ou Grom la Panse en Ulthuan
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LA HE V4-5 p76 et suivantes
Citadel Journal 35 p.16 et suivantes
La bataille de Maugthrond (boite de base WFB4)
Après
avoir inexplicablement réussi à traverser le Grand Océan, les Gobelins
de Grom arrivent jusqu'à Tor Yvresse où ils manquent bien déstabiliser
le vortex d'Ulthuan ! Pour jouer la campagne du Citadel Journal 35 : voici le document. |
Venus
de l'est, portés par la tempête, les gobelins arrivèrent. Ils
parcouraient les vagues sur une vaste flotte de vaisseaux
rudimentaires, transportant des milliers de cruels guerriers à la peau
verte. Ils prirent pied sur la grève, leurs navires battus par le vent,
leurs voiles en lambeaux. Plus de la moitié de la horde grouillante
avait péri en mer, terrassée par le scorbut, dévorée par les krakens,
leurs vaisseaux disloqués sur les récifs de la Mer de la Terreur et
leurs esprits ravagés par les illusions autour des Îles Mouvantes. Plus
de la moitié avaient disparu, mais ils étaient encore innombrables.
Deux fois dix mille vivaient encore et leurs yeux brillaient d'une
lueur maléfique.Grom était leur chef : adipeux, puissant, cruel et
rusé. A sa suite, la horde avait tracé une route de carnage depuis le
cœur de silex des Montagnes du Bord du Monde, à travers les marches de
l'Empire jusqu'aux rivages de la Mer des Griffes. Elle avait brûlé de
nombreux châteaux humains, pillé de nombreuses tombes de rois nains.
Elle avait mis des armées en déroute et massacré d'innombrables
soldats. Grom aurait pu se bâtir un empire dans le Vieux Monde. Il
aurait pu balayer les royaumes des hommes et élever un domaine sur
leurs ruines. Il choisit de ne pas le faire, car il avait eu une
vision. Ses dieux lui avaient parlé et prédit qu'il serait le fléau des
elfes.
Grom
était la voix de la Waaagh. Touché par les dieux, il était la vivante
incarnation de l'esprit de conquête de sa race. Debout sur ce rivage
maudit, il avait promis à sa horde de nouvelles terres à conquérir, de
nouveaux ennemis à tuer et de nouveaux trésors à piller. Grom avait
parlé et la horde l’avait écouté car il parlait avec les mots que les
dieux avaient insinués dans leurs noirs esprits.
Ils avaient bâti
d'immenses carcasses flottantes et avaient pris la mer. Les courants
les avaient portés loin dans l'Océan Occidental jusqu’à ce que la
tempête les prenne dans sa poigne de fer. Comme la main d'un dieu
mauvais, elle les avait jetés sur les rivages d'Ulthuan. La mer en
furie avait bloqué les vaisseaux elfes au port et les gardes maritimes
d'Ulthuan ne savaient rien de l'invasion. Les vents violents avaient
dispersé les brumes magiques qui protégeaient habituellement les
rivages de l'est, comme si un noir dessein voulait que le fléau
s'abatte sur les elfes.
Les vaisseaux accostèrent à Cairn Lotherl, dans le royaume que les elfes
appelaient Yvresse, Grom fit descendre ses troupes et ordonna de brûler
les bateaux. Quarante jours de mer avaient sérieusement éprouvé sa
patience et il avait juré de ne plus remettre les pieds sur un bateau.
Au
son d’immenses tambours, la horde se mit en marche en direction du sud,
brûlant tout sur son passage. Elle fondit sur les avants-postes isolés
comme une colonne de fourmis. Dans le village de Kaselorne, un elfe
mourant révéla l'existence de Tor Yvresse, jurant que le gouverneur de
la cité mettrait un terme à tout cela. Grom rit et annonça qu'il
mangerait le cœur du gouverneur. Les dires des elfes sur une puissante
cité pleine de guerriers en cottes de mailles d'argent excitaient le
cœur de Grom et il sut que c’était l’endroit qu'il devait conquérir.
Elle serait la capitale de son nouveau royaume.
Des rumeurs de la
horde atteignirent le château de Moranion, seigneur d'Athel Tamarha. Le
vieux seigneur était profondément perturbé par ces nouvelles. Son fils
aîné, ainsi que la plupart de ses gens étaient loin dans les terres du
nord, combattant les elfes noirs. Son plus jeune fils, Argalen, était à
Tor Yvresse, étudiant la magie sous la tutelle du gouverneur. Le cœur
du vieil elfe était déjà lourd, car des nouvelles du nord venaient
d'arriver : Eltharion, son fils aîné était au seuil de la mort,
touché près du cœur par la lame empoisonnée d'un sorcier elfe noir. Il
dépêcha au gouverneur des oiseaux messagers, avec des nouvelles de la
horde, puis il envoya ses derniers hommes ralentir les gobelins.
Le
commando rencontra l'avant-garde de l'armée de Grom au gué de Peledor.
Ils prirent position et arrosèrent de flèches les gobelins qui
essayaient de traverser. Les gobelins subirent de lourdes pertes et les
cris de provocation des elfes les rendaient fous. Cependant, ce vieux
renard de Grom, qui avait saisi la situation, avait envoyé un groupe de
guerriers en amont avec l'ordre de traverser à la nage et de prendre
les elfes par le flanc. Les elfes furent repoussés.
Fidèle à son
serment de ne plus mettre les pieds sur un bateau. Il ne voulait pas
traverser la rivière sur un des radeaux de fortune, construits à la
hâte. Au lieu de cela, il envoya ses gardes personnels dans la rivière,
leurs boucliers au-dessus de leurs têtes, et traversa le Peledor sur un
pont de bouclier. Seuls trois de ses gardes moururent en essayant de
supporter son énorme poids.
Sur l'autre rive les gobelins
découvrirent un monolithe géant, une des pierres gardiennes des elfes.
Le chamane de Grom, Dents Noires, examina le menhir orné de runes et
reconnut en lui le point de passage d'un pouvoir phénoménal. Les dieux
noirs lui sourirent et il réussit à contacter ce pouvoir. La puissance
afflua en lui et il s'envola dans la nuit, sur sa vouivre, Serpent de
Mort.
Le jour suivant, l'armée arriva au fort d'Athel Tamarha. En
voyant l'immense palais forteresse, Grom décida que cela devait être
Tor Yvresse. Il resta un moment interdit, la beauté le confondait.
Comme beaucoup d'antiques structures elfes, le fort semblait avoir
poussé sur le roc, les tours de pierres s'élevaient comme des troncs
pétrifiés. D'antiques bas-reliefs presque effacés étaient sculptés sur
les murs. Des statues gardiennes veillaient au-dessus des douves.
Scrutant la chaussée de basalte en contrebas de leurs regards aveugles.
De
sa tour, Moranion regardait cette mer de faces vertes et savait qu'il
était condamné. Les rapports des éclaireurs ne l'avaient pas préparé à
la taille démentielle de l'armée en marche. Elle couvrait tous les
alentours et s'écoulait à travers la plaine, comme une marée verte, en
direction de la maison de ses ancêtres. A sa pointe, il vit la forme
massive de Grom, engoncé dans son char. Au-dessus, une Wyvern prenait
les courants ascendants, un chamane sur son dos. Le sort d'illusion qui
protégeait Athel Tamarha s'était évanoui l'après-midi précédent. En
regardant le chamane gobelin, le vieux seigneur elfe comprit pourquoi.
Une nimbe de pouvoir, plus brillante qu'un éclair et plus terrible
qu'un dragon affamé, scintillait autour de lui.
Il ne sait pas ce
qu'il fait, pensa Moranion, avec horreur. Un tel niveau de pouvoir
finirait certainement par consumer le chamane comme une brindille dans
le feu, mais pas avant qu'il n'ait pu infliger de terribles ravages. Le
chamane avait volontairement absorbé le pouvoir que les elfes
utilisaient pour maintenir leur pays émergé. Les pierres gardiennes
étaient les pivots des sortilèges qui tenaient le pouvoir du Chaos en
respect : des sorts si vastes et si complexes qu'aucun mage ne
pouvait à lui seul espérer les comprendre ou les recréer. Sauf en cas
d'extrême urgence, aucun mage elfe n'oserait y toucher car qui savait
ce qui risquait d'arriver si l'équilibre était modifié même légèrement
? Il y avait là une menace pour la totalité d'Ulthuan et non pas juste
pour Athel Tamarha.
Avec un puissant rugissement les gobelins se
ruèrent à l'attaque sur la chaussée en basalte. La wyvern piqua. De la
main de son cavalier s'échappa un éclair gigantesque. Une odeur d'ozone
emplit l'air et les portes d'Athel Tamarha volèrent en milliers
d'éclats. Moranion savait qu'il n'avait aucune chance d'en réchapper.
Sa maison n'avait que peu de guerriers et la plupart étaient des
vieillards ou des jeunes garçons inexpérimentés. Ils ne pourraient pas
tenir la porte face aux gobelins.
Grom engagea son char sur la
chaussée, tranchant tout ce qui se trouvait sur son chemin. Il arriva
au milieu de la cour centrale où le retrouva Moranion. Le vieil elfe
était vêtu de mailles blanches et d'une cape en peau de loup blanc.
Dans sa main se trouvait son épée runique, Fangsword. Moranion lança
son défi. Grom descendit de son char et traversa la mêlée. Se servant
de sa hache pour bloquer l'épée de l'elfe, il le terrassa d'un coup de
poing. Il se dressa et cria des encouragements à ses gars, le seigneur
elfe inconscient sur son épaule.
Rapidement la bataille fut
terminée. Triomphants, les gobelins parcouraient les salles de
l'antique palais, s'enroulant dans les tapisseries et gambadant à
travers les salles, lacérant des tableaux inestimables et brisant les
bras de statues exquises. Des rires idiots raisonnaient sous les
voûtes. A la lueur d’un feu de parchemins enluminés à la main, ils
sirotaient de la liqueur de rêve dans des bouteilles plus vieilles que
bien des royaumes humains et se goinfraient des fruits de vergers
luxuriants.
À
son grand regret, Moranion revint à lui dans son grand hall. Grom était
assis sur son trône seigneurial, drapé dans sa cape en peau de loup. Il
était flanqué à sa gauche du redoutable vieux chamane et à sa droite
d'un bouffon gobelin bossu. Quand l'elfe essaya de parler le bouffon le
frappa avec une vessie gonflée. Quand il tenta de bouger, il s'aperçut
que ses pieds étaient cloués sur une planche, pour le plus grand
amusement des gobelins.
Dans une langue humaine approximative, Grom
posait des questions et se vantait de sa conquête de Tor Yvresse. A
travers ses lèvres tuméfiées, Moranion laissa échapper un rire. Il dit
à Grom que ce n'était pas la cité mais tout juste un avant-poste.
Pendant une seconde le silence se fit, puis Grom se mit à rire à son
tour. Il était ravi, jusqu'à 'maintenant il trouvait que les elfes
étaient trop chétifs pour se mesurer à lui!
Bientôt, la horde fut de
nouveau en marche. Grom avait ordonné que l’on attache Moranion, nu, à
l'avant de son char. Lorsqu'ils quittèrent le fort, Moranion pleura
amèrement. La demeure de ses ancêtres était en feu. Alors même qu'il
regardait, le toit s'effondra. Une bâtisse vieille de deux millénaires
était réduite en cendres en une journée, par une tribu de barbares
insensés, qui n'avaient aucune idée de ce qu'ils avaient détruit.
Toute
cette longue journée, ils cheminèrent dans un pays vide et ravagé. Les
éclaireurs de la horde, massacraient des hardes entières de cerfs,
abattaient des arbres millénaires. Des champs d'herbes médicinales
irremplaçables étaient piétinés par des semelles de fer. Les gobelins
arrachaient les fleurs et les jetaient, riant comme des enfants cruels.
Sur l'ordre de Dents Noires, les pierres gardiennes qu'ils
rencontraient étaient renversées. A mesure que les ténèbres
s'abattaient, le sol vibrait de petites secousses. Seul Moranion savait
ce que cela voulait dire. Il savait que bientôt une marée d'une
puissance magique terrible se lèverait, avec des conséquences tragiques
pour Ulthuan et le monde. Il frissonna lorsqu'il entendit résonner le
rire dément de Dents Noires. Dans l'obscurité, les yeux du chamane
luisaient du pouvoir récemment acquis.
Sous le couvert de la nuit,
les elfes survivants de l'escarmouche du gué rampèrent à l'intérieur du
camp. Ils trouvèrent Moranion toujours attaché à l'avant du char où
Grom dormait. Ils étaient si silencieux que même les loups ne se
réveillèrent pas. Ils réussirent presque à libérer Moranion, mais Grom
était vieux pour un gobelin et son sommeil était léger. Il sentit les
vibrations lorsqu’on enleva Moranion et il se réveilla avec un
rugissement. Deux elfes se ruèrent sur lui. Il attrapa sa hache et les
abattit.
Les elfes soulevèrent leur chef et s'enfuirent à travers le
camp en effervescence. Grom appela ses archers. Les elfes se
séparèrent. Un groupe fut rapidement encerclé et se prépara à une
résistance désespérée. Les autres fuirent en direction des bois. Ils
furent abattus par une volée de flèches, à deux pas de la lisière.
Moranion lui-même tomba, deux flèches fichées dans le dos. Il essaya de
ramper, une troisième flèche l'atteignit et il mourut.
Au même
moment, clans l'extrême nord d'Ulthuan, le fils de Moranion, Eltharion,
était aux portes de la mort. Sa respiration était faible, son pouls
lent et son front glacé. Alors, ses yeux s'ouvrirent. Il sentit une
présence spectrale dans la pièce et vit son père devant lui. Le visage
du vieil elfe était pâle et meurtri, ses yeux luisaient d'une lueur
bleue glacée, des flèches grossières sortaient de sa poitrine. Le fils
frissonna, sachant que son père était mort.
Le fantôme scintillant
parla, lui disant qu'il était de son devoir de vivre pour le venger et
stopper ce fléau. Pour sauver le pays, il devrait chercher et tuer
celui qui porterait sa cape. Eltharion essaya de toucher son père mais
le fantôme s'était évanoui avant qu'il ne puisse le saisir. Il baissa
les yeux et vit Fangsword, l'épée de ses ancêtres, là où s'était tenu
le spectre de son père. Il se pencha et attrapa l'épée, ses phalanges
blanchirent à force de serrer la poignée.
Quand ses guerriers
entrèrent dans la tente de soie, ils furent surpris de voir leur chef
sur pieds. Eltharion ressemblait à la mort. Ses yeux étaient froids,
ses joues creuses et il y avait dans sa voix un accent amer, qui ne s'y
trouvait pas avant et qui ne devait plus jamais le quitter.
Il monta
sur son griffon de guerre, Ailes d'Orage, et ordonna à ses guerriers
d'embarquer. Il leur dit qu'ils retournaient chez eux. Personne n'osa
le contredire. En l'air, hors de vue de ses troupes, il maudit les
dieux. Le sifflement du vent dans ses oreilles fut la seule réponse.
A
mesure que la colonne de Grom progressait, elle commençait à rencontrer
plus de résistance. Des commandos de Tor Yvresse lançaient des raids
éclairs sur les flancs de la colonne. La nuit, les gobelins voyaient
d'étranges lumières dans les bois et au matin, lorsqu'ils se
réveillaient, les sentinelles avaient disparu. Le sol lui-même
vacillait parfois comme une bête fouettée sous leurs pas. Ils
subissaient quelques pertes mais la présence tranquillisante et
l'autorité de Grom les rassuraient.
Un changement se produisit chez
Dents Noires. Il passait de plus en plus de temps à l'écart. Il avait
arrêté de boire et de manger. La nuit ses rires déments résonnaient
dans le camp et ceux qui les entendaient frissonnaient, aussi braves et
cruels soient-ils. Ceux qui l'avaient vu de nuit, avaient remarqué
qu'il était entouré d'un halo étrange et qu'il devenait maigre et
lugubre. Ses yeux luisaient d'une lumière interne. Sa prononciation,
qui n'était déjà pas claire dans ses meilleurs jours, était devenue
incompréhensible. Même Grom s'inquiétait à propos de l'état mental de
son vieux copain de beuverie. Dents Noires était comme au stade
terminal d'une maladie dans laquelle il se séparait de plus en plus du
monde réel.
A la lueur de la pleine lune, Dents Noires scrutait un
bol de sang à la recherche de prédictions. Il y voyait la grande cité
de Tor Yvresse, bâtie sur neuf collines, ses tours titanesques reliées
par des ponts à plus de cent pieds de haut. Il vit l'armée rassemblée
par les elfes pour aller leur rencontre et il sut qu'ils ne tarderaient
pas à affronter un véritable adversaire. Il en informa Grom qui pouvait
sentir les dommages qu'ils causaient au pays en volant sa magie, mais
ne partageait pas les connaissances du chamane.
Le
commandant de l'armée de Tor Yvresse était Ferghal Lance d’acier.
C’était un bon guerrier mais pas un général. Il avait été nommé au
commandement suprême, car sa famille était influente et bien introduite
dans les milieux politiques tortueux de Tor Yvresse. Sa nomination
reflétait bien le nom qu'il portait et l'honneur de ses ancêtres ;
elle représentait aussi assez bien la faiblesse de la société elfe,
leur passion pour les intrigues, leur division en factions dont les
intérêts passaient avant ceux du royaume, leur inaptitude à prendre au
sérieux des créatures mortelles aussi peu sophistiquées que les
gobelins. Ils croyaient que la horde serait rapidement balayée par
leurs armes et leur tactique supérieures.
Envoyer un chef comme
Ferghal au-devant d'un ennemi aussi rusé et aussi implacable que Grom
revenait à envoyer un enfant à un loup affamé. Les armées se
rencontrèrent dans la plaine à dix lieues de la cité. Si les elfes
avaient été moins confiants, ils seraient restés dans leurs tours
forteresses à attendre du renfort.
L’armée gobeline balaya les
elfes. Grom mena ses troupes à la charge. Sa hache décapita Ferghal.
Les faux de ses roues, fauchèrent les elfes comme du blé mûr. A un
contre un les elfes surclassaient les gars de Grom. mais ils étaient
dépassés par le nombre et l'élan de la charge gobeline transperça les
lignes elfes. Alors que la bataille faisait rage, les peaux vertes,
contournèrent rapidement les flancs des elfes, qui se trouvèrent
attaqués de toutes parts.
Les lances jaillissaient de partout. Les
boucliers détournaient les coups de gourdins. Les cimeterres et les
épées elfiques s'entrechoquaient. Les cris de guerres et d'agonie se
mêlaient. Les loups hurlaient en se repaissant des morts. On entendait
des battements d'ailes en provenance du ciel. Une odeur de sang et
d'ozone emplissait l'air. Toute velléité de stratégie ou de tactique
étaient abandonnées une fois au corps à corps. Les combattant luttaient
poitrine contre poitrine, haletant à la recherche d'une ouverture. Cela
devait être bref, car aucun guerrier ne pouvait tenir longtemps un
combat d'une telle intensité.
Au milieu de cette folie, Argalen.
fils de Moranion, affronta Grom. Le jeune elfe était fou de rage et de
douleur. La vue de la cape de son père, toute tachée de sang avait
rempli son cœur d'un désir de vengeance inextinguible. La rage
meurtrière avait ôté de son esprit toute pensée de recours à la magie.
Il se tailla un chemin parmi les gobelins et sauta à l'arrière du char
de Grom. Grom détourna le premier coup de sa hache, l'épée s'enfonça
dans le bronze du châssis. Alors le chef gobelin fit tomber une grêle
de coups sur Argalen. Maniée par le bras de fer de Grom, la hache ne
tarda pas à répandre le sang du jeune elfe. Argalen tomba.
Grom
souleva le cadavre au-dessus de sa tête et, avec un rugissement, le
lança au milieu des elfes. La chute du jeune homme démoralisa tellement
les elfes qu'ils s'enfuirent. La bataille se transforma en déroute.
Ayant abandonne leurs boucliers pour pouvoir fuir, les elfes se
faisaient tailler en pièces. Moins de la moitié de la fière armée
elfique réussit à quitter la plaine d'Yvresse en vie, les loups les
talonnèrent jusqu'aux portes de la cité. Quand elles virent leur armée
vaincue rentrer, les femmes elfes sur les murailles laissèrent échapper
une grande plainte de deuil pour leurs frères et leurs pères.
On dit
que cette plainte fut si forte qu'Eltharion l'entendit depuis la mer, à
plusieurs lieues de la ville. Il est dit aussi qu'au moment où le
cadavre sans vie de son frère toucha le sol, il laissa échapper un tel
hurlement de douleur que tous ceux qui l'entendirent frissonnèrent et
firent silence. Il n'y avait que tristesse sur les navires de la maison
de Moranion alors qu'ils faisaient voile vers leurs demeures.
Dans
Tor Yvresse, cette nuit-là, il y eut de nombreux deuils. La population
apeurée se massait autour du temple de Ladrielle [Liadriel ?]. Des
nuages noirs de tempêtes s'amoncelaient au-dessus de la cité, une pluie
torrentielle menaçants. Une grande secousse fit trembler et s'écrouler
les murs du côté de la mer. Les palais et les vieux monuments
s'effondraient. Dans la plus haute tour de la cité, le gouverneur
observait les étoiles et faisait des schémas, il consulta les runes et
arriva à une conclusion qui l'emplit de terreur. Il savait que le
réseau, qui empêchait Ulthuan de sombrer et maintenait le vortex en
activité avait commencé à se défaire. Dans leur ignorance les
envahisseurs avaient joué avec des forces qui pouvaient tous les
détruire. S'ils n'étaient pas arrêtés, Yvresse, puis tous les royaumes
elfiques sombreraient dans les flots et un raz de marée de magie noire
submergerait le monde.
Quand il fit part de ses conclusions au
conseil de la cité, il y eut beaucoup de débats. Certains voulaient
prendre la mer avant l'arrivée du cataclysme. D'autres refusaient de
quitter leurs demeures ancestrales et juraient que si leur pays devait
périr, ils périraient avec lui. D'autres encore refusèrent de croire
les conclusions du gouverneur et partirent faire leurs propres
observations.
Pendant trois jours, il y eut un répit. Grom
regroupait son armée et ordonnait la confection de machines de guerre.
Les gobelins dépouillaient les cadavres et les brulaient sur de grands
bûchers. Le vent transportait les cendres maudites jusqu'à Tor Yvresse
et cela achevait de décourager un peu plus les défenseurs. Dents Noires
sombrait de plus en plus dans la folie à mesure que le pouvoir affluait
en lui, lui dévorant le cerveau et consumant son âme. Il restait assis
devant le grand feu de camp alternant divagations et frissons. Ses
prédictions menaçantes provoquaient un étrange malaise dans la horde.
Les
gobelins n'aimaient ni les sombres forets hantées ni les secousses
sismiques. Les éruptions des lointains volcans les rendaient nerveux.
Ils sentaient confusément que quelque chose de terrible se préparait et
ils se mirent à croire aveuglément en leur victoire finale, sans être
sûrs cependant que cette victoire leur apporterait quelque chose. Dents
Noires grommelait que la mer recouvrirait le pays et que les morts
submergeraient les vivants. La gigantesque tempête qui se massait
au-dessus de Tor Yvresse n'avait toujours pas éclaté.
Grom était le
seul qui ne semblait pas inquiet. Il se promenait entre les tentes et
allait voir les sentinelles, un quartier de bœuf dans une main et une
bouteille de vin dans l'autre, sa grande hache attachée dans le dos. Il
remontait le moral de ses troupes avec son air serein, mais, au plus
profond de son cœur, il était perturbé. Il fit cadeau de la cape de
Moranion à Dents Noires le chamane pour lui témoigner qu'il avait
toujours confiance en ses prophéties, mais en fait Grom commençait à se
poser des questions.
Une fois tous les préparatifs au point, il
donna l'ordre de marche vers la lointaine cité. Des bandes de gobelins
tiraient les machines nouvellement construites. Les chevaucheurs de
loups partirent en éclaireurs pour ouvrir le chemin. La horde marchait
au son de tambours monstrueux et le sol vibrait sous ses pas.
À Tor
Yvresse, les défenseurs rassemblaient toutes les troupes disponibles.
Il ne restait pas beaucoup de guerriers pour s'occuper des grandes
balistes des murs d'enceinte, jamais la grande métropole n'avait semblé
aussi vide bien que depuis quelques années. Tor Yvresse ait été à
moitié désertée. Les bruits de pas résonnaient sinistrement le long des
salles vides des palais dans lesquels la population avait rêvé et vécu.
Le nombre des elfes avait diminué au cours de ces derniers millénaires
et leurs cités, construites pour abriter des dizaines de milliers de
personnes bien avant la grande séparation d'avec les elfes noirs,
avaient toujours été calmes. Mais maintenant, c'était l'ombre de la
mort, qui planait au-dessus de la cité, jetant une ombre plus noire que
le ciel d'orage.
Quand les gens parlaient, c'était à voix basse et
le silence oppressant avalait leurs mots. Les voix rugissantes des
lointains volcans étaient les seuls bruits forts que l'on entendait
dans la cité en deuil qui se préparait au siège. Les citoyens se
massaient sur les murs, attendant l'arrivée de la horde et chaque jour
qui passait sans attaque augmentait leur anxiété plus qu'elle ne la
diminuait. Les rumeurs des découvertes du gouverneur, parcouraient la
cité et accroissaient la peur ambiante. La fin semblait proche et les
habitants de Tor Yvresse le sentaient.
Puis,
quatre jours après la bataille des plaines, cela se produisit. Les
citoyens se réveillèrent et trouvèrent les gobelins à leurs portes. Les
crânes brûlés de leurs frères furent jetés par-dessus les murs par le
grand bras du lance-roc gobelin. Cela ne cessa que lorsque Grom
s'avança dans son char, s'arrêtant juste hors de portée de baliste.
Dans un humain hésitant. il dit aux elfes qu'ils étaient condamnés à
moins qu'ils ne se rendent immédiatement et ne le reconnaissent pour
maître. Ceux qui comprenaient la langue des humains se raillèrent de
lui en langue commune. Grom haussa les épaules et ordonna le siège.
D'immenses
tours mobiles avançaient pendant que des rochers et des flèches
pleuvaient sur les murs. Les défenseurs répondirent par un feu nourri,
ils n'étaient cependant pas assez nombreux pour réduire leurs
attaquants au silence. Quand les tours arrivèrent aux murs, les
défenseurs jetèrent du plomb fondu et des flèches enflammées sur les
assaillants, mais ils ne pouvaient pas arrêter l'assaut. Dents noires
fit un geste et la tempête éclata. Une pluie torrentielle s'abattit,
éteignant les feux. Des éclairs frappèrent les remparts comme des jets
de flammes venus de l'enfer. Les défenseurs furent repoussés des
remparts et les gobelins se répandirent comme une marée verte sur les
murs et dans la cité.
Le combat était acharné, on se battait partout
dans la cité, dans les palais et dans les rues. Les gobelins avaient
l'avantage du nombre mais les défenseurs connaissaient chaque recoin et
chaque passage secret de la cité. Les gobelins aux yeux jaunes
poursuivaient les elfes dans les ténèbres et étaient à leur tour
pourchassés. Les sangs se mélangeaient dans les rues détrempées. Les
éclairs éclairaient les scènes de massacres, comme en plein jour. La
folie s'était emparée de tous les combattants tandis que le tonnerre
grondait et que les secousses ébranlaient les bâtiments. Les deux camps
se battaient avec la même fureur désespérée, ne demandant ni ne faisant
de quartier. Des deux côtés, les forces étaient engagées dans le dédale
des rues et l’issue de la bataille restait incertaine, l'un ou l'autre
camp prenant temporairement l'avantage ici ou là.
Aux environs de
minuit, les choses semblaient compromises pour les elfes. Alors le
gouverneur et Dents Noires se rencontrèrent. Le chamane chevauchait sa
vouivre en direction de la tour des mages où était gardée la pierre
gardienne de la cité. Les ailes de Serpent de Mort masquaient le toit
de la tour. Le gouverneur sortit sur son balcon et affronta Dents
Noires. De terribles énergies magiques furent libérées. Des sorts de
mort fusaient et étaient dissipés par des contre sorts. Des gerbes
d'éclairs rebondissaient sur des boucliers de lumière. Deux dieux
mortels se livraient bataille au sommet de la cité. Lentement les
combats cessèrent : les yeux jaunes des gobelins et les yeux bleus des
elfes se levèrent pareillement vers la tour.
Le chamane fit un geste
et des flammes enrobèrent la tour. Le gouverneur les éteignit d'un mot.
Dents Noires parla et sa voix ressemblait au tonnerre. La tour
elle-même vacilla et menaça de s'écrouler. Le gouverneur perdit
l'équilibre et parvint à agripper la balustrade. Sa concentration
momentanément brisée, il était une proie facile pour Dents Noires. Le
sort du chamane l'écorcha vif et il ne resta qu'un squelette accroché,
puis une pluie d'os tomba vers la rue. Dents Noires entra
triomphalement dans la tour. Il avait atteint le centre du réseau de
pouvoir qu'il avait commencé à démêler dès la première pierre.
Maintenant, il se tenait devant la maîtresse pierre de tout l'est
d'Ulthuan. Le pouvoir de répandre une complète et totale destruction
était désormais à sa portée. Il put entendre les portes voler en éclat,
quand les guerriers gobelins entrèrent dans la tour.
Soudain, de
l'extérieur de la tempête, les elfes arrivèrent. La flotte d'Eltharion
entrait dans les eaux tumultueuses du port. Dans une manœuvre d'une
audace insensée, les navires franchirent la houle pour atteindre les
eaux calmes de la rade. Des centaines de coriaces vétérans elfes
prirent pied sur le rivage. Eltharion prit l'air sur le dos d'Ailes
d'Orage, son griffon de guerre, à la recherche de l'assassin de son
père. Le cri de défi du griffon retentit au-dessus de la cité. L'armée
elfe débarqua, enfonçant les rangs des gobelins fatigués et trempés et
se tailla une route vers la grande place de la ville. Les gobelins
battaient en retraite.
À travers le vent et la pluie, Eltharion
volait. Il sentit la présence de Dents Noires et se rendit compte avec
horreur de ce qu'il s'apprêtait à faire. Il sentit l'immense flot de
pouvoir affluer dans le chamane et comprit que, s'il ne le stoppait
pas, ils étaient tous morts. Comme pour accentuer cela, le sol se mit à
trembler. Des palais séculaires s'effondraient ensevelissant
indifféremment elfes et gobelins.
Eltharion piqua vers un groupe
d'élite de ses guerriers et, une fois qu'il leur eut expliqué ce qu'ils
devaient faire, il reprit l'air vers une mort centaine. De sa main
tendue, une décharge d'énergie pure, à la fois arme et défi, transperça
les rangs gobelins masses près de la tour du gouverneur.
Dents
Noires sentit le nouveau défi et sortit pour rencontrer Eltharion.
Pendant ce temps, le gros des forces de Grom affrontait les soldats sur
la place centrale et les troupes d'élite d'Eltharion se dirigeaient
vers la tour du gouverneur. Dans le ciel de la cité, Eltharion et Dents
Noires livraient bataille, tandis que sur la place, ce n'était que cris
et démence, les elfes et les gobelins chargeant et contre-attaquant
sans cesse. A la lueur des éclairs, la Vouivre et le griffon se
battaient becs et griffes dehors, tandis que s'entrechoquaient la lame
elfique et le bâton du chamane. Des éclairs d'énergie jaillissaient en
crépitant.
Ivre de pouvoir et fou de douleur Dents Noires jetait
sort sur sort, tous plus puissants les uns que les autres. Seule la
volonté de fer d'Eltharion lui permettait de les repousser, seule sa
détermination de venger la mort de son père lui permettait de supporter
la douleur. Lentement les pouvoirs surhumains de Dents Noires faisaient
fléchir l’elfe. Sur le visage du prince, la sueur se mêlait à la pluie.
Ses traits autrefois agréables étaient figés en une grimace de douleur.
Une autre décharge et c'en serait fini de lui.
Puis la situation
changea. Les guerriers elfes avaient éliminé tous les gobelins de la
tour et mis le plan désespéré d'Eltharion à exécution. Ils commencèrent
l'invocation de clôture de la pierre gardienne maîtresse. Tous les
pouvoirs passant par la pierre furent alors momentanément stoppés.
Dents Noires s'arrêta au beau milieu d'un sort, étonné par le manque
d'énergie magique. Sachant que c'était la seule chance qu'il aurait,
Eltharion mit routes ses forces dans son coup. Sa lame enchantée fendit
l'air plus vite que l'éclair. La tête de Dents Noires tomba de ses
épaules et son corps vida les étriers.
Dans les rues, Grom
combattait, sa hache se balançant irrésistiblement de droite et de
gauche. Où il frappait un guerrier elfe s'écroulait. Autour de lui, ses
gars se battaient bravement, réconfortés par les prouesses de leur chef
et confiant dans la victoire. Lentement les elfes étaient repoussés de
la place, quand soudain le corps sans tête de Dents Noires tomba comme
une masse devant le char de Grom. Le chef gobelin s'immobilisa,
abasourdi par la mort de son vieil ami. Voyant leur chef les bras
ballants et leur invincible chamane mort, les gobelins s'arrêtèrent.
Encouragés
par l'arrivée d'Ailes d'Orage et d'Eltharion à leur tête les elfes
chargèrent la horde de gobelins avec une vigueur redoublée. Les
gobelins mouraient en masse et les quelques survivants furent repoussés
et s'enfuirent. Même les hurlements désespérés de Grom n'y firent rien.
Acceptant la défaite, Grom haussa les épaules et suivit. Les elfes
étaient trop fatigués pour les poursuivre.
Personne ne sait ce qui
arriva ensuite. Eltharion entra dans la tour avec quatre des guerriers
les plus braves de la bataille. On raconte qu’il y passa la nuit
entière à lutter contre le pouvoir de la pierre gardienne, cherchant à
stabiliser le vortex. Il sortit au matin, le visage plus sombre que
jamais. On ne revit jamais aucun de ses compagnons. Un prix terrible
avait été payé pour sauver Ulthuan.
Il sortit dans une aube
radieuse, pour recevoir l'acclamation de la foule. Mais la lumière du
jour nouveau ne procurait aucune joie à Eltharion. Ni l'admiration de
la foule ni les vivats des guerriers ne pouvaient amener un sourire sur
ses lèvres fines et pales. L'épreuve qu'il avait endurée devait le
marquer à jamais. Depuis ce jour, il fut connu sous le nom d'Eltharion
le Sinistre.
Personne ne sait ce qu'il advint de Grom. Certains
disent qu'il mourut des blessures infligées par Eltharion lorsqu’ils
s'affrontèrent dans le furieux maelström de la bataille de la place.
D'autres disent qu'il est en vie et a réussi à atteindre les montagnes
hantées. Des histoires courent, comme quoi il retourna vers le Vieux
Monde monté sur Serpent de Mort. Personne ne le sait de façon certaine,
on n'en entendit plus jamais parler. Eltharion fut nommé gouverneur de
Tor Yvresse qu'il gouverne avec sagesse depuis de nombreuses années.
Cependant, lors des nuits de tempêtes, on peut souvent le voir sur le
balcon de la tour du gouverneur, lever un poing menaçant vers les cieux
indifférents.