d’elfe : toutes prédisaient un désastre et la mort. Lorsqu’il apprit cela, Drazhoath sourit froidement et affirma que Tamurkhan ne voudrait de toute façon rien entendre. Il suivait son chemin et son destin à lui était à portée de main. Après tout, il disait que l'avant-garde entrée dans la passe n’avait rencontré qu’une faible résistance et que les Gobelins avaient fui dès les Kurgans avaient défouraillé les lames. Ils avaient vaincu de tels lâches et les avaient massacrés plusieurs fois déjà. Pourquoi les craindraient-ils maintenant ?
Coin du fluffiste
Si la carte des Principautés Frontalières en 2511 CI est bienvenue, on peut y relever deux anomalies :
1) On peut s'interroger sur la traversée du Golfe Noir à la horde de Tamurkhan (pourquoi ? comment ? où sont les bâteaux ?) alors qu'il lui suffisait de contourner Barak Varr par l'est et le nord... Je pense qu'on pourrait y voir une simple erreur de cartographie.
2) Tamurkhan (et Games Workshop ?) redécouvre la Passe des Crocs de l'Hiver. L'ancien joueur de Warhammer, le jeu de rôle Fantastique (1ère édition) bondit de joie : cette zone montagneuse est le cadre de nombreuses aventures issues les quatre premiers volumes de la campagne des Pierres du Destin (Le Feu dans la Montagne, Le Sang dans les Ténèbres, La Mort sur son Rocher et La Guerre au Royaume des Nains). La passe y est décrit en long, en large et en travers (les Terres Déformés, diverses installations naines, le monastère de l'Aire, ...). Malheureusement, c'était trop beau : on ne la reconnait pas du tout dans le Trône du Chaos... Puis à bien regarder la carte, la véritable passe des Crocs de l'Hiver est bien plus à l'ouest, à l'extrémité sud du Wissenland (et le fameux village de Kreutzhofen - cf. Sombre est l'aile de la mort). Il faudrait donc en trouver une autre. Justement, MadAlfred (son site ici : MadAlfred's WFRP Page) montre sur ses cartes de la zone une autre passe qui traverse les Montagnes Grises par le centre : la "Icy Wind Pass". On pourrait la traduire par "Passe du vent glacé". C'est certainement plutôt celle-ci qui est infestée de gobelins et que Tamurkhan a emprunté !
CHAPITRE 4 : LA MORT DANS LES TÉNÈBRES

Une fois qu’ils arrivèrent dans la passe traversant les Montagnes Noires, leur avancée se fit plus facile même s’ils montaient beaucoup plus haut qu’ils ne l’avaient envisagé. Les pics au-dessus d’eux étaient sculptés de figures d’ancêtres, de dieux, de héros nains et d’inscriptions runiques érodées par le temps mais pas complètement effacées. Soudain, un midi, les guerriers de l’avant-garde tombèrent sur des campements récemment abandonnés et des tas de détritus à l’entrée de grottes. Complètement désordonnés, l’origine de ces camps était clairement gobeline et beaucoup de feux exhalaient encore la puanteur de la chair carbonisée. Plus loin, les Kurgans tombèrent sur les restes des leurs - des éclaireurs qui n’étaient pas rentrés. Ils passèrent devant les corps mutilés de leurs anciens camarades éparpillés ou accrochés à côté du chemin là où les peaux vertes les avait laissés. Les os des humains et ceux des chevaux étaient craquelés par la chaleur et les restes des feux de camp indiquait clairement leur sort qui avait été le leur. Les Kurgans rirent de ses petites cruautés. Lorsqu’ils honoraient les dieux sombres, ils faisaient bien pire eux-mêmes. Les nains du Chaos étaient complètement indifférents à ces découvertes et  l’odeur de la chair brûlée éveillait plutôt l’appétit des Ogres qui devenait impatients de se battre.
Le soleil avait passé son zénith et les ombres s’allongeaient dans la passe lorsque la horde vit pour la première fois son ennemi. De petites formes se déplaçaient le long des crêtes et des ouvrages Nains au-dessus de la passe, décochant parfois des flèches à l’aveuglette avec leurs arcs mais n’approchant jamais la horde. En réponse, la horde tirait également quelques flèches, mais chaque fois qu'une bande furieuse s'avançait pour les chasser, les silhouettes sombres s'éloignaient, ne laissant derrière elles que les échos de leur rire moqueur.

Le serpent blessé

Comme les heures passaient, la nuit tomba et les pertes de la horde commençaient à s’accumuler. Tamurkhan pressa son ost pour aller de l’avant. Il ne pouvait souffrir de nouveaux délais alors qu’il était si proche de sa proie. La horde avança jusqu’à atteindre ce que les anciennes cartes décrivaient comme un verrou montagnard. La surface de cette zone était relativement plate  et permettrait à la horde de camper pour la nuit dans une certaine sécurité et de se rassembler. Après une journée de harcèlement continuel, l’avant de la horde arriva dans un vallon surplombé de hauts pics et découvrit une étendue rocheuse occupée par une mer de peaux-vertes vêtus de noirs et parsemée de bannières grimaçantes. Les gobelins de la nuit attendaient la force du Chaos et s’était regroupé à un endroit où la supériorité numérique de leur ennemi lui serait inutile. La ligne des gobelins traversait toute la vallée, mais ce n’était pas tout : on pouvait distinguer derrière eux les formes immenses de géants des montagnes et d’énormes araignées de la taille d’un bâtiment dont les yeux brillaient de malveillance dans le noir.
Tamurkhan observa leur ennemi avec les yeux d’ogres blancs de cataractes. Il savait que nombre de gobelins attendaient certainement encore dans les cavernes adjacentes et leurs repaires cachés prêts à bondir sur les flancs de ses guerriers une fois que la bataille aurait commencé. Les gobelins étaient des créatures malfaisantes et peureuses qui n’aurait pas dû oser lui barrer la route. Leurs chefs devaient penser qu’ils avaient des chances de s’emporter même contre une force aussi terrible que son ost. Cela signifiait qu’ils étaient soit fous soit qu’ils avaient quelques ruses secrètes.
Les gobelins de la nuit n’attaquèrent pas immédiatement, mais frappèrent leurs armes l’une contre l’autre et hurlèrent des insultes attendant visiblement que la horde fasse le premier pas. Tamurkhan profita du répit pour donner ses ordres et installer son avant-garde en ordre de bataille. Il fit passer le mot aux troupes derrière lui de hâter le pas pour se joindre à la bataille et les avertit des embuscades potentielles. Il convoqua Sayl le Parjure et Kayzk le Souillé pour combattre à ses côtés tandis qu’Orhbal survolait la vallée dans l’espoir de prendre la mesure l’ennemi et de démasquer le piège qu’il avait prévu. Cependant, il ne pouvait trop retarder l’assaut de la horde, car les Kurgans étaient avides de faire couler le sang et les ogres s’avançaient déjà, plus ou moins en ordre. Il serait bientôt impossible de les priver du carnage qu’ils attendaient d’autant qu’ils avaient été harcelés par les gobelins plusieurs heures durant.
A peine Kayzk avait-il atteint la bannière de son chef - Sayl était encore loin derrière - que les Ogres de Tamurkhan quittèrent les rangs et se jetèrent sur l'ennemi écumant de rage. A cette vue, un grand rugissement parcourut la horde et les bandes éparpillées de Marauders Kurgans se joignirent à la charge avec un groupe d’une cinquantaine de chiens du Chaos mutants qui échappa à ses maîtres de meute et dépassa même les ogres en quelques sauts. Tamurkhan n’ignorait pas qu’une charge désordonnée pouvait tourner au désastre pour sa horde. En colère, il fut forcé de sonner l’attaque générale. Le son du cor en corne de mammouth évidée masqua un moment le vacarme des Kurgans en charge. Les puissants tambours roulèrent rapidement et la horde s’élança vers l’ennemi. Le bruit de centaines de sabots et bottes résonna comme un tonnerre et souleva de grands nuages de poussière dans l’air froid. Les chiens et les cavaliers avaient pris le devant. Tamurkhan lui-même était au centre entouré de rangs compacts de guerriers de couleur rouille. Un énorme essaim de mouches – compagnes éternelles des armées de Nurgle – obscurcissait le fond de la vallée. La masse des gobelins frémit de peur à la vue de ce à quoi ils étaient confrontés, mais ils tinrent, rassurés par leur propre nombre et les murailles rocheuses qui les flanquaient. Ils brandirent alors leurs lances dentelées devant eux. Lorsque leur ennemi avait parcouru la moitié de la distance, de longs traits de baliste, des rochers et plus étrangement des gobelins harnachés d’ailes grossières tombèrent sur la horde propulsés par des engins en piteux état massés à l’arrière des rangs gobelins. Beaucoup de ces projectiles tombèrent trop court ou heurtèrent les parois rocheuses mais la horde était si nombreuse que plusieurs d’entre eux trouvèrent une cible en dépit des faibles compétences balistiques des gobelins. Des hommes et des chevaux furent brutalement empalés, écrasés ou réduits en pulpe sanglante en pleine charge. Alors que les assaillants se rapprochaient, des nuages de flèches empennées de noir jaillirent des lignes des gobelins et le carnage fut encore amplifié par les sorts de chamans qui crépitèrent et visèrent les Kurgans. Des lumières vertes étranges entourèrent les maraudeurs et plusieurs d’entre eux furent soudain écrasés au sol par le poids d’une puissante magie. Affaiblis par les pertes, les Kurgans s’écrasèrent sur la horde des gobelins de la nuit. La masse entière vêtue de noir semblait frémir et trembler. La ligne de bataille devint rapidement une mêlée de sang, de poussière et de fer où des pointes de lances et des lames de haches s’élevaient puis retombaient dans un ballet frénétique. Des gobelins entraînant comme ivres une lourde boule au bout d’une chaîne faisaient momentanément le vide autour d’eux avant de disparaître. Les guerriers bénis de Nurgle menés par Tamurkhan s’avancèrent et derrière eux, de plus en plus de guerriers occupaient l'espace que l'avant-garde avait laissé libre en chargeant - il y avait là des milliers de guerriers plus désireux les uns que les autres de se battre au nom des dieux du Chaos et se faire remarquer par leurs sombres maîtres.
Bubebolos fit jaillir sur les Gobelins de la Nuit son souffle acide qui sonna momentanément les peaux-vertes. Ils reculèrent de terreur. Le Seigneur des Vers fit alors charger sa monture. La lame de Tamurkhan faisait des cercles et séparait les têtes des corps tandis que Bubebolos avalait des ennemis par bouchées et recrachait leurs corps lacérés. D’autres étaient simplement piétinés et écrasés par son poids incommensurable alors que son cavalier éviscérait un Géant des montagnes avant d’en tirer les intestins, comme le ferait un énorme charognard, et de le dévorer vivant.
Sans avertissement, les montagnes frémirent lorsque d’étranges lueurs vertes apparurent au-dessus de la bataille. L’instant d’après un grincement colossal ébranla le sol. La bataille s’arrêta brusquement : les bêtes, les guerriers et les peaux-vertes trébuchèrent ou hésitèrent. Depuis les hauteurs, d’énormes rochers et des sculptures naines colossales vacillèrent lentement et s’effondrèrent avec une force cataclysmique dans la vallée. Ces glissements de terrain touchèrent l’entrée de la passe et une douzaine d’autres points de la vallée. Des centaines de créatures et de guerriers furent tués en un battement de cils. La horde du Chaos que s’étirait comme un serpent dans la Passe fut sectionnée en une douzaine de morceaux tous choqués par ce qui leur était tombé dessus. D’immenses nuages de poussières étouffantes emplirent la vallée et des douzaines de Gobelins de la Nuit et de Trolls de Pierre qui attendaient jaillirent de leurs cachette à la suite de l’attaque par tremblement de terre. Rendus fous par des drogues, ils tombèrent sur la horde en hurlant et couinant. Là où il n’y avait qu’un seul front, il y avait à présent une douzaine de batailles réparties sur toute la longueur de la passe. La horde de Tamurkhan faisait face à l’une de ces plus terribles épreuves.

Les marcheurs des profondeurs

Loin de la ligne de front, Sayl le Parjure fut pris au piège avec l’avant-garde du contingent Nain du Chaos lorsque la montagne s’effondra sur l’étroit chemin de la passe. À peine le voile de poussière se fut-il dissipé et les cris des estropiés éteints que l’attaque commença. Une pluie de flèches noires s’abattit depuis les hauteurs, tandis que de profonds grognements émanèrent du fond de la passe.
Les bêtes hurlèrent et les esclaves tombèrent, des flèches enfoncées dans leurs chairs. De leur côté, les Nains du Chaos adoptèrent rapidement une formation défensive en carré et la grêle de projectiles ne fit que très peu de dégâts. Inévitablement, quelques tirs firent mouche, mais ils furent peu nombreux, car les pièces d’armure des Nains du Chaos étaient étroitement imbriquées – malgré quelques faiblesses aux jointures entre les plaques.
Rapidement, derrière l’écran de poussière, la vapeur siffla comme le cri de damné. Une machine démoniaque émergea, traînant derrière elle deux chariots, l’un de carburant et l’autre transportant un canon de gros calibre autour duquel trois Forgerons-démonistes psalmodiaient. Ces derniers répandaient du sang bouillonnant avec des encensoirs d’or sur son revêtement en forme de cloche. La machine bruyante devint vite la cible privilégiée des archers postés sur les hauteurs. Ils décochèrent leurs flèches aussi vite que possible mais le démon de fer poursuivit sur sa lancée, déblayant les décombres pour prendre place à l’arrière de la formation triangulaire adoptée par les Nains du Chaos. Sayl se plaça au centre avec son garde du corps, le rejeton du Chaos Nightmaw. À peine Sayl eut-il gagné le centre de la formation qu’un grincement de mauvais augure se fit entendre. Les anciennes portes en pierre s’ouvraient lentement et des passages secrets se révélèrent çà et là sur le sol pierreux. Ces passages étaient l’œuvre des Nains. Complètement indétectables jusqu’à leur ouverture, ils étaient maintenant contrôlés par des maîtres beaucoup plus corrompus que leurs créateurs. Comme dans un cauchemar, des Trolls de Pierre verruqueux et à la peau bleu-grise jaillissaient des profondeurs de la montagne. Ils étaient près d’une vingtaine, leurs yeux jaunes roulant follement dans leur orbite et leur visage hideux barré un large sourire affamé. Derrière eux, les silhouettes encapuchonnées des Gobelins de la Nuit s’agglutinaient et grouillaient tels des rats brandissant leurs lames vicieuses. Des coups de feu provenant des rangs des Nains du Chaos en abattirent des douzaines tandis qu’ils jaillissaient de leurs tunnels. Cependant, l’embuscade était bien planifiée et la distance entre les combattants trop faibles pour que l’assaut puisse être stoppé comme cela.
En quelques secondes la bataille fit rage et une mêlée sanglante s’ensuivit, les trolls et les Gobelins de la Nuit encerclèrent et submergèrent les défenseurs surpassés en nombre. Les Nains du Chaos combattaient avec sauvagerie les Gobelins de la Nuit. Ils les abattaient et écrasaient leurs corps sous leurs pieds. Les nains se fiaient à leur endurance et à la résistance de leurs armures démoniaques pour les protéger de la pression des corps et des coups d’épées. Certains tombèrent : des dagues trouvaient les yeux à travers la fente du casque, mais les guerriers de la Forteresse Noire firent un massacre dans les rangs des Gobelins. Les Trolls de Pierre étaient une menace beaucoup plus sérieuse. Bien que stupides, ces créatures brutales maniaient des massues grossières et des haches à deux mains avec une force capable de pulvériser les armures lourdes des Nains tandis que les blessures qu’ils subissaient en retour se refermaient à une vitesse effrayante.
La ligne des Nains commença à ployer là où les Trolls de Pierre attaquèrent en nombre. Même si certains de ces trolls étaient abattus, les Nains du Chaos fléchirent et furent massacrés. Dans leur sillage et les hordes de Gobelins de la Nuit – qui sortaient continuellement de terre – se précipitèrent pour exploiter cet avantage.
Soudainement encerclé et combattant pour sa vie, Sayl le Parjure était profondément irrité d’être trahi par son don de vision. Il conjura les puissances du Chaos avec sauvagerie et canalisait sa puissante magie dans des explosions aveuglantes qui ondulaient telle des faux à travers les rangs des Gobelins de la Nuit.  Malgré leur résistance légendaire à la magie, certains Trolls étaient réduits en squelettes carbonisés. A côté du sorcier, le Rejeton du Chaos se déchaînait. Ces membres tordus cueillaient les peaux-vertes et les précipitaient dans ses trois mâchoires voraces à une vitesse fulgurante, répandant un nuage de sang autour de lui.
La machine démon des Nains se mit à nouveau en mouvement et entraîna un nombre incalculable de Gobelins de la Nuit dans la mort avec ses roues et les nombreuses lames qui le recouvraient. Les canons démoniaques de la machine firent feu, déchiquetant sans discernement Trolls et Gobelins de la Nuit. La machine de guerre semblait rugir tel un être vivant face à son carnage. En réponse, un double cri singulier retenti dans la passe. En l’entendant les Gobelins de la Nuit y répondirent en criant de leur voix aiguë. Deux créatures gigantesques, à moitié rampantes à moitié bondissantes surgirent d’une immense porte béante. Même Sayl le Parjure fut momentanément frappé d’horreur, car il n’avait jamais rien vu de semblable. C’était des êtres colossaux ressemblant à des citrouilles à la peau fongique et caoutchouteuse parsemés de taches jaunes à l’éclat malsain. Leurs corps gonflés ressemblaient à des têtes pourrissantes, avec une bouche pleine de bave garnie de crocs monstrueux. Tandis que Sayl les observait, il vit le premier de ces terribles monstres se jeter sans hésiter dans la mêlée, sans se soucier de qui il écrasait sous son poids. Sa bouche démesurée étaient ouverte et ses crocs crissaient sur le métal lorsqu’ils déchiquetaient une proie en armure complète. Sous les assauts de ces colossales choses, l’un des régiments de Nains Infernaux fut réduit en une bouillie sanglante, brisant un point du triangle défensif, les survivants furent submergés et tués en fuyant ces monstres à l’appétit vorace. Sayl se retira. L’effort magique qu’il avait déjà fourni lui faisait cracher du sang . Son garde du corps Nightmaw, lui fraya un chemin tandis qu’il se repliait. Il mettait la machine démon, toute fumante et éclaboussée de sang, entre lui et les deux monstres surgis de terre.
Pendant ce temps, les forgerons-démonistes sur la machine firent pivoter son canon de bronze en manipulant des runes rougeoyantes de chaleur. Une détonation tonitruante se fit entendre et un puissant projectile de lave frappa le monstre le plus proche. Ce dernier explosa en un amas de fluides visqueux comme un fruit pourri écrasé par un marteau. Son énorme carcasse s’écroula et sembla se dégonfler. Un grand nombre de ses victimes non digérées apparurent dans ses entrailles et sa chute provoqua la mort d’une douzaine de gobelins. Les Forgerons-Démonistes n’eurent cependant pas le temps de célébrer leur victoire : ils tentèrent de recharger mais le deuxième monstre fut sur eux. La machine-démon vibra et un sifflement aigu indiqua une fuite de  pression. Les wagons qu’elle traînait se percutèrent subitement les uns les autres avec fracas. Le monstre géant sauta sur le wagon de tête. Les éléments en fer et en bronze furent éventrés et pliés et des cendres brûlantes se dispersèrent dans l’air. Les forgerons-démonistes, entourés de flammes, se débattaient pour éviter les énormes mâchoires. La machine-démon dont les roues étaient enfoncées dans le sol par l’énorme masse était impuissant à se déplacer ou à s’orienter pour faire usage de ses armes. Les nains infernaux restants, toujours encerclés par un ennemi dont la furie venait d’augmenter avec la perspective d’une victoire, étaient trop accaparés pour mener une contre-attaque. Sayl, déjà épuisé, savait qu’il se ferait probablement tuer avant de pouvoir conjurer un sort suffisamment puissant pour blesser le monstre à cause de l’état d’épuisement dans lequel il était. Sayl le Parjure maudit Tamurkhan pour sa folie et son orgueil et se prépara à rassembler les vents de magie qui flottaient sur le champ de bataille. Il voulait en finir avec cet ennemi, même si une telle magie pouvait le consumer lui-même. Les vents de foudre et de tempête jouaient avec le Sorcier du Chaos, tandis que dans un dernier grincement de métal, l’attelage de la machine démon explosa et projeta des morceaux de métal dans toutes les directions. La créature monstrueuse s’avança, ses vastes mâchoires béantes vers Sayl. Celui-ci se mit à rire, comme pris de folie. Avant qu’il n’ait pu lancer son sort, le sol sous la bête colossale explosa comme une éruption de flammes et de fumée. Le souffle fit tomber le sorcier du Chaos qui lutta désespérément pour garder le contrôle de la magie qu’il avait invoqué, mais ses efforts furent vains. Le pouvoir s’échappa de son corps comme fouet et détruisit tout ce qu’il touchait. Sayl hurla en à perdre la voix jusqu’à ce qu’il fut consumé.

La saga de Grisak le Boursouflé
Comme beaucoup de ceux qui suivirent le Seigneur des Vers, l’histoire de Grisak commença dans les Désolations du Chaos. Jeune et fier fils de la tribu Tolkmar, Grisak fit couler son premier sang lors de raids contre des clans rivaux et dans de violents conflits internes jusqu’à ce qu’il ait pris plus de têtes que le nombre d’hiver qu’il avait vécu. Il voyagea jusqu’à Zanbaijin, attiré par la promesse de bataille et de gloire, et après avoir encaissé une blessure mortelle qui suppura lors des combats, il promit son âme à Nurgle en échange de sa vie. Bien vite son corps gonfla et sa force augmenta prodigieusement tandis que les faveurs du dieu se manifestaient sur lui lors des batailles des Terres de Pierre jusqu’à la Plaine des Os. Il trouva la mort dans la grande embuscade dans la Passe des Crocs de l’Hiver, où entouré par les corps des Gobelins de la Nuit qu’il avait vaincu, il fut abattu par le trait d’une baliste postées dans les hauteurs, l’empalant au sol tel un totem sanglant.

Une vague de sang

À l’avant de la horde, la bataille commençait à se décider. Même si les Gobelins de la Nuit étaient des milliers et qu’ils avaient isolé l’avant-garde de Tamurkhan de toute aide, ils constatèrent vite qu’ils avaient sous-estimé les guerriers des Désolations du Nord. Les sabots ferrés, les lances et les autres lames, récemment forgées dans l’acier noir des fourneaux de Zharr, transperçaient les boucliers des Gobelins comme des poupées de chiffon. Mètre après mètre, la horde de Gobelins fut repoussée. Les corps s’accumulaient sur le sol. Les Élus du Chaos grands et invincibles dans leurs armures d’un autre monde pratiquaient de larges trouées dans les rangs des peaux-vertes et balayait avec mépris leurs faibles défenses. La panique commença à se répandre à travers les peaux-vertes, mais ceux qui tentaient de s’enfuir, étaient bloqués par la pression des corps derrière eux où finissaient sous les crocs des chiens de guerre du Chaos. Apeurés, les archers Gobelins de la Nuit et les servants des machines de guerre commencèrent à tirer au jugé dans la mêlée pendant que les forces du Chaos continuaient le massacre. Plus la ligne de front reculait et plus les projectiles tombaient directement sur les rangs massés des peaux-vertes. Bientôt la panique se transforma en déroute et ceux que se trouvaient en première ligne abandonnèrent leurs armes et bousculèrent ceux qui se trouvaient derrière eux pour s’échapper.
Alors même que la bataille tournait en leur défaveur, les peaux-vertes n’étaient pas encore dépourvus de ruses. Cachés dans leurs rangs, il y avait de nombreuses créatures dangereuses, comme des chamans dont les sorts commençaient à entamer la ligne des Kurgans. D’étranges lumières vertes passaient sur les troupes du Chaos et plusieurs unités de guerriers en armure furent soudainement plaquées au sol et réduites en une bouillie sanguinolente sous une pression magique. Les sorciers de la horde lançaient frénétiquement des contres-sorts, mais la magie des peaux-vertes était étrange et insaisissable. Des explosions d’énergie verte tombèrent sur les guerriers du Chaos en première ligne comme des coups de marteau.
Tamurkhan et ses guerriers bénis se tenaient à la tête d’un saillant dans la horde des Gobelins de la Nuit. Alors qu’il se frayait un chemin vers l’avant, Bubebolos fut frappé à plusieurs reprises par des projectiles magiques qui le firent rugir de douleur. L’assaut magique laissa dans l’air une forte odeur, étrange et amère, qui perturba la puissante bête et même l’essaim de mouches qui était agglutiné autour d’eux se dispersa. Les guerriers de Tamurkhan avait presque atteint le cœur de l’armée des Gobelins de la Nuit. Un vieux chaman Gobelin de la Nuit trônant sur une araignée géante albinos caparaçonnée des os de ces victimes l’y attendait. Autour du grand corps pâle de l’araignée flottaient les bannières des tribus qui s’opposaient à Tamurkhan et réclamaient la Passe des Crocs de l’Hiver pour leur usage exclusif : les Grimaceurs , les Coupeurs de cadavres, les Crânes Vide et les Lunes Mortes. À la vue de son ennemi, Tamurkhan abaissa sa puissante hache et lança un défi qui poussa les guerriers cauchemardesques qui l’entouraient à des sommets de fureur. Un brouillard d’un vert éclatant emplissait l’air et entraînait les Gobelins dans une frénésie tourbillonnante. Ces derniers se précipitèrent sur leurs ennemis et furent abattus par la charge dévastatrice des Chevaliers de la Pourriture de Kayzk, ou écrasé par le fléau à tête de crâne de l’Élu de Nurgle. Les sorciers répondirent vite à la magie des Gobelins par une autre  infiniment plus mortelle : des vapeurs bilieuses descendirent sur l’ennemi, répandant une mort affreuse. Face à ces horribles assauts, la contre-attaque des Gobelins de la Nuit commença à faiblir puis reflua.
Sentant la fin venir, les Gobelins de la Nuit s’enfuirent avec terreur, la horde du Chaos sur leurs talons. En première ligne, la hache de Tamurkhan dessinait un arc sanglant à travers tous ceux qui se trouvaient devant lui tandis que les peaux-vertes s’éparpillaient comme des souris devant un chat. Bubebolos rugissait et son souffle rance ôtait la vie aux Gobelins paniqués. Tout n’était que destruction et confusion. Dans leur empressement, les peaux-verts s’entassèrent autour des sorties de la vallée où leurs corps écrasés s’empilèrent vite sur plusieurs mètres. Leurs camarades escaladaient les monticules de cadavres pour fuir la colère du Chaos. Tamurkhan poursuivit les Gobelins de la Nuit à travers le défilé avec ses disciples pourrissant et des Trolls Bilieux couverts de sang sur ses pas. Ces puissantes bêtes repoussèrent les cadavres pour atteindre leurs ennemis, mais à leur grande frustration, l’araignée albinos – maintenant raccourcie d’une patte qu’un Rejeton de la Peste avait arrachée – s’échappa par la paroi rocheuse ; le vieux chaman s’accrochait désespérément à son dos, et ils disparurent dans l’obscurité derrière une statue érodée. Leur chef ayant pris la fuite, la déroute des Gobelins devint une folle débandade, et la victoire revint à la horde.

Après la tempête

Tout le long de la passe des Crocs de l’hiver, les forces du Chaos affrontèrent les gobelins. Dans nombreux cas, les forces du Chaos triomphèrent. D’autres fois, les embuscades des gobelins de la nuit s’étaient avérées plus fructueuses et la victoire de la horde n’avait été acquise qu’au prix de lourdes pertes. Parfois encore, les forces de Tamurkhan avaient été entièrement balayées et les corps des victimes emportés dans les ténèbres. La poussière imbibée de sang et des armes brisées étaient les seuls témoins de la bataille. Après coup, il apparu qu’en plus des tribus de gobelins, de nombreux orques avaient été impliqués. Ces grands peaux-vertes armées de lourdes lames et de grands boucliers visaient plutôt sur l’arrière-garde de la horde et y furent fauchées rapidement par les nombreuses créatures du Chaos et les monstres difformes qui s’y trouvaient.
Cette nuit-là, la horde installa son camp sur le champ de bataille même, entourée des bûchers funéraires illuminant les ténèbres. Il ne vint aucune autre attaque. L’ennemi n’avait plus ni troupes ni volonté. Aux premières lueurs de l’aube, Tamurkhan réunit un conseil de guerre qui  déborda de rancœur et de récriminations. Le Seigneur des Vers parvint à y imposer une nouvelle fois sa volonté, mais cette fois, au lieu d’invoquer les promesses des dieux ou le sens du devoir, il se montra clairement menaçant. Seul Kayzk, dont la chair éternellement pourrissante dégoulinait des crevasses de son armure, soutint sans réserve ni arrière-pensée son chef. Le cœur de la protestation ne portait pas sur l’embuscade ni le massacre de la veille mais sur la division du travail. Pour permettre aux chevaux, bêtes et machines de guerre des nains de franchir les rochers brisés qui s’étaient abattus dans la passe en des dizaines d’endroits, il fallait construire des rampes. En conséquence, les chefs Kurgans, dont les guerriers formaient encore, avec les ogres de la peste de Tamurkhan, la plus grande partie de la horde, étaient engagés pour cette tâche éprouvante. Les fiers guerriers nordiques s’en trouvèrent courroucés car c’était pour eux un travail d’esclaves. Ils refusèrent d’obéir aux instructions des nains du Chaos. Finalement, ce n’est que par la menace de représailles et l’âpre nécessité qu’un accord fut trouvé. L’accord ne satisfaisait personne mais grâce à lui de grossières rampes furent bâties à partir des débris des rochers et des cadavres de gobelins pour mortier. Une nouvelle fois, la horde s’ébranla. La rancune couvait dans les rangs au moment où tous auraient dû être avides de batailles maintenant que leur but final était enfin en vue. Mais Tamurkhan n’en avait cure, il avait le Trône du Chaos à portée de ses mains.


CHAPITRE 5 : LA COLÈRE DU CHAOS

Tamurkhan était devenu à la fois plus impatient et plus songeur depuis la bataille contre les Gobelins de la Nuit. Les nombreuses blessures qu’il avait subies s’infectaient et suppuraient, ce qui plaisait aux disciples de Nurgle qui l’accompagnaient, mais, pour ceux qui ne partageaient pas cette foi, cela le rendait encore plus inhumain. Et il était de plus en plus difficile de comprendre. C’était Sayl le Parjure, en cours de rétablissement, mais encore à demi-paralysé d’écouter attentivement les rapports des éclaireurs et réfléchir à ce qui se dressait devant eux. Tant que les captifs vivaient, il surveillait le travail des tortionnaires, et lorsqu’ils mourraient, Sayl observait les chamans entraver leurs esprits et continuer à les interroger toute la nuit. Il inspecta les armes et les armures que les maraudeurs rapportaient comme des trophées et il demanda aux forgerons-démonistes nains de les examiner. Il s’intéressa particulièrement aux quelques armes à feu prises par les Maraudeurs. Grâce à cela, Sayl apprit tout ce qu’il pouvait des capacités de l’ennemi et des terres de l’Empire qui se trouvaient devant eux.
Une fois que la horde eut rassemblé ses forces sur les pentes froides au pied des Montagnes Noires, Tamurkhan convoqua un nouveau conseil de guerre. Sayl étala sur le sol une grande carte en peaux fraîchement cousues et ancra les coins du parchemin avec de gros morceaux de malepierre pulsant de lumière de sorte que tous puissent voir ce qui été inscrit sur la carte, les chiffres et les signes y dansaient comme s’ils étaient vivants. Tamurkhan observait avec une cupidité dévorante tandis que le sorcier décrivait les vastes terres verdoyantes que les maraudeurs avaient aperçus. La terreur qu’ils avaient inspirée avait vidé les campagnes et les forêts et seuls résistaient les forts et les cités ceintes de remparts pour les affronter. Le chevaucheur de dragon avait aperçu leur proie loin au nord-ouest : une grande cité située à l’embranchement de deux puissantes rivières. Elle était si grande qu’aucun homme du nord n’avait jamais vu de pareille : ceinte d’immenses d’un mur et de tours aussi blanche que les falaises en bord de mer. A l’intérieur, une profusion de toits en ardoise étincelant étaient agglutinés les uns sur les autres et l’enchevêtrement de rues étaient aussi exaspérant que n’importe quel labyrinthe du monde souterrain. Ses murs étaient hérissés de canons et leurs tirs avaient chassé les intrus venus des cieux.
« Nuln ! » cria Tamurkhan rempli d’ardeur. Les seigneurs de guerre, les chamans, les hommes-bêtes et les sorciers firent écho étouffant les paroles de prudence de Sayl. Tous parlèrent à la fois que de leurs propres plans de conquête et Sayl finit par se taire. De tous les chefs de guerre présents, seul Drazhoath le Cendreux regarda ce rassemblement avec un indéchiffrable regard froid.
« La cité de Magnus tombera, j’écraserai d’abord Nuln, puis avec la bénédiction de Père Nurgle, je ravagerai cette terre et balayerai l’Empire des Hommes ! » s’exclama Tamurkhan.
Les modalités de l’attaque furent rapidement réglées et la discussion la plus longue porta sur le partage du butin. C’est à partir de cette idée que la horde se scinda en trois colonnes distinctes qui s’avancerait ensemble pour ravager Nuln. La plus grande partie de la horde suivrait Tamurkhan et prendrait la route la plus directe à travers les collines vers le nord. Les Dolgans de Sayl emprunteraient un chemin plus à l’ouest le long du fleuve, écrasant une série de petites tours et de forts qui jalonnaient le chemin. La seule route, vestige des siècles passés lorsque cette région était plus peuplée et commerçante, était attribuée à la Légion d’Azgorh. Ce terrain était le plus adapté aux machines des Nains du Chaos. Le sort de l’invasion dépendrait de sa vitesse, car il était clair que l’effet de surprise était perdu ; des survivants des Principautés Frontalières avaient réussi à propager la nouvelle de leur arrivée. Mais, si la chance leur était favorable, l’Empire mettrait du temps à se mobiliser pour contrecarrer un assaut aussi important à cet endroit inattendu - ce que Tamurkhan l’avait constamment rappelé.

La horde marche vers le Nord

La grande horde de Tamurkhan abandonna son camp au nord de la Passe des Crocs de l’Hiver. Avide de destruction, tous se répandirent rapidement dans la région, se séparant en bandes et avançant à une vitesse effrayante. La majorité des terres avaient évacué les hommes et le bétail, mais ici et là, il restait des irréductibles : des villes fortifiées et des forts qui avaient foi dans leurs murailles qui avaient déjà brisés les Orques et d’autres pillards. Quelques infortunées garnisons avaient également reçu l’ordre de combattre jusqu’au dernier homme afin de retarder l’avance ennemie. Personne n’avait cependant une idée précise de ce qui allait leur arriver, ni de l’horreur et de la puissance de l’ennemi. Personne ne pouvait deviner que la horde de Tamurkhan en elle-même ne composait que d’un tiers de la force, même avec les renforts Ogres et Nains du Chaos. Avec les cavaliers Dolgans, les créatures de cauchemar du Chaos et les élus d’Hashut, ils étaient des dizaines de milliers et il n’y avait pas de défense possible.
Hornfen fut la première à subir la colère du Chaos. La ville, bien habituée aux raids, était située dans les landes de l’ancien royaume du Solland. Elle était protégée par de larges douves au pied de ses murs et le pont de la ville avait été détruit par ses habitants, mais les bourgeois terrifiés ne purent que regarder avec horreur les mammouths de guerre Dolgan traverser simplement l’eau sous les tirs et enfoncer les portes. Aucun homme ni aucune femme d’Hornfen ne survécut à la journée après l’orgie rituelle de violence qui s’ensuivit en l’honneur des dieux sombres. L’histoire se répéta maintes et maintes fois tandis que les assauts des trois parties de la horde avalaient la distance et tombaient sur tous les malchanceux ou ceux trop obstinés rencontrés sur leur chemin. Rookberg fut pris dans la nuit ; vide des civils qui avaient fui en remontant la rivière sur des barques, sa garnison de soldats et de paysans miliciens avait peu de chance contre les cavaliers et la magie diabolique des sorciers du Chaos alignés face à eux. Le château de Grisecrinière*, qui était entré dans la légende en étant le lieu de naissance d’un archi-lecteur et d’un nécromancien maudit au cours de sa longue histoire, fut dévastée. La puissance de l’artillerie démoniaque des Nains du Chaos l’écrasa sous un bombardement soutenu ; les seigneurs de la Forteresse Noire étaient désireux de tester leur puissance de feu contre une cible de valeur.
Cependant cette avance rapide n’était pas exempte de risques. Les machines de sièges et les trains de chariots avançaient beaucoup plus lentement que l’avant-garde qui se pressait toujours plus avant. La colonne devint si distendue qu’une contre-attaque aurait sûrement détruit beaucoup de machines et provoqué un massacre. Mais de l’ennemi, il n’y avait aucun signe.
Le rythme soutenu de l’avancée prélevait son tribut sur les machines et les bêtes laissant dans son sillage épaves désarticulées et cadavres. Ici et là, des groupes de nains du Chaos s’échinaient sur des moteurs en panne, des arbres de transmission tordus ou des roues brisées. Les Kurgans abandonnaient volontiers leurs morts et ceux qui faiblissaient à la merci des bêtes du Chaos qui les dévoraient assouvir leur faim. Les éclaireurs s’aventurèrent loin au Nord, rapportant que les terres devant eux étaient désormais abandonnées à l’exception de l’activité fourmillante autour d'une grande cité. Lorsqu’ils trouvèrent la ville de Gunnertag complètement désertée et en flammes - alors que quelques jours auparavant Orhbal Vipergut y avait annoncé la présence d’une défense robuste - la rage de Tamurkhan fut telle que le Seigneur des Vers ordonna d’éteindre l’incendie, de souiller la terre et la profaner au nom de Nurgle. C’est alors que la horde se rassembla une dernière fois pour l’assaut final.

La mort de la cité pâle

Vingt-et-un jours après l’établissement de son camp au pied des Montagnes Noires, la horde du Chaos contemplait une cité aux tours blanches. Les Kurgans examinèrent ses hauts murs et ses puissantes défenses et surent que des armées entières pouvaient s’y briser. Elles étaient si hautes que même un Géant ne pouvait les escalader sans aide. Leur sang et leur sueur seraient épuisés avant même d’avoir pu mettre le pied de l’autre côté des murs fauchés par les carreaux et les boulets. Tamurkhan appela le seigneur de la Forteresse Noire à paraître devant lui et le somma de se prononcer sur le sujet. Après tout, pourquoi donc les nains de Zharr auraient-ils traîné leurs machines et leurs grands mortiers de siège à travers la moitié du monde si ce n’était pour abattre de telles fortifications ?
Drazoath rit. « Des murs ? ricana-t-il. Je ne vois que des pâtés de sable moulés par des enfants. Portez mes frères à la bonne distance et nous allons nous faire un plaisir de remplir notre part du marché et les renverser pour vous. »
La horde du Chaos se déploya en ordre de bataille cinq lieues au sud de la grande cité et marcha sur la cité. Tamurkhan sur le dos de son Dragon-Crapaud parcourait ses troupes, hurlant et haranguant pour qu’elles se battent avec la plus grande sauvagerie, car le regard des dieux sombres étaient sur elles. Où qu’il aille, il était accueilli par des cris de guerre, des hurlements surnaturels, des serments impies et le martèlement des lames sur les boucliers, car enfin les Kurgans allaient voir la guerre. Pas la guerre contre ces maudites peaux-vertes comme dans les montagnes mais une véritable guerre contre les hommes de l’Empire. Autour d’eux flottait une brume âcre, une concoction ensorcelée vouée à dissimuler leur nombre et leur force véritable.
Pour maximiser sa puissance de feu, l’armée impériale avait pris position devant les murs de la cité sur un remblai et sur les murs eux-mêmes le surplombant. Le gros de l’armée se tenait derrière la ligne de canons. Des rangs de lanciers et de pistoliers étaient prêts à recevoir la charge de la horde du Chaos. Ce déploiement autorisait un repli rapide au cas où elle s’approchait de trop. Tamurkhan connaissait bien les histoires sur les batailles des seigneurs de guerre qui l’avait précédé. Il savait que les canons de l’Empire étaient à craindre autant que ceux des nains de Zharr. L’armement rutilant des soldats de l’Empire offrait d’un contraste saisissant avec les armures noircies et érodées des Kurgans et le métal souillé d’un vert maladif de ses propres suivants. Tamurkhan grimaça de la plaie béante et dégénérée qui constituait désormais sa bouche. Ses ennemis avaient commis une erreur fatale : ils s’étaient déployés comme s’ils s’attendaient à une charge directe qu’ils pouvaient arrêter de leurs bouches à feu. Mais il avait apporté les siennes.
La horde s’immobilisa juste devant la portée maximale des canons ennemis. Quelques-uns tirèrent tout de même et leurs projectiles frappèrent avec impuissance le sol boueux devant eux. Quand tout fut prêt, Tamurkhan leva sa hache colossale et l’abattit. Le signal était donné. Sous le couvert du brouillard, les chars de bronze et de fer entrèrent dans la bataille. Des projectiles embrasés commencèrent bientôt à tomber avec une précision diabolique sur les batteries de l’Empire groupées derrière la palissade et ce malgré la brume. Les explosions des obus du Mortier Sismique des Nains du Chaos, remplis de puissants explosifs, étaient dévastatrices : de grands panaches de flammes déchiquetaient hommes et canons avec une égale facilité tandis que le sol lui-même tremblait tel un animal blessé. Alors que la vague de destruction s’abattait sur l’ennemi et que la confusion et l’horreur se répandaient dans les rangs, les cavaliers Dolgans et des chevaliers Kurgans chargèrent en hurlant, accompagnés de chiens déformés. Derrière eux venaient les Rejetons du Chaos, les Ogres et des Trolls – une masse de haine et de muscle, vouée au massacre.
La bataille fut rapide et effroyable, tourbillon de folie et mort. Les canons rugirent de chaque côté et des hommes et des bêtes furent mis en pièces. Plutôt que subir ce feu, une colonne de chevaliers impériaux lança une contre-charge. Les régiments derrière eux tenaient leurs positions et des miliciens paniqués se recroquevillaient de terreur ou essayer de fuir à travers les portes de la cité. Les cieux s’obscurcirent d’essaims de mouches et ils bruirent des battements d’ailes de dragons et de Chimères qui plongèrent sur les canons des murs de la cité et se déchaînèrent à l’intérieur de la ville. Des cavaliers des deux camps s’affrontèrent dans l’espace séparant les deux armées. Les chevaliers Kurgan aux armures noires combattirent ceux de la Reiksguard dont l’armure étincelait. Chacun chargeait à travers les rangs ennemis et faisait demi-tour pour charger à nouveau. Autour d’eux combattait une foule de cavaliers légèrement armés – des maraudeurs d’un côté et des pistoliers impériaux de l’autre. Les détonations des cavaliers de l’Empire couvraient les trompettes. À l’arrière de la horde qui avançait venaient les machines-démons des Nains du Chaos. Propulsées par leurs moteurs fumant, elles déchaînèrent un tir de barrage sur leur ennemi. Ils étaient à présent assez proches pour battre les murs et les tours qui tombèrent les unes après les autres.
L’affrontement des cavaleries se finit de façon brutale : les forces de l’Empire, très surpassées en nombre, furent submergées et éparpillées. Dans un rugissement, toute la horde du Chaos s’élança tel un raz de marée contre la palissade alors que les forces impériales tentaient de battre en retraite derrière les murs. Des obus et des boules de feu tombèrent alors devant les portes forçant les fuyards à traverser un rideau de mort. Les survivants firent pleuvoir depuis les créneaux des tirs d’arquebuses et les traits d’arbalètes dans le vain espoir de ralentir la vague des ennemis. Enfin, une douzaine de machines de guerre fit feu sur la grande herse aux portes de la cité en train de se fermer. Un peu plus tard, la herse et toute sa maçonnerie se désagrégeait lentement. Cette démolition entraîna effondrement des murs tout autour qui emportèrent avec eux des centaines de défenseurs. Les guerriers de la horde hurlèrent de triomphe tandis que les soldats de l’Empire criaient leur désespoir. Des géants dotés de griffes de fer se précipitaient sur les ruines de murs, traînant derrière eux une grande longueur de chaîne. Ils abattirent les derniers canons et mortiers sur les murs et, une fois que les impériaux réussirent à les tuer, leur corps servit d’échelles pour les centaines de combattants qui suivaient. Les Ogres de la Peste se taillèrent un chemin à travers les poches des défenseurs. Le ciel s’obscurcit à cause des poussières des incendies jusqu’à devenir un crépuscule surnaturel déchiré par le bruit des fusées incendiaires. La horde du Seigneur des Vers se déversait dans la cité et massacrait, portée par la joie des combats.
La cité brûla.

L’Ombre sur Nuln

À la cour de la Comtesse Emmanuelle von Leibwitz de Nuln, l’approche de la horde avait éclipsé toutes les autres préoccupations. La grande cité de Nuln se situait au cœur de l’Empire des Hommes et fourmillait d’industries autant que d’intrigues. En taille comme en puissance, la ville était la seule véritable rivale de la capitale impériale Altdorf. Protégée quelque peu par sa situation géographique, elle avait longtemps usé de sa richesse et de son influence pour armer et reconstruire l’Empire déchiré par la guerre, s’enrichissant à chaque guerre civile, invasion et catastrophe qui marquaient la longue histoire du royaume avec la fréquence des tempêtes saisonnières. Désormais, elle faisait face à une terrible menace à sa porte. Depuis des générations, nul n’avait vu ici un ennemi d’une puissance pareille.
Ce n’était pas seulement la taille et la puissance de la horde qui préoccupaient, mais également sa vitesse et les ambitions qu’elle affichait. Des rumeurs concernant l’arrivée de Tamurkhan surgirent plusieurs mois en amont. Des histoires parlaient d’une sombre armée ravageant les Principautés Frontalières. Un jour le flot des réfugiés atteignant le sud de l’Empire s’amenuisa soudainement. Cela était déjà en soi un indice inquiétant sur ce qu’il se passait de l’autre côté des montagnes, mais ce ne fut qu’à l’arrivée du seigneur mercenaire tristement célèbre Lietpold le Noir que les rumeurs se précisèrent et qu’une menace imminente pour l’Empire fut réellement envisagée. Ensanglanté et vaincu, Lietpold se présenta à la forteresse frontalière de Mendhelhof qui gardait la Passe du Feu Noir. Bien qu’il fut condamné à mort par de plusieurs maisons nobles de l’Empire et considéré comme un assassin et un renégat sans honneur, ses capacités de général étaient incontestées. Lorsqu’il parla de sa propre principauté en ruine et des ravages de la horde du Chaos venue de l’est, le seigneur de Mendhelhof l’écouta.
Le Margrave du Wissenland, Olger Hoch, prit la menace très au sérieux. Il envoya immédiatement de solides renforts défendre le Col du Feu Noir, tandis que Lietpold était escorté sous bonne garde à Nuln pour témoigner devant la Comtesse. Pendant que le Margrave levait son armée et préparait son vaste territoire à la guerre, dans la grande cité-état de Nuln, dont le Wissenland était le vassal, l’invasion imminente fut traitée avec une inquiétude croissante. Les augures, les présages des églises de Sigmar et de Myrmidia et les pronostics des sorciers du Planétarium Céleste de Nuln, prophétisèrent tous l’arrivée d’un désastre. Mais, pour la Comtesse Emmanuelle qui dirigeait sa cité impassible derrière son masque de porcelaine, ce fut le retour à la cour de la Magistrice d’Améthyste, Elspeth von Draken qui fut le témoin le plus sûr du cataclysme à venir. Elspeth, aussi crainte que renommée, était l’objet de nombreuses légendes dans la cité et certains la surnommaient « la Rose des Cimetières ». La puissante sorcière se tenait habituellement à l’écart de la politique impériale et des Collèges de Magie et elle ne se montrait que lorsqu’un terrible péril ou qu’un rival la menaçait. Sa voix sinistre vint donc s’ajouter au chœur des prédictions malheureuses et la Comtesse crut le récit de Lietpold. La Magistrice, dans un conseil de guerre à huis clos, parla de l’agitation des vents de magie et de la façon dont ils croissaient en puissance. Elle parla des âmes des morts qui lui avaient parlé de la tempête à venir, et comment, pendant les nuits de pleines lunes, elle avait ressenti Shyish, le vent magique qui lui conférait son propre pouvoir, glisser vers les massacres se déroulant dans le sud comme attiré par un aimant. Sur le dos de son dragon Carmin, asservi à sa volonté par la magie Améthyste circulant dans ses veines, elle avait suivi les courants invisibles de son vent magique jusqu’aux Principautés Frontalières ravagées. Là-bas, Elspeth von Draken avait interrogé des morts et des mourants et elle connaissait à présent  l’ennemi et son projet pour l’Empire de Sigmar.

La chute de Pfeildorf

Les préparatifs à Nuln étaient déjà en train de s’accélérer lorsque les rapports indiquèrent qu’une vaste horde du Chaos avait passé les Montagnes Noires. Elle était apparue non pas au niveau du Passe du Feu Noir comme prévu mais au niveau de la Passe des Crocs de l’Hiver. Elle s’était regroupée dans les landes méridionales de l’Empire. La confusion régnait et Olger Hoch ordonna immédiatement l’évacuation de ses forces situées dans ces terres de toute façon peu habitées. Cette région qui faisait partie de l’ancien Solland (une province de l’Empire détruite depuis longtemps et annexée par le Wissenland) fut abandonnée à elle-même tandis que le Margrave regroupait ses forces. Le Wissenland avait toujours été un endroit désolé et peu peuplé et ses austères habitants étaient bien habitués aux privations et aux pillards, ainsi qu’au froid de l’hiver et aux colères de la nature. L’abandon de ces vastes étendues était une tactique déjà employée auparavant, ils reculaient et ne laissaient rien à l’envahisseur qui s’affaiblissait et s’affamait. Ils pouvaient alors les affronter au moment et à l’endroit choisi. C’était une tactique éprouvée par les Wissenlanders, mais contre la horde de Tamurkhan cela s’avéra une entreprise risquée. Il ne s’agissait pas d’un raid d’orques indisciplinés, ni même d’une attaque brutale comme on pourrait l’attendre d’une harde d’Hommes-Bêtes en maraude. Au lieu de cela, la taille, la vitesse et la férocité de la horde du Chaos prirent au dépourvu les Wissenlanders et toutes les tentatives pour retarder ou entraver son avancée furent vaines. Les places fortifiées et les tours de guet furent écrasés avec une facilité déconcertante et leurs assaillants s’arrêtaient à peine pour les piller. Lorsque la horde arriva devant Pfeildorf, que tous prirent avec horreur la pleine mesure de la menace. Les renforts rappelés du Passe du Feu Noir n’étaient pas encore arrivés et Olger Hoch, le Margrave, vit qu’il avait déjà perdu lorsqu’il aperçut à l’horizon le nuage de poussières soulevé par les dizaines de milliers de pieds des envahisseurs. Cependant, il refusa d’abandonner sa cité à l’ennemi en dépit des demandes des émissaires de la Comtesse. Il ordonna néanmoins l’évacuation des civils. A peine les derniers réfugiés avaient-ils quitté la ville que le bruit des sabots et des battements des tambours se firent entendre.
Hoch, vétéran d’une vingtaine de batailles, avait établi ses forces devant les murs de la cité, soutenu par les troupes et les canons qui garnissaient les remparts. Il forçait son ennemi à attaquer sur un front étroit qu’il pourrait pilonner à sa guise et il espérait encore rompre leur charge et obtenir l’avantage. Il n’avait cependant pas pris en compte les machines de guerre des Nains du Chaos ni la puissance féroce des monstres de l’armée face à lui. Il paya son erreur de sa vie ainsi que de celle de plus de quatre mille de ses hommes tandis que la cité faisait face à son destin.
Les nouvelles de la destruction de Pfeildorf frappèrent comme un coup de tonnerre les habitants de Nuln. La vague de panique parmi les réfugiés entrant dans la cité se heurta à une répression rapide et brutale. Les fauteurs de troubles (ou pour toute personne se trouvant là lorsque l’ordre était rétabli) étaient punis d'amendes ou d'un enrôlement forcé dans la milice. Pour les forces de Nuln, qui se préparaient à la bataille tout en sachant que l’ennemi n’était au mieux plus qu’à quelques jours de marche, la destruction de Pfeildorf et de ses défenseurs représentait un coup dur, mais qui leur accordait aussi un peu de répit et des renseignements précieux sur leur ennemi. Ils connaissaient à présent leur puissance magique et celle de leurs terribles engins de siège. La Comtesse Emmanuelle et son conseil de guerre fixèrent leurs plans en conséquence.
La colère de Tamurkhan fut telle qu’il ordonna de raser la cité de Pfeildorf, et la Légion d’Azgorh s’y employa avec joie, douchant le toit des maisons et les rues étroites avec des projectiles incendiaires jusqu’à ce qu’il ne reste plus que des ruines. Le nuage de fumée provenant de la ville en flamme était clairement visible à de nombreuses lieues, si bien que même du plus haut rempart de Nuln le sombre destin de Pfeildorf était incontestable.
Dans les rangs de la horde, le mécontentement grandissait tandis qu’il apparaissait que la ville qu’il venait d’écraser n’était pas leur but véritable. Ceux qui adoraient des dieux rivaux succombèrent à des luttes intestines ; beaucoup se souciaient pas du sang qu’ils versaient ou des murs qu’ils renversaient tant qu’ils avaient la possibilité de répandre la mort et la destruction au nom de leurs dieux. Beaucoup considéraient que Tamurkhan avait commis une erreur : ce fut là la cause de l’acrimonie et de l’appréhension pour les guerriers des Terres du Nord et les serviteurs du Chaos qui méprisaient la faiblesse par-dessus tout. Certains y virent l’humour cruel des dieux dirigé contre Tamurkhan. En quelques jours, il y eut des centaines de morts et l’unité de la horde commença à se dissoudre pour faire apparaître des clivages par race ou par allégeance. Tamurkhan se retira avec son cercle de disciples de Nurgle et se plongea des jours durant dans un rituel impie pour apaiser son maître, le Seigneur de la Déchéance. Les Nains du Chaos de Drazhoath exprimèrent leur colère pour avoir dépensé de précieuses munitions et des machines contre la « mauvaise cible ». Ils demandèrent compensation et, pendant que Tamurkhan se consacrait à son rituel, ce fut Sayl le Parjure qui parla en son nom et leur offrit l’exclusivité sur une victime de leur choix. Ils choisirent la ville fortifiée de Dakarhaus située au nord-ouest. Les nains attaquèrent la ville avec une rapidité et une efficacité brutale. Ils prirent la ville en une nuit, brisant les portes avec une version modifiée d’une de leur machine-démon qu’ils baptisèrent « Brise-Crânes ». Cette dernière, équipée de marteaux et de faux actionnés par la vapeur, faisaient épouvantablement peu de cas des pierres, du bois et de la chair se trouvant sur son chemin. Soutenus par les tirs de canons à magma et du nuage de cendres conjuré par le Seigneur Drazhoath et sa cabale de forgerons-démonistes afin de harceler les défenseurs postés sur les créneaux, la ville fut prise quasiment intacte. Les guerriers disciplinés de la Garde Infernale massacrèrent rapidement les défenseurs une fois les remparts franchis et abattirent tous ceux qui résistaient. Ils profanèrent ensuite les temples des dieux humains avec le sang de leurs prêtres et en les consacrèrent à la suprématie d’Hashut construisant des bûchers sacrificiels en leur sein. Malheureusement pour les habitants de la ville de Dakarhaus et les réfugiés qui s’y trouvaient, ils ne reçurent pas une mort rapide, car les descendants de Zharr-Naggrund étaient venus pour asservir et non pour massacrer. Bientôt toute la ville devint une enclave fortifiée tandis que la Légion d’Azgorh en faisait une base pour ses opérations. Les nains étayèrent rapidement les défenses qu’ils avaient détruites et démolirent le pont traversant la rivière. Pendant ce temps, les jours défilaient et le reste de la horde commençait à s’étioler. De petits groupes razziaient les terres au sud de Nuln tandis que les forces de l’Empire se contentaient de se regrouper dans la grande cité et attendaient l’inévitable attaque. Ils se renforçaient petit à petit tandis que la cohésion et la puissance de la horde se consumaient.
Trajet de la horde dans l'Empire.
[encore une fois la géographie est approximative et l'auteur ne reprend que très partiellement les noms de lieux connus précédemment.]


Un assassin essaya de tuer Tamurkhan pendant qu’il s’éveillait de sa rêverie impie. Invisible, silencieux et enveloppé de magies subtiles, l’assassin solitaire traversa les ruines de Pfeildorf vers le campement fétide occupé par les plus proches acolytes du Seigneur des Vers. Il était installé au milieu des vestiges carbonisés d’un temple de Sigmar qui s’élevait à présent comme une cage thoracique brisée. Là, des milliers de corps avaient été entassés autour d’une grande fosse creusée à l’intérieur des cryptes, leurs fluides nécrosés s’infiltraient dans la terre à l’agonie pour former une sorte de mare de corruption dans laquelle barbotait des démons et où Tamurkhan se baignait parfois.
L’assassin enleva ses protections magiques après avoir dépassé l’entrée de la fosse emplie de cadavres sachant qu’il ne pouvait pas rester invisible plus longtemps. Il sauta dans l’abîme, un liquide brillant coulant de sa bouche et de ses yeux, la silhouette clignotait telle une apparition.
Il heurta l’eau sombre dans une décharge de puissance et un sifflement d’ébullition, les vapeurs nocives qui emplissaient la crypte formaient des flammes surnaturelles verte et ambre au contact de la peau de l’assassin. L’assassin semblait danser sur l’eau sombre tandis que les lames incandescentes de ses épées magiques tranchaient et brûlaient la chair bouffie des Crapauds Pesteux à une vitesse prodigieuse. Un Troll Bileux sorti des ténèbres en hurlant, ses longs bras dégingandés tendus pour attraper l’intrus, mais il était trop lent et l’assassin lui plongea une lame enflammée dans un œil. L’assassin accéléra sur une berge en pierre à demi submergée par les eaux puantes. Sa cible était face à lui. Tamurkhan, plus gonflé et plus terrifiant que jamais, surgit des ténèbres en traînant dans son sillage des miasmes écœurants.
Un poing de la taille d’un bélier fila vers l’assassin qui esquiva. La statue de pierre d’un prêtre oublié se brisa sous l’impact. Les lames incandescentes dansèrent et la chair pourrie brûla. Tamurkhan se mit à rire. Un hideux gargouillis sortait de sa gorge ravagée tandis que les lames s’enfonçaient dans sa chair enflée qui pulsait de façon obscène. La chair du seigneur du Chaos se referma et piégea les lames. Le Seigneur des Vers projeta l’assassin surpris dans l’eau noire. Il refit surface quelques instants plus tard, un pouvoir ardent brillant en lui comme une flamme blanche et bleue qui rendait visible le contour de son crâne et de ses os à travers sa chair devenue translucide. L’assassin canalisa tout son pouvoir pour une ultime attaque, mais le Seigneur des Vers ne lui laissa aucune chance. Il écrasa son adversaire avec le couvercle de sarcophage dont il se servit comme un gourdin. La pierre se fracassa et le coup retenti comme le tonnerre dans la crypte. Comme une poupée brisée, l’assassin lutta encore une fois pour s’extraire des eaux noires, mais il n’était pas seul dans cette mare fétide. Des doigts longs et osseux l’attrapèrent et des yeux et des bouches malveillantes s’approchèrent de lui. Le bruit de son ultime lutte était couvert par des rires sauvages.
Des suivants de Nurgle et leurs serviteurs arrivèrent ensuite sur les pas de l’assassin. Tamurkhan examina les restes de son agresseur de ses yeux blancs de cataractes. Saturé de magie et dépourvu d’âme, le corps était quasiment carbonisé. Le commanditaire avait bien préparé son coup et masqué ses traces. Le corps était trop endommagé pour être possédé et il n’y avait nulle âme à faire tourmenter par les shamans ou les sorciers. C’était un automate animé par les vents de magie dressé pour tuer et rien de plus. Qui pouvait l’avoir envoyé ? Des sorciers impériaux ou un autre plus proche encore – peut-être un usurpateur ? Cette question ne tracassa pas longtemps Tamurkhan, car cela n’était plus important pour lui à présent. La chose avachie dans la fosse n’avait plus grand-chose à voir avec le Tyran Ogre que le Seigneur des Vers avait possédé dans les Montagnes des Larmes. Le corps de la créature avait pourri et gonflé comme une parodie de mort-vivant. Les stigmates de Nurgle étaient clairement visibles. L’air autour de lui empestait la charogne et des nuages de mouches l’entouraient. Les adorateurs de Nurgle accourus y virent l’approche de son apothéose. Ils tombèrent à genoux et renouvelèrent leur serment de fidélité. Pour Tamurkhan, le Trône du Chaos était à portée de main. Le champion béni ne semblait plus capable de parler comme un mortel mais ses mots pouvaient être discernés par ses acolytes dans le bruissement fou des mouches se nourrissant de ses flétrissures. Les ordres de Tamurkhan étaient clairs et une procession sinistre de démons se leva avec lui de la fosse : des douzaines de choses inhumaines ébattant leurs membres endoloris. L’heure était venue et Nuln devait subir la colère du Chaos.

CHAPITRE 6 : LA TEMPÊTE DE SANG

Le Seigneur des Vers se trouvait au centre de la horde du Chaos. Il chevauchait toujours le Dragon-Crapaud Bubebolos. La puissante bête était quasiment intimidée par ce que son maître était devenu. Un flot fétide ocre noir suintait du corps de Tamurkhan et ce fluide était considéré comme un élixir capiteux par les dévots du Dieu de la Peste regroupés autour de lui. La suite du seigneur était constituée de ce qu’il restait de ses partisans, champions et guerriers qui avait été ses compagnons depuis la bataille de Zanbaijin. Pour eux, cette dernière semblait avoir eu lieu dans une autre vie et nombre d’entre eux avaient été transformés au-delà de toute reconnaissance par les bénédictions et les afflictions de leur divinité corrompue. Une nouvelle coterie de démons de Nurgle les accompagnait : des Chevaliers de la Peste, des cauchemars à moitié limace et des Nurglings pépiants. Sur les flancs de cette horde venaient ceux qui jouissaient de la faveur du Seigneur des Vers : des meutes de Trolls Bilieux, des Rejetons du Chaos pourrissants, des Ogres de la Peste et les Chevaliers de la Pourriture de Kayzk le Souillé aux armures rouillées.
Le reste de la horde forte de milliers de combattants suivait derrière ceux-là, à distance respectueuse des miasmes du Seigneur de la Déchéance. Une centaine de bandes de taille plus modeste, des mutants d’origine humaine, des égarés, des damnés, et d’autres suivants encore, vestiges faméliques de la harde d’Hommes-Bêtes, quelques Géants de siège asservis et bien d’autres bêtes monstrueuses et créatures sans nom marchaient encore dans le sillage de Tamurkhan.
Au loin, sur le flanc gauche de la horde, venait une seconde armée qui suivait les rives du Haut Reik : des cavaliers, des chevaliers et des maraudeurs Kurgans ainsi que la troupe des Khans Dolgans et leurs chariots-autels drapés d’écheveaux de chair. Sayl le Parjure était au centre de cette colonne juché sur un trône d’ivoire installé sur le dos d’un mammouth de guerre balafré. Seule une douzaine de ces créatures avaient survécu au long voyage. Désormais, les Kurgans ne croyaient plus en Tamurkhan se tournaient vers Sayl pour leurs ordres et interpréter les signes des dieux du Chaos.
Une troisième menace arrivait lentement mais inexorablement depuis le sud-est. La Légion d’Azgorh quittait Dakarhaus en traversant le nouveau pont fortifié. C’était une colonne disciplinée, en rang par cinq, tous vêtus d’acier noir et accompagnés de machines crachant de la vapeur. Le Seigneur Drazoath survolait son armée avec sa monture aux ailes enflammées, le Grand Taurus Souffle de Cendre et regardait avec une malice calculatrice son déploiement.
Si quelqu’un avait été en mesure d’observer ces trois colonnes, il aurait peut-être deviné qu’elles marchaient toutes sur Nuln. Les Nains du Chaos étaient les plus prudents dans leur progression, et même alors que la horde avait pillé et brûlé autant que possible les terres derrière elle, la Légion d’Azgorh avait laissé une garnison à Dakarhaus pour se maintenir une voie de repli. L’horizon au sud de Nuln était sombre comme un crépuscule.
Les défenseurs de Nuln s’étaient déployés sur les positions préparées pour la défense de leur cité lors des heures froides de l’aube. Le sort de Pfeildorf était dans tous les esprits et les généraux de la Comtesse Emmanuelle et les Grands Maîtres des Ordres de Chevalerie étaient déterminés à opérer une défense en profondeur. La majorité de leurs forces affronteraient la horde sur une zone dégagée là où ils seraient capables de manœuvrer et, si nécessaire, de se replier à travers une série de lignes défensives  allant jusqu’aux fortifications de la cité. Ainsi, ils espéraient empêcher la horde de concentrer ses forces - monstres ou magie - sur un seul point des murs de la cité et y percer une brèche comme ils l’avaient fait à Pfeildorf. Ils n’autoriseraient pas non plus les terribles machines de guerre qui avaient ravagé Pfeildorf, à s’installer à portée de tir de la cité : le succès du plan dépendait de leur destruction. Pour cela, près d’un millier de chevaliers, de pistoliers et de cavaliers irréguliers s’étaient massés sur les pentes à l’ouest de la cité. Ailleurs, des rangs serrés des troupes régulières : lanciers, hallebardiers, arquebusiers et batteries de canons, attendaient la horde au sommet des digues d’inondation qui dominaient la péninsule où les puissants fleuves de l’Aver et du Haut Reik se rejoignaient. L’Empire avait choisi cette étendue détrempée visible de la grande cité mais pas trop près comme champ de bataille et c’est là qu’il espérait briser la horde. Parmi les milliers de défenseurs de la cité, certains étaient plus que de simples soldats. Il y avait également des cultes déments de flagellants dévoués à Sigmar et les zélotes d’une demi-douzaine d’autres cultes de martyrs pour qui, la lutte contre le Grand Ennemi était autant une question de foi que de survie.
Aux points stratégiques de la ligne de bataille de l’Empire, les sorciers des Collèges de Magie attendaient l’ultime test de leur art magique dans la bataille à venir. Nombreux était ceux qui n’avaient jamais vu de telles turbulences dans les Vents de Magie qui tournoyaient follement dans le ciel avant de s’écouler tel le courant rapide d’une rivière.
Elspeth von Draken surveillait le rassemblement des hommes depuis le dos de son Dragon Carmin accroché à une flèche de la cathédrale telle une terrifiante gargouille vivante. Elle pouvait sentir les pulsations du talisman qu’elle avait offert à Theodore Bruckner – le champion de la Comtesse – pour le protéger de la magie corrompue de son ennemi juré. Le rôle de Bruckner dans la bataille à venir était simple mais extrêmement difficile ; il devait chercher Tamurkhan, le maître de la horde et le vaincre. Cet acte pourrait faire la différence ce jour-là entre la victoire et la défaite. Ses sens occultes d’initiée de l’Ordre d’Améthyste étaient harmonisés avec le flux et le reflux de la vie et de la mort. Elle distingua en contrebas une vingtaine d’âmes ardentes qui pouvait trouver ce jour la gloire ou disparaître brutalement. Celle de Lietpold le Noir n’était pas des moindres. Il avait reçu le commandement des cavaliers irréguliers et son désir de vengeance était si fort qu’elle pouvait presque sentir le goût du sang, amer et cuivré, sur sa langue.
Le jour du massacre arriva lentement. Un brouillard pâle s’accrochait à la terre humide et des milliers de prières muettes furent adressées aux dieux des hommes et criées avec exaltation aux Seigneurs de la Ruine. Le soleil se leva tel un fanal sanglant et la bataille commença.

Combat et carnage
LLes batteries de l’Empire parlèrent les premières. Sans perdre de temps, elles lancèrent des volées rapides de boulets à leur portée extrême sur l’avant-garde de Tamurkhan qui avançait déjà. Ces canons au long fût étaient plus légers que leurs homologues du centre de la ligne Impériale, mais leur tir était tout aussi mortel contre une cible si imposante qu’ils ne pouvaient guère la manquer. Des hommes et des bêtes étaient mis en pièces par ce bombardement régulier, mais la horde continuait à avancer sans peur ou considération pour les pertes. Ses rangs semblaient ne jamais faiblir et, tir après tir, des canons devenait rouges de chaleur. La horde s’approcha de plus en plus près, et bientôt les troupes régulières disposées en carrés défensifs commencèrent à distinguer l’horreur de leur ennemi. Certains tremblaient, tandis que d’autres commencèrent à prier, mais les rangs tinrent bon. Le regard sévère des vétérans ajoutait de la fermeté à ceux dont la résolution vacillait et les prêtres guerriers passionnés parcouraient les lignes en appelant au courroux du Saint Sigmar pour châtier les serviteurs honnis du Chaos.
Des cornes retentirent dans la brume à l’extrême ouest de la ligne Impériale où les défenses jouxtaient la rivière, mais leur son fut bientôt noyé par le tonnerre des sabots tandis que les Kurgans arrivaient comme une vague miroitante d’acier. Le long des berges du Haut Reik, les défenses impériales étaient tenues par les levées d’Asher commandées par le Graf Esmer Tolbruk : quatre régiments de troupes régulières du Manteau Gris de Nuln, soutenus par un détachement de Chevaliers de l’Éperon Sanglant et une puissante batterie de canons - soit quelque quatre cents hommes et une vingtaine de machines de guerre. Mais ce n’était rien face à l’assaut Kurgan. Ils arrivèrent comme un fer de lance et la ligne Impériale trembla et se brisa à son contact. Les redoutes furent débordées en un instant, des cavaliers piétinèrent les servants d’artillerie en fuite et un tourbillon de lames massacra les courageux se tinrent face à l’assaut. Les chevaliers de l’Empire en armure étincelante contre-chargèrent et furent instantanément défaits. Sayl le Parjure se tenait au cœur de l’assaut, faisant pleuvoir des éclairs et des malédictions du haut de son trône tel un dieu courroucé tandis que son Rejeton du Chaos Gueule-Ténébreuse s’agitait derrière lui, avide de carnage. Les Kurgans traversèrent les défenses de la Levée d’Asher et personne ne pouvait leur résister.
Au centre de la ligne impériale, éloignée de plusieurs lieues du carnage près de la rivière, une immense boule de feu s’éleva soudain dans les airs avant de s’immobiliser dans le ciel tel un second soleil. Elle commença ensuite sa chute vers le sol. Le projectile brillait si vivement que toute l’armée impériale fut baignée de sa lumière. Les rangs vacillèrent un moment, puis l’orbe de feu frappa le sol dans une explosion tonitruante et incendiaire. L’impact retentit sur tout le champ de bataille et les guerriers de chaque camp serrèrent leurs armes qui tremblaient entre leurs mains. Les chevaux ruèrent et leurs cavaliers luttèrent pour les calmer. C’est ainsi que la Légion d’Azgorh annonça son arrivée. Ce projectile était issu d’un immense fourneau installé sur un autel d’acier monté sur roues. Il était si lourd qu’il fallait trois machines-démons pour le tracter. Les Nains du Chaos avaient déployé leurs lignes en forme de diamant à la limite de portée des canons des impériaux. Ils gagnaient ainsi rapidement des positions de tir où ils installaient leurs machines de guerre, dont les bruits diaboliques pouvaient être entendus distinctement depuis les murs de la cité.
Il ne restait qu’un énorme cratère fumant là où la boule de feu était tombée - une grande fosse noire dans l’herbe verte. Heureusement pour les Impériaux, le projectile était tombé juste devant leur principale ligne de feu. L’explosion n’avait détruit qu’une des tranchées les plus avancées. Même si certains artilleurs abandonnèrent terrifiés leurs positions, ils revinrent rapidement et ouvrirent le feu avec tout l’arsenal de canons et de mortiers à leur disposition. Des nuages de fumée blanche s’élevèrent tout le long de l’armée impériale et bientôt on put entendre les boulets de canon siffler dans les airs par vagues tandis qu’ils s’abattaient sur la horde du Chaos. Les projectiles de toutes sortes pleuvaient entre les armées pendant que la horde avançait inexorablement, sans tenir compte de ses pertes.
Chaque camp essayait de faire taire l’artillerie adverse – car sans artillerie l’une ou l’autre des armées subirait obligatoirement un lourd désavantage. L’armée Impériale possédait beaucoup plus de canons que les Nains du Chaos mais les portées étaient si longues que seuls les canons les plus grands avaient une chance d’atteindre les positions des Nains du Chaos. La majorité des bouches à feu étaient donc utilisés pour tenter de réduire les rangs de la horde avant le contact inévitable. Les morts s’accumulaient dans les deux camps. Une fois que les artilleurs qualifiés de la célèbre École d’Artillerie de Nuln trouvèrent leur portée, ils bombardèrent avec précision les positions des Nains. Un tir emporta un artilleur Ogre qui explosa en faisant pleuvoir ses entrailles toxiques sur les forgerons-démonistes qui l’accompagnaient. Un autre boulet de canon atterrit dans une caisse de munitions d'un mortier et l’explosion fit trembler le sol sur une lieue et envoya la Garde Infernale des nains voler dans les airs tels des fétus de pailles. Les armes des nains du Chaos étaient conçues pour les sièges, et leurs munitions étaient longues à préparer et encombrantes à charger. Pour chaque obus envoyé sur les rangs ennemis, une centaine de boulets de canon traversait les rangs de la horde. Malgré cela, ils répliquaient avec force. Les armes des Nains du Chaos étaient imprégnées de puissances démoniaques terrifiantes. De puissants jets de pouvoir hurlant dévorait tout ce qu’il touchait, des munitions en fusion étaient lancés telles des flèches à travers le champ de bataille et de sinistres roquettes incendiaires tombaient du ciel en hurlant. Chaque projectile des Nains du Chaos infligeait des dégâts considérables et, de nombreux canons disparurent dans des boules de feu. Bientôt, la confusion fût visible dans les rangs de l’armée Impériale, même si les bannières restaient levées bien haut en signe de défi.
Les lignes se rapprochèrent et des carreaux d’arbalètes vrombirent dans les airs. Les cris de guerres montèrent de chaque camp tandis que les hommes tenaient bon face à l’armée d’horreurs assoiffées de sang qui marchaient sur eux. À deux cents pas, les arquebusiers Impériaux ouvrirent le feu. Après le déclic des percuteurs, la fumée envahit soudain les lignes des défenseurs. Au sein de la horde, une vague de corps tomba dans la boue, abattus comme s’ils étaient fauchés. Mais les hideuses créatures et les guerriers mutants de Tamurkhan, hors de contrôle, escaladèrent les corps sans ciller. Plus elle se rapprochait, plus la cohésion de la horde se rompait. Les énormes Trolls Bilieux et des Rejetons du Chaos, plus rapides, courraient à l’avant de la horde dans leur désir frénétique de destruction, tandis que les Démons Mineurs de Nurgle énuméraient bruyamment les noms de ceux qui étaient tombés. Des nuages de mouches, aussi épais qu’un brouillard dense, se ruaient vers les hommes de l’Empire à partir des rangs en décomposition des fils de Nurgle. Pendant ce temps, au-dessus du champ de bataille, le chevaucheur de Dragon Orhbal Vipergut menait une force de démons ailés, de harpies corrompues et de Manticores suffisante pour assombrir les cieux contre des chevaliers montés sur des griffons aux ailes blanches et un trio de sorciers Flamboyants montés sur un char volant de feu et d’acier noir. Tout autour d’eux, le ciel était traversé par des fusées hurlantes, des explosions magiques et des obus. Le sang tomba comme une bruine tandis qu’ils se heurtaient.
Au sol, Kayzk le Souillé lança au trot ses Chevaliers de la Pourriture qui formaient la garde d’honneur à l’avant de leur maître Tamurkhan. Le terrain entre les armées était maintenant tellement grêlé que l’allure des chevaliers du Chaos en était réduite, mais cette progression lente n’avait plus d’importance maintenant que les canons impériaux étaient largement réduits au silence. Face à eux, l’infanterie ennemie resserra sa formation pour résister à la charge alors que les premières des bêtes courant devant la horde ravageaient leurs lignes. Les fantassins fermaient les rangs pour se tenir épaule contre épaule. Ceux en première ligne calèrent leur hallebarde contre leur pied droit et apprêtèrent leurs épées pour recevoir la charge. Kayzk sourit férocement à leur folie et au vain espoir qu’ils puissent survivre à la mort qui allait s’abattre sur eux. De l’arrière, à une centaine de pas derrière les hallebardiers, une pluie de flèches et de balles s’abattit les chevaliers du Chaos, mais la plupart des projectiles ricochèrent sur leur armure rouillée et gluante ou sur les lourdes plaques qui protégeaient leur monture. Seuls quelques projectiles, par-ci, par-là, touchèrent leur cible, perforant l’armure à une articulation, ou en trouvant quelque endroit trop affaibli par la corrosion et le chancre. Quelques cavaliers tombèrent à terre et quelques chevaux hennirent de douleur mais tous avançaient sans relâche.
Les chevaliers du Chaos abaissèrent leurs lances acérées et chargèrent. Leurs montures démoniaques  crachaient de l’écume noire à cause de l’effort intense déjà fourni. Les cent pas de distance devinrent cinquante. Les cinquante, dix. Soudain, les premiers rangs impériaux s’éparpillèrent précipitamment, révélant un trio de plusieurs fûts de canons ciselés de bronze. Même s’ils l’avaient voulu, il était trop tard pour retenir la charge. Imprégnés du sombre plaisir de leur existence impie, les Chevaliers de la Pourriture ne se souciaient pas du danger. Au moment où les Canons Feu d’Enfer tirèrent des langues de feu s’échappèrent des fûts en rotation, chaque canon déchargea une douzaine de petits boulets. Ils ouvrirent de grandes brèches dans les rangs du Chaos. Ceux qui survécurent aux tirs se précipitèrent directement sur l’infanterie ennemie. Par endroits, les vaillants soldats tinrent leur position, mais à d’autres, ils furent dispersés ou abattus jusqu’au dernier. Les Chevaliers de la Pourriture survivants n’eurent pas de difficulté à franchir le mur des hallebardes étincelantes dressées face à eux. Leurs grandes montures piétinèrent les soldats d’infanterie, écrasant les premiers rangs et frappant avec leurs sabots ferrés d’acier ceux qui se trouvaient derrière eux, tandis que les cavaliers empalaient les hommes les uns après les autres avec leurs lances, d’autres attaquaient avec des fléaux à tête de crâne dont les pointes étaient enduites de poison.
Mais, même lorsque les régiments impériaux s’enfuyaient, d’autres prenaient rapidement leur place à mesure que la deuxième ligne s’avançait. Parmi eux, il y avait des régiments à la livrée de gueules et de sable des hommes d’armes personnels de la Comtesse, les Joueurs d’Épée en armure de plate complète de la Garde du Trésor aux épées à deux mains ciselées d’or, et d’autres avec des épées sombres et épurées avec leurs boucliers portant l’insigne d’une douzaine de royaumes. Derrière eux venaient le grand autel de guerre de l’Archidiacre de Nuln, tiré par des flagellants ensanglantés. Autour de l’autel, des fanatiques à peine armés criaient et se fouettaient, hurlant leur désir de se sacrifier pour Sigmar. Bientôt, même les plus terribles des chevaliers du Chaos et les plus déchaînés des Rejetons du Chaos se retrouvèrent en infériorité numérique et encerclés par des pointes de lance et des lames couvertes de sang. Alors que l’issue semblait incertaine, le Dragon-Crapaud Bubebolos et son terrible maître entrèrent dans la mêlée avec un mugissement assourdissant. Ils étaient accompagnés de Géants corrompus et de puissants démons de la peste. Le souffle fétide du Dragon- Crapaud liquéfia les chairs, et nombre d’hommes tombèrent en hurlant pendant que de terribles maladies et afflictions se propageaient sans avertissement comme un feu courant de corps en corps à mesure que les démons de Nurgle approchaient. Derrière la vague de monstres, les Hommes-Bêtes achevait les blessés avec une sauvagerie animale.
La bataille faisait rage et la ligne impériale commençait à se faiblir malgré la bravoure désespérée et l’habileté des soldats. Contre une telle sauvagerie issue des pires cauchemars, nul ne pouvait triompher. Sentant la victoire à portée de main, les Champions du Chaos en appelèrent à leurs sombres dieux et poursuivirent le combat avec une vigueur renouvelée. Leurs lames tachées s’élevaient et s’abaissaient dans un tumulte de mort pendant que les bêtes mutantes, haletantes, se jetaient à nouveau sur l’ennemi.

Armes de fer et de chêne
Le jour désormais bien avancé et tout le champ de bataille s’était transformé en un océan mouvant de boue et de chaos. Par milliers, les soldats luttaient et mouraient dans le bourbier. Le combat s’était déplacé entre le contingent des Nains du Chaos et les canons impériaux, mettant fin au duel d’artillerie. La légion d’Azgorh avait réagi et profitait du répit pour panser ses blessures. Elle entama un redéploiement en colonne pour profiter d’une meilleure position à l’ouest de la ligne de bataille principale. Le seigneur Drazhoath n’avait pas la moindre intention de laisser ses troupes être emportées dans la tuerie qui se déroulait sous ses yeux. Il avait déjà payé un tribut en hommes et en machines supérieur à sa loyauté à la cause de Tamurkhan. Désormais, il envisageait d’attendre le résultat du carnage et ajuster ses plans en conséquence. Tout en préservant ses machines de guerre, il pourrait peut-être même bombarder la mêlée sans discrimination si le cours de la bataille tournait en défaveur des forces du Chaos.
C’est à cet instant qu’un brouhaha montant de  l’arrière-garde ennemie attira son attention. Depuis le flanc ouest, une compagnie montée encore intacte quittait les lignes impériales pour contourner la mêlée. Elle galopait à vive allure vers les positions des nains du Chaos. Quelques instants plus tard, elle était suivie par quatre machines de guerre qui ne ressemblaient à rien de ce que le seigneur Drazhoath avait jamais vu. Ces machines étranges et spectaculaires crachaient de la fumée, sifflaient et cliquetaient comme si elles étaient sur le point d’exploser. Drazhoath pensa d’abord aux fameux chars à vapeur impériaux, mais il se rendit vite compte qu’il n’en était rien. Ces créations, bien plus grandes que ses propres Démons de fer étaient conçus comme des navires de guerre incongrus montés sur de hautes roues et propulsés par un improbable moteur à vapeur qui, même à cette distance, semblait particulièrement instable. Leurs ponts fourmillaient de soldats affairés. C’est avec stupeur qu’il remarqua les sabords avants se relever et il aperçut des gueules de canons. Le seigneur Drazhoath cracha une malédiction en langue naine et aboya sur-le-champ des ordres à ses subordonnés. A force de cris et de coups, la colonne d’engins blindés se contorsionna pour former un cercle défensif. Le sorcier-prophète des nains du Chaos observa les machines foncer sur eux, et ce bien plus vite que leurs propres machines n’aurait été capable de le faire. Les « navires terrestres » lui avaient complètement fait perdre de vue les cavaliers au galop, qui approchaient dangereusement ! Drazhoath remarqua que certains d’entre eux étaient munis d’étranges armes mécaniques. Leur objectif fut rapidement révélé lorsque ces cavaliers ouvrirent le feu – leur cadence de tir était plus rapide que tout ce que Drazhoath connaissait, à l’exception des armes étranges des Skavens du clan Skyre. Ces tirs frappèrent au hasard la colonne des Nains du Chaos en pleine réorganisation. La Garde Infernale adopta une formation défensive aux rangs serrés et combattit le feu par le feu avec ses tromblons, laminant chevaux et cavaliers sans distinction. Mais Drazhoath jura à nouveau en constatant les dégâts déjà occasionnés, tandis que les cavaliers atteignaient déjà la colonne de machine de guerre : c’était bien là leur cible. Les cavaliers survivants lancèrent alors des bombes à main sphérique dans les canons et les moteurs des machines de guerre et des chariots de munitions avec des résultats dévastateurs.
Le Seigneur Drazhoath s’élança dans les airs avec son Taurus Soufflecendre alors que les Navires Terrestres se rapprochaient rapidement des mortiers de sièges et des canons à magma, toujours arrimés à leurs chariots de trait. Les forgerons-démonistes tentaient désespérément de préparer leur mise à feu. Les Navires Terrestres commencèrent à viser les canons nains avec leurs canons de proue et leurs armes légères montés sur leurs plateformes. Un boulet de canon bien placé frappa l’un des énormes mortiers et ce dernier bascula complètement de son chariot dans une bruyante explosion. Son équipage fut tué ou mutilé au milieu du métal broyé de leur machine de guerre. Au fur et à mesure, alors que les Nains du Chaos se regroupaient sur une position défensive, d’autres vagues de cavaliers arrivèrent à travers la formation de Navires Terrestres. Ils étaient près d’une centaine cette fois. Ils portaient des vêtements ivoire, une armure émaillée de noir et des armes à feu de toutes sortes. Plusieurs portaient des arquebuses à répétition ou des tromblons tandis que d’autres étaient bardés de pistolets. Cette cavalerie fondit sur les chariots de munitions, déchargeant leurs armes sur les servants et les esclaves. Pendant qu’ils opéraient, des épéistes débarquèrent des Navires Terrestres et repoussèrent toutes les tentatives des Nains de Zharr pour sauver leurs camarades.
Furieux, Drazhoath ordonna mentalement à sa monture de plonger dans la mêlée. La puissante créature enflammée s’exécuta et Drazhoath ressentit un frisson de plaisir lorsque Soufflecendre inonda de  flammes le pont du Navire Terrestre le plus proche : les cris de l’équipage étaient une musique suave pour un sorcier. D’un geste de sa main noueuse, il invoqua le pouvoir de son dieu et recouvrit un deuxième véhicule d’un voile de cendres pendant que le premier, en feu et incontrôlable, s’éloignait. Le martellement de nombreux sabots retentit soudain et l’inquiétude de Drazhoath se transforma en jolie tandis que des centaines de cavaliers Kurgans apparaissaient. Cependant, au lieu de rejoindre à cette bataille, ils remontèrent la colonne à toute vitesse et ignorèrent le sorcier Nain du Chaos et ses cruelles imprécations.
Pendant ce temps, les deux Navires Terrestres restants s’empressèrent d’attaquer la colonne de machines suivante, mais là, la Garde Infernale engageait une lutte acharnée contre les cavaliers ennemis qu’ils repoussèrent rapidement, bien que les épéistes s’en sortaient mieux, leur bannière à l’aspect étrange semblait crier telle une âme damnée dans la tourmente. Les Navires Terrestres progressèrent plus lentement, car ils avaient dépensé beaucoup de leur énergie au cours de leur rapide avancée. Ils avaient subi les tirs des Nains du Chaos et des volutes de fumée s’échappaient de trous béants dans leurs flancs. De la fumée noire et des flammes s’échappaient de la cheminée de l’un d’eux tandis que son moteur pétaradait bruyamment. Ces semblables se déplaçaient maladroitement : l’un disparaissait sous un nuage de cendres, un autre brûlait et le quatrième libéra étrangement d’une de ses ancres. Cette dernière le fit pivoter brusquement et il s’encastra dans un détachement de la Garde Infernale qui s’apprêtait à faire feu. Son canon de proue fit feu et la mitraille lacéra les Nains du Chaos et même leurs armures tant vantées se montrèrent inefficaces. Le Seigneur Drazhoath lança Soufflecendre sur un petit groupe de cavaliers ennemis et se gaussa cruellement tandis que le Taurus les réduisait en un tas de viande carbonisé méconnaissable. Le Navire Terrestre en feu s’écrasa de face contre un Démon de Fer et les deux explosèrent dans une boule de feu qui envoya des éclats à travers le champ de bataille, perforant une aile de Soufflecendre et ricochant sur l’armure de Drazhoath. Peu à peu, les Navires Terrestres s’épuisèrent : certaines roues étaient brisées, leurs chaudières percées et sifflantes, et leurs armes hors d’usage. Un Brise-Crâne s’en prit à l’un d’eux, immobilisé. Ses dents mordirent dans le blindage et ouvrirent un trou à travers la coque dans un bruit crissant et émergea de l’autre côté dans une pluie de débris, coupant en deux le monstre de bois. Les rares cavaliers et épéistes survivant se replièrent à la suite du dernier Navire Terrestre, fumant et criblé de balles, aussi rapidement que ses roues endommagées pouvaient l’emmener. Dans les rangs des Nains du Chaos, les dégâts et les pertes étaient considérables et ils n’étaient pas en mesure de poursuivre.
« Trahison ! » hurla Drazhoath aux cieux.

Le vortex de sang
Les trompettes et le martellement des sabots venus de l’est retentit assez fort pour masquer la clameur de la bataille et même faire trembler le sol. À ce bruit, Tamurkhan fit cabrer son Dragon-Crapaud et regarda autour de lui. Au-delà de la mêlée, il vit un grand mur d’acier brillant fondre sur eux telle une vague déferlante. Les bannières et les penons noir et or, gris et écarlate claquaient et volaient au-dessus des chevaliers d’une douzaine d’ordres dont les pointes des lances abaissées promettaient la mort. Le seigneur de Nurgle éperonna Bubebolos qui lâcha un cri assourdissant et se tourna pour parer cette nouvelle menace, le Seigneur des Vers agita sa grande hache pour appeler sa horde à le suivre. Ce fut au tour de la horde de sentir les lames tranchantes de leur ennemi et de résister à la charge des chevaliers. L’impact de la cavalerie impériale ébranla la horde, mais elle ne céda pas face à l’assaut. Ce furent les guerriers humanoïdes à pied – les maraudeurs, les Hommes-Bêtes et les mutants qui payèrent le plus lourd tribut et moururent par centaines lors des premiers moments à mesure que la colonne scintillante d’acier et de colère vengeresse percutait la mêlée. Même les puissants Ogres de la Peste engoncés dans les armures noires forgées par les Nains du Chaos furent taillés en pièces, percés à plusieurs endroits par les lances des chevaliers. Derrière la première vague de chevaliers venait la charge de pistoliers et de cavaliers irréguliers. Ces derniers s’élancèrent dans la mêlée et recherchaient leurs propres cibles. Ils déchargeaient leurs armes à répétition à bout portant contre les gros monstres, ou projetait leurs lances dans le dos des Guerriers du Chaos en plein combat. Peu se souciait de leurs camarades touchés par maladresse. Çà et là, des éclats lumineux de magie révélaient la présence de sorciers de bataille parmi ces cavaliers. Des explosions brûlantes de lumière blanche carbonisaient la chair rance des Démons Mineurs de Nurgle, les réduisant en cendre. Ailleurs, un énorme enchevêtrement d’épines vivantes sortit de terre et emprisonna des Trolls Bileux dans une étreinte mortelle. Malgré leurs efforts, ces puissants monstres ne purent se libérer. Les ronces déchirèrent longtemps leurs chairs en perpétuelle régénération.
Si la charge massive de la cavalerie de Nuln devait porter un coup décisif à la bataille en faveur de l’Empire, ce fut un échec. Cette action ne fit que rétablir l’équilibre entre les camps une fois de plus. En quelques minutes, les belligérants s’empêtrèrent et l’impulsion de la charge fut complètement perdue tandis que les chevaliers et les cavaliers irréguliers combattaient dans d’innombrables duels. Les haches des Guerriers du Chaos se tournèrent vers un nouvel ennemi, abattant monture et cavalier grâce à leur force inhumaine, et bien vite les bêtes bouffies de Nurgle désarçonnèrent les chevaliers et écrasèrent indifféremment montures et cavaliers dans leurs étreintes tentaculaires. Un  Géant, plus grand qu’une tour de guet, sa peau pâle déjà couverte de nombreuses plaies ouvertes, marcha vers une batterie. Il se saisit de grands canons qu’il lança sur des cavaliers impériaux en approche, aussi facilement qu’un enfant des pierres. Il cessa brusquement lorsque le géant tomba au sol en hurlant tandis qu’un Griffon fou de rage, sans cavalier s’écrasa sur sa poitrine tel un boulet de canon. La créature, les ailes battant à toute allure, réduisit en lambeaux ce qu’il restait du visage du Géant avec ses griffes étincelantes.
Le centre de la ligne impériale était maintenant une vaste mêlée s’étendant sur plusieurs miles – un massacre sans chef ni quartier. Les cris des mourants emplissaient l’air et s’entendait jusqu’aux rues de la grande cité où les réfugiés tremblaient de peur. Le sol du champ de bataille était réduit à un bourbier de sang et de boue dans lequel disparaissait des corps encore agités de soubresauts. Les deux camps savaient instinctivement que celui qui gagnerait ce bras de fer mortel emporterait la victoire, et toujours plus de renforts de chaque camp furent envoyés nourrir ce vortex de sang. Les cieux s’obscurcirent comme si le soleil refusait de voir l’horreur qui régnait ici-bas.
Au fur et à mesure que la journée défilait, le bain de sang se poursuivait sans que la victoire ne se dessine pour l’un camp ou l’autre. Tamurkhan quitta le front, et Bubebolos, marqué par une vingtaine de plaies ouvertes, coupa les pointes de lances fichées dans sa peau écailleuse. Il boitait d’un postérieur où une boule de feu avait carbonisé son genou jusqu’à l’os. L’esprit du Seigneur des Vers, à moitié fou suite au déchaînement sauvage de la journée et la puanteur du carnage l’environnant, compris tout de même que l’Empire pouvait tout de même l’emporter avec ses forces restantes rien qu’à cause de l’attrition. Peut-être même avait-il déjà suffisamment affaibli ses forces pour qu’ils n’aient plus la force nécessaire pour espérer passer les défenses de la cité. Furieux au-delà de toute mesure, le seigneur appela à lui ses commandants, aussi bien mortels que démons pour répondre de cet échec. « Où étaient les cavaliers Kurgans, pourquoi ne s’étaient-ils pas joints à la mêlée ? » et de ses propres yeux, il vit les panaches de fumée noire provenant des machines des Nains du Chaos qui se retiraient de la bataille. « Ils croient que leur travail soit terminé ? Que Nurgle les emporte ! »
Tamurkhan atterré écouta les rapports expliquant la fuite des cavaliers Kurgans et leur dispersion à travers les collines à l’arrière. Il s’étrangla de fureur en réalisant que la victoire était en train de lui échapper. Tout était perdu, le Trône du Chaos, pourtant si proche, se dérobait. Et pourtant… et si… les Démons lui chuchotèrent qu’il y avait peut-être une autre manière...

La danse de mort et de corruption
Alors que le crépuscule tombait sur le carnage, l’intensité de la bataille baissa progressivement. Les acolytes du Dieu de la Peste décrochèrent sous le couvert de l’obscurité, laissant une poignée de monstres incontrôlables combattre à leur place. Ils laissèrent derrière eux les survivants des armées impériales engourdis et épuisés, incapables de les poursuivre, même s’ils l’avaient voulu. Les pertes de Nuln étaient effroyables même si aucun décompte précis n’était possible. Des soldats aux yeux vides, titubants et blessés remontaient vers la cité à travers le grand pont qui enjambait la rivière – des poignées de survivants pour des régiments initialement forts de centaines d’hommes.
 Les citoyens qui les attendaient - femmes et enfants, vieillards pour la plupart - les assistaient du mieux qu’ils le pouvaient avec des pansements et de la nourriture, de la bière et des couvertures. Un voile de deuil et de silence s’était abattu sur toute la cité. Les cieux s’assombrissaient encore, masquant la lune et les étoiles. Tous pouvaient ressentir un terrible changement dans l’air. Une horreur sans nom était sur le point de naître.
La cour de la Comtesse Emmanuelle n’était qu’activité frénétique alors que les nouvelles des pertes arrivaient. Elspeth von Draken, fantomatique, traversa la cour avec des nouvelles de la situation. Quelque chose était en train de se produire sur les rives du Haut Reik, au sud de la cité, quelque chose de terrible qui pouvait encore amener la ruine.
L’assaut contre l’Abbaye des Lillys était une action désespérée qui n’aurait pas été possible sans les réserves de magie combinées des sorciers de bataille de Nuln pourtant déjà au bord de l’épuisement. Leurs sorts qui permirent d’accélérer la vitesse et de déformer les distances pour permettre aux troupes impériales de frapper à temps, étaient si dangereux que le Sorcier Gris qui tissa le sort fut consumé. Il ne resta de lui qu’un nuage de cendres après le lancement.
Une colonne de chevaliers en lambeaux, les survivants encore ensanglantés de la douzaine d’ordres qui avaient déjà mené la bataille du jour s’élancèrent menés par le Champion de la Comtesse, Théodore Bruckner. Ce dernier chevauchait Faucheur, son demi-griffon et portait son cou un talisman d’améthyste brillant. Ils se heurtèrent au brouillard de miasmes surnaturels qui entourait l’abbaye profanée. Les chevaliers étaient soutenus par des prêtres guerriers et des fantassins - des épéistes et des sorciers, tous volontaires sachant que leur survie était loin d’être probable.  Au-dessus d’eux, les ailes du Dragon Carmin balayaient l’air vicié et la forme fantomatique d’Elspeth von Draken soulevait sa faux scintillante. Les armées de l’enfer se levèrent pour les affronter.
Les démons mettaient en pièce les chevaliers, leurs griffes fétides éviscérèrent les destriers, mais même lorsqu’ils mourraient les guerriers en armure écrasaient encore leurs lances à travers les yeux cyclopéens et plantaient leurs lames bénies dans les chairs bouffies des démons. Les zélotes impériaux se jetaient sans peur vers la mort. Leurs fléaux tournoyaient et leurs saintes prières repoussaient les massifs Crapauds  Pesteux, les brûlants comme du vitriol. Un sorcier du Collège d’Ambre dont la forme changeait rendait coup pour coup contre ces horreurs, mais il fût rapidement englouti. Le souffle magique du Dragon Carmin alluma un feu éclatant à travers l’abbaye et porta un coup terrible à un Grand Immonde qui luttait pour déplacer sa masse débordante de chair en décomposition et de membres déformés.
Malgré leurs efforts, il était évident que tout cela risquait d’être vain. Ils n’étaient tout simplement pas assez nombreux face à la légion démoniaque qui semblait sans fin. Tamurkhan était la clé. Il devait mourir avant que le rituel n’atteigne son zénith.
Faucheur progressait en longues foulées vers le seigneur de Nurgle, bousculant les Portepestes qui se dressaient pour lui barrer le passage. Il s’arrêta brusquement pour en attraper un et le mettre en pièces de son bec tranchant puis de le jeter à l’écart comme un chat le ferait avec une souris. Bruckner souleva son impitoyable lame au-dessus de sa tête et lança un défi à Tamurkhan. Ce dernier, furieux et confiant, répondit promptement en soulevant sa puissante hache de la terre souillée à côté du corps du Dragon-Crapaud et se précipita sur le Demi-griffon à une allure stupéfiante. Un feu magique explosa alors sur Tamurkhan et l’enveloppa. Le seigneur chancela, et profitant de ce moment de distraction, Faucheur fut sur lui. Les serres de la bête tranchante comme des faux tailladèrent la chair pourrissante jusqu’aux os. Son bec arracha même la tête décomposée de l’Ogre. Tamurkhan vacilla mais ne tomba pas et sa puissante hache s’abattit dans un mouvement circulaire et atteignit le Demi-griffon à la poitrine, forçant la cage thoracique de la noble bête. Faucheur se cabra,  à l’agonie, et emporta la hache du Seigneur des Vers avec lui. Bruckner quitta juste à temps sa monture qui s’effondrait comme un arbre abattu. Il leva sa lame enchantée et frappa sans relâche d’estoc et de taille l’immense corps décapité de Tamurkhan. L’inhumaine horreur posa enfin un genou à terre sous l’assaut. Un flot grouillant de vers noirs jaillit sur Bruckner qui recula en chancelant. Les vers l’attaquaient comme ils l’avaient fait pour Sargath le Vaniteux et Karaka Brisemontagne.
L’obscène créature se projeta tel un serpent et s’agrippa au visage terrifié de Théodore Bruckner.  Elle traversa la peau et les os en se tortillant. Des os éclataient sous la pression tandis que les vers se forçaient un passage.
« Voici un superbe réceptacle qui sera le dernier dont il aura besoin. Il ne peut pas le refuser. Il était éternel. Il était… »
Le talisman autour du cou de Bruckner s’illumina, telle une étoile brillante dans la nuit. Dans un flash assourdissant il ne resta plus que des os noircis et de la poussière là où se tenait le champion de la Comtesse Emmanuelle. Et un instant plus tard, même eux disparurent et Tamurkhan, le Seigneur des Vers, avec eux.
Au-dessus de la bataille, Elspeth von Draken observa l’éclat brillant et s’autorisa un bref instant de satisfaction avant que la tempête de magie que le Seigneur des Vers avait invoqué ne se tarisse brusquement et se retourne contre le Chaos de façon catastrophique. Le plan de la sorcière avait porté ses fruits. Un tourbillon de magie se déclenchant centré sur l’endroit où Tamurkhan s’était tenu, à deux doigts de devenir lui-même un démon et tout fut réduit en ruines. Les rives du fleuve tremblèrent et se liquéfièrent et les enfants de Nurgle furent réduits en des nuages de cendres en l’espace d’un battement de cœur. L’abbaye des Lillys et tout ce qui s’y trouvait cessa d’être. Au centre du vaste cratère qui l’avait remplacé, un enchevêtrement de verre d’un vert sombre transperçait le sol comme une dague qui aurait frappé le sol. Le Dragon Carmin tomba sans vie des cieux et Elspeth von Draken s’évanouit telle une brume dans la nuit.
Ainsi finit la saga de Tamurkhan, celui qui voulait atteindre le Trône du Chaos.
Qu’en est-il de moi, son chroniqueur ?
Rendu aveugle par le métal brûlant, aujourd’hui abandonné et méprisé par mon peuple que j’avais élevé si haut et que les hommes avaient nommé le Parjure, j’ai été abandonné sur la route comme un mendiant sur le chemin de l’oubli et de la désolation. Je suis condamné par les dieux sombres à ma pénitence. Je suis un étranger dans une terre étrange, mais loin d’être impuissant.
Et bientôt mon histoire vous sera également contée.