LA BATAILLE DU TALABEC

8 Nachgeheim 1360 CI

The Empire at War - p8 à 25
Traduction Wilheim Von Carstein, PA & Oliems

"La rivière était enflée par les pluies et coulait à grande vitesse. Le courant tirant sans relâche sur mes jambes, comme s’il essayait de m’aspirer sous les flots, tandis qu’ils faisaient s’abattre une pluie de flèche sur nous. Tout autour de moi, des hommes mouraient. Relevant la tête, je vis une rangée de lances pointées vers moi et la fumée des feux du champ de bataille qui s’élevait en nuages asphyxiants. Je ne sais pas comment nous parvînmes à traverser la rivière mais une fois franchie, nous leur rendîmes la monnaie de leur pièce, et plus encore. "
- Piter Reiser, Épéiste du Talabecland

Empire at War se présente comme un ouvrage de leçons militaires écrit par le Grandmarshall Blucher von Vincke et imprimé à Altdorf 2523 CI. Cinq batailles sont présentées dont un chapitre sur la bataille de Talabec. L'Empire a une histoire riche de guerres civiles particulièrement longues.

GUERRE CIVILE

En 1360 débuta une guerre civile qui allait plonger l’Empire dans le chaos pour plusieurs siècles. L’Empire était alors encore jeune et immature, et les rivalités fratricides qui divisaient les tribus avant la venue de Sigmar refirent leur apparition.

La cause de cette instabilité était la quête du titre d’Empereur parmi les comtes. La quête du pouvoir corrompt les hommes, et amène souvent à la guerre. Les élections s’étaient tenues à la fin de l’année précédente et le Comte Électeur du Stirland, un homme puissant et un politicien expérimenté, avait remporté le vote d’un cheveu. Son plus proche rivale était Ottilia du Talabecland, une femme ambitieuse et sans peur. Devant toute la cour, elle accusa le comte d’avoir eu recours à la corruption et à ses liens étroits avec l’assemblée des électeurs pour s’assurer la victoire. Avec une impudence admirable, elle s’auto-proclama Empresse et quitta l’assemblée avec fracas.

Elle n’était pas la seule personne à suspecter le Stirland d’avoir eu recours à la corruption pour obtenir sa place, et nombreux furent ceux qui se rangèrent au côté d’Ottilia et promirent leur soutien dans la guerre qui se profilait. Son plus puissant allié était le Grand Prêtre d’Ulric. Le Grand Prêtre quitta Middenheim , accompagné de ses vassaux, et rejoignit d’Ottilia dans le Talabecland.

Le sort en était jeté. Le Talabecland et le Stirland rassemblèrent leurs forces et surent que la guerre était inévitable lorsque leurs diplomates rejoignirent leur cour respective après avoir été expulsés de leur ambassade.

Il est difficile de décrire les sentiments qui font leur domicile dans le cœur d’un homme lorsque les ronds de jambes et les subtilités des diplomates ont échoué, et que les désastres liés à la guerre, aussi inévitables que la Fin des Temps, se profilent. Pour ma part, un homme de guerre assumé depuis mon premier jour dans les armées de l’Empereur en tant que simple messager affecté au Général Kilbrecht durant sa campagne contre les orques, ces sentiments sont un mélange entêtant. L’excitation se mêle à la peur pour ma propre vie, et la terreur de savoir que tant d’hommes courageux souffriront des tourments indicibles aux mains de l’ennemi. Mais ces inquiétudes sont incapables de se mesurer à l’inamovible sens du devoir et de la fierté que je ressens à accomplir la tâche qui m’a été confiée, j’en suis convaincu, par Sigmar lui-même lorsqu’il me plaça sur cette terre.

OUVERTURE

[Ci-contre,]Une représentation artistique des deux protagonistes du conflit : la Comtesse de Talabecland et le Comte-Électeur de Stirland.
On remarque la posture guerrière des deux sujets, associée aux ornements relatifs à la royauté et à leurs rangs.
Aucun des deux nobles n'a cependant posé pour sa réalisation.

Dans les semaines qui suivirent rapidement sa sortie théâtrale de l’assemblée, Ottilia prit conscience des difficultés liées à sa position stratégique. Bien que jouissant du soutien de nombreux puissants, il était évident que la majorité s’était rangée derrière le comte du Stirland. Ottilia vit son nombre d’alliés s’amenuiser tandis qu’ils perdaient foi en sa cause, et seule l'action de ralliement du Grand Prêtre d’Ulric parvint à maintenir un semblant d’ordre au sein de sa cour.

Là est le risque à s’allier aux puissants : ils sont sans cesse attentifs à leur propre intérêt et quitteront le navire comme des rats dès qu’ils perdent foi. Personnellement, j’ai toujours maintenu un contrôle rigoureux sur mes alliés, et n’ai jamais sacrifié une once de mon pouvoir. Cependant, la position délicate d’Ottilia ne lui permettait pas d’exercer ce genre de contrôle dictatorial, et elle était forcée de collaborer avec ses alliés, de peur de perdre l’intégralité de leur soutien.

Le temps ne jouait pas en la faveur du camp d’Ottilia mais elle se retint de verser le premier sang. Certains historiens postulent que c’est là un signe de sa faiblesse. Ils soutiennent qu’elle ne souhaitait pas que l’Histoire la dépeigne comme l’instigatrice d’une guerre civile. Cela montre bien leur manque de compréhension de cette femme résolue et sans pitié. La décision d’Ottilia d’attendre dans le Talabecland était motivée par son incapacité à se lancer à l’attaque par manque de troupes. C’était une décision mûrement réfléchie, bien que risquée.

Ottilia tenta le destin en considérant que ses derniers alliés, principalement les Provinces de l’Est et du Sud-Est, resteraient à ses côtés jusqu’à ce que le comte de Stirland se déclare ouvertement. Le comte faisait face à la pression croissante de ses alliés, qui l’enjoignaient à écraser Ottilia aussi vite que possible. « Après tout, déclara le Comte d’Ostland, elle n’est qu’une femme. »

Cette citation encapsule probablement les sentiments d’un nombre incalculable d’hommes, victimes de leur propre stupidité. J’ai été marié à la formidable Madame von Vincke depuis quatre décennies, et peux déclarer sans rougir qu’elle est la seule personne à avoir la moindre once d’autorité sur moi. Aucun homme, orque, homme-bête ou démon n’a pu éveiller la même terreur dans mon cœur que la vision de mon épouse dans une de ses rages. Messieurs, je vous le dis : sous-estimez le beau sexe à vos risques et périls.

Au tout début du printemps 1360, le Comte mena son armée du Stirland au Talabecland. Les villageois prirent la fuite devant son avancée, malgré sa promesse qu’aucun mal ne leur serait fait. La vitesse des envahisseurs pris Ottilia par surprise et lorsque ses éclaireurs rapportèrent le progrès régulier de l’armée du Stirland, elle sût que son attente anxieuse était arrivée à sa fin. La guerre s’avançait sur ses terres, et elle se prépara à mener son armée à la bataille.

« En vérité, nous fûmes heureux de nous mettre en marche après une si longue attente. Nous étions dépassés en nombre, nos terres envahies et l’ennemi s’avançait sur nous à grands pas. Je n’ai jamais vu la Comtesse plus à l’aise dans son rôle qu’en ce jour de crise, » écrivit Lord Helmut Weisser, Maréchal de la cavalerie d’Ottilia.

Nombre d’historiens considèrent que la décision prise par Ottilia de quitter le havre de Talabheim fut une erreur. Talabheim est construite à l’intérieur d’un immense cratère, entouré de défenses naturelles constituées de falaises et de montagnes. Les formidables murs de cette cité renferment assez de provisions pour nourrir la population et l’armée pendant plusieurs années. C’est la forteresse parfaite et le comte de Stirland aurait eu de grandes difficultés à la conquérir.

Ces historiens ignorent cependant l’un des aspects les plus importants de la situation d’Ottilia. Elle venait tout juste de se proclamer Impératrice de l’intégralité des terres des Hommes, comment aurait-elle pu prouver sa valeur en se terrant dans sa cité ? Il était impératif pour elle de prouver sa capacité à affronter ses ennemis dans une bataille rangée. En résumé, elle ne pouvait espérer diriger l’Empire ou compter sur ses alliés vacillants pour rester à ses côtés, si elle restait dans ses murs. Cela aurait été perçu comme un signe de faiblesse et aurait sérieusement mis en doute son droit au trône.

LES FORCES DU STIRLAND

Les archives sur cette période de l'Histoire sont rares mais, heureusement pour la postérité, le comte de Stirland a tenu un journal dans lequel il détaille avec une grande minutie la composition de son armée.

Il avait pris son temps pour rassembler une force puissante et polyvalente, qui au printemps comptait huit mille lanciers, quatre mille épéistes et deux mille combattants à distance, dont quelques centaines d'arbalétriers. Cependant son atout principal était ses troupes montées. Il disposait en effet de trois cents cavaliers lourds dont une centaine de chevaliers du Sang de Sigmar – l'élite de l'armée impériale – et d'un millier d'autres cavaliers issus d'ordres moins réputés, plus obscurs. Il avait, au total, environ quinze mille hommes sous ses ordres.

L'infanterie provenait majoritairement des levées, mais était bien entraînée, bien équipée et savait faire preuve d'un courage sans faille. En plus des régiments de Stirland, l'armée comprenait aussi des régiments issus des régions voisines de l'Ostermark et de l'Averland. Il était rare pour un état de posséder une vaste armée armée permanente et Stirland ne faisait pas exception à la règle. Le potentiel d'attaque d'une armée dépendant, à cette époque, principalement de sa cavalerie.

Il est toutefois intéressant de noter que l'artillerie était alors quelque chose de rare dans les rangs de l'Empereur. Les écoles d'artilleurs n'avaient pas encore été crée, et seuls les nains étaient capables de construire des armes à poudre efficaces. En dépit de cela, Stirland apporta avec lui de nombreuses catapultes, qui malgré leur aspect rudimentaire, causèrent des ravages dans les rangs du Talabecland, Ottilia ne disposant de rien pour leur tenir tête.

LES FORCES DU TALABECLAND

Au premier abord, il semblait qu'Ottilia était largement désavantagée. En effet, le Talabecland et ses alliées, dont les effectifs diminuaient peu à peu, pouvaient aligner à peine dix mille hommes, qui plus est de natures très différentes : des groupes de mercenaires venus de tout le sud et des Principautés Frontalières, des chevaliers errants, mais également tous les hommes ayant dû quitter leurs villages pour défendre leur nation. De plus, une horde de flagellants s'était rattachée à la bannière du Talabecland, pensant sans doute que les deux camps s'entre-tueraient, condamnant l'Empire à la ruine. La manière dont Ottilia les amena à former une force combattante unie et viable force le respect quant à ses compétences en matière d'organisation.

Apporter l'unité dans ses rangs était une chose, mais trouver plus d'hommes prêts à les rejoindre en était une autre. Après avoir recruté tous les hommes en âge de se battre sur le territoire et avoir puisé profondément dans ses coffres pour payer les mercenaires, elle avait toujours moins d'hommes que Stirland. L'armée venant de Talabheim était constituée de quatre mille fantassins armés de piques et de lances - dont beaucoup étaient issus des réserves des Principautés Frontalières - mille cinq cents épéistes, mille archers et de seulement trois mille chevaux incluant ceux des chevaliers errants, des templiers du Loup Blanc, des gardes du corps du Haut Prêtre d'Ulric et des templiers de Taal. Son atout principal résidait cependant dans sa garde montée personnelle, l'Ordre de la Rose Noire. Ils étaient seulement une centaine, mais quand elle les conduisait à la bataille (comme elle l'avait fait plusieurs fois par le passé) ils étaient inarrêtables. Alors que l'armée de Stirland portait un uniforme vert et jaune (qui pouvait varier quelque peu selon les régiments), la majorité des hommes d'Ottilia devaient porter leurs propres vêtements. Elle ordonna donc à tout le monde - elle comprise - de porter un ruban rouge et jaune sur le bras gauche en signe d'affiliation à son armée. Ce détail pouvant sembler insignifiant contribua beaucoup pour créer un sentiment d'appartenance au sein des rangs pourtant très hétérogènes de son armée.

"La veille de notre marche vers la bataille, la Comtesse s'adressa aux hommes en ces termes : "Portez vos rubans avec fierté", cria-t-elle. "Sur le champ de bataille vous protégez l'homme à votre droite avec votre bouclier et, se faisant, vous protégez également son ruban, le rouge et le jaune de notre nation qu'il est de notre devoir de protéger contre l'envahisseur."

"Les acclamations furent telles que je jure que le Comte de Stirland doit les avoir entendues depuis là où il se cachait, soit à quatre-vingts lieues d'ici, sur la berge est de la rivière." écrivit le Seigneur Helmut Weisser.

La garde montée d'Ottilia : l'Ordre de la Rose Noire

"Je sentis le sol trembler sous mes pieds, nos piques s'entrechoquant alors que les vibrations s'intensifiaient. De derrière la colline venait l'Ordre de la Rose Noire, se dirigeant droit sur notre mur de piques. Nous ne pouvions y croire ! De la cavalerie chargeant de face des fantassins armés de piques c'était du suicide, mais ils chargeaient à pleine vitesse, leurs lances baissées. Je n'avais jamais eu aussi peur. C'était comme faire face à des dieux de métal, pas un centimètre de chair n'était visible. Nous lâchâmes alors nos armes et nous dispersâmes. Qui n'en aurait pas fait autant ?"
Voilà ce qu'écrivit un soldat anonyme de la Bataille des champs de Guidfried, où l'Ordre de la Rose Noire avait mis en déroute une phalange de deux mille hommes.
La garde personnelle d'Ottilia est, à juste titre, célèbre à travers tout le territoire. Ses membres sont recrutés parmi les meilleurs guerriers du pays et ses effectifs sont toujours maintenus à cent hommes. C'est un grand honneur d'être choisi et chaque homme est payé et équipé aux frais de l'état.
Leurs armures sont teintées de noir en référence à leur nom et seul leurs gants sont rouges, représentant le sang de l'ennemi. Ils sont armés de lances de cavalerie, de maces, d'épées et porte un écu frappé d'une rose et de ronces enroulées autour d'un coeur saignant.
Ce qui rend ces chevaliers si uniques est la barde que porte leur chevaux. L'armure des destriers suggère une affiliation de l'ordre au dieu Morr : crânes, représentations du redoutable dieu ainsi que d'autres motifs du même genre. Un tel rappel à la mortalité humaine couplé à la nature menaçante de l'imagerie qui orne les armures constituent une vision terrifiante pour n'importe quel ennemi.
Chaque chevalier apporte son savoir et son expertise en matière de combat afin de l'enseigner à ses compatriotes. Ainsi leurs prouesses au combat sont aussi uniques qu'efficaces. Il est du devoir de chaque chevalier de rester auprès de la Comtesse et de la protéger, quel qu'en soit le prix.

LE DÉPLOIEMENT

Bien que les troupes de Stirland étaient fatiguées, elles avançaient vite et Ottilia fût prise de court par la vitesse à laquelle elles avaient pénétré dans son territoire. Sur le sol durci par le givre elles se déplaçaient à la vitesse stupéfiante de trente-deux kilomètres par jour (cependant lors de ma campagne dans les Principautés Frontalières mes hommes marchaient trente-sept kilomètres par jour et sur un terrain autrement plus difficile). Au milieu du printemps, Stirland n'était plus qu'à trente kilomètres de la ville de Talabheim.

Alors qu'Ottilia s'évertuait à rassembler son armée, Stirland installa son camp sur la berge est de la rivière et attendit. Cette bataille est appelée Bataille du Talabec, bien qu'elle se soit en fait déroulée près d'un étroit cours d'eau, le Talastamm, cinq kilomètres au nord de la rivière principale. Toutefois, dans un soucis de simplicité, ainsi que pour conserver le nom d'origine de la bataille, j'utiliserais le nom de "Talabec" pour désigner cet affluent.

De nombreux historiens ont cherché à comprendre pourquoi Stirland a choisi de faire cela, et considèrent qu'il s'agit d'une erreur de sa part. Pourquoi n'a t-il pas continué et assiégé la ville ? Pourquoi s'arrêter si près du but ?

Il s'était arrêté pour plusieurs bonnes raisons. Premièrement, ses hommes étaient épuisés. Il les avait poussés dans leurs derniers retranchements pour entrer si profondément dans le Talabecland et ils avaient besoin de repos. Il était de plus mal équipé pour assiéger Talabheim, qui était lourdement protégée et réputée imprenable. Mais par-dessus tout : le temps était de son côté. Il avait de nombreux territoires a exploiter pour nourrir ses hommes et avait mis en place une chaîne de ravitaillement le long de la route par laquelle il était arrivé. Stirland avait compris qu'Ottilia devrait marcher pour le rencontrer, ou alors perdre la guerre pour le trône sans même avoir combattu, pendant que ses alliés perdraient confiance en elle. En attendant, Stirland la pousserait à sortir de la ville et l'amenerait ainsi à combattre sur un terrain qu'il aurait choisi, où la supériorité numérique lui permettrait de l'écraser.

Ottilia savait que ses alliés étaient hésitants et qu'elle devrais donc agir vite pour avoir la moindre chance de battre Stirland, qui pourrait dévaster ses terres pendant qu'elle se cachait dans la ville. Ceci, dit-elle, n'arrivera pas. Stirland envoya des éclaireurs afin de repérer la configuration du terrain et ainsi pouvoir déployer ses forces défensivement. Il occupait le village de Zweihäfen, niché dans un coude de la rivière. Ottilia devrait donc traversait l'eau pour l'affronter. Cependant, il était préoccupé par le fait que l'ennemi puisse l'attaquer de flanc et le bloquer dos à la rivière. Les éclaireurs rapportèrent qu'il y avait un passage à gué à environ huit kilomètres au sud de leur position. Il envoya alors, pour protéger son flanc gauche, mille lanciers et six cents archers pour tenir le gué. Confiant dans sa position et confortablement installé à l'Auberge du Bras-Mort, Stirland n'avait plus qu'à attendre Ottilia. C'était une stratégie judicieuse et moi-même chaque que je logeais dans une ville ou un village, j'élisais toujours domicile dans la taverne la plus proche, où je pouvais ainsi profiter des boissons locales.

Aussitôt que son armée fût en rang, Ottilia ordonna une marche rapide vers l'est afin de rencontrer l'envahisseur. Une atmosphère de peur planait sur le camp alors qu'ils se reposaient. Ses soldats savaient qu'ils étaient en infériorité numérique et chaque nuit des hommes désertaient en s'éclipsant discrètement par la forêt. Au crépuscule, et après six jours de marche, ils arrivèrent au Talabec, où les hommes de Stirland attendaient. Les soldats comméraient plus que jamais et la moindre remarque déplacée pouvait se répandre comme un feu de forêt dans ces heures calmes qui précédaient l'aurore. Cependant cela pouvait aussi être le cas pour le vibrant discours d'un général.

Les hommes d'Ottilia entendirent des chants et virent des centaines de feux scintillaient parmi les bâtiments de Zweihäfen. Les piques et les lances étaient rassemblées telles des bottes de pailles et ils pouvaient entendre les chevaux s'ébrouer. Les rapports sur la taille de l'armée de Striland n'étaient pas exagérés. Un air lugubre recouvrit le visage d'Ottilia et de ses généraux alors qu'ils considéraient leurs options.

LA DIVERSION

Le seigneur Helmut Weisser attribua l’idée de la stratégie à la comtesse Ottilia : « Nous savions que nous n’avions que peu de chances. Les Stirlanders étaient plus nombreux et nous avions besoin de traverser la rivière pour les atteindre. C’était une situation intolérable. C’est alors que la comtesse - puisse Ulric la bénir - eut une brillante idée »

La bataille aurait lieu le lendemain, on était au point de non-retour. Ottilia n’avait aucune chance de l’emporter si elle ordonnait à ses hommes de traverser la rivière, pour se porter au devant des flèches et des lances des Stirlanders. Elle réfléchit alors à une stratégie qui allait marquer l’histoire comme l’une des diversions les plus astucieuses jamais tentées, et que j’ai moi-même copié lors de ma victoire au pont d’Helot, en 2515 (consulter Les victoires de Von Vinke, presses d’Altdorf).

À quatre heures du matin, après des heures d’une pluie torrentielle, Ottilia ordonna à la moitié de son infanterie et de sa cavalerie de quitter son camp et de se diriger vers le sud, vers le gué, faisant le plus de bruit que possible. Les sentinelles des stirlanders entendirent le son de la colonne d’hommes et de chevaux en marche qui se dirigeaient vers le sud et ils le reportèrent à leur maître aux yeux chassieux.

En entendant la nouvelle, il s’imagina immédiatement qu’Ottilia tentait une manœuvre de contournement sur sa gauche. Si elle avait mobilisé autant d’hommes que le raffut le laissait présager, la force symbolique qu’il y avait déployée serait submergée. Il commanda à toute sa réserve, ainsi qu’a un tiers de l’infanterie de la ligne de front de se hâter vers le gué, pour repousser l’attaque d’Ottilia.

Alors que les éclaireurs d’Ottilia lui rapportaient la nouvelle des mouvements des Stirlanders, il est dit qu’elle étreignit le seigneur Weisser, puis qu’elle sauta de jubilation dans son pavillon. Le Stirland avait mordu à l’hameçon et dirigé près de la moitié de ses hommes sur une attaque de diversion qui n’aurait jamais lieu, car après une heure de marche, la majorité de la troupe de diversion fit marche arrière. Seules quelques compagnies d’épéistes et de lanciers continuèrent jusqu’au gué, faisant autant de bruit qu’ils pouvaient, s’assurant ainsi que les éclaireurs stirlanders continuent à croire que l’armée du Talabecland manœuvrait pour les contourner.

LES PREMIERS TIRS

À sept heures du matin, Ottilia commença son attaque. Elle fit avancer ses lanciers et ses épéistes jusqu’à la rive de la rivière, en quatre blocs, avec la cavalerie sur son flanc droit, et les archers à l’arrière. Elle se tenait sur une hauteur du terrain et regardait le village de l’autre côté de l’eau. Même si elle savait que la grande partie de l’armée du Stirland se trouvait plusieurs miles au loin, occupée à chasser un mirage, elle faisait toujours face à un formidable ennemi, occupant une bonne position. C’est ce moment - avant que le premier ordre ne soit donné - qui est le plus difficile pour un général, car il sait que quelque chose de terrible est sur le point d’arriver, et que des hommes vont mourir sous son commandement.

Ottilia donna alors l’ordre, ses archers tirèrent une première volée par-dessus le chef de son infanterie en progression. Stirland commanda alors à ses hommes de rester à couvert, entre les bâtiments, jusqu’au moment où Ottilia ordonnerait à ses troupes de traverser la rivière, de façon à ce que les archers ne trouvent que peu de cibles. Avec le soleil levant, et consciente que le Stirland aurait vite vent de sa diversion, et ferait revenir ses hommes, elle fit sonner la marche.

Ses hommes s’enfoncèrent dans la rivière en rangs disciplinés. L’eau leur arrivait à la taille, et le courant était rapide, ils luttaient pour garder leur élan et leur équilibre. Des fenêtres, des portes et des rues de Zweihäfen, les archers et arbalétriers du Stirland tirèrent. Les Talabeclanders durent alors subir une pluie de flèches et de carreaux durant leur traversée de la rivière. L’air trembla lorsque les catapultes du Stirland ébranlèrent leur affût, projetant de gros morceaux de maçonnerie récupérés sur quelques bâtiments de Zweihäfen sur les rangs se trouvant sur la rive opposée.

Les cris se mêlèrent avec les coups sourds alors que les projectiles écrasaient les chairs, projetant les hommes en arrière. Les arbalétriers dans les étages supérieurs des bâtiments avaient une ligne de vue claire sur les hommes d’Ottilia, et tiraient sur leurs cibles avec une précision mortelle. Traverser la rivière devint encore plus dur quand les cadavres commencèrent à flotter à contre-courant et les blessés à patauger et lutter. Ce fut une rude épreuve.

Alors que les premiers Talabeclanders atteignaient les rives, le Stirland sortit l’infanterie de son couvert, et les ordonna en carré de piquiers. Les archers talabeclanders leur tirèrent dessus, espérant les empêcher de se former correctement, mais les Stirlanders étaient bien entraînés et, alors que les soldats d’Ottilia rampaient sur les rives, ils se virent opposés à un solide mur de lances. Avec un cri de défi, ils se précipitèrent au combat.

 LA BATAILLE DU GUÉ

Mené par le capitaine Dieter Lieber des Chiens de guerre de Bögenhafen, un régiment de cavalerie mercenaire, la force de diversion d’Ottilia, forte de deux mille hommes, atteignit le gué alors que les premiers tirs résonnèrent sur Zweihäfen. L’infanterie traversa le gué au pas de charge et fondit sur les lanciers du Stirland.

C’est à ce moment que la faiblesse de la stratégie du comte de Stirland devint apparente. Il n’avait pas envoyé d’éclaireurs pour informer les troupes rassemblées au gué de l’arrivée de renforts, qui étaient encore à plusieurs milles de là, ni qu’une large force ennemie se dirigeaient vers eux. Ainsi, quand les hommes d’Ottilia franchirent l’orée de la forêt et chargèrent à travers la rivière, ils furent pris complètement au dépourvu. Ils n’étaient même pas en formation et beaucoup de soldats étaient encore en train de manger. Le temps que les archers Stirlanders sur la berge fussent rassemblés et prêts à tirer, l’infanterie était déjà engagée en combat, de sorte qu’ils ne pouvaient tirer sans toucher les leurs.

Dans une manœuvre classique mais exécutée à la perfection, le capitaine Lieber mena ses mercenaires à travers le gué, dans le dos des lanciers encerclés, brisant leur formation. Les survivants fuirent, suivis des archers, impuissants devant la cavalerie. En essuyant peu de pertes, les hommes d’Ottilia achevèrent de franchir la rivière et se dirigèrent vers le nord pour engager la force de diversion du comte de Stirland et la garder occupée le plus longtemps possible.

1.Ottilia envoie une petite force pour attirer l’armée du comte Stirland loin de son flanc gauche.

2. Le comte de Stirland envoie plus de la moitié de son armée pour contrer la menace, se privant de ses troupes pour une escarmouche inutile.

3. Ottilia attaque les Stirlander affaiblis à travers la rivière. Les forces du Stirland sont repoussées. Seule une attaque de cavalerie décisive permet de tenir Ottilia à distance.

4. La cavalerie de contournement d’Ottilia fond sur les arrières des Stirlanders. Son armée est déroutée et le comte de Stirland s’enfuit.

5. Ottilia envoie ses réserves sur les restes de l’arrière-garde de l’armée du Stirland et les pourchasse jusqu’à une ferme fortifiée.

 

 

 

COMBAT URBAIN

Alors que les Talabeclanders luttaient pour traverser la rivière, un éclaireur s’approcha d’Ottilia pour faire son rapport.

« L’éclaireur l’informa que la pluie avait emporté une bonne partie des berges deux milles plus au nord, créant dans le lit de la rivière un passage large et peu profond que la cavalerie pourrait emprunter. Il ne m’en fallut pas plus pour saisir l’opportunité qui s’offrait. La comtesse ordonna immédiatement à ses cavaliers, y compris l’ordre de la Rose noire, de traverser le gué naturel qui venait de se former. », écrit le seigneur Helmut Weisser. Ottilia fit bien de profiter de cette faveur du destin.

Il est impératif pour un général d’exploiter de telles opportunités. Comme l’éminent et distingué historien Wilhem Bleek le dit de moi dans son exceptionnelle œuvre, le Génie du général von Vincke, « a général digne de ce nom est constamment à la recherche de tout avantage qu’il peut gagner sur l’ennemi, et peu à cet égard s’illustrèrent mieux que von Vincke. » L’ouvrage de Bleek est excellent et s’attache à démontrer mes prouesses sur le champ de bataille.

Pendant ce temps, l’infanterie d’Ottilia, était entré en contact avec l’ennemi, essuyant sans broncher son feu. Ottilia fit traverser la rivière à toutes ses troupes. Elle savait que seule la force brute pourrait déloger l’armée du Stirland et permettre à la sienne de prendre pied sur la rive est.

Elle n’aurait pu demander à ses hommes effort plus soutenu. Ils durent escalader les cadavres de leurs camarades pour se jeter sur le mur de lances vacillant des Stirlanders. Les rues étriquées interdisaient les manœuvres de cavalerie et l’infanterie du Stirland, privée de soutien, fut peu à peu repoussée par l’assaut furieux des Talabeclanders en supériorité numérique.

Ce qui s’ensuivit était un genre de combat que peu connaissaient. Alors que les régiments d’infanterie se dispersaient dans les rues et ruelles, le combat s’empara de tout le village. Les pistoliers prirent position aux fenêtres et dans les alcôves, les arbalétriers tiraient depuis des positions en hauteur et les hommes se battaient désespérément maison par maison, pièce par pièce. Ils grimpaient dans les étages, se battaient dans les cuisines, mettaient le feu aux toits, glissaient dans le sang, poignardaient, s’étranglaient et mouraient. Les régiments perdirent leur cohésion et les hommes se battaient à un contre un. Il n’y avait aucun mur de boucliers pour les protéger, pas de formation de bataille, pas de manœuvres ingénieuses. C’était un combat brutal, primal qui dura plusieurs heures.

Alors que plus de Talabeclanders franchissaient la rivière, le poids du nombre se fit sentir et que les troupes du comte de Stirland se faisaient repousser du village et des champs alentour, celui-ci constata avec horreur ses hommes perdre lentement, atrocement, du terrain face à la marée Talabeclandere menée par le seigneur Weisser.

Cependant, l’infanterie se trouvait maintenant à découvert et le comte de Stirland put utiliser à nouveau la cavalerie. Il devina que les compagnies montées d’Ottilia étaient bloquées de l’autre côté de la rivière et il lança les siennes sur les Talabeclanders qui avançaient. L’infanterie épuisée fut repoussée dans le village sous l’assaut, ce qui permis au comte de Stirland de regrouper son armée ébranlée.

Sentant le cours de la bataille lui redevenir favorable, il ordonna à ses hommes d’avancer, la cavalerie protégeant ses flancs, pour repousser les Talabeclanders dans la rivière. Même à ce stade avancé de la bataille, on aurait dit que le comte n’avait pas encore réalisé qu’il faisait face à l’ensemble de l’armée de Talabec, et il ne pensa pas à contacter sa force de diversion pour faire le bilan de la situation. De plus, Ottilia et ses chevaliers se rapprochaient de sa droite.

ESCARMOUCHE DANS LE MARAIS

À la mi-journée, alors que l’infanterie d’Ottilia combattait dans les rues de Zweihäfen, le capitaine Lieber atteignit un marais qui le séparait de la force de diversion du comte de Stirland. La pluie qui était tombée toute la nuit avait fait du terrain un bourbier dans lequel les hommes ne progresser qu’avec peine..

Le centre du marécage, où l’eau saumâtre était la plus profonde, était infesté d’épaisses roncières et de broussailles d’arbustes et de buissons. De l’autre côté, la force de diversion était aussi à la peine. Privés d’ordres précis, ils brûlaient d’engager l’ennemi, qu’ils pouvaient entendre mais pas voir. L’infanterie tenta de traverser en ligne droite tandis que la cavalerie se dirigea vers l’est pour opérer un contournement. Alors même que le sort de la bataille s’était décidé plusieurs milles plus loin, la moitié de l’armée du Stirland perdait son temps à tenter de traverser un obstacle infranchissable pour s’abattre sur un leurre d’à peine deux mille hommes.

La stratégie du comte de Stirland s’avère d’autant plus difficile à défendre avec le recul. De telles désastres peuvent ruiner la carrière d’un homme, à jamais tachée par l’échec. J’ai eu la chance de ne jamais avoir perdu aussi lamentablement une bataille, nonobstant ce fiasco en Tilée ; alors, j’avais été trahi par des pluies diluviennes et des compagnies de mercenaires qui m’ont fait défection pendant la bataille. Mais je m’égare…

ENCERCLÉS ET DEROUTÉS

Au moment même où les hommes du Stirland croyaient prendre le dessus sur les Talabeclanders, Ottilia surgit à la tête de ses cavaliers. Quatre cents chevaliers franchirent la rivière dans un fracas de tonnerre, couverts sur leur gauche par la cavalerie légère.

« Le Stirland regarda stupéfait la menace qui approchait. Il n’avait plus de réserves à mobiliser contre cette nouvelle menace ; ces dernières étaient embourbées à plusieurs milles de là. J’ai lu la défaite sur les traits de mon seigneur », écrivit le Grand Écuyer du Stirland, le maréchal Albrecht.

Dans un cri de défiance, Ottilia fondit sur l’arrière-garde des Stirlanders. Seuls les vaillants chevaliers du Sang de Sigmar opposèrent une résistance, mais ils étaient déjà épuisés par leur combat contre l’infanterie, et l’ordre de la Rose noire, menée par leur cheffe charismatique se lança au cœur de la bataille et les piétina. Le fleuron de l’armée du comte de Stirland était réduit à néant et son infanterie à la merci de la cavalerie d’Ottilia.

Le comte réalisa son erreur trop tard. Il envoya un éclaireur rappeler sa force de diversion, mais la bataille était déjà perdue. Poussant des cris de triomphe, les Talabeclanders se lancèrent à la poursuite des ennemis en déroute. Voyant son armée se désintégrer sous ses yeux, le comte de Stirland s’enfuit ignominieusement. Les milliers d’hommes qu’il abandonnait fuirent vers l’est à sa suite mais, sans chevaux, ils ne pouvaient espérer distancer la cavalerie ennemie. Ils se réfugièrent dans une ferme fortifiée sur une colline, prêts à accueillir leur fin. Leurs rêves de victoire s’étaient transformés en désir de vendre chèrement leur vie.

La force de diversion des Stirlanders, apprenant la nouvelle de la destruction de l’armée principale et la fuite de leur chef, offrit de se rendre, ce qu’Ottilia accepta. Refusant de poursuivre le bain de sang, elle chevaucha elle-même jusqu’à la ferme pour convaincre les soldats de déposer leurs armes, leur promettant que s’ils acceptaient, ils pourraient rentrer chez eux sains et saufs. Ce qu’ils acceptèrent et Ottilia conquis le cœur et la gratitude de chacun d’entre eux.

La victoire était acquise. J’ai le plus grand respect pour la comtesse et ses qualités de général, car par sa ruse et sa vivacité d’esprit, saisissant les opportunités qui se présentaient et combattant avec un courage hors du commun, Ottilia l’avait largement emporté sur une force plus nombreuse.

ÉPILOGUE ET PORTÉE

Si Ottilia ne fut pas couronnée impératrice grâce à cette victoire, elle gagna cependant l’appui de beaucoup. Malgré cela, la guerre civile se poursuivit inlassablement pendant des siècles. Il est regrettable de constater qu’à cette période de notre histoire, il n’était pas rare que des armées humaines combattent entre elles. Imaginez seulement les rangs bruyants de lanciers et les chevaliers au trot, bannières au vent et tambours roulant, non pas pour s’opposer à des orques ou aux sombres forces du nord mais plutôt à leurs frères de sang impériaux ! Cela paraît inconcevable.

La bataille du Talabec fut l’un des plus violentes bataille de la guerre civile et devint une référence pour les confrontations à venir. Les factions en compétition pour le trône impérial en sortirent encouragées : avec assez de cran et d’hommes, n’importe qui pouvait faire valoir ses prétentions. « D’autres empruntent le chemin qu’un héros a foulé une fois sans crainte », commenta très justement a cette époque l’illustre historien Adolpheus Dreiter.

Le règne de l’empereur de Stirland fut court après cette débâcle. Ses alliés l’abandonnèrent de crainte d’être associés à un aussi piètre stratège. Autant dire que le trône était vacant et des prétendants ne tardèrent guère à le revendiquer. Les champs de l’Empire burent encore moult sang alors que les rivalités s’envenimaient et les armées bataillaient. La victoire éclatante à Talabec résultant de la ruse et de l’opportunisme d’Ottilia pava la voie à une nouvelle période de guerre civile et d’insatisfaction : une sinistre héritage pour une bataille si fameuse.