CHAMPIONS

The Lost and the Damned, traduction Kaos

Le printemps : le temps des pluies douces, des bourrasques chaudes, des sous-bois tachetés de bouquets de fleurs éclatantes. Le temps de l'espérance, des espérances. Le temps des amoureux.

Une jeune fille était assise à côté d'un petit ruisseau, cueillant nonchalamment des fleurs et arrachant les pétales. Elle soupira impatiemment - sachant qu'elle aurait sûrement des ennuis pour avoir été absente aussi longtemps, mais son désir de le revoir surpassait sa peur de la matrone.

"Estelle." En entendant sa voix elle bondit sur ses pieds, éparpillant les fleurs mutilées dans l'eau, et se jeta dans ses bras.

"Pourquoi devons-nous continuer à nous voir de cette façon ? " lui demanda-t-elle plus tard, alors qu'ils étaient allongés côte à côte sur un lit d'herbes écrasées et de plantes. "Ne puis-je pas partir avec toi ? Je déteste le village. Ils sont tous insupportables avec moi, et j'ai tellement de travail à faire."

Il posa le regard sur son visage rond et ardemment désireux. Peut-être, dans un autre monde, un monde meilleur, aurait-il arraché cette fille à sa morne existence et lui aurait-il donné une meilleure chance. Mais il était trop tard désormais. Il avait changé, il ne pouvait plus revenir en arrière.

"Je veux que tu garde ceci, Estelle", dit-il en plaçant un médaillon dans ses mains qui ne résistèrent pas. " Je vais devoir m'en aller maintenant, tu ne me reverras jamais. Je...je suis désolé, mais c'est ce qui doit être fait. "

Des larmes perlèrent dans ses yeux bleus. " Tu ne peux pas me laisser ! Tu avais dit que tu m'enlèverais, que nous allions nous marier..."

"Je n'ai pas le temps de discuter avec toi, Estelle. Au revoir." Il tourna le dos à la fille en pleurs et s'en alla à travers la forêt, frottant inconsciemment les petites cornes qui bourgeonnaient sur son front.

* * *

Au cœur de l'hiver : des rafales de neige glacée soufflaient entre les arbres assombris et sans feuilles. Les oiseaux se serraient les uns contre les autres pour se réchauffer sur les branches oscillantes. C'était le milieu de la nuit, et trois silhouettes voûtées emmitouflées dans des capes étaient assises sous les troncs d'arbres. Devant elles, soutenu par un tas de pierres, se dressait un chaudron de fer. Il était rempli de sang.

"Froid, froid !" gémit une petite créature accroupie sur une pierre.

"Fais taire cette chose, Pussbubble, ou je la mange !" grogna le plus grand des magiciens. Pussbubble avança une main pleine de pustules et prit précautionneusement le nurgling tout en chassant les mouches, puis le déposa dans la chaleur de sa cape, où il commença à ronronner de satisfaction.

"Pouvons-nous commencer, ou allons-nous passer la nuit à jouer avec des familiers ? Commencez les incantations."

Des mots étranges et terribles montèrent dans l'air, des mots parmi ceux qui ne devraient jamais être entendus par les hommes. Tous les oiseaux s'enfuirent dans la noirceur de la nuit, sauf un, un énorme étourneau. Les magiciens s'avancèrent et fixèrent l'intérieur du chaudron avec espoir.

"Seigneur Nurgle, préserve-nous, le sang a gelé", dit Gall. "Pussbubble, donne-moi ce nurgling. Et ne me regarde pas avec ces yeux-là, tu es déjà trop gros."

Alors que le nurgling gesticulant coulait à travers l'écume gelée, le sang commença à se liquéfier. Gall étendit délicatement une griffe et remua le liquide sombre en rond, créant un petit tourbillon.

Le troisième sorcier rejeta son capuchon en arrière et plaça sa tête au dessus du chaudron à présent fumant. Il n'avait pas d'yeux, juste des orbites vides d'où suintait continuellement une bile d'un jaune verdâtre.

"Je vois," dit-il d'une voix distante et caverneuse," je vois un monde. Sur ce monde, il y a une forêt, dans cette forêt, il y a un village, et dans ce village, se trouve un enfant. L'enfant doit être détruit - il pourrait devenir un outil puissant dans les mains de l'ennemi éternel de notre Maître. Son esprit est déjà teinté de couleurs interdites."

* * *

Une fille mince chargée d'un bébé marchait à travers les fourrés enneigés, ramassant des brindilles pour le feu. Lorsque le bébé se mit à pleurer, elle épousseta la neige de dessus un tronc tombé à terre et s'assit pour le nourrir. Alors que le bébé tétait, elle posa le regard sur son visage satisfait et sourit. C'était un beau bébé, bien portant, avec des cheveux d'un noir de jais et des yeux pourpres impressionnants. A son cou pendait le médaillon, le seul présent que son mystérieux amant lui ait jamais donné. Sa forme étrange et sinueuse la mettait mal à l'aise pour une raison qu'elle ne pouvait réellement s'expliquer, si bien qu'elle l'avait donné au bébé, en guise d'amulette.

Lorsqu'elle fit demi-tour pour rentrer au village, les buissons derrière le tronc d'arbre se mirent à remuer, et une silhouette encapuchonnée en sortit. Il huma le vent d'un air méditatif, puis se mit à boitiller en direction du village, suivant précautionneusement les traces de la fille.

Dans leur sillage, un grand étourneau sautillait maladroitement dans la neige, battant des ailes pour garder son équilibre.

* * *

"Va dans la cuisine et lave les légumes, espèce de fainéante," cria la matrone. "Tu es restée dehors pendant des heures ! Si tu ne trouve pas plus de brindilles demain, tu n'auras pas de souper . Et ton marmot sans père peut bien mourir de faim, ça ne m'empêchera pas de dormir !"

Trop gelée et trop trempée pour répondre, la fille emporta le bois dans la cuisine de l'auberge, et se mit au travail sur la pile de racines de légumes pleines de vermine. Au dehors, les bourrasques de neige s'approchaient du village. La matrone, une grosse femme au visage en sueur, entendit le claquement de la porte de l'auberge et s'empressa d'aller s'enquérir des besoins de son client, ceux-ci se faisant rares en cette saison (ou plutôt en toutes saisons) de l'année.

Bien qu'il y ait un feu (quoique petit et vacillant), le client n'avait pas pris la peine d'enlever sa cape, si bien qu'elle ne pouvait voir son visage. Il était évident qu'il ne consacrait pas beaucoup de temps à sa toilette. Lorsqu'il prit sa bière du comptoir, sa main effleura celle de la matrone et elle recula de dégoût, essayant toutefois de cacher sa répulsion dans un élan de politesse mal placée.

L'étrange client malodorant resta à l'auberge toute la soirée, sirotant son verre de bière frelatée jusqu'à l'heure de la fermeture. Des villageois allaient et venaient, mais il ne leur prêtait guère d'attention. La matrone remarqua vaguement qu'un bon nombre de personnes avaient l'air de tousser et de renifler. Elle finit par se sentir elle-même un peu fiévreuse - une petite grippe hivernale devait circuler, pensa-t-elle.

* * *

Une bande guerrière traversa la forêt, leurs mises extravagantes contrastaient fortement avec les couleurs austères du paysage hivernal. Des joyaux brillaient sur leurs armures et sur leurs bannières, de petites cloches carillonnaient sur les harnais de leurs étranges montures, et les couleurs brillantes de leurs capes les faisaient flamboyer.

Comme ils ralentissaient pour franchir la rivière, un grand étourneau descendit du ciel pâle. Il se posa sur la tête de l'une des montures et, ignorant les mouvements de tête agacés de la créature, tendit au cavalier un présent de son bec ornementé. Le Champion, un homme récompensé d'une tête et de pattes de cerf, prit le cadeau: une amulette façonnée d'après le sceau de Tzeentch.

"Estelle !" cria-t-il, avant de relancer sa monture dans les bois, ignorant les protestations de ses compagnons de voyage.

* * *

Le village est étrangement calme, et une forte odeur emplit l'air: une odeur de mort, une odeur de décomposition. Des corps gisent, étalés au hasard à l'intérieur et à l'extérieur des maisons. Des corps défigurés par des cloques vertes purulentes et des pustules pourpres virulentes.

Le silence est brisé par le cri perçant d'un bébé affamé. Il repose dans les bras de sa mère, mais celle-ci ne bouge plus désormais, et son corps se refroidit. Le bébé s'agite et se tortille, essayant de s'arracher à son étreint raidie.

Avec un fort craquement, la porte de la cuisine s'ouvre à la volée, et une grande silhouette à pattes de cerf se découpe dans le ciel pâle d'hiver. Le bébé, loin d'être apeuré, gazouille d'enchantement, et tend les bras vers son sauveur.